Une journée sans encombre. Ou presque. Il faudra m’expliquer pourquoi les journalistes avaient choisis ce format de papier. Déjà que je n’apprécie pas forcément de lire, surtout quand y’a pas d’image, là c’était un véritable enfer. Vous croyez qu’ils se sont tous réunis autour d’une table en se disant « Eh. Venez, on fait un papier deux fois plus grand pour que ce soit bien ch*ant à tenir et deux fois moins solide pour qu’il se replie bien tout seul ? ».

Moi, j’pense que oui. Je vois pas d’autres explications. J’avais décidé de lire la gazette pour me tenir au courant de ce que les gens disaient, des informations qui étaient reçus par la population. Pas pour pester pendant vingt minutes en me retenant de grogner et de bouffer le papier. D’un côté, me concentrer là-dessus évitait que je me laisse assaillir par tout ces bruits qui me brusquent encore trop. Encore, avant j’avais pas besoin de faire acte de présence, mais depuis que je suis devenu prof je me force. Ca va un peu mieux avec l’herbe à chat installé dans mon appartement, mais pas assez pour que je soit totalement à l’aise. Un son plus fort me fait relever la tête.

On me parle. Je plisse les yeux vers mon interlocuteur. M. Okinawa, Sora je crois, une des nouvelles recrues de Poudlard. Quelques mots échangés auparavant mais sans grande profondeur on ne va pas se mentir. Je me suis déjà plus confié à mon coiffeur quoi. Bon en même temps, je me coiffe seul. Mais ça compte quand même. Revenons à sa question, la gazette. Je garde une face digne de plus grands joueurs de poker en me retenant de répondre que j’ai passé plus de temps à faire tenir ce journal qu’à apprendre quelque chose.

- Rien de spécial de ce que je vois. A croire que s’il n’y a pas de morts, la gazette n’a plus rien à raconter.

Pourtant il y avait beaucoup de choses à raconter depuis les derniers dires de l’édition, c’est se dire que les informations ne veulent pas sortir. Ou qu’on ne veut pas qu’elles sortent. Je soupire et replie le journal que j’ai mis si longtemps à déplier. Quel échec. Je le tends à mon interlocuteur, lui donnant mon avis dans une phrase plus fataliste qu’autre chose.

- D’un côté, je vois mal ce dont le Ministère voudrait pouvoir nous parler qui ne serait pas un aveux d’échec. Je préfère largement le chicaneur de ce côté-là parce que…

Je connais leur rédactrice en cheffe.

- … ils n’hésitent pas à mettre les pieds dans le plat. Par exemple, vous vous souvenez du procès de M. Guivrach ? Je ne me souviens pas en avoir lu un mot explicatif dans la Gazette, là où le chicaneur y a consacré un article complet. A croire qu’ils ne nous tiennent informés que de ce que tout le monde sait déjà. J’en viens à me demander s’il n’y a pas eu des attaques dont personne n’a entendu parler.

Enfin. J’espère en réalité. Soit ils n’en ont pas parlé, soit les Mangemorts se tiennent à carreaux. Et s’ils se tiennent à carreaux, c’est qu’ils préparent un truc. Et ça, ça ne me dit rien qui vaille. Je regarde à nouveau le professeur de potion. Peut-être que je parle trop. Est-ce narcissique que ma propre voix me calme ? De par les vibrations de mon corps et le son sortant de mes cordes vocales, j'ai l'impression que ça cache le brouhaha. C'est quand même plus agréable d'oublier qu'il y a les élèves, même si leur voix stridentes de jeune ados pré-pubères en pleine mue arrive à agresser mes oreilles même quand ils sont à l'autre bout de la salle. Autant profiter de l'occasion pour discuter, ce sera toujours mieux que de subir.

Je me sers un thé. Un « Compte Gris Original » pour être plus précis, tout en écoutant la réponse du potionniste. Au final pour répéter ce que j’avais dit, mais au moins il est d’accord avec moi. D’un côté, je verrai mal quelqu’un défendre le ministère sur ce genre d’informations. Puis, j’étais en cours avec Fañch lors de ma scolarité, avant de partir en Afrique. J’ai pu constater que même s’il est sanguin, il s’énerve rarement sans avoir une raison aussi infime soit-elle. Vu les acteurs du procès, je n’ai pas de mal à comprendre que le ministère de veuille pas qu’on fouille. Aurors contre élève, arrivé dans une espèce de campement d’animation encadré par les Aurors. Mieux vaut le silence et que les autres parents d’élève n’apprennent pas qu’un truc grave est arrivé chez eux. Surtout vu la peine de prison pour un mineur, c’est bien que cela devait être un truc mastoc. Ce n’est pas comme s’il était mis au même plan que les adultes ou quoi. N’est-ce pas ?

- C’est surement parce qu’on ne le voit pas, que ça fait aussi froid dans le dos.

Ou parce que ces bande d’incompétents n’ont rien à montrer et en faisant semblant de faire quelque chose sous couvert de « on va garder ça secret » personne ne s’en rends compte. Le sujet de conversation déjà ? Ah oui, les mensonges du ministère et le procès de l’adolescent. Bon autant donner mon avis.

- Puis, il faut avoir quelque chose à dire aussi. Quand on voit l’absence de réaction durant l’attaque des inferi, et qu’en parallèle ils ont du temps à perdre sur un adolescent, ce n’est pas étonnant qu’ils gardent tout sous silence.

Je soupire, portant mon thé à mes lèvres. C’est chaud, ça fait du bien dans ce pays ou on a perpétuellement froid au corps et à l’âme. Je regarde les élèves. Combien vont encore se faire attaquer par les mages noirs ? Combien sauront réagir ? Combien s’en sortirons ? Ou combien les rejoindrons ? Beaucoup de questions qui me laissent imaginer le pire, maintenant que Calypso est à Poudlard. Elle a subi une attaque, et a à peine survécu, qu’en sera-t-il la prochaine fois ? Aucune réaction du ministère. Ils se fichent des gens, de leur vie et de leur avis. Ils ont juste besoin de votes.

- Mieux vaux ça pour eux. Mieux vaut ça, plutôt qu’une prise de conscience générale pour que les gens commencent à se défendre eux-mêmes plutôt que de compter sur le Ministère.

Un grognement teinté de sarcasme adressé au professeurs, mes yeux toujours sur les élèves. Quelque part je me dit que certains d’entre nous sommes là pour les défendre. Mais sommes-nous assez ? Rien n’est moins sûr.

Face au professeur de potion je tiquais. Je le considérais différemment alors qu’il parle de la capacité des Aurores à être utile. Je le laissais finir sur le Secret Magique. Cette part du combat ne m’intéressait que peu dans mon alliance avec les oiseaux. Tout ce que je souhaitais c’était faire mon maximum pour protéger la population dite « faible », ceux incapable de se défendre eux-mêmes ou trop naïfs pour que l’idée de se préparer à des attaques ne leurs effleure l’esprit. Pour ce qui est de se montrer aux moldus, je n’avais aucun problème avec ça le tout était que cela se fasse pacifiquement. Après tout, nous avions ici des né-moldus, et des sang-mêlé qui avaient dû révéler leurs identités. Je suppose que ça n’avait jamais posé problème parce que dans ce mécanisme, les moldus sont en minorité. La peur gouverne le monde, et les armes crées par ceux n’utilisant pas la magie pouvait effrayer ceux qui l’utilisent. Mais ça je ne pouvais pas en parler sans me dévoiler, je bloquais quelques secondes avant de hausser les épaules à la recherche d’une solution appropriée.

- Je ne suis pas sûr qu’ils soient tellement inactifs, mais je ne pense pas qu’ils soient efficaces, d’où l’origine du problème. Je suis d’accord avec vous pour ce qui est de se défendre. Malheureusement certaines personnes ne sont pas en capacité de le faire. Les personnes sous nos yeux par exemple.

Je regardais la grande salle gargouillant d’élèves, buvant à nouveau dans mon thé. J’essayais de calmer le jeu, il était bientôt l’heure pour moi d’aller en cours et de toutes façon je ne pouvais rien dire de plus.

- J’hésite à me rendre à pré-au-lard lors des prochaines sorties. Est-ce que vous irez, vous ?

Question toute naïve, ou pas tant que ça, je reposais mon thé, regardant d’un air banal Mister Okinawa. Certains professeurs s’y rendaient, d’autres non, et j’espérais sincèrement qu’il faisait partie de la première catégorie.

Je refermais mon journal, faisant un sourire à la phrase du professeur. Pas besoin de lui expliquer ce que je pensais des potions. Et puis apprendre à défendre c’est bien. Apprendre à survivre, aussi. En me levant, sa phrase me laissait perplexe même si je restais naturel. Utile et intéressant d’aller à Pré-au-lard ? C’est précisément ce qui me faisait douter d’y aller. Rien d’utile ni intéressant là-bas, quitte à finir alcoolisé, autant que ce soit dans mon propre appartement. Oh bien sûr du temps de ma jeunesse, aller là-bas signifiait être libre mais maintenant que je peux m’en aller quand je le souhaite je n’y vois plus d’intérêt. Peut-être que le professeur a une occupation étrange ? Pas mon problème.

- Peut-être que l’on s’y croisera alors. Je suis supposé avoir rendez-vous là-bas mais pas très envie d’y aller. M’enfin ! Des élèves m’attendent. Bonne journée

Journal sous le bras, je laissais ma tasse là-où elle était, les elfes s’en occuperons. Un salut de la tête vers Okinawa, je verrais si Zorein peut s’occuper de ça. Pour l’heure, j’avais un joyeux cours sur la position des planètes et leur influence sur la magie. J’espère que les élèves seront sages. Mais bon. Il faut pas trop rêver