Au coeur de la forêt

Dire qu'il était désarçonné par la promptitude de la réponse de Dame Bennet et de son engouement manifeste eut été un bien faible mot. Ce n'était pas qu'il ne goûtait guère aux chutes à bas de monture, au contraire, mais il prisait plutôt les lices, les fracas d'épées contre les boucliers, le son des armures qui se froissent sous l'impact l'une lance... L'odeur du métal sous la rosée du matin, la monture qui piaffait d'impatience, et la vision du fanion bénédictif flottant au bout de l'arme l'enthousiasmait.

Nul n'aurait pu réellement savoir ce qu'avait pensé Lizzie de son récit. Peut-être n'avait-elle eut que des pensées étrangères et pourquoi pas libidineuses envers sa personne. Guéthenoc était dans la force le l'âge après tout. Fringant, fraîchement barbu, rapidement viril, et en somme honnête. Le gendre idéal. Aimé par toute les mamans. Il n'était point échaudé par la particularité physique de la jeune femme. Elle n'avait qu'un œil, lui, n'avait qu'un testicule. Ils étaient fait pour s'entendre.

- « La Dame est omnisciente ! Elle sait tout. Elle voit tout. Elle m'a instruit et M'a dispensé Son Savoir. Les Chevaliers d'Antan n'étaient qu'Orgueil et Préjugés. Ils n'avaient en vérité pour seul soucis que leur bien-être. Ils ont oubliés qu'ils étaient au service, non seulement de leur Roi et de la Dame, mais aussi du bas peuple ».

La question posée par Lizzie quant aux écueils à éviter, il en avait longuement discuté avec feu Arnaud Meula, Son Maître Pie. Ils avaient convenus que les Vertus dispensées par la Dame, telle une pommade, se devaient d'être portées par chacun d'entre eux.

- « Nous devrons être tenir la promesse de n'être jamais cruel, ni lâche, de ne jamais abandonner et de ne jamais se rendre. Je ne suis point doctorant en la matière, mais j'aspire de tout mon cœur à respecter ces préceptes ».

Il était presque certain que la Dame Cyclope tomberait en accordance avec lui. Il l'imaginait déjà revêtu de la cape de l'Ordre. Elle serait belle et fringante. Il avait hâte que tout les Promis à la Chevalerie soient réunis en Castellyn pour être adoubés.

Servir le peuple, voilà une idée qui me sied. Je suis une femme du peuple. Mon statut confortable de propriétaire de commerce, mon retour à Poudlard en tant que professeure, pourrait presque faire oublier d’où je viens. Pourtant je sais que dans les hautes sphères, mon passé ne sera jamais oubliée. Une famille de femmes, un couple divorcé, des filles décédées, une année vécue sans domicile fixe, un licenciement rapide, une scolarité non achevée, un passage à Azkaban, une série d’échecs à la Coupe d’Angleterre…

Mes évolutions oculaires n’ont rien aidé. J’étais l’archétype de la femme essayant tant bien que mal de faire oublier d’où elle vient, mais essayant trop fort, et incapable de modifier l’avis des anciens. Seuls mes pairs et les plus jeunes avaient une chance d’être dupés. C’était la même histoire pour Barjow & Beurk, dont je tentais de faire évoluer la réputation au profit d’une boutique centrée sur les magies méconnues et méprisées - et non uniquement sur la magie noire.

Cela ne change rien à ma motivation. A mon échelle, j’ai réussi. Au vu des cartes que j’avais dans mon jeu, j’ai su tourner les choses à mon avantage. Et vous savez ce qu’on dit, il faut réussir pour servir. A présent, je suis asservie aux idéaux qui me tiennent à coeur, et convaincue de l’urgence d’oeuvrer pour une redistribution des biens. Si possible avec un soupçon d’anarchie car le pouvoir c’est nul.

De la même façon, la question d’un serment me plaît. Qu’il soit licite ou non, d’ailleurs… Peut-être devrais-je éviter de le préciser d’emblée. Merlin, tu te laisses assermenter par n’importe qui sitôt que tes idées s’alignent avec celles d’un être humain !
– Se fera-t-on un serment tous ensemble, ou puis-je te le faire à toi ? Ah. Et autre question - a-t-on le droit de jurer sur la Dame, par la Dame, pour assurer notre sincérité, ou est-ce considéré comme du parjure ?

Grenouilles de bénitier, voilà une formule qui le chagrinait. Jamais n'aurait-il voulu que les Chevaliers de la Table Ronde soient considérés comme tel. Il s'agissait d'une représentation peu flatteuse et qui lui semblait si loin de Ses projets. Enfin Ceux de la Dame. Il espérait ne point se livrer à un prosélytisme éhonté en vantant Ses Mérites, en exposant à l’œil unique et aux oreilles aux aguets de Miss Bennet, Ses Vertus et Ses Aspirations. Certes, Guéthenoc était un Émissaire mais il ne serait guère un gourou.

Il tenait cette réflexion suite aux questions, tellement légitimes de son interlocutrice. Celle-ci démontrait une ouverture d'esprit et une curiosité tout à fait charmante et rafraîchissante. Il était à présent certain qu'ils iraient loin ensemble. Peut-être pas toujours main dans la main, mais Lizzie devait avoir un don pour la pertinence, doublé d'un instinct plus que développé. Ces qualités seraient fortement utiles et mises à l'épreuve au sein de l'Ordre. Il se félicita intérieurement de la Clairvoyance de la Dame.

- « Je T'avouerai bien volontiers que J'imaginai une Cérémonie solennelle en Castellyn... Mais Tu peux tout à fait prêter Serment à la Cause dès à présent, auquel cas, Je serai en garance de Ton allégeance ! La Dame en sera aussi Témoin. Apprend qu'Elle n'est jamais bien loin... Toutefois, Ta présence sera requise le jour de l'Adoubement ».

Il ne pouvait transiger sur ce dernier point. Tous devait être présent. Sans aucune exception, car à ce moment, tous recevraient la Bénédiction de la Dame. Il ne pouvait en être autrement. Ni plus ni moins.

- « Mh... Tu soulèves là un point intéressant. La Dame n'est point Merlin ! J'ai déjà loué Ses Bajoues tremblotantes sans attirer Ses foudres, or donc Je gage que la dame ne portera point ombrages d'êstre invoquée ! Au contraire, Louons Son Nom ! ».

Il n'y aurait nul parjure, si ce n'était l'éventualité d'une trahison envers la Table Ronde. En tel cas, il ignorait comment il réagirait. Il n'était point un bourreau ni un esprit vengeur. Il laisserait la Dame seule juge.