L'échec n'est pas une option [En cours]

PV Alice N. Marshall
Saison 30 - Hiver

LA partagés.

Le week-end à Poudlard a ceci d'agréable qu'il libère des contraintes étudiantes. On est alors libre de vaquer à ses occupations, de changer d'air dans le Parc ou de passer la journée à traîner dans une salle commune. Pour beaucoup demeurent toutefois certaines obligations : les devoirs à rendre aux professeurs, les révisions en vue des examens de fin d'année... Le week-end est aussi le moment où les préfets doivent redoubler de vigilance - le moment où tout peut arriver. Sue n'étant pas une grande fainéante et fuyant l'oisiveté, elle a pris l'habitude de se lever aux aurores pour parvenir à peupler ses journées de ses mille et un projets.

La charmante demoiselle ne s'est pourtant pas pressée ce matin-là ; elle s'est longuement détendue dans un bain moussant puis est partie en quête de son petit déjeuner. Une fois arrivée dans la Grande Salle clairsemée, elle s'est installée à sa place et a posé son sac sur la table. De ce dernier, elle a sorti le jeu d'échecs version sorciers offert par nul autre que le Père Noël. Bien sûr, elle n'ébruitera jamais son origine - on ne la comprendrait pas. Elle invite ses pièces à se mettre en position tout en attrapant quelques pancakes pour les grignoter. Rien de tel qu'un entraînement tranquille en compagnie d'un copieux petit déjeuner. Les petites statuettes semblent ravies de sortir de leur torpeur. Il faut dire que Sue ne joue aux échecs qu'occasionnellement ; heureusement pour elles, elle avait décidé de changer cela et d'améliorer ses compétences dans ce domaine.

Les iris de l'Aiglonne papillonnent autour d'elle et finissent par se poser sur une silhouette familière à la table de Poufsouffle. Il s'agit de Nour, la fillette qu'elle a désillusionnée au sens figuré quelques semaines plus tôt. Les secondes passent tandis qu'elle se remémore leur rencontre ; et que, peu à peu, l'amertume la gagne. Sans savoir exactement pourquoi, elle a dans sa bouche un arrière-goût d'inachevé. Comme si elle était passée à côté de quelque chose. Comme si elle n'avait pas réussi son entrée sur tous les tableaux. Moue dubitative. Elle lance Nour ? et réalise enfin qu'elle ne connaît pas son nom de famille. C'est peut-être de là que vient cette sensation sèche et amère sur sa langue. De là ou de ses pancakes. Veux-tu venir ? Elle se sert une tasse de thé et lui en propose une. Comme tu le vois, je m'essaie aux échecs aujourd'hui. Ce n'est pas ma spécialité mais je m'entraîne. Et toi, tu t'y connais ?

Qu'importe sa réponse, elle ne changera rien au désir de Sue en cet instant. Ce qu'elle veut, c'est lui proposer un nouveau jeu. Un jeu différent du dernier, aux règles immuables et où la logique l'emporte sur la rhétorique. Un jeu où elles n'auront plus à se jauger l'une l'autre, où elles seront livrées à leur sort. Un jeu où il n'y a pas de demi-mesure : soit je gagne, soit tu perds. Parce que oui, ce qu'elle veut finalement, c'est sentir de nouveau la saveur jouissive de la réussite. J'étais prête à m'affronter moi-même... Il suffit de faire pivoter le plateau et le tour est joué. Mais, si ça te tente, on peut faire une partie. Pas de bonjour, pas de comment vas-tu, pas de si tu n'as rien d'autre à faire. Sue s'impose comme le destin, et cela manque de politesse. Elle devra se rattraper plus tard pour éviter de se perdre à ce jeu-là.

Les blancs commencent. Ils sont de son côté, comme par hasard. La guerre est imminente. Les pièces s'agitent sur le plateau - on se dispute l'honneur d'ouvrir la partie. Elles sont enthousiastes à l'idée de se retrouver sous les ordres de Sue - la fille aux cheveux clairs a intérêt à nous apporter la victoire. Les fourmillements s'estompent - c'est parti. Pion en E4. Le soldat concerné s'avance : À l'attaque ! ♪

État du jeu :

Assise à la table des Poufsouffle, les yeux parcourant la dernière lettre que mon frère m’a envoyée, je souris. Parce que j’aime relire nos correspondances, surtout lorsque je suis en attente de sa réponse. Et j’attends en ce moment même puisque ça fait quelques semaines que j’ai répondu à sa précédente missive. Dedans, il me raconte qu’il a enfin pu observer un moremplis de près, sans que celui-ci ne soit en train de manger quelqu’un. Et il n’arrête pas de répéter qu’il s’en veut de ne pas avoir pu venir pour Noël et qu’il fera tout son possible pour que je puisse le voir durant l’été. Ça me rend triste de savoir qu’il se sent coupable, même si c’est vrai que son absence m’a fait beaucoup de mal. Mais j’ai le cœur en joie à chaque fois que je relis cette phrase merveilleuse où il me dit que nous allons sans doute nous voir cet été.

- Nour ? Veux-tu venir ?

Je relève la tête d’un coup, le cœur battant à tout rompre. Qui donc vient de m’appeler Nour ? Il n’y a que ma mère qui le fait, et c’est hautement improbable qu’elle soit dans la Grande Salle en ce moment même. Enfin, il y a ma mère et… elle. Je la vois, assise à la table des bleu et bronze : Sue Glanmor. Pourquoi m’appelle-t-elle, l’ami ? Je n’ai rien fait de mal, ou alors je n’en ai pas conscience. Ou peut-être qu’elle veut juste discuter ? j’ignore pourquoi mais, à mon avis, ce n’est pas pour cette raison qu’elle me demande de venir. Quoi qu’il en soit, je récupère la lettre d’Ayden et mon sac avant de me diriger vers la table des Serdaigle. Je m’assoie face à la jolie préfète qui me propose immédiatement une tasse de thé. J’accepte volontiers et lance un regard en biais à l’échiquier devant elle. Nouvelle recrue pour nous diriger. On espère qu’elle n’est pas novice dans l’art de la guerre.

- Comme tu le vois, je m'essaie aux échecs aujourd'hui. Ce n'est pas ma spécialité mais je m'entraîne. Et toi, tu t'y connais ?

Oh, alors elle m’a vraiment appelée pour discuter ? Un sourire se fiche sur mes lèvres. Je ne pensais pas lui avoir fait grande impression dans le couloir où on s’est rencontré, mais apparemment si.

- Pas du tout, dis-je. Enfin je sais comment bougent les pièces et je connais quelques techniques…

Comment ça, « quelques techniques » ? La fille aux cheveux foncés a intérêt à savoir ce qu’elle fait. Frétillement sur l’échiquier. Mon père adore jouer aux échecs. Parfois, il rentre du travail avec un collègue pour faire une partie à la maison. Je les observe quelques fois, plus dans le but de ne pas être seule que parce que ça m’intéresse mais j’ai appris quelques petites choses.

- J'étais prête à m'affronter moi-même... Mais, si ça te tente, on peut faire une partie.

Quoi ? Comment ça, faire une partie ? Mais je n’ai jamais joué aux échecs, moi ! J’ai juste observé quelques petites parties mais rien de plus. Enfin, je suppose que je n’ai pas le choix, la détermination se lit déjà dans le regard de la Serdaigle. Et j’ai bien envie d’être son amie alors comment refuser lorsque c’est elle qui propose une activité ? Tu vas m’aider, hein l’ami ? Parce que là j’aurai vraiment besoin de ton aide.

- Les blancs commencent.

Et elle envoie son pion en E4. Ouverture classique, pas d’originalité du côté adverse. J’observe la pièce avancer tout en réfléchissant à ce que je peux faire. Euh… Peut-être pas un pion. C’est sympa de ne pas faire dans le classique.

- Cavalier en F6.

Les pièces frétillent un instant. Ah ! Ouverture risquée, on espère que la fille aux cheveux d’ébène sait déjà dans quoi elle s’embarque. Le cheval s’avance, le torse bombé de fierté.

État du jeu :

Superbe.

Nour a accepté,
Un sourire aux lèvres,
Elle s'est assise
Devant Sue.

Si elle s'y connaît aux échecs ?
Pas du tout, a-t-elle répondu.

Le challenge sera moins grand.
La victoire moins délicieuse.

Mais qu'importe ?

Le défi est relevé.

La blonde | Les blancs
- - - - - - Face
Aux noirs. | À la brune.

Tous se sont lancés
Sur le champ de bataille.

Un jeune soldat, tout d'abord. Si courageux.
Il est parti en guerre sans se retourner.
Le casque enfoncé sur sa tête, le dos voûté,
Son cri du cœur sur le plateau a résonné.
Il croit encore, en lui, en son chef,
En ce pourquoi il se bat.
Sa détermination est contagieuse.
Ses camarades n'attendent qu'une chose :
Le rejoindre en première ligne.

Alors quand, dans le camp ennemi,
Un cavalier se fraie un chemin...
Et se retrouve à portée du soldat...
Son unité se porte volontaire, bien sûr,
Pour voler à sa rescousse, couvrir ses arrières.
Quel honneur ce serait, que de le protéger d'un cavalier !

Mais dans un jeu d'échecs version sorcier,
Ce n'est pas qu'aux pièces de décider.

Du haut de sa tour d'ivoire,
Sue surveille le jeu de son œil gris.
Elle hausse un sourcil, s'interroge,
C'est qu'elle n'y connaît pas
Grand-chose.
À l'art de la guerre.
Ce qu'elle maîtrise, c'est
Le piano, le pinceau ?

Elle paraît trop délicate pour tout ça.
Mais l'habit ne fait pas le moine.
Sous son minois de poupée
Se cache une stratège
En devenir.

Si elle joue - \
~~Si elle perd~~ - - > Elle apprend.
Si elle gagne /

Alors la chef n'écoute pas
Les suppliques des soldats
Elle se fie à la petite voix
Qui lui souffle cela :

- Cavalier en C3.

L'arrière-garde est flattée
D'être enfin sollicitée,
Et la pièce appelée
Ne se fait pas prier.

État du jeu :

Désolée du retard ^^'

Une fois le cavalier en place, la préfète hésite un instant. Pense-t-elle à la suite du jeu ? Ou peut-être cherche-t-elle simplement la bonne stratégie à adopter ? Je suis un peu pareille, et observe le cavalier s’avancer vers la case que l’aiglonne lui indique. Mon regard balaie l’échiquier, évaluant toutes les actions envisageables à ce stade de la partie. Il y en a beaucoup, mais je remarque un coup que j’aimerais bien tenter. C’est que je connais pas mal d’astuces, même si je ne joue que très rarement -voire jamais- à ce jeu.

Mes doigts se baladent sur le plateau, dansant au milieu des pièces sans même les effleurer. Oser ou ne pas oser, telle est la question. Nous pensons savoir ce que la fille aux cheveux noirs veut faire, mais est-ce une bonne idée ? L’échiquier frétille encore une fois, sans que je puisse savoir s’il s’agit de frissons de peur ou d’excitation. Finalement, je me décide et annonce d’une voix claire :

- Pion en G6.

Mes yeux suivent la pièce et l’observent avancer vaillamment. Plus personne ne tremble, et on peut lire une détermination sans faille sur le visage des statuettes. Était-ce une bonne idée d’agir ainsi ? L’avenir nous le dira.

État du jeu:

Bien que Nour ait prétendu ne pas s'y connaître, elle est très concentrée en ce début de partie. Ses yeux sombres font le tour du champ de bataille, à la recherche de la meilleure technique à adopter. C'est une bonne chose qu'elle prenne ce petit jeu au sérieux. Ainsi, même si les deux n'ont pas de grandes compétences, elles font de leur mieux en tant que chefs de guerre. Quant à savoir qui fera l'erreur fatale, qui mettra en place la meilleure stratégie, qui enfin surpassera l'autre ; il faudra être patient pour le savoir tant elles prennent leur temps à chaque étape (oups).

Finalement l'ordre est donné : c'est un pion qui va avancer d'une case en direction de l'armée des Blancs. Plutôt timide ce mouvement, juge Sue. Ne se sentant nullement menacée, elle ne cherche pas à savoir ce que son adversaire prévoit pour la suite. Elle va en profiter pour se préoccuper de ses propres affaires. À l'approche de la cinquième instruction, ses pièces sont toujours aussi motivées. Certaines ne se privent pas de faire leur petit commentaire ou de la conseiller sur la conduite à suivre. Alors que le ton ne cesse de monter et qu'elle ne s'entend plus penser, la préfète leur coupe la parole :

- Taisez-vous, c'est moi qui choisis.

Sourire malin et regard qui se pose sur les pièces en attendant qu'elles se calment. Elle n'est pas contre le fait de prendre en compte leur avis, en vérité. Mais pour l'instant il lui reste tant de choses à réaliser par elle-même. Elle préfère ne pas être embrouillée par leur agitation superficielle. Elles étaient plus bavardes que les tableaux de Poudlard et ce n'est pas peu dire. Bon, maintenant elles affichent des expressions outrées et marmonnent quelques plaintes, mais ça a quelque chose d'amusant.

Elle se serait volontiers saisi d'une bouteille de jus de citrouille mais il n'y en a pas dans les parages. Peu importe, elle a déjà une tasse de thé. Elle porte cette dernière à ses lèvres en levant le petit doigt comme une noble demoiselle. Une gorgée plus tard, elle repose sa tasse et annonce sa décision :

- Pion en D3.

Dans les rangs des Blancs, les murmures de protestation qui se sont élevés à l'encontre du tyran aux cheveux clairs n'ont pas fait long feu. La bonne humeur et l'excitation de la bataille à venir sont encore trop vives. Peu à peu, coup après coup, toutes les troupes se mobilisent. Elles sont prêtes à faire bloc pour protéger leur Roi et réduire au silence l'armée des Noirs. Pas question d'échouer ! Le jeune Pion concerné par la nouvelle mission, quant à lui, glisse gaiement jusqu'à son prochain emplacement.

État du jeu :