Rencontre littéraire [Abandonné]

Avec Zélie Hepburn
Automne, saison 29

En se préparant ce matin-là, Amy eut la bonne surprise de voir le soleil poindre le bout de nez. En ce début d'automne il s'était fait plus rare et chaque minute d’ensoleillement était précieuse avant la neige et le froid hivernal. N'ayant pas cours en ce début de journée la jeune fille attrapa son sac, y jeta son matériel d'écriture et sa baguette et après une dernière caresse à son chat, qui lui, soleil ou pas soleil, faisait la grasse-matinée, elle se hâta hors de son dortoir. Dans la précipitation elle se fit un croche-pied à elle-même et manqua de dévaler tout l'escalier la tête la première. On pourrait croire qu'avec le temps elle aurait compris que maladresse et précipitation ne font pas bon ménage, mais pas le moins du monde découragée par cette mésaventure Amy traversa le château d'un pas rapide et enjoué.

Tout en marchant elle laissa son esprit vagabonder, elle n'avait pas encore de destination précise, préférant choisir un endroit qui l'inspirerait sur le moment. Cela faisait près d'une semaine qu'elle était bloquée sur un passage d'une des petites histoires qu'elle écrivait et elle espérait que l'air frais et le cadre naturel l'aident à surmonter cette difficulté. Une fois à l'extérieur et après un rapide coup d’œil, son choix se porta sur un petit coin en plein soleil à côté du bâtiment. La jeune fille se laissa tomber au sol peu gracieusement et sortit immédiatement ses affaires.

Je n'y avais jamais vraiment pensé ; on me l'avait souvent demandé ; mais je ne répondais que vaguement ; "oui... je sais pas trop... on verra..." ; dilemme auquel je fais face aujourd'hui ; dernière année ; il est temps pour moi de voir la vérité en face ; l'année prochaine je devrai quitter ce château, m'en aller me développer ailleurs ; il faut que je sache ; où aller ? que faire ? vertige ; une telle décision ne doit pas être prise à la légère ; vertige ; j'ai peur de tomber ; j'ai peur de m'écraser ; j'ai peur de ne pas réussir à voler ; depuis peu, je pense savoir ; cette idée me trotte dans la tête depuis un petit moment déjà ; vagabonder ; découvrir les secrets du monde ; et les exposer au grand publique ; je veux voyager ; je veux observer ; je veux écrire ; je veux découvrir ; journaliste reporter ; je me sens capable de le faire ; ou presque. Je me mets à observer ; le moindre détail ; la moindre petite histoire ; à noter tout ce que je vois ; mettre des mots sur mes théories les plus farfelues ; peu importe le sujet ; peu importe ; écrire ; affiner mon regard ; affiner ma discrétion ; peut-être un jour...

Il fait beau aujourd'hui ; de plus en plus rare en ce début d'automne ; soleil qui tend sa main vers mon carnet passe-partout ; après tout pourquoi pas ? ces petits moments hors du temps se font de plus en plus rares ; j'empoigne sac et bonnet et me voilà dehors ; bonne période ; peu de monde ; peu d'agitations ; mes yeux balayent les environs à la recherche d'un endroit calme où mon esprit pourrait se balader sans se poser de questions ; p'is un endroit ensoleillé quand même ; parce que c'est toujours plus agréable de poser ses fesses sur des pierres réchauffées par le soleil ; j'aperçois une étudiante grattant le papier ; tiens? on a eu la même idée ; d'humeur sociable, je m'approche d'elle afin d'apercevoir son écusson jaune et noir ; oh! une Pouffy !

- Coucou ! Je peux m'asseoir à côté de toi ? Te voir écrire pourrait m'inspirer.

Le premier mot est toujours le plus difficile à écrire et aujourd'hui ne faisait pas exception à la règle pour Amy. Elle avait bien une idée générale de ce qu'elle voulait écrire mais aucun mot précis ne lui convenait. Elle laissa sa plume reposer sur le papier pour réfléchir quand une voix l'interpella.

- Coucou ! Je peux m'asseoir à côté de toi ? Te voir écrire pourrait m'inspirer.

Amy leva la tête et aperçut une jeune Gryffondor d'à peu près son âge (enfin s'après ses propres estimations mais elle avait toujours été mauvaise pour ce genre de chose). La Poufsouffle, agréablement surprise, adressa un grand sourire à son interlocutrice; c'était la première fois qu'on lui faisait une telle proposition. Son regard se posa rapidement sur la jeune fille et elle lui sourit avant de prendre la parole à son tour.

-Bien sûr ! Je m'appelle Amy et toi ? acquiesça-t-elle en se déplaçant pour faire de la place à la rouge.
Tu écris toi aussi ? ajouta-t-elle en se rasseyant en tailleur, son carnet sur les genoux.

Le pauvre carnet n'était plus très reluisant, elle le trimbalait absolument partout depuis des mois. Il avait pris la pluie, avait brunit au soleil et avait même servit d'arbre à chat à Kalsi. Malgré son état général, Amy était très attachée à ce petit carnet rouge qui contenait toutes ses idées et toutes les histoires qui lui passaient par la tête.
Elle n'avait jamais écrit en compagnie d'une autre personne. En fait, elle n'avait quasiment jamais parlé à qui que soit de ce qu'elle écrivait. Pas qu'elle en fasse un secret, mais une part d'elle-même ne trouvait pas son travail suffisamment intéressant pour qu'elle en parle.

Un peu étrange comme technique d'approche ; d'humeur à faire de nouvelles expériences, je tente la sociabilité aujourd'hui ; peut-être un peu angoissant ? la blairelle ne semble pas terrifiée, bonne nouvelle ; elle m'autorise à prendre place à ses côtés ; je m'exécute ; il est rare de nos jours de rencontrer des amoureux des mots et des lettres ; chacun s'exprime à sa manière, poser ses émotions sur le papier est ma manière à moi de m'exprimer ; émotions, mais pas que ! Tu écris toi aussi ? perspicace ; sa petite voix me fait fondre ; je l'observe un instant ; elle est mignonne ; quel âge a-t-elle ? seize ? dix-sept ? un petit visage ovale, des grands yeux bleus ; des jolis yeux bleus ; un air rêveur ; elle est mignonne cette enfant ; et puis elle écrit ; qu'écrit-elle ? Oui, j'aime beaucoup écrire. Écrire de tout, des petits histoires, des scoop... De tout. Je lui tends une main en me rappelant qu'elle ne connait pas encore mon nom. Au fait, je m'appelle Zélie, Zélie Hepburn. J'observe son petit carnet posé sur ses genoux ; je n'ai pas toujours été aussi avide d'écriture ; le déclic a sans doute été le décès de Terry ; de ma maman ; un manque qu'il fallait combler ; des émotions que je ne pouvais pas gérer ; des larmes qu'il fallait que je laisse couler ; laisser imprégner sur le papier ; inscrire à jamais mon parcours du combattant ; pour ne jamais oublier ; depuis, je n'ai jamais arrêté. Et toi, qu'est-ce que tu écris ? Si ce n'est pas trop indiscret, évidemment... C'est peut-être un peu osé de demander une chose pareille ; je me dis que si elle a accepté ma présence, elle n'a sûrement pas grand chose à cacher ; à moins qu'elle n'ait simplement pas osé me demander d'aller ailleurs ? oups ; trop tard.

Amy sentit le regard de la lionne se poser sur elle alors qu'elle s'installait à ses côtés. Elle lui sourit de nouveau et en profita pour l'observer à son tour. Un air rêveur un peu comme le sien et une sorte de douceur dans le visage qui la mis aussitôt en confiance. Si en plus elle aimait écrire aussi, la Poufsouffle avait l'intuition qu'elle s'entendraient à merveille. Faire une rencontre grâce à l'écriture c'est sûrement la plus jolie façon de rencontre quelqu'un. C'est intuitif.

-Oui, j'aime beaucoup écrire. Écrire de tout, des petits histoires, des scoop... De tout, lui répondit la jeune fille en lui tendant la main.

Au fait, je m'appelle Zélie, Zélie Hepburn.

Zélie c'est original, c'est jolie, ça glisse sur la langue, on dirait un nom qu'Amy pourrait donner à un de ses personnages. Elle serra la main tendue et répondit:

-Enchantée de te rencontrer Zélie, j'aime beaucoup ton prénom, c'est très jolie

-Et toi, qu'est-ce que tu écris ? Si ce n'est pas trop indiscret, évidemment...

L'espace d'une seconde Amy hésita, elle n'a pas l'habitude de montrer son travail à tout le monde. C'est très personnel l'écriture, on couche ses pensées sur le papier, c'est un morceau de son âme qu'on met à découvert. La peur d'être jugée plana un instant mais l'envie de partager avec une autre écrivaine amatrice balaya vite ses doutes. Elle souleva son carnet et le posa sur le sol entre elle et Zélie, invitant cette dernière à se pencher dessus.

-J'écris des petites histoires moi aussi, j'adore ça, mais en ce moment je suis bloquée. C'est l'histoire d'une jeune fille qui peut sentir les émotions des autres, tu veux jeter un coup d'oeil ? lui proposa-t-elle.

Elle espère qu'elle dira oui, avoir un avis extérieur c'est toujours bénéfique, peut-être que ses conseils et ses idées l'aideront. De plus, elle est un peu curieuse de savoir comment Zélie écrit, ce qui l'inspire, ce qui la motive et qui l'intéresse. Amy espère aussi que cette rencontre lui redonnera de l'inspiration.

Je sais à quel point les écrits peuvent être personnels ; ce sont les souvenirs que l'on ne voudrait jamais oublier ; je ne souhaite pas être intrusive, si elle me semble réticente, je n'insisterai pas ; qui sait ce qu'il se cache dans sa petite tête, ce qu'elle a besoin de déposer sur le papier pour ne jamais oublier ; son sourire angélique me dit qu'elle est prête à me faire part de ses petites histoires ; elle dépose son carnet sur l'herbe entre nous et m'invite à y jeter un coup d'oeil ; un coup d'oeil dans son espace, j'aime bien ; on se connait à peine, mais je prendrai ses mots avec une extrême précaution ; bienveillance et délicatesse ; elle écrit des histoires ; quoi comme histoire ? le genre d'histoire qui ressemble étrangement à la réalité ? ou le genre d'histoire entièrement construite avec son imagination ? l'histoire d'une jeune fille qui peut sentir les émotions des autres ; je ne peux pas m'empêche de hausser un sourcil ; sentir les émotions des autres ; ça me dit quelque chose ; je pense immédiatement à Eden, à l'étrange lien qui nous connecte, à notre capacité à s'entendre sans se parler, à se sentir sans se voir, à se ressentir ; elle parle sans doute d'une jeune fille hypersensible, une fille qui lit sur les visages comme dans un livre ouvert ; elle m'invite gentiment à jeter un coup d'oeil ; je ne sais pas si c'est une très bonne idée vue les circonstances, mais ma curiosité finit rapidement par mettre fin au doute ; et je plonge ; d'abord doucement, lentement, puis plus profondément, plus intensément ; je finis par redéposer son livre sur ses genoux ; je ne veux pas m'aventurer trop loin dans les pages, je pourrais ne plus en revenir. C'est très joli... Vraiment, tu réussis très bien à retranscrire sa confusion. Ça ne doit pas être facile de vivre les malheurs des autres, en plus des tiens... sans cesse se demander pourquoi il souffre, pourquoi il a peur, vivre ses peines, vivre ses moments de bonheur, sentir son coeur qui bat très vite. C'est un peu comme si ton personnage vivait deux vies, avec tout ce qui va avec, les bonheurs, les malheurs... Ça ne doit pas être facile tous les jours. Gérer ses propres émotions est parfois très compliqué, alors gérer celles des autres... est-elle familière avec cette situation ? elle ? qui est-elle d'ailleurs ? Comment tu t'appelles ? j'ai soudainement envie de tout savoir de cette jeune fille. D'où t'est venu l'idée de ce scénario ?

L’attente un peu angoissée maintenant, elle lui a confié une partie d’elle avec son petit carnet. C’est dur de montrer ce qu’on écrit, on a envie de se dire que les critiques nous ferons grandir mais on n’est pas sûr de pouvoir les accepter. Peur aussi de se rendre compte qu’on n’est pas si doué qu’on pouvait l’espérer. Elle décroise ses jambes engourdies en attendant que Zélie finisse et l’observe du coin de l’œil. Elle a l’air concentrée sur sa lecture, tout entière plongée dedans. Finalement, la rouge repose le petit carnet sur les genoux d’Amy, qui la regarde prête à entendre son avis.

-C’est très joli… Vraiment, tu réussis très bien à retranscrire sa confusion. Ça ne doit pas être facile de vivre les malheurs des autres, en plus des tiens… C’est un peu comme si ton personnage vivait deux vies, avec tout ce qui va avec, les bonheurs, les malheurs… ça ne doit pas être facile tous les jours. Gérer ses propres émotions est parfois compliqué, alors gérer celles des autres…

Les compliments vont droit au cœur de la jeune Poufsouffle qui sourit de nouveau à son interlocutrice. Un petit sourire un peu timide, mais qui la remercie. Elle a l’impression que Zélie s’est vraiment connectée avec le personnage principal. Il y a dans sa voix quelque chose de vraiment sincère. En l’entendant Amy a presque l’impression que Zélie comprend le calvaire de son héroïne. Elle est sûrement très empathique, quoi qu’il en soit, la Poufsouffle est assez d’accord avec son interlocutrice, gérer les émotions des autres en plus des siennes ça doit être absolument épuisant.

-Comment tu t’appelles ? D’où t’es venu l’idée de ce scénario ? ajoute Zélie.

-Merci c’est vraiment très agréable à entendre ! Je m’appelle Amy. Chez les Poufsouffles on est réputé pour être plutôt emphatique et c’est un phénomène qui m’a toujours intéressé. Un jour, pendant un cours extrêmement ennuyeux je me suis demandée ce que ça ferai de pouvoir ressentir les émotions des autres et cette histoire est née.

Petite pause pour lui laisser le temps d’assimiler les paroles et une question à son tour.

-Et toi tu écris quelque chose de précis en ce moment ?

La Poufsouffle semble touchée par mon commentaire ; une jeune fille qui manque de confiance en elle peut-être ? je me demande si je suis la première à avoir eu la chance de me plonger dans ses écrits ; ce serait un honneur ; je suppose que je ne suis ni la première, ni la dernière ; cependant, j'admire son courage ; s'ouvrir ainsi à une personne qu'elle ne connait ni d'Adam ni d'Ève est très audacieux.

"Merci c’est vraiment très agréable à entendre ! Je m’appelle Amy. Chez les Poufsouffles on est réputé pour être plutôt emphatique et c’est un phénomène qui m’a toujours intéressé. Un jour, pendant un cours extrêmement ennuyeux je me suis demandée ce que ça ferai de pouvoir ressentir les émotions des autres et cette histoire est née."

Sa réflexion m'arrache un sourire ; Amy, douce Amy ; ce prénom est tout à fait à son image, délicat ; une véritable blairelle, j'aurais pu le deviner les yeux fermés ; j'apprécie les Poufsouffle, cette maison est de loin la plus pacifique et je les envie parfois ; ils sont loyaux, patients, persévérants, modestes et sincères ; comment ne pas les apprécier ? après réflexion, ils ne partagent pas toutes les mêmes qualités ; je songe à Artemis, loyal, certainement, patient, un peu moins ; mais il vit, pleinement ; il se laisse guider par ses émotions, par son coeur ; ce qui ne lui réussit pas toujours d'ailleurs ; je les aime les blaireaux ; ils sont entiers.

"Et toi tu écris quelque chose de précis en ce moment ?"

"Précis" n'est pas le terme. À vrai dire, pas vraiment. Je note des petites histoires, des idées, des pensées, mais rien de bien précis. Je laisse la carrière d'autrice pour ma camarade. Je voudrais devenir reporter, tu vois ? Du coup, j'écris les petites histoires qui se glissent dans les couloirs, j'écris sur des sujets qui me tiennent à coeur, j'essaye d'observer et d'écouter. Rien de bien palpitant pour l'instant ; dans quelques années, j'espère avoir des articles un peu plus consistants ; chaque chose en son temps. En quelle année es-tu ? J'élimine la dernière année. Tu as des plans pour le futur ? Curieuse curieuse ; j'aime entendre les gens parler de leurs rêves, de ce qu'ils aimeraient accomplir ; ça en dit souvent long sur la personnalité de chacun.