Saison 30 – Hiver
Plic et ploc sur les pavés. Il pleuvait à fines gouttes et la brume londonienne engloutissait chacun des immeubles qui flirtait un peu trop avec le ciel. Isolde profitait de cette morne fin d'après-midi pour échapper à l'ambiance électrique qui régnait chez son père et sa belle-mère. Nora Momba ayant dû effectuer en dernière minute un déplacement professionnel, Leanne et sa sœur aînée s'étaient retrouvées à la charge du père. La Gryffondor avait eu beau supplier sa mère de la laisser passer les vacances à Poudlard, elle n'avait pas obtenu gain de cause auprès de l'avocate dont les talents en rhétorique n'étaient donc décidément pas héréditaires. Isolde s'était juré qu'à sa majorité, plus personne ne lui donnerait d'ordre. Par ailleurs, les deux sœurs paraissaient plus distantes l'une de l'autre et Isolde avait besoin de solitude. Leanne entrait dans l'adolescence tandis qu'Isolde s'y était déjà noyée. Les deux fortes têtes se parlaient moins et il était temps pour l'aînée de faire un tour dehors et de respirer.
Les volutes de buée s'évaporèrent tandis que la Londonienne rabattit d'un geste décidé la capuche de son manteau d'hiver. Isolde détestait ce climat hésitant entre neige et pluie, ce moment de la journée entre chien et loup. L'adolescente emprunta volontairement des rues calmes. Les yeux rivés sur le sol humide, elle avançait au hasard – sans jamais se perdre toutefois. Quelques semaines auparavant, elle avait fait coudre un pan de tissu à l'intérieur de sa veste afin de pouvoir y glisser sa baguette magique. À chacun de ses pas, le bois exerçait une légère pression contre ses côtes ; ce n'était pas agréable, mais c'était rassurant. Isolde se sentait invisible, protégée. Les passants qui la croisaient ne lui adressaient pas un seul regard et seuls certains oiseaux s'envolèrent sur son passage, dérangés dans leurs affaires volatiles. La lumière était fade et les ruelles sans aucun charme alors qu'à quelques blocs de là, le boulevard était semblable à une fourmilière dans laquelle on venait de donner un coup de talon ; encombré et désorganisé.
Faute de pouvoir penser correctement – car Isolde ne s'adonnait que très rarement à de profondes introspections –, marcher lui faisait du bien. Tout pour s'éloigner de ce foyer toxique. L'avantage, c'est que Mr Hawkes ne piétinait pas son autonomie, installant une forme de distance entre sa fille et lui, moins par désintérêt que par désir de lui donner un peu d'espace, ainsi qu'elle le lui avait demandé ; et Barbra n'avait à présent plus son mot à dire, ce qui était une grande avancée par rapport aux mois précédents. Isaac restait un partenaire manipulable et soumis, mais c'était son problème, et plus Isolde s'en tenait à l'écart, mieux elle se portait.
La lionne solitaire trouva une petite place à l'écart du monde, où trônaient une statue de bronze aux formes étranges ainsi qu'un banc qui ne demandait qu'à avoir un peu de compagnie. Isolde s'y avachit sans ménagement ; l'assise était légèrement plus haute qu'à l'ordinaire. Isolde regarda ses pieds se balancer dans le vide. La pluie s'adoucit et devint bruine.