Ca fait si longtemps. Une éternité, même. Quand je me retourne, je suis incapable de voir à quand remonte la dernière fois. Je les avais presque oubliées. Presque.
Les ténèbres.
Tant de choses, depuis.
J'ai bondit, suis retombée, me suis cassé la g*eule, me suis relevée, ai tenté de m'envoler à nouveau. La vie a filé entre mes doigts. Comme un ruban. Trop vite.
J'ai couru derrière l'ombre d'Asclépius que je n'ai jamais rattrapée. Maintenant, je balaie la poussière qu'elle a laissée. J'ai fini par me décider : faire les cartons, les porter au grenier. Depuis, Elias est venu s'installer à Thermidor. Un ami en détresse, on en prend soin. Il était tellement paumé quand je l'ai revu que je n'ai pas voulu le laisser seul, livré à lui-même. Ayant une place au chalet, je l'ai convié. Faut avouer, ça me fait du bien à moi aussi.
J'ai continué de gambader sur les 3B. J'ai convié Elias aussi là-bas. Il s'y fait son petit nid, c'est plaisant à voir.
J'ai retrouvé Poudlard.
Ca me fait de grosses journées, tout ça. Je ne suis presque plus à Thermidor. Il est souvent plus simple pour moi de rester à Poudlard. J'ai le bar à portée de main, en plus, au cas où. Arty gère. Mais sait-on jamais.
Parfois, je vois les mômes de Lizzie. Après tout, j'étais, à la base, censée m'occuper un peu d'eux. Mais c'est compliqué, les cases de mon emploi du temps sont souvent remplies. Je vois Lizzie, plus que ses gosses, en fait. Les enfants, ils ne sont peut-être que des prétextes inconscients, qui sait.
Bref.
Ma vie a repris.
J'avance. Au jour le jour. Sous les nuages ou les étoiles.
Les gens derrière, d'autres devant, et quelques uns et qui marchent avec moi. J'ai perdu de vue certaines personnes qui m'étaient chères, comme Peter. Mais je continue à voir les autres. Et tant qu'ils seront là, je me dirai que ma vie n'est pas si pourrie.

Aujourd'hui, j'ai reçu un appel. A la nuit.
Evidemment, la nuit.
C'est le moment de la journée que les Ténèbres préfèrent.
Je ne sais pas qui. Juste un appel. Je n'ai pas décliné. Ca n'aurait pas été chic, d'abord. Puis je n'ai rien d'autre à faire ce soir. Surtout, c'est un comme un appel venu de loin qui me cueille aujourd'hui. Pour peu, je serai nostalgique. Et je me souviens
Les Ténèbres ne t'abandonnent jamais vraiment
Je me souviens du masque déchiré de griffures -84, il me semble ? Qui était arrivé aux 3B, presque comme une providence, alors que j'avais plus ou moins disparu de la circulation à courir après l'ombre d'Asclépius qui ne s'est jamais retournée. Elle était là, message que les Ombres seront toujours là.

Je me rends donc à Londres. Vêtue d'un manteau sombre, enroulée dans une écharpe. Je lève les yeux. La nuit est claire. Mais avec cette pollution lumineuse, il est difficile d'apprécier les étoiles.
Je marche, au milieu de la foule. C'est l'heure des sorties et des restos. Les salles sont illuminées de lumières artificielles. Les gens boivent dehors en dépit du froid nocturne.
Je plonge, je traverse, je zigzague et me faufile jusque dans les ruelles abandonnées, laissées, qu'on regarde peu. Je sais où je suis censée aller. Où est censé être le point de rendez-vous.
Loin des regards.
Pour une rencontre à demi-mots.
Je suis là.
Et j'attends.
Le messager, la messagère.
Je n'ai pas peur, n'ai plus peur. Loin est le temps où je tremblais. J'ai appris à connaître. Apprécier. Comprendre.
Alors j'attends.
Sans un bruit.