Faire une sieste alors qu'on est au mois d'avril et qu'il fait déjà relativement chaud, c'est presque inconcevable. Et pourtant, c'est ce que je viens de faire. Je me réveille doucement et constate avec dépit que j'ai dormi pendant presque deux heures. Je suis vraiment pitoyable, mais bon, c'est ainsi. En ouvrant les yeux et en regardant ma table de chevet, je vois que ma baguette magique brille par son absence. Mais où ai-je pu bien la ranger ? Je fais un effort considérable pour m'en souvenir, mais rien. Peut-être qu'elle traîne encore dans mon pantalon que je portais tout à l'heure ? Il faut vraiment que je fasse davantage attention à mes affaires, sinon, je passerai ma vie à les chercher. Mais je sais ce qui me rend si vulnérable, si triste et si... solitaire. Seulement, je n'ai plus personne à qui en parler. La seule personne à qui je pourrai en toucher un mot, c'est celle qui me mets dans cet état lamentable. Je ne sais plus comment me relever pour m'en sortir. Mais il va bien falloir que je trouve une alternative avant de faire une bêtise qui pourrai détruire le reste de ma famille. Et comme je ne suis pas égoïste, je vais tout faire pour éviter d'en arriver à une telle extrémité. Bref, il est temps que je m'habille presque convenablement pour pointer le bout de mon nez dehors. Je ne vais pas rester enfermé dans le château, ça serait stupide.

En sortant dehors, le soleil me tape déjà sur la nuque et me brûle les yeux. Avec des lunettes, je pense que ça ira mieux. C'est vraiment un inconvénient d'avoir les yeux aussi fragiles. En arrivant dans le parc, je marche, sans but. Je ne sais pas où m'installer en raison du monde présent. J'ai juste envie d'avoir un coin où je serai seul, tranquille et où je pourrai pleurer sans que quelqu'un vienne me poser des questions sur mon état émotionnel. J'aurai du apporter ma guitare pour jouer un peu et chanter, mais je l'ai oublié. Elle aussi, décidément. Je m'arrête un instant, inspire un grand coup, une larme coulant sur ma joue. Je me sens atrocement mal. Et il ne me reste plus qu'à marcher jusqu'à un arbre...

Les questions restaient sans aucune réponse. L'état d'esprit maussade de Jude se faisait de plus en plus fréquent. Il avait l'impression d'être bloqué, de ne pas pouvoir avancer sans obtenir les renseignements qu'il attendait depuis longtemps. Sur l'origine de sa vie, sur son passé. Son histoire était basée sur des mensonges, il avait été dans l'obligation d'inventer pour se faire accepter au sein de l'école. Il ne voulait pas inspirer de la pitié aux autres. C'était fini désormais. Cette époque était révolue. Mais, à dépit de tout ça, Jude Hopkins était un pièce fictive. Il le savait très bien et il ne s'en vantait pas. Il n'avait personne à qui parler, il n'apportait aucune once de confiance dans son entourage. Ils pouvaient tous être probablement des traîtres qui profiteraient de savoir ça pour s'amuser de lui à la première occasion. Il lui manquait cette personne, en qui il aurait l'entière certitude de ne pas devenir sa marionnette par la suite. Il n'en demandait pas tant mais cela semblait être l'aumône.

Le soleil avait montré le bout de son nez, au plus grand bonheur des élèves qui n'hésitaient pas à en profiter. Jude voulait s'immiscer dans la masse, faire comme-ci il était comme les autres, pour une fois. Il était lassé d'être différent. Des fois, cela allait dans son avantage mais il ne désirait pas être pris pour un solitaire. Même si au fond, c'est ce qu'il était, il livrait son combat seul et dans les coulisses. Caché du bourdonnement social. S'élançant dans un nouvel horizon, ou plutôt perdu dans ses pensées, il en oublia même qu'il marchait. C'était presque monotone. Un pas devant l'autre, sur un air enfantin, le bruit des oiseaux au loin. Quoique, c'était peut-être des dragons finalement...

Comme-ci la raison de sa distraction ne suffisait pas à le faire déprimer, voilà désormais qu'il venait de foncer dans quelqu'un. Un étudiant, probablement, quelqu'un qu'il ne connaissait pas mais qui semblait vraiment s'apparenter à un homme. Qui était un peu trop blanc. Quelque chose n'allait pas. Il était en sueur, semblait être paniqué. De là, deux solutions s'offraient à lui. Savoir pourquoi ou partir comme il est arrivé. Bien évidemment qu'il opta pour la première, il n'était pas si mauvais que ça.

« Ne me dis pas que tu te mets dans cet état parce que tu as failli te manger le sol ? »

Le tout dans son élégance habituelle et sa forte envie de sociabiliser avec les autres. De la pure ironie, depuis le début. Peut-être qu'en fait, depuis cette fameuse nuit où il a été enlevé, il ne vit qu'un mauvais rêve qui dure plus longtemps que prévu ? Peut-être qu'il est dans le coma pour de longues années ?

La tristesse commence à avoir raison de moi. Une larme, puis une seconde... Un flot de gouttes salées commence à ruisseler sur mon visage. Je vois flou. Ma vision est altérée par ce chagrin si profond. Je suis tellement seul que je ne sais plus comment m'en sortir. Bien des gens ont essayé de savoir ce qui me rend si triste, l'air maussade. Mais je ne parviens pas à me confier. Je ne fais confiance à personne. Plus pour le moment en tout cas. Ou alors, il faudra que la personne qui vient à moi soit quelqu'un d'exceptionnel et surtout, quelqu'un qui devienne mon ami. Je refuse de confier mes secrets et pensées les plus noires à quelqu'un qui ne sera pas digne de rentrer dans mon cercle amical. Ou du moins, ce qu'il en reste. En effet, à force de tourner le dos aux gens avec mon état que je qualifie de pitoyable, ce sont eux qui me tournent le dos à présent. Et je ne peux pas leur en vouloir, je ne peux que les comprendre. Parfois, je me dis que j'ai l'air complètement stupide. Je commence à sécher mes larmes et parviens à me calmer un minimum. Mes cheveux semblent virevolter au gré du petit vent chaud qui souffle dans le parc du château. Je vois les gens sourire, ayant la joie de vivre. J'aimerai tant être comme eux et j'ai l'impression que j'en suis privé. Pourquoi donc ? La vie est décidément très compliquée quand elle veut vous faire du mal. J'observe autour de moi avec un rapide coup d’œil et ne vois aucun arbre où je pourrai me détendre, assis au pied de ce dernier.

Après m'être souvenu d'avoir retrouvé ma baguette, je la sors de ma poche et la fait tournoyer entre mes doigts tout fins. J'ai envie de me défouler sur la première personne ou la première chose qui viendra me contrarier. Mais je dois me montrer responsable et raisonnable, donc je dois éviter de m'attirer des ennuis. Je me souviens en avoir eu assez lorsque je traînais avec cette Castielle. Ce jour-là, j'avais eu un élan de rébellion et je voulais à tout prix le montrer. Sauf que rien ne s'est passé comme prévu, malheureusement. D'ailleurs, je suis toujours rancunier envers elle. Nous avons écopé d'une retenue et je lui en veux encore énormément. Mais bref, il est temps que je continue cette marche solitaire avant de fondre sur place. La chaleur commence à bien me taper dans la nuque et je vais finir par devenir rouge écarlate. La sueur commence à se manifester sur mon visage couvert de larmes oubliées. En marchant, je ne peux pas m'empêcher de paniquer à l'idée que mes problèmes ne vont pas s'arranger. J'ai peur que ça empire en fait. Et pour terminer de m'achever, quelqu'un me rentre violemment dedans. En tombant, je manque de manger de l'herbe. J'ai déjà une colère qui monte en moi. J'hésite à me retourner sans prévenir pour cogner la personne. Mais je n'en fais rien du tout. Il me dit :

- Ne me dis pas que tu te mets dans cet état parce que tu as failli te manger le sol ?

J'y crois pas... Il me fonce dedans et il a le culot de me parler de cette manière ? Le monde est contre moi, ou c'est quoi ce délire à la fin ? J'ai simplement envie d'avoir la paix et finalement, je trouve les problèmes à la place. Je suis littéralement dépité par cette situation. Elle peut lui sembler risible à ce jeune homme qui se tient devant moi. Mes yeux bleus sont rivés sur lui et en l'observant davantage, je pense qu'il ne doit pas être plus âgé que moi, au contraire. Si ça se trouve, nous avons le même âge en fait. Puis, je détache mon regard de cet être malpoli pour le reporter sur ma baguette. Ça me démange...

- Je ne suis pas entrain de manger le sol, comme tu le dis si bien, mais j'ai... des problèmes assez personnel, rétorque-je, donc je me passe volontiers de cette ironie venant de toi, surtout que je ne te connais pas. Peut-être que tu as simplement envie d'être méchant ou alors, tu as juste eu envie de te moquer de moi.

Je réalise que mes paroles vont déjà trop loin et je vais le faire fuir. C'est peut-être idiot en pensant que je tourne le dos aux autres, mais, je sens qu'avec lui, ça peut être différent. Il a ce quelque chose qui m'inspire une certaine confiance, mais je vais rester sur mes gardes. Je crois que c'est son ironie qui me fait cet effet.

- J'suis désolé, dis-je en me relevant, je ne suis pas spécialement bien en ce moment. Je suis en train de craquer, complètement. Mais j'veux pas t'embêter avec mes problèmes, donc vaut mieux que j'y aille.

J'ai envie de rester, mais si ça se trouve, il ne voudra pas de ma compagnie. D'ailleurs, qui en voudrait ? J'suis triste, abattu, anéanti, faible, vulnérable... et toujours colérique. Il aurait raison de me laisser partir sans dire un mot.

Les erreurs arrivaient fréquemment. Certaines étaient plus graves que d'autres, mais elles avaient toutes un point commun chez Jude ; que l'auteur de cette faute soit lui ou quelqu'un d'autre, il fallait constamment remettre la faute sur la personne d'en face. Dans ce cas précis, le serpent savait très bien que le fautif c'était sa propre personne. Mais non. Ça ne pouvait pas être pas lui. C'était cet étudiant. Il n'avait qu'à regarder où il marchait. Et d'ailleurs, qui marche en ayant des sueurs comme il pouvait avoir ? Le soleil battait, il aurait pu s'installer et patienter le temps que son état s'améliore. Non, en dehors de ça il était venu, dans le même chemin que Jude. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.

Un échange de regard insistant s'installa entre les deux. Jusqu'à ce qu'il soit coupé par des lamentations. Hopkins venait donc de déranger un homme qui semblait avoir un tas de souci. Un climat plutôt embarrassant se créa. Le serpent ne savait absolument pas quoi répondre à de tels reproches, il n'était pas souvent sujet à ce genre de remarques. Lui qui aimait sa solitude s'impressionnait de jour en jour. Le voilà désormais en train d'attaquer un pauvre étudiant qui n'avait rien demandé d'autres que d'être seul. Un sentiment de compassion l'empara. Malgré tout, un humain est formé d'un cœur. Jude en avait un. Il se sentait mal, désormais.

Les choses n'allaient pas s'arranger lorsque l'homme, au visage bien triste, s'excusa. Il avait besoin de s'exprimer, ça se ressentait. Mais le serpent ne savait pas du tout réagir dans ce genre de situation. Il n'en avait jamais vécu. La vie était remplie de surprises, il était bien au courant mais il ne s'attendait pas à celle-ci. Alors, il avait une réaction neutre face à ses propos. Comme-ci on lui contait le temps qu'il faisait dehors. Pas qu'il ne s'y intéressait pas, uniquement que cette discussion changeait par rapport à celles qu'il pouvait supporter à longueur de journée. Les gens n'avaient pas pour habitude d'aller se plaindre envers lui.

« Je... Je ne voulais pas que ça te blesse. Je ne sais pas trop si mes conseils sont appropriés, mais je pense que si tu as envie de craquer, tu devrais le faire. Personne ne te retient ici je pense. Et après, si t'as besoin de parler, pourquoi pas. »

Il pouvait considérer ça comme une preuve de compassion et être fier de celle-ci car Jude n'en faisait pas régulièrement. Il se demande même si ce n'était pas sa première...

Dans ce type de situation, je commets toujours la même erreur : être agressif envers la personne qui utilise le second degré. Mais moi, je prends tout au pied de la lettre et je sais que certains n'apprécient guère ce genre de personne. Inconsciemment, je dois chercher la compassion et la pitié de quelqu'un. Mais je n'y peux rien, c'est malgré moi. Je galère toujours à trouver une personne de confiance. Ici, le jeune homme n'est pas fautif, c'est moi. Je ne regardais pas du tout où j'allais et c'est le genre d'accident qui finit par arriver. Je ne peux donc pas lui en vouloir, mais je devrai m'en vouloir à moi-même plutôt. Quelle ironie... Je constate que mes paroles le mettent à mal et ce n'était pas du tout mon intention. Maintenant, j'ai de la peine pour lui. Oui, j'en ai pour si peu, parce que c'est dans ma nature, bien que j'ai souffert durant des années. Malgré ça, j'arrive à être empathique ou du moins, un minimum. Bref, il doit me prendre pour un espèce de fou, surtout avec la sueur qui est bien apparente sur mon visage. Je n'ai pas eu le temps de trouver un endroit où m'abriter de ce maudit soleil. Pour une fois, j'aimerai bien qu'il fasse plus froid et pourtant, quand on me connaît, on se dit que ce n'est pas possible que j'ai une telle pensée. Il me sort de mes pensées alors que je lui ai déjà tourné le dos :

- Je... Je ne voulais pas que ça te blesse. Je ne sais pas trop si mes conseils sont appropriés, mais je pense que si tu as envie de craquer, tu devrais le faire. Personne ne te retient ici je pense. Et après, si t'as besoin de parler, pourquoi pas.

Je me doute bien qu'il n'a pas voulu me blesser, mais je ne dis rien pour le moment. Des conseils... Voilà ce dont j'ai réellement besoin, mais craquer devant lui... Est-ce une si bonne idée ? Peut-être que je devrais simplement lui expliquer ce qui ne va pas. Je craquerai à un autre moment quand je me serai assuré d'être seul, sans même quelqu'un autour. Je n'aime pas que l'on me voit pleurer à chaudes larmes. Pour en revenir à ce qu'il me dit, il a raison, j'ai besoin de parler. Je ne sais plus à qui j'ai réellement parlé de certains problèmes pour la dernière fois. Enfin, si, je sais. Mais c'est cette personne qui me mets à mal aujourd'hui. Je me retourne face à lui et plonge mon regard bleu dans ses yeux. L'espace d'un instant, j'observe sa robe de sorcier et constate qu'il s'agit d'un Serpentard. Bon, ce n'est qu'un détail, mais est-il réellement digne de confiance au moins ? La plupart des gens de sa maison sont pour moi de mauvaises personnes avec quelques rares exceptions. J'ouvre alors ma bouche afin de dire :

- Bah, c'est moi qui aurait dû regarder devant moi. Je m'excuse. Me concernant, tu as raison, je vais finir par craquer et ce n'est pas une mauvaise idée, mais ce n'est ni l'endroit, ni le moment.

J'adopte un ton plutôt nerveux, comme si j'avais peur qu'il me fasse du mal. Mais je n'ai pas peur voyons. Je suis bien plus fort que ça. Il faut quand même que j'arrive à lui faire confiance, puisqu'il ne m'a pas l'air d'être une mauvaise personne. Et si je n'extériorise pas rapidement mes problèmes, je vais finir par faire une crise de nerfs tellement violente que je ne m'en remettrai jamais. Libre à lui ensuite de m'écouter et de me conseiller s'il en a envie.

- On devrait continuer à marcher jusqu'à un arbre pour s'abriter du soleil. En fait, il faut déjà que tu saches que je suis gay, dis-je en marchant, et c'est à cause de mon copain que je suis dans cet état. J'espère que ça ne te dérange pas de côtoyer une personne... comme moi... Enfin, on ne se connaît pas, mais bon, voilà, je préfère être franc dès le départ quoi.

Nous continuons de marcher jusqu'à trouver un arbre pour nous procurer de l'ombre.

Jude avait comme habitude de scruter chaque geste, chaque réaction ou encore chaque humeur des autres. La solitude lui avait bien appris une chose ; c'était celle de faire attention à tout. Là, devant lui, se trouvait quelqu'un en qui il pouvait avoir confiance, au premier abord. Sous ses airs de Poufsouffle, il ne semblait pas être bien méchant. Il avait simplement l'air d'être perdu. Ça arrivait, de l'être. Puis la plupart du temps ça ne durait pas. Il fallait qu'il trouve cette personne qui répondrait à ses questions ou qui, du moins, l'aiderait à passer à autre chose. Ce n'était pas chose aisée mais les défis passionnaient le serpent. Il ne savait pas pourquoi mais il avait envie d'être cette personne. Il avait envie d'aider pour une fois. Ne pas penser à sa propre personne allait le changer, ça allait être une épreuve à affronter.

Alors que Jude ne s'était pas excusé, par fierté, son interlocuteur n'avait pas hésité à le faire. Il annonça également qu'il allait bientôt craquer, mais pas maintenant, pas ici. En attendant, le serpent avait hâte de voir ça, il voulait être là pour voir comment les blaireaux pouvaient craquer. Il ne discriminait aucune maison, enfin, il essayait de se réconforter comme ça du moins. En attendant, il ne savait pas si c'était comme ça chez tous les étudiants à Poufsouffle, mais celui qui était en face de lui avait beaucoup de choses à dire. Il avait réellement besoin de parler. Il continua en annonçant son homosexualité et en expliquant la raison de son humeur.

La première réaction du brun fut la surprise. Il ne l'extériorisait pas, il ne voulait pas le blesser. Mais c'était les premiers mots que les deux s'échangeaient et le fait que le Poufsouffle en vienne directement à parler de son orientation sexuelle, différente de la plupart, l'avait perturbé. Il ne pensait pas que les gens pouvaient en parler avec autant d'aisance, sans peur d'être jugé. Lui ne semblait pas en avoir peur en tout cas. Cette force d'âme était impressionnante. Il voulait limite l'applaudir pour cela.

« Euh... Il t'a fait du mal, ton copain ? Il s'est passé quoi ? »

L'horreur. Il ne savait absolument pas quoi lui dire et ses questions semblaient provenir de loin. Il n'avait qu'une envie, c'était de s'enterrer dans la terre, ou dans le sable à la manière des autruches.

Il y avait longtemps que je n'avais pas eu de compagnie. Je dois avouer que marcher avec quelqu'un me faisait énormément de bien et je me sentais un peu mieux. Même si cette personne ne pouvait pas résoudre mes problèmes, il pouvait au moins m'écouter et c'était déjà pas mal. Qui a dit qu'écouter autrui, ce n'était pas aider autrui ? Je pars du principe qu'il m'aide à sa façon. En lui annonçant mon homosexualité, je ne suis pas sûr de bien faire. Je scrute son visage ou sa réaction avec prudence, il vaut mieux rester sur le qui-vive. Peut-être que ça va le gêner. Peut-être qu'il va se sentir obligé de partir, loin de moi comme si je représentais une dangereuse maladie. Mais visiblement, ça n'a pas l'air d'être un problème pour lui, comme ça pourrait l'être pour d'autre. J'ai la chance d'en parler avec franchise et honnêteté, parce que je n'aime pas mentir ou cacher des choses sur moi. Puis, il sait maintenant à quoi s'en tenir avec moi et il n'aura pas de surprise s'il avait dû l'apprendre par quelqu'un d'autre plus tard. Il me sort de mes pensées :

- Euh... Il t'a fait du mal, ton copain ? Il s'est passé quoi ?

A travers la question du jeune serpent, je vois qu'il ne sait pas spécialement quoi dire pour me réconforter. Mais je ne peux pas lui en vouloir, c'est normal. Moi-même, dans la situation présente et avec les rôles inversés, je ne suis pas certain que je serai d'une aide précieuse. Je serai seulement une oreille attentive. La réponse à sa question est simple. Mais je ne sais pas comment lui en parler, ni dans quel ordre. Je suis vraiment perdu. Le fait que je sois presque contraint de me confier à quelqu'un que je ne connais pas, ça me fait bizarre. Je n'ai pas l'habitude de ça en fait. Nous approchons enfin d'un arbre où je m'assois pour fixer le jeune homme. Puis, je détourne le regard avant de parler :

- C'est compliqué en fait... il est parti en Italie après le décès de sa maman. J'ai presque été incapable de lui dire au revoir et que je lui en voulais de partir. Il voulait se reconstruire, trouver qui il était...

Ma respiration devient saccadé à cause de la tristesse. J'ai du mal à respirer, mais je continue tant bien que mal à exprimer ce que je ressens au plus profond de moi :

- Je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis qu'il est parti. Et ça fait bientôt trois ans. Voilà, ce qu'il m'a fait, dis-je en laissant couler une larme sur ma joue.

Non, je ne dois pas craquer maintenant. Il va se moquer de moi. Je dois rester fort, fier. Pour lui, ça peut sembler peu de chose, mais pour moi, c'est un supplice atroce.

Les pas des deux adolescents furent lents. Comme-ci, l'un comme l'autre, ils ne désiraient pas que cette marche improvisée s'arrête. Ce n'était pas dans les habitudes de Jude d'avoir de la compagnie. Sa solitude avait empiété sur son moral et il était désormais temps pour lui de reconnaître que parler pouvait faire du bien. Mais pour le moment, discuter des problèmes des autres l'arrangeait. Il n'allait pas dévoiler toute sa vie au premier venu. Alors, oui, ce sera peut-être la personne qu'il avait à ce moment-là en face des yeux qui sera au courant en premier de quelques détails du passé du Préfet, voir même de tout mais pas pour l'instant. Ce n'était sûrement qu'une question de temps mais il lui en fallait encore.

Le Poufsouffle s'arrêta de marcher et s'installa auprès d'un arbre. Il commença à raconter la fameuse raison de son état. Son copain s'était donc rendu en Italie après le décès de sa mère afin de pouvoir se retrouver. Probablement dans son pays natal ou alors un qui l'a toujours tenté. Laissant le brun seul. Jude ne le connaissait pas mais personne ne pouvait mériter ça. Le serpent n'avait eu aucun écho amoureux depuis sa naissance. Il avait d'autres préoccupations, alors il ne connaissait rien et n'avait aucun avis à donner sur l'amour. Simplement, à écouter les autres, celui-ci devait rendre les gens heureux de base et non les affaiblir à un tel point. Le blaireau annonça ensuite que cela faisait trois ans qu'il était dans cette situation, sans aucune nouvelle de la part de quiconque concernant son copain. Enfin, si on pouvait enfin le considérer comme tel. Parce que selon le Préfet, il avait tout l'air d'un bel escroc. En quel droit pouvait-il s'amuser des sentiments d'un jeune garçon pour ensuite disparaître comme-ci de rien n'était ? Les conséquences de la mort d'une mère pouvaient être désastreuses, certes, mais il se devait un minimum de prévenir les personnes qui l'entouraient auparavant et notamment ce jeune totalement désespéré.

« Je comprends. Mais faut pas pleurer. Dis-toi que s'il était encore là, nous nous serions pas rencontrés. Tu aurais perdu la chance de parler au grand Préfet de Serpentard. »

Comment ça, Jude ne savait pas comment remonter le moral ? Tout à fait. Il avait honte de ce qu'il venait de dire. En plus d'être condescendant avec son poste de Préfet, ce qui n'était absolument pas lui. Il pouvait très bien inventer comme excuse qu'on venait de prendre possession de son corps mais il n'était pas sûr que le Poufsouffle puisse le croire. Et il ne pouvait pas revenir dans le temps. Alors il n'avait qu'une seule solution ; celle d'assumer. Cela faisait parti de toutes les nombreuses raisons pour lesquelles il détestait parler. Il n'avait aucun tact.

« J'suis désolé. J'voulais pas dire ça. Si tu préfères qu'on arrête d'en parler, y'a pas de souci. Je peux même partir et faire comme-ci rien ne s'était passé, si tu veux. Enfin... C'est la moindre des choses quoi, de faire ce que tu veux vu dans l'état que tu es. »

Si Jude était un minimum tactile et sociable, l'idée de lui faire un câlin ou même lui tenir la main pour le réconforter aurait pu lui parvenir. Mais ce n'était visiblement pas le cas, à la place, il ferait mieux de se taire.

La compagnie du jeune serpent n'est pas déplaisante, bien au contraire. C'est d'ailleurs ce qui me surprend le plus dans toute les mésaventures que je vis actuellement. La seule fois où j'ai ressenti autant de tristesse, c'est à la mort de mon père. Et pourtant, la situation était clairement différente à cette époque. Je n'avais pas de copain et mon père me haïssait parce que je suis gay. Aujourd'hui, il me manque plus que tout au monde. Ou presque. Mon copain me manque terriblement aussi. Comment pourrais-je être sûr qu'il ne m'a pas remplacé ? Après tout, je ne suis pas le plus beau garçon sur Terre il me semble. Même si je sais que je suis plutôt mignon, mais c'est un peu prétentieux de penser de cette façon. Un léger sourire commence à se dessiner sur mes lèvres, mais il s'efface aussitôt, parce que je n'oublie pas la raison de ma tristesse. Mon moral est plus que bas, ce n'est pas juste. Je suis dans l'incompréhension la plus totale me concernant. Je me dis que personne ne mérite d'être traité de la sorte. Je crois que si mon "copain" se manifeste bientôt, je ne sais pas comment je vais réagir. Pourquoi ? Parce qu'il m'a juste abandonné. C'est le meilleur terme que j'ai pu trouver. Je raconte ma vie au serpent, mais dans le fond, suis-je certain qu'il ne va pas se moquer de moi ou jouer de moi lui aussi ? Après tout, je ne suis plus à une blessure de plus ou de moins.

- Je comprends. Mais faut pas pleurer. Dis-toi que s'il était encore là, nous nous serions pas rencontrés. Tu aurais perdu la chance de parler au grand Préfet de Serpentard.

Il ne faut pas pleurer, il ne faut pas pleurer... C'est facile à dire ça. Qu'est-ce que tu en sais d'abord ? Non, calme-toi, ce n'est pas le moment de t'en prendre à lui. Il n'y peut rien et il m'a l'air compatissant. Zen, soyons zen. Il a quand même raison, je ne dois pas pleurer pour ça, je dois me ressaisir, mais j'ai du mal. Sa petite vanne sur notre rencontre me fait sourire, sincèrement. Il a l'air amusant, drôle ce jeune homme. Et comme ça, il est Préfet alors... Je dois dire que cela m'évoque des souvenirs lorsque je l'ai été aussi dans le passé. Mais j'ai arrêté, parce que j'avais autre chose en vue et je ne regrette absolument pas ma décision.

- J'suis désolé. J'voulais pas dire ça. Si tu préfères qu'on arrête d'en parler, y'a pas de souci. Je peux même partir et faire comme-ci rien ne s'était passé, si tu veux. Enfin... C'est la moindre des choses quoi, de faire ce que tu veux vu dans l'état que tu es.

Mais quelle andouille, j'veux pas qu'il parte. Ouais, j'avoue, j'avoue. Il est plutôt mignon, je dois rester honnête. Mais je dis ça aussi, parce que je n'ai plus le côté affectif que j'avais. C'est comme si je reportais mes sentiments sur lui. Mais je ne dois rien lui dire, sinon, il va prendre la fuite en deux temps trois mouvements. Il est gentil quand même, il semble très empathique et ça fait du bien de se sentir écouter. Cependant, j'suis certain qu'il a aussi des ennuis. Tout le monde en a. Et j'ai l'impression d'en faire trop, comme si je devais juste me contenter de me taire et me laisser envahir par mes émotions. Mais je ne suis pas une machine. Je suis humain, pourvu de sentiments.

- Je sais que je ne devrais pas pleurer, mais je suis quelqu'un de trop sensible. L'un de mes défauts, dis-je sur un ton légèrement amusé, mais ça finira sûrement par s'arranger. Je l'espère en tout cas. Mais tu as raison, nous ne nous serions sûrement pas rencontrés ainsi. D'ailleurs, ça tombe bien que tu parles d'être Préfet. Je l'ai été aussi il y a quelques temps. Mais ma collègue m'a rendu la vie impossible à tel point qu'on a été en retenue par sa faute.

Et voilà que je recommence à déballer ma vie, comme si je connaissais ce mec depuis toujours. Je suis une véritable plaie quand je m'y mets.

- Enfin, désolé, je ne fais que parler de moi, on dirait un mec égocentrique, dis-je en guise d'excuse, mais je dois avouer que ça fait du bien. Quoi qu'il en soit, ce qu'il m'a fait n'est pas... vraiment excusable. Et me connaissant, je lui pardonnerai à un moment ou un autre si jamais il me contacte. Tu crois que... je dois trouver quelqu'un d'autre peut-être ? Enfin, c'est bizarre comme question, mais... erf, désolé, c'était stupide de te demander ça.

Mais que je suis stupide. Pourquoi je lui pose une question comme ça ? Franchement, je suis vraiment irrécupérable. C'est hyper gênant quand même...

Un air confus collé au visage de Jude, qui pouvait se démasquer très rapidement à cause de la rougeur qui apparaissait, petit à petit, sur les joues puis sur sa tête entière. Il n'avait pas été bon sur ce coup-là, il le savait, le ressentait. Mais il n'avait pas l'habitude d'être sollicité pour régler ce genre de problèmes, il n'avait aucune expérience. Il n'arrivait déjà pas à trouver une solution à ses propres soucis alors ceux des autres sont encore une autre histoire. Il fallait parfois penser à soi avant de penser aux autres. Même si cette personne face à lui n'avait rien de nuisible et n'était qu'une âme à la recherche d'une écoute, ce que le Préfet était en mesure de lui offrir, il espérait qu'au fond elle ne cherche pas à être aidé. Ou du moins pas pour le moment. Parfois, il fallait régler ses angoisses seul, à sa propre méthode. Et cet étudiant devant le serpent avait tout intérêt à les régler de cette manière.

Le Poufsouffle raconta à quel point il était sensible, il considérait même cela comme son pire défaut. Jude ne connaissait pas vraiment les sentiments que pouvait apporter la sensibilité. Il ne comprenait pas non plus pourquoi les autres considéraient ça comme un défaut. Puisqu'être touché par l'émotion n'était pas forcément une mauvaise chose. Dans le cas contraire, on pouvait vite être considéré comme une personne sans âme. Puis, de toute façon, chacun avait sa sensibilité, propre à soi. Concernant le serpent, il l'exprimait quelques fois en démontrant son empathie. Ce n'était pas quelque chose qu'il pouvait renier aisément, puisque ça jouait sur ses sentiments.

Il raconta également son passif en tant que Préfet. Même si Hopkins avait encore ce poste à son actif, cela leur faisait déjà un point commun, ce qui fit sourire le brun. Même si, du côté du blaireau, cela n'avait pas été une expérience des plus faciles à vivre visiblement... Néanmoins, il arrêta très rapidement de discuter, se nommant tel un égocentrique. Terme pas vraiment approprié selon les yeux du serpent. Peut-être qu'il avait simplement besoin de parler ? Au moins, ça évitait à Jude d'en faire de même. Ce n'était pas son fort et il ne saurait pas quoi dire. Ça lui évitait également d'être seul, même s'il appréciait cela parfois. Avant même que Hopkins lui pose la question, il avoua ensuite que ça lui faisait du bien de mettre des mots sur ses pensées. À ce moment-là, le serpent n'avait qu'une seule envie, c'était de lui dire de continuer, de ne pas s'arrêter en si bon chemin pour que les rôles ne s'échangent pas. À ce moment-là, il était simplement d'humeur à écouter, pour une fois et non à parler.

Parmi tous les mots que l'interlocuteur du serpent avait débité à la minute, seulement quelques uns d'entre eux resteraient gravés dans la mémoire du serpent. Quand il demanda s'il devait se trouver quelqu'un d'autre. Cette phrase a fait écho dans sa tête comme une technique de drague. Il ne savait véritablement pas où se placer après ceci et devint très rapidement gêné par la situation. Bouche-bée pendant quelques secondes, un regard plutôt interrogatif.

« Je... Tu... J'sais pas du tout... T'sais, dans la vie, faut faire ce qui t'as envie de faire, sinon tu ne profiteras pas. Il t'a abandonné, alors pourquoi de ton côté tu n'profiterais pas au lieu de te remémorer constamment le passé ? Profite de l'instant présent mec. »

Pour une énième fois, ne rien répondre aurait été une meilleure solution. D'autant plus qu'au fond de lui, il ne s'était jamais posé la question. Est-ce qu'il aimait les garçons ? Non, il ne pensait pas. Il s'était toujours dit qu'il aimait les filles. Mais au fond, les garçons, ça pourrait également fonctionner. Oh et puis il n'en savait rien et il éloigna très rapidement cette question de sa tête. Cela commençait à l'inquiéter. Ce type de question existentielle, très peu pour lui. Il préférait vivre au moment présent et voir ce que l'avenir lui réserve au moment où il l'a décidé et non avant en se posant mille et une questions.

A mesure que la conversation entre moi et le séduisant Préfet s'écoule, je le vois presque mal à l'aise. Confus même. C'est un peu comme si ce que je lui disais le perturbait. Mais dans quel sens ? Se sent-il perdu parce qu'il ne sait pas quoi répondre ? Ou bien est-il tout simplement perturbé par ma présence ? Ce qui est certain, c'est qu'il ne me laisse pas indifférent, mais je ne peux pas faire n'importe quoi. J'ai un copain. Ou du moins, j'ai une relation, bien qu'elle soit délabrée aujourd'hui. Et je n'ai pas envie de lui faire croire quoi que ce soit, même si... Non, tiens-toi tranquille bon sang. En plus, je ne le connais pas tant que ça, on vient tout juste de se rencontrer. En lui parlant de ma sensibilité, je ne sais pas comment il va me juger. Pense-t-il aussi que c'est un défaut ? A sa manière d'être, je ne crois pas. La sensibilité chez quelqu'un peut s'avérer être une très bonne qualité. Autrement, on passe pour quelqu'un qui se moque de tout le monde et de tout ce qui l'entoure. Parler du fait que j'ai été Préfet doit sûrement le rendre moins confus, puisque c'est une situation qu'il connaît mieux que personne à part moi peut-être. Il a l'air d'aimer son rôle. En l'observant du coin de l’œil, il esquisse un beau sourire. Je dois aussi parler de lui, ou du moins, il devrait me parler de lui. Il finira sans doute par croire que je ne parle que de moi sinon, d'où la mention du terme "égocentrique". C'est sûrement exagéré, mais c'est variable d'une personne à une autre. Ou alors, ça l'arrange bien que je sois seul à blablater, mais bon. En lui posant ma question, je savais très bien que ça allait créer un malaise et j'avais raison :

- Je... Tu... J'sais pas du tout... T'sais, dans la vie, faut faire ce qui t'as envie de faire, sinon tu ne profiteras pas. Il t'a abandonné, alors pourquoi de ton côté tu n'profiterais pas au lieu de te remémorer constamment le passé ? Profite de l'instant présent mec.

Sa réponse me fait presque éclater de rire. Le pauvre, je suis tellement désolé pour lui. Mais en me ressaisissant, je me dis qu'il a raison. Peut-être que je devrai trouver quelqu'un d'autre, quelqu'un qui sera toujours présent et réciproquement. Je n'ai pas envie d'être avec quelqu'un qui me tourne le dos à la première grosse épreuve traversée. Quand j'ai perdu mon père, je suis allé me réfugié au Brésil en plein cœur d'une forêt. Et c'est là-bas que j'ai eu cette fameuse cicatrice que je dois à un Loup-Garou. En y repensant, elle me donne un petit côté aventurier, surtout qu'elle est située près de l'arcade gauche. Un brise me caresse le visage et me ramène doucement les pieds sur Terre. Le jeune brun a l'air un peu songeur. Ai-je révélé une question existentielle en sa personne ? Dans le fond, je suis sûr que oui. Je le regarde droit dans les yeux et emplois un ton adouci :

- Tu as sûrement raison, je devrai profiter avec quelqu'un. Quelqu'un qui... te ressemble. Qui est à l'écoute. Et qui est aussi... pardonne moi, mignon que toi. Pour être franc, le passé m'inquiète encore et j'ai peur de mon futur avec Jackson. Peut-être que notre relation est terminée. Peut-être pas. En vérité, je suis perdu et... J'ai besoin qu'on m'aide à retrouver le sourire. J'ai besoin qu'on m'aide à avancer dans la vie en ce moment. Qui sait, cette personne est peut-être déjà présente dans ma vie. Et toi, alors, je ne te connais pas vraiment. On a beaucoup parlé de moi, donc à ton tour non ?, dis-je avec un petit sourire en coin.

Je sais, je sais, c'est mal de réagir ainsi. Mais il l'a cherché. Il m'a dit que je devais profiter un peu non ? Qui sait ce qu'il va advenir de notre potentielle relation amicale. Ou plus ?

Les lèvres du Poufsouffle s'élargirent, de manière exagérée, à la réponse de Jude. Avait-il dit quelque chose qui faisait sourire ? Ou au contraire, essayait-il de cacher sa peine ? Cela arrivait à beaucoup de personnes, et le Serpentard lui aussi avait déjà caché sa misère par un banal sourire. Au fond, il n'était pas la meilleure personne pour remonter le moral d'une quelconque personne lorsqu'il n'arrive pas à gérer son moral lui-même. En plus de ça, aucune âme n'avait proposé son aide lorsque lui en avait le plus besoin, alors pourquoi le Préfet devrait-il faire l'effort d'aider les autres ? Là était une bonne question mais cette fois-ci, la situation semblait différente. Il ne savait pas en quoi mais il se sentait obligé d'être présent. D'écouter ce qu'Ezequiel avait à dire. Comme-ci on lui avait ordonné, mais il ne reçoit aucun ordre. Cela ressemblait plus à une intuition. Pourtant, il aurait bien pu écourter la discussion ou fuir lorsqu'il se posait des questions sur son orientation sexuelle. Cela lui aurait plus ressemblé d'ailleurs. Mais non, à la place, il était présent, en train de se mordiller les lèvres face à un homme qui ne demandait qu'à avoir des réponses également. C'était peut-être dû à ça, cette intuition. Un joli jeu de regard vint s'instaurer. Qui tiendrait le plus longtemps sans cligner des yeux ? Ah non. Ce n'était pas ça visiblement.

Le Poufsouffle donna raison à Jude. Lui rappelant bien qu'il devait profiter avec quelqu'un. Mais la suite surprit le serpent. Il compara ce quelqu'un avec Hopkins. Qui lui ressemble, en étant à l'écoute et aussi mignon que lui. Le Préfet ne savait plus où se mettre. Il était gêné qu'il en écoutait presque pas la suite. Il comprit simplement qu'Ezequiel avait besoin de quelqu'un qui était peut-être déjà présent dans sa vie. Double dose de drague. Enfin, si on pouvait considérer ça comme une drague. Jude s'emballait peut-être trop vite, peut-être qu'au final il voulait quelqu'un qui lui ressemblait mais sans être lui ? Ce qui, en soi, arrangerait tout. Mais le serpent n'y croyait pas. Il savait que le Poufsouffle était en train de le racoler. Et au fond, il ne savait pas comment réagir. Il restait comme immobile face au propos de son interlocuteur. Et, au fond, il était perdu. Il n'avait aucune idée ce qu'il pouvait aimer. Il ne s'était jamais posé la question. Les filles ? Les garçons ? Peut-être les deux, au fond. Ou aucun des deux. Cela ne devait pas être un choix, ça ne l'est pas d'ailleurs mais au fond de lui, il n'avait jamais rien ressenti donc il ne savait rien à ce sujet. L'amour n'était pas une chose facile. Peut-être qu'au lieu de se coller des étiquettes devait-il fonctionner par coup de cœur ?

Vint ensuite ce que Jude redoutait depuis le début. Le Poufsouffle lui proposa de parler de lui à présent. Complications. Il ne savait pas quoi dire. Il se posa la question ; est-qu'il pouvait parler de son passé au premier venu pour une fois. Faire confiance à la vie ? Ou devait-il lui mentir ? Rester vague, quitte à paraître pour un être énigmatique ? Cela devenait ingérable, cette perte de temps, ces mensonges au quotidien. Il fallait qu'il déballe tout une bonne fois pour toutes. Cette personne en face de lui lui inspirait confiance et si jamais il avait tort, aucun problème, ça lui apprendra pour la suite de ne pas faire confiance à ses intuitions. Alors il tenta le tout pour le tout. Il avait la petite étincelle cette fois-ci. Celle qui lui disait qu'il pouvait foncer sans avoir peur.

« Au fond, j'sais pas si quelqu'un comme moi serait une bonne personne pour toi. T'sais, on cache tous des choses et les miennes sont pas forcément bonnes à écouter. J'suis pas une bonne personne, sérieusement. Tu n'devrais même pas t'attarder ici. J'ai aucune famille, aucun ami, aucune relation. J'suis quelqu'un de très solitaire et d'ailleurs, ça me surprend moi-même de te parler de tout ça. Parce que j'en ai inventé des mensonges pour faire croire que j'avais des personnes autour de moi. Mais c'est faux. J'ai personne. Et j'suis personne. »

Il avait eu l'impression de casser l'ambiance, ce n'était peut-être pas qu'une impression d'ailleurs. Mais il ne faisait que répondre à la fameuse question. Toujours debout, Jude décida de s'installer auprès du Poufsouffle. Comme pour signifier que malgré tout, il avait besoin de quelqu'un auprès de lui. Et qu'il était complètement perdu, au passage. Il avait besoin de reposer sa tête sur l'épaule de quelqu'un. De parler de ses problèmes. À tout contenir en lui, il en finissait complètement démoralisé et la moindre chose pouvait lui faire du mal. Son comportement était complètement contradictoire à ses paroles mais pouvait-on lui en vouloir ?

Il y a tellement longtemps que je ne m'étais pas senti aussi bien. La dernière fois que j'ai eu cette sensation de bien-être, c'était en compagnie de Jackson, aujourd'hui absent, plus que jamais. Hors de question de se laisser abattre. La compagnie du Préfet me fait du bien, comme s'il y avait un bon feeling entre lui et moi. Je me sens étrangement bien sans trop pourvoir l'expliquer. Malgré le bien-être que cette situation me procure, j'ai peur. Peur de commencer à aimer ce garçon, parce qu'il me plaît. Dire le contraire serait aller à l'encontre de mes pensées. Mes pensées les plus secrètes. La dernière fois, c'était pour Jackson. J'ai l'impression de revivre la même chose, en quelque chose de mieux. Mais je dois prendre le temps pour réfléchir et je dois surtout me laisser aller un peu. Il m'a dit que je devais profiter ? Pas de problèmes, je vais le faire. Mais doucement. Il est hors de question que je m'emballe, sinon, toute cette histoire se soldera par une désillusion. Pour lui. Pour moi. J'peux pas lui infliger ça. Sinon, je perdrai toute crédibilité en sachant que j'ai sollicité son aide pour la même chose. En tout cas, c'est le destin qui l'a placé sur ma route. Comme quoi, le destin fait bien les choses souvent. Et parfois, non. J'observe le brun qui se mordille les lèvres, comme s'il se retenait de dire quelque chose. Peut-être ne se sent-il pas encore en confiance avec moi ? Je peux aisément le comprendre après tout. Mes yeux bleus sont plongés dans ses yeux. J'ai le sentiment que je dois le faire... Mais quelque chose me retient. Patience Ezequiel, patience. Chaque chose en son temps.

Le fait que je compare ce charment Serpentard à quelqu'un qui lui ressemble me fait sourire. J'ai envie de savoir comment il va réagir. Et je ne suis pas déçu. Son attitude me laisse à penser qu'il se sent gêner. Décidément, c'est une habitude chez moi de créer ce sentiment. Je vais m'arrêter là avant de le faire fuir. Je ne suis pas prêt à faire une telle chose. Mais le draguer est plus fort que moi. J'aime Jackson et pourtant, j'ai envie de connaître autre chose, une autre personne. Peut-être ai-je besoin d'être certain de mes sentiments ? Ou alors, ai-je simplement l'envie de profiter de l'instant présent ? Comme je dis souvent, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer dans l'avenir. Le jeune homme reste-là, planter, comme s'il était prisonnier de ses mouvements et paroles. Il me fait craquer. Je fonds. J'ai l'impression d'être un jeune adulte qui découvre l'amour comme un enfant découvre son premier cadeau de Noël. Bon, c'pas le meilleur exemple, mais c'est compréhensible, n'est-ce pas ? J'ai beau le draguer, il ne réagit pas. Aime-t-il les filles, les garçons ? Je suis un peu décontenancer, mais je ne perds pas espoir. Son attitude me fait croire qu'il n'a jamais été amoureux. Cela tombe donc à pic. L'amour n'est pas quelque chose de simple, j'en sais quelque chose à ce sujet. Il faut juste... laisser parler son cœur et ses sentiments. Vivre avec des regrets et ne pas tenter quoi que ce soit qui fait envie, ce n'est pas bon, c'est nocif pour la santé. Mon regard se détache du Serpentard pour parcourir les alentours. J'observe les gens, joyeux, plein de vie. Je me sens vide et complètement inutile sur cette planète. Puis, la douce voix du Préfet me ramène les pieds sur Terre. Plus qu'à boire ses paroles :

- Au fond, j'sais pas si quelqu'un comme moi serait une bonne personne pour toi. T'sais, on cache tous des choses et les miennes sont pas forcément bonnes à écouter. J'suis pas une bonne personne, sérieusement. Tu n'devrais même pas t'attarder ici. J'ai aucune famille, aucun ami, aucune relation. J'suis quelqu'un de très solitaire et d'ailleurs, ça me surprend moi-même de te parler de tout ça. Parce que j'en ai inventé des mensonges pour faire croire que j'avais des personnes autour de moi. Mais c'est faux. J'ai personne. Et j'suis personne.

Il a bien deviné que je le drague, juste à la mention du "j'sais pas si quelqu'un comme moi serait une bonne personne pour toi". Mais pourtant, il a ce quelque chose qui me pousse à vouloir le découvrir. J'ai envie de le connaître et pourtant, je n'ai pas d'amis Serpentard à cause du harcèlement que j'ai subi de leur part. Je m'étais juré de ne plus parler avec eux. Et pourtant. Seuls les idiots ne changent pas d'avis comme on dit non ? Le fait de savoir qu'il a pu mentir aux autres ne me freine pas du tout et bien au contraire. Cela prouve qu'il me fait confiance. Et j'aime cette sensation. Elle me conforte dans l'idée que je dois continuer sur ma lancée. Mais sa dernière phrase vient plomber mon moral. Alors qu'il décide de s'installer auprès de moi, une larme commence à couler sur ma joue. Cela me fait penser à mon père. Il dit n'avoir personne et au fond, qui ai-je dans ma vie ? Ma mère me critique pour beaucoup de choses, mon frère suit ses traces. Et mon père, il me manque énormément. Je regarde au loin, tandis que cette goutte continue de couler sur ma joue jusqu'à tomber au sol.

- Tu sais, on est tous quelqu'un. On a chacun notre histoire à raconter, peu importe notre vécu personnel. Je ne sais pas qui tu es, c'est vrai. Mais sache que... j'ai envie de savoir. Je veux te connaître. Tu n'as pas l'air d'être mauvais, mais tu as l'air d'être à la recherche d'une oreille attentive, n'est-ce pas ? dis-je en le fixant du regard. Mon père me manque énormément tu sais. Je n'avais plus que lui à une époque. Mais la maladie a été plus rapide et elle me l'a enlevé. Tu auras toujours quelqu'un pour toi. Et si cette personne ce n'est pas moi, ça sera quelqu'un d'autre, j'en suis sûr.

Je le regarde passionnément. A mesure que je lui parle, ma main saisi la sienne, doucement, délicatement. Puis, mon autre main caresse sa joue. Une sensation de chaleur se diffuse dans mon corps, dans mon âme. Je ferme les yeux et ne pense plus à rien. Ou à ses lèvres que j'ai envie de goûter. Je m'approche doucement du Préfet avant de l'embrasser. Se laissera-t-il faire ? Suspens pour le narrateur.

Plutôt déboussolé par ses aveux au premier venu, ce qui n'était pas dans l'habitude de Jude, il se disait malgré tout au fond de lui que c'était une bonne chose. Premièrement parce qu'il n'avait pas encore tout dévoilé. Simplement des choses qui n'étaient plus intéressantes à garder pour lui. Mais également pour faire passer ceci comme un test, pouvait-il faire confiance à ce Poufsouffle ? Il ne le connaissait pas et même s'il ne présageait rien de mauvais, il ne fallait jamais se fier au premier coup d'œil. Seul le temps était nécessaire pour accorder la confiance. Surtout celle du Préfet, elle était longue à obtenir. Ses années de solitude lui avait bien appris une chose, c'est que les personnes étaient bien plus égoïstes et hypocrites qu'elles le pensaient. Elles vivaient pour elles et non pour les autres.

Après s'être installé, le serpent remarqua que son interlocuteur avait... comme une larme qui coulait le long de son visage. Il fut étonné. Avait-il dit quelque chose qui ne fallait pas ? Il n'avait pas eu non plus l'envie de le faire pleurer, au contraire. Le pauvre semblait tellement mal que Jude se devait de lui remonter le moral. Son cœur lui en obligeait. Mais avant de pouvoir faire quoique ce soit, il prit la parole. Il s'exclama sur le fait qu'ils avaient tous une histoire à raconter. Hopkins en avait une, en effet, mais elle n'était pas bonne à entendre surtout. Et il ne voulait pas en parler. C'était une chose qui était sûre. Il avait trop peur des conséquences que son passé pouvait apporter sur son avenir. Il voulait apprendre à vivre sans, c'était trop demander ? Devenir une meilleure personne ? Qui est née à l'âge de quinze ans ? Peut-être seize ? Néanmoins, le Poufsouffle demanda à en savoir plus. Il allait se passer un bon bout de temps avant qu'il sache tout, il n'était sûrement pas prêt à ça. Il discuta ensuite de son père, emporté par la maladie. C'était une chose tragique auquel Jude ne savait pas quoi répondre. Il n'avait jamais été confronté à la mort et n'en savait donc rien. Le Poufsouffle insinua ensuite être la personne dont Jude aura toujours pour lui. Ce qui déclencha un petit rictus au brun. Malgré tout très perturbé par les nouvelles qu'il venait d'apprendre et celles qu'il avait pu dire.

Alors que le serpent allait répondre, il sentit que quelque chose lui frôla la main, pour ensuite la tenir. C'était la main du Poufsouffle. Voulant lui demander ce qu'il était en train de faire, il fut encore plus surpris lorsqu'une autre main vint caresser sa joue. Complètement perdu, il était comme paralysé. Il ne savait pas comment réagir et quoi faire face à cette situation. C'était bien la première fois que cela lui arrivait. Puis les lèvres des deux étudiants vinrent se coller l'une à l'autre. Étrangement, Jude se laissait faire. Il ne pouvait pas réagir. Et d'un autre côté, cela lui plaisait. Il découvrit de nouvelles sensations. L'excitation, le cœur qui battait. Fort. Mais son égo en prit un coup, il se retira. S'éloigna de ses lèvres. Éperdument. Pas sans manque de plaisir, mais de confiance. D'acceptation.

« Qu'est-ce que... Qu'est-ce que t'as fait ? Pourquoi ? J'comprends pas ? Pourquoi ? », petit pause « Je suis désolé. Je dois y aller. Me rattrape pas s'te plaît. J'dois être seul. Et l'prends pas mal non plus, c'est pas contre toi. »

Il se releva et s'en alla. Loin. Le plus loin possible, le visage couvert de honte. Il ne savait pas comment réagir face à tout ce qu'il avait subi cet après-midi. Les questions étaient omniprésentes dans sa tête. Comment les extirper de là ? C'était donc ça, avoir des sentiments ? Il aurait mieux fait d'y réfléchir deux fois avant de se lancer dans des relations comme celle-ci. Il ne savait pas comment s'y prendre. Il retourna dans son dortoir, là où il était sûr que le Poufsouffle ne pouvait pas le rejoindre. Il avait besoin d'être seul et de réfléchir. De se torturer l'esprit.

Je n'en reviens pas. Je l'ai fait. Je l'ai embrasser. Je ne sais pas pourquoi j'ai eu cette envie. Enfin, si, je le sais. Il m'attire. Sa personnalité m'attire et je ne peux pas aller à l'encontre de ce que je ressens pour lui. Et pourtant, je suis amoureux de Jackson. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je suis désormais tiraillé par les deux. Mais c'est le Préfet qui m'a dit de profiter. Je sais qu'il ne pensait pas à lui-même en disant ça, mais ça a été plus fort que moi. Je n'ai pas pu résister à cette pulsion. Ses lèvres si tendres, si douces... J'ai vraiment adoré. En plus de ça, il se laisse faire, donc c'est bon signe. Ou pas... Il se retire et je lis à travers son regard qu'il s'apprête à me fuir. Encore une fois, j'ai fait une connerie. Je vais encore perdre quelqu'un que j'ai tout juste rencontrer. Mais quel boulet je fais. Il y a des jours où je m'exaspère moi-même.

- Qu'est-ce que... Qu'est-ce que t'as fait ? Pourquoi ? J'comprends pas ? Pourquoi ? Je suis désolé. Je dois y aller. Me rattrape pas s'te plaît. J'dois être seul. Et l'prends pas mal non plus, c'est pas contre toi.

Je l'ai fait, parce que j'en avait envie. Mais je suis incapable d'ouvrir la bouche pour dire quoi que ce soit. J'ai honte de lui avoir fait ça et en même temps, j'ai adoré ce moment de tendresse qui n'appartient qu'à nous. Il veut être seul et pourtant, ce n'est pas ce dont il a besoin. J'en suis sûr. Il a besoin de quelqu'un et j'espère être cette personne. Je n'ai qu'à l'inviter à la Saint-Valentin. Peut-être qu'il me rejoindra après avoir réfléchit à tout ça. Je le regarde s'éloigner et pourtant, je reste à la même place, sans réagir. Je dois respecter ses volontés. Je reste assis et... légèrement triste. J'ai peur de l'avoir perdu lui aussi. Mais dans le fond... a-t-il été à moi ne serait-ce qu'un instant ? Il est temps que je parte aussi !