Une petite heure à la bibliothèque ne me fera pas de mal. C’est qu’avec mon nouveau job, je dois rester à la page, même en Histoire. Parce que l’HDM, c’est un peu loin pour moi. Même si, ne vous en faîtes pas, j’assure à fond. Néanmoins replonger parfois dans les vieux grimoires poussiéreux de la bibliothèque ne peut qu’être que bénéfique.
Je rentre sans me faire remarquer, m’imprègne de courtes seconde de l’atmosphère studieuse du lieu. Des souvenirs qui remontent à la surface. Les quelques fois où, élève, je venais étudier ici. On ne va pas se mentir : je n’y passais pas ma vie. Je préférais dix fois, mille fois plus aller courir dehors, enfreindre le règlement, saluer les étoiles ou chercher l’adrénaline dans les lieux interdits.
Quelques élèves sont assis à des tables, en train de travailler. Ils ne parlent pas vraiment. Trop concentrés. Quels élèves !
Je me souviens que c’est ici même que j’ai rencontré Asclépius. Qui étudiait alors que je m’ennuyais ferme. Et c’est parti en joute verbale des plus distrayantes (et un poil violente). Mais finalement, c’était le début d’une amitié. Sous ses couverts d’inimitié.
Je soupire en avançant dans les rayons.
D’une certaine façon, ce temps me manque.
Ce n’était pas le temps de l’innocence, loin de là -puisque c’étaient les années des premières rencontres avec les Masques et la violence. Mais c’était, au milieu des ténèbres et des démons, des années d’amitié, de pas qui se croisent. Se lier fortement à des gens aujourd’hui perdus de vue. Comme Leo. Ou Asclépius. Je les aimais vraiment beaucoup, tous les deux. Il ne me reste, aujourd’hui, que les souvenirs.
J’attrape machinalement des livres que je ne regarde pas vraiment.
Mes yeux cherchent plutôt à voir ce qui se passe autour. Les gens. Les rencontres. Et les souvenirs qui se superposent.

Je remarque tout à coup une élève. Dont le visage ne m’est pas inconnu. Je la regarde. Elle me regarde. Elle vient vers moi. Elle m’aborde et se présente. Je ne dis rien, l’écoutant d’une oreille distraite. Toute concentrée sur ses traits, ce visage qui me rappelle... où l’ai-je donc vue ? A Poudlard, sans doute. Mais encore avant.
Les Trois Balais, sans aucun doute. C’est l’autre lieu où il m’arrive d’être en contact avec des étudiants divers et variés.
Et tout à coup
Pensant aux 3B
Je la revoie.
Offrant la tournée à tout le monde -je crois que c’était ce jour là.
Un sourire en coin vient souligner mes livres.

-La spatule, je lui dis pour toute réponse en claquant des doigts pour signifier qu’enfin, je me souviens.

Cette spatule, mon arme de prédilection après la poêle. Celle avec laquelle je tapotais la tête de Marjorie lorsqu’elle faisait un truc pas bien. Et que j’ai tapoté les fesses exposées de Madame Theya ici présente.

-Ah, de bons souvenirs, la spatule ! Mais je l’ai léguée, maintenant, j’ajoute, comme si ça pouvait l’intéresser.

Je laisse courir un temps. Me recentre. Que disait-elle, déjà ? De quoi parlait-elle ? Pourquoi est-elle venue...
AH ! L’Histoire de la Magie. Parce qu’il paraît que, désormais, c’est mon domaine. Bon, bon, bon, aloooors.

-Tout dépend de ce que tu cherches. Histoire de la Magie, c’est vaste. As-tu un thème précis ? Sinon, le livre de base serait celui de Batilda Tourdesac.

On n'a rien vu du retard

Je regarde avec étonnement le sourire innocent de la jeune Theya. Evénements catastrophiques toujours liés à des événements heureux ? J'avoue n'avoir jamais pensé à la chose sous cet angle. Comme si elle y voyait systématiquement un rééquilibre de la balance. A chaque mal son antidote, en quelque sorte. Ou pour un mal, un bien.
Elle me détaille sa recherche. Sa demande. Je l'écoute avec attention. Je ne pense même plus à la spatule, c'est pour dire !
Puis il y a l'explosion. Elle se met à sautiller, prise d'une énergie qui l'empêche de tenir en place. Elle affirme vouloir tout savoir. J'ai un petit rire presque attendri. Tout savoir ? Mais qui peut se targuer de tout savoir ? C'est un puits sans fond, chaque jour, on produit de la connaissance nouvelle ou bien on réfute ce qu'on tenait pour acquis jusque-là. Et on envisage le monde autrement. Mais je comprends ce qu'elle veut dire.

-Dis donc, pour quelqu'un qui affirme être un peu nulle en la matière, tu est néanmoins vachement motivée.

Je lui fais un petit signe de tête, pour l'inviter à me suivre.
Nous parcourons les rayons et je finis par m'arrêter devant une étagère que je connais bien. Je prends un livre que je lui tends :

-Je pense que tu devrais commencer large et général. Pour tes premiers pas dans l'Histoire de la Magie, le livre de Batilda Tourdesac est une des références.

Je parcours des yeux l'étagère et attrape un second livre :

-Celui-ci complétera cet ouvrage. Il se concentre davantage sur l'histoire contemporaine, du siècle dernier jusqu'à maintenant. Tourdesac n'a malheureusement pas eu l'occasion d'écrire sur cette période.

Je m'adosse contre le meuble en bois et regarde Theya.

-C'est quoi ton idée, sur les catastrophes et les événements heureux qui... s'équilibrent tout au long de l'Histoire ?

Parce que ça, ça m'intéresse. De savoir à quoi elle pense. Pourquoi elle le pense.