Et les notes s'échappent [Abandonné]

Saison 29 - Hiver

Surexcitée ; petite, j'étais surexcitée ; tout le temps ; partout ; vraie boule d'énergie ; mais il n'était pas difficile de me calmer ; le son des vagues ; le son des gouttes de pluie qui tombent lors des soirées orageuses ; papa qui parle ; maman qui parle ; le contact réconfortant de Berlioze ; la musique ; la musique ; ça, ça n'a pas changé ; peu importe quel genre de musique ; peu importe quel instrument de musique ; le simple mot musique se suffisait à lui-même ; je me rappelle être tombée sur cette salle lors de mes premières semaines au château ; les notes me manquaient ; je cherchais le contact avec les cordes ; ou les touches ; peu importe ; autodidacte, je me suis formée seule ; un jour j'ai commencé ; je ne me suis plus jamais arrêtée.

Sauf ces derniers mois ; ce début d'année, ces nouvelles responsabilités ; tout semblait m'empêcher de songer à la musique ; à retourner jouer dans cette salle ; une salle qui existe sans exister. Aujourd'hui est différent des autres aujourd'hui ; il fait gris ; le ciel me transmet sa nostalgie ; une fille chantonnait dans les couloirs ; une mélodie déjà entendue une fois, ou deux qui a dépoussiéré certains souvenirs ; ainsi est apparue l'envie ; envie d'y retourner ; pour voir si ça avait changé ; droite, gauche, gauche, droite ; un chemin emprunté il y a longtemps, gravé dans ma mémoire ; une fois la lourde porte apparue comme par magie, je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire nerveux ; et la Zélie de 11 ans entre dans son coin de paradis.

Les instruments sont toujours accordés ; comme si rien n'avait changé ; ils trônent sur la petite estrades attendant patiemment que quelqu'un les chatouille ; l'endroit dégage quelque chose de réconfortant ; de solitaire ; de chaleureux ; une cabane dans laquelle tu voudrais disparaître lorsque la joie n'y est pas ; j'avais oublié ; je m'empare d'un petit ukulélé et me laisse tomber sur le tapis ; et les notes s'échappent.

Comme à mon habitude, j'erre dans le château. Mes pieds me font parcourir des chemins encore jamais empruntés. Je découvre des couloirs nouveaux, de nouveaux tableaux me saluent quand je passe devant eux. Je marche sans réfléchir où je vais, me laissant guider par le hasard et l'instinct. Je ne sais pas ce que je cherche. Peut-être rien. Je croise peu d'élèves alors que le reste du château était pourtant assez vivant. Pour une fois depuis longtemps, je me sens un peu plus léger. Marcher entre ces murs me soulage un peu de ma colère et de ma tristesse. Je commence à m'habituer à ce changement de vie. J'ai un peu apprivoisé cette école même si je suis encore parfois un peu susceptible et sur les nerfs.

Je commence à me repérer dans ce château mais aujourd'hui je ne sais absolument pas où est-ce que je suis allé. Alors que je suis perdu, mes pensées aussi s'égarent. Je repense à tous ces jours en France où je jouais de la musique quand ça n'allait pas. Je m'asseyais au piano du salon et laissait les notes parler à ma place. Ma mère avait pour habitude de s'asseoir et de m'écouter. Il m'arrivait aussi de prendre le violon mais de moins en moins et je suis maintenant aussi habile avec qu'avec un balais.

Alors que je repense à tout ça, je remarque quelque chose d'étrange dans le mur. Un mouvement inperceptible. Alors que je m'approche pour voir ce dont il s'agit, une porte en surgit. Intrigué, je décide de la pousser doucement. Il s'agit d'une salle assez grande. Des fauteuils confortables sont installés devant une grande scène. Les murs sont recouverts de teintures rouges et la salle est seulement éclairée par des lustres à bougies. Une ambiance magique règne dans les lieux.

Sur la scène, sont installés tous les instruments que l'on pourrait imaginer. Poudlard possède une salle à musique. Le paradis. Une jeune fille, que je reconnais comme une des préfètes de Gryffondor, joue un morceau au ukulélé. Je reste dans l'entrée le temps qu'elle finisse. Son morceau est sublime. Une fois la dernière note jouée, je m'approche doucement. Je lui souris, et m'installe au piano.

Tu permets ?

Et j'entame un morceau que je jouais à ma mère. Je lui en veux depuis qu'elle a déménagé en Angleterre mais je me rends compte maintenant que tout cela était vain et qu'elle est ce que j'ai de mieux au monde.

Mes doigts qui frôlent les cordes ; les accords qui me reviennent en tête en un claquement de doigts, comme si je n'avais jamais arrêté ; ma tête se vide ; le temps se fige ; les notes s'envolent emportant avec elles toutes mes préoccupations ; j'avais oublié ; créer la musique ; c'est beau ; c'est bon ; c'est doux ; c'est comme une caresse qui réchauffe le coeur ; je suis dans un autre monde, un univers qui n'appartient qu'à moi ; un univers qui me fait du bien ; j'avais oublié ; les instruments qui trônent sur la petite scène m'écoutent ; eux aussi sont-ils attendris ?

Ma voix essaye tant bien que mal de suivre le rythme ; je n'ai jamais réellement su si je chantais juste ; je chantais pour moi ; je n'avais pas besoin de le savoir ; je chante pour moi ; je n'ai pas besoin de le savoir ; je redescends sur terre lorsque mes doigts se placent sur le dernier accord ; délicieux ; le son de ma petite guitare résonne encore dans la pièce lorsqu'une voix s'élève ; je lève les yeux, petit sursaut de surprise ; quelqu'un est ici ? comment ? depuis combien de temps ? m'a-t-il entendu ? bien sûr qu'il m'a entendu ; il ne semble pas terrorisé ; loin de là ; c'est un bon signe ; il veut me jouer un morceau ? je lui offre mon plus beau sourire en guise de réponse ; le piano ; un si bel instrument avec lequel je n'ai jamais vraiment familiarisé ; pourtant, un piano trône dans la salon de mes grands-parents ; il m'a toujours paru royal, inaccessible, sacré, vieux, trop vieux.

ll me prend par la main et m'amène dans son monde en noir et blanc ; il joue si bien ; l'émotion m'étreint, comme ça, pour rien ou si peu ; sa voix, le tout ; ces frissons qui montent le long de l'échine ; j'aime la musique ; j'aime sa musique ; je l'écoute, des étoiles dans les yeux ; je me sens chanceuse ; chanceuse de vivre cet instant suspendu, hors de la réalité, avec ce garçon que je ne connais pas ; pourtant ses traits me disent quelque chose ; il est mignon ; je l'ai déjà croisé ; où ? est-il à Gryffondor ? quel âge a-t-il ? qui est-il ? ai-je réellement besoin de le savoir ? ne rien connaître de ce musicien rend l'instant si magique ; et puis, encore une fois, le silence reprend sa place. Waw, c'était vraiment très joli... Tu viens souvent jouer par ici ? Ainsi nous apprendrons à nous connaître ; les notes seront notre langage.

Mes mains courent sur les notes, sautant d'une touche à l'autre. Tout ce que j'éprouvais depuis mon arrivée ici s'envole avec les mots qui sortent de ma bouche. Je joue comme jamais je n'ai joué. Je me sens enfin libre, léger du poids qui me pesait jusqu'alors. Renouer avec la musique et son pouvoir me fait un bien fou. Je suis sur un nuage et je maudirai à jamais celui qui osera m'en faire descendre. Un sourire apparaît sur mon visage, chose assez rare en ce moment. Je ne me souviens même plus de quand est-ce que j'ai souri pour la dernière fois.

Son compliment me va droit au cœur. La dernière note s'échappe et j'essuie d'un coin de ma manche la larme qui commençait à perler. Discrètement, histoire qu'elle ne me voit pas. Je ne la connais pas, enfin que de vue, mais je n'ai pas envie qu'elle me prenne pour un fragile. En tout cas, pas comme ça. Si je dois m'ouvrir à elle, ce sera grâce à la musique. Un langage universel dans lequel j'arrive vraiment à m'exprimer.

Merci, toi aussi c'était très joli. C'est la première fois que je viens dans cette pièce, je suis nouveau à Poudlard. Tu joues autre chose que du ukulélé ?

Peut-être était-elle aussi une joueuse de piano ? Ou alors, peut-être préférait-elle frotter les cordes d'un violon ? J'ai envie de savoir. Le type d'instrument joué en dit long sur la personne et la façon dont elle en joue aussi. Peut-être pourrions nous faire des duos ? Peut-être, si elle joue du violon, pourra-t-elle m'aider à rattraper les cours que j'avais eu enfant. Et en échange, je pourrai lui apprendre ce que je sais du piano. J'ai envie de chanter sur ses morceaux, d'accompagner sa voix avec mes mélodies.

Dans tous les cas, j'ai envie de rester ici. Rester à partager ce qui me faisait vibrer et que j'ai retrouvé. Peu importe le temps qu'il s'écoule à l'extérieur de cette pièce, le temps ici semble tout simplement figé, ne s'écoulant que les notes emplissent l'air. Je me mets sur le côté, lui laissant le choix parmi tous les instruments présents dans cette pièce. Un petit sourire au coin des lèvres Il me semble que c'est à toi maintenant nan ? Montre mon qui tu es, étonne moi !

Il semble transpercé par les notes tout comme moi ; un coeur sensible ? c'est la première fois qu'il vient dans ce petit coin de paradis ; définitivement pas la dernière ; difficile de ne pas revenir faire un tour ; les quelques mois sans jouer de la musique m'ont semblé infini ; j'en avais presque oublié ce que jouer me procure comme émotion ; thérapeutique ; j'en ai besoin ; prendre des vacances, seulement pendant quelques minutes, puis redescendre sur terre, canalisée et prête à affronter mes responsabilités ; il me demande si je joue d'un autre instrument ; bonne question ; jouer à la guitare, je savais le faire, il y a quelques années ; aujourd'hui je ne suis pas sûre ; ça ne se perd pas, n'est-ce pas ? je pourrais essayer à nouveau ; après tout, guitare à six et quatre cordes, c'est presque la même chose, pas vrai ? Je jouais de la guitare, quand j'étais un peu plus jeune. Mes grands-parents avaient un piano, mon grand-père jouait merveilleusement bien. Je n'ai jamais essayé, bizarrement. Il pourrait peut-être m'apprendre quelques gammes ? une chanson classique qui reste gravée à jamais ? j'aimerais pouvoir jouer tant d'instruments... saxophone, piano, harpe, violon, violoncelle ; malheureusement, je ne suis pas sûre d'avoir la motivation nécessaire ; ni le temps. Et toi ?

Il est temps de me présenter ; avec quoi ? je pense à cette musique qui me porte, qui me motive ; qui me rappelle la joie d'être vivant ; je saisis la guitare à quelques mètres de moi. Très bien... Essayons. Arrêter de poursuivre des ombres, profiter du voyage ; je suis surprise de voir que mes doigts n'ont rien oublié ; je me laisse bercer ; je laisse mes cordes vocales, mon corps faire le travail ; je ne réfléchis plus ; je vis la musique.

La dernière note s'envole ; je me sens soudainement rougir ; tu es sûre de ce que tu fais ? il ne me connaît pas ; que va-t-il penser de moi ; je m'ouvre à lui, mais j'ignore qui il est ; tant pis ; je prends le risque ; m'exprimer de la sorte me fait un bien fou.

Ainsi donc c'est une musicienne aussi. J'aurai du m'en douter vu comment elle maîtrisait le ukulélé. C'est agréable de rencontrer des gens avec les mêmes centres d'intérêt que moi. Même si je n'ai jamais touché à la guitare et qu'elle n'a jamais joué du piano, nous comprenons tous les deux l'importance de la musique et le pouvoir des notes associées aux mots. Ou même d'ailleurs tout simplement le pouvoir des notes.

Seulement du piano malheureusement. Je faisais un peu de violon plus petit mais j'ai arrêté. C'est dommage parce que maintenant que je suis plus grand j'aimerai beaucoup reprendre.

Et puis elle se saisit d'une guitare et laisse son cœur parler. La chanson est très belle, les notes sont parfaitement jouées et sa voix est sublime. Je ne suis pourtant pas un fan du son de la guitare mais je dois avouer que là, c'était tout simplement magique. Après quelques instant pour me remettre de ce morceau, je l'applaudis doucement en lui souriant. C'est fou comment la musique permet de se détendre et d'oublier que l'on se confie, seulement se livrer.

Je me retourne vers le piano, prêt à chanter à mon tour. Je sais exactement quoi chanter. Une chanson d'invitation à la découverte. Un voyage dans un monde imaginaire, un peu mon monde à moi finalement. C'est une chanson que je chantais de temps en temps sous la douche mais que je n'ai jamais osé chanter devant quelqu'un. Aujourd'hui, il était temps d'inviter quelqu'un à me rejoindre dans mon monde.