Ma pauvre fille, c'est pas encore ça ! Me dis-je intérieurement alors que je me relève, une fois encore couverte de boue.

Ça fait une semaine que je viens ici le soir après les cours pour m’entraîner à tenir sur un balais. Le terrain principal est souvent pris par les parties amicales disputées par des étudiants plus âgés, personne ne fait vraiment attention à la débutante qui galère dans son coin, pas loin de la touche.

J'ai demandé à faire partie de l'équipe de Quidditch de ma maison. On peut pas dire que je sois mauvaise sur un balais, ca fait des années que je sais plus ou moins en faire. Mais je doute beaucoup que "pas mauvaise" ca suffise pour être sélectionnée !  Il faut donc que je mette les bouchées doubles pour progresser avant qu'il y ait des sélections officielles.

Les cours de vol ont bien sûr commencé mais ne m'ont pas appris grand chose jusque maintenant ...  Les premiers cours sont vraiment au ras des pâquerettes, au propre comme au figuré. J'attend avec impatience que ca se corse un petit peu.

C'est pour ca que j'ai décidé de travailler un peu toute seule ! Et faire de l'exercice physique me fait du bien de toutes façons. Je suis une fille d'extérieur, c'est comme ça. Ça me manque de rentrer le soir à vélo ou de me promener dans les marais autour de la maison.

Aujourd'hui, contrairement aux autres jours, j'ai eu de la chance. J'ai pu jouer les ramasseuses de souaffle pour un autre groupe d'élèves qui s'affrontaient lors du match amical, sur un petit terrain "bas" réservé aux entraînements. Pile poil ce qu'il me faut pour m’entraîner à voler, ramasser la balle et la renvoyer avec une passe courte. Et ca me permet de sociabiliser un peu aussi avec les autres.

Et on ne peut pas dire que je sois super contente de du résultat de l'entrainement. Le vieux balais que j'ai récupéré de mon papy Jack est clairement obsolète ... Un nimbus 3000, mal rafistolé. Il tient mal le vent, il vibre dès que j'accélère et semble peiner dans les virages à gauche. Une vraie catastrophe. Mais on ne peut pas dire que j'ai été particulièrement reluisante non plus. Deux chutes déjà et voilà que je me ramasse de nouveau dans la boue après avoir tenté un ramassage un petit peu audacieux.

Des toutes petites chutes je vous rassure, je ne vole pas bien haut et ne prend pas beaucoup de risques. Mais quand même, ma fierté est écornée et le grand pantalon blanc que je porte n'est plus blanc que dans mon souvenir ...

Avec un soupir résigné, je ramasse le souaffle que j'ai voulu ramasser. Je marche à pied, pataugeant dans la boue du terrain avec mes bottes montantes. Je me retourne vers les joueurs pour qui j'avais ramassé la balle, j'arme mon bras et lance la sphère de cuir en l'air. Suffisament haut et loin pour qu'un joueur passe le rattraper, sans effort apparent, avec un petit geste de gratitude.

Moi je n'ai plus le courage de remonter "en selle". Je sens l'appel d'une bonne douche bien chaude qui m'attend. Je lance en l'air, les mains en porte-voix "-Je vais arrêter là ! Bonne continuation !"

Est-ce que quiconque m'a entendue ? J'en doute. Je vais ramasser mon vieux balais. Il est pourri mais c'est sur lui que j'ai appris à voler ... Un jour j'irais le faire retapper plus sérieusement je crois. Même si ce serait sans doutes plus facile et moins cher d'en acheter un neuf. C'est sentimental. Il a un petit côté "Retro" qui me plait. (Les autres disent "ringard" ... C'est eux les ringards, ils savent pas ce qui est beau.)

Je me retourne vers les vestiaires et marche d'un pas las, balais sur l'épaule. Quand j'aperçois au coin des gradins une silhouette furtive et luminescente. Un fantôme ! Ça n'a rien de très exceptionnel à Poudlard, on vit littéralement entourés de trépassés vagabonds et bavards. Mais lui il attire ma curiosité. Ça fait plusieurs fois que je le vois traîner dans le coin, sans jamais oser se mêler à quiconque. Il regarde, seul et silencieux.

Il est timide ? Possible ... Pour ne pas l'effrayer, je fais mine de continuer mon chemin vers les vestiaires mais au dernier moment, je bifurque et vais dans sa direction, lui laissant peu l'opportunité de fuir sans paraître clairement grossier.

J'affiche un sourire joyeux malgré ma frimousse recouverte de boue et lance un amical :

"-Salut ! Moi c'est Daisy ! Ca fait plusieurs fois que je te vois ici. Tu aimes le Quidditch ?"

Ce n'est qu'après avoir engagé la conversation que je me rend compte que ce fantôme est un adulte et doit être beaucoup plus âgé que moi ... Ce que je viens de faire est tellement malpoli ... Je grimace un sourire, l'air désolée.

"-Je ... heu ... pardon monsieur ... "vous" .. j'aurais du dire "vous" ... "

Une fois de plus Edgar Clogg regardait les vivants profiter du plus fameux des sports magiques. Une fois de plus il se lamentait d'être passé de vie à trépas et de ne plus pouvoir participer ni aux matchs ni aux entraînements en tant que joueur.

Comme chaque année des nouveaux venaient s’entraîner dans l'espoir de rejoindre les équipes de leur maison. Il fallait dire que c'était un grand prestige d'arborer les couleurs de sa maison sur le terrain. Et c'était une occasion, pour les plus valeureux, de ramener la coupe du tournoi de quidditch dans la salle commune de leur maison.

Un des défauts du quidditch était le matériel car il ne faut pas se leurrer un ballai ancien ne ferait pas le poids dans une course en ligne droite contre la dernière oeuvre des créateurs de balai. Et même en oubliant la vitesse, la maniabilité et la stabilité restait un avantage de taille notamment pour esquiver un cognard.

Une jeune fille avait trouvé son occupation à aider ses aînées lors d'un match amical, elle ramassait les souaffles après qu'une des deux équipes a réussi à le faire traverser les anneaux de leurs adversaires. Visiblement elle avait un peu de mal car les chute n'était pas rare et ses vêtements n'étaient plus vraiment très propres.

Cela continua encore quelque temps avant de se décider à rentrer, chose tout à fait normal. Cependant dans une bifurcation rapide elle se tourna vers le fantôme et lui adressa subitement la parole.

Il était visiblement surpris, tout d’abord car il ne s'y attendait pas, et surtout car peu de gens lui adressaient la parole et encore moins manière gentille. Il était plutôt habitué aux injonctions à dégager le passage ou aux moqueries de certains élèves. Il regarda donc quelques secondes la jaune, les yeux écarquillé, sans vraiment formuler de réponse.

En entendant les excuses de la vivante le trépasser pensait lui avoir fait peur et il leva légèrement les mains pour montrer qu'il n'était pas agressif.

Non ne t’inquiète pas ... je ... je n'ai juste pas l'habitude qu'on se soucie de moi, je m’appelle Edgar Clogg.

Le fantôme esquissa un sourire, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas prononcé son propre nom, c'était un des corollaires à son renvoi des entraînements de quidditch qu'il affectionnait temps.

Oh. C'est bien triste ! Moi je suis ravie de vous rencontrer monsieur Clogg !

Sa tristesse me touche. Malgré ma fatigue, je prend place à côté de lui, sur le banc. Je lui souris gentiment. Un fantôme c'est une personne, non ? Personne ne mérite d'être laissé pour compte. Quelques minutes pour moi c'est pas grand chose. Et ça lui fera peut être sa journée ! Et puis en vrai, c'est classe de sympathiser avec un fantôme. Surtout si il parle de Quidditch.

Vous avez l'air d'aimer le Quidditch aussi, monsieur Clogg ! Moi je débute à peine. Vous êtes ici depuis longtemps ? Vous avez peut être connu mon grand père ? Jack Wellington. Il avait ce balais. Il me l'a donné.

Je lui montre mon vieux Nimbus 3000 d'époque. Je ne peux m'empêcher d'afficher un sourire fier. Obsolète ou pas, je l'aime mon balais. Et sans doutes que ça se voit ! Je réfléchis un moment.

Ça doit remonter à longtemps ... plus de 50 ans. Il était batteur. Dans l'équipe de sa maison, j'imagine ? Serdaigle je crois. Je pense qu'il était pas si mauvais ! Il a attiré l'oeil de ma grand mère en tout cas.

Eh bien je suis content de te rencontrer aussi.

La mine du fantôme esquissa un sourire. Il écouta ensuite la jeune l'assaillir de questions. Il se revoyait plus jeune à regarder les matchs obnubilé par le quidditch et rêvant de faire partie de l'équipe de sa maison. Mais tout ça c'était du passé pour lui

Oh que oui j'adore le quidditch, je continue a essayer d'en profiter depuis des très longues années, j'ai même assister à la légendaire bataille où voldemort fut vaincu ainsi qu'a tout les matchs du prodige qu'était Harry Potter. J'ai sans doute croisé ton grand-père mais ça remonte à une époque que j'essaye d'oublier.

Il cache une mine triste puis enchaîne en montrant le vieux balai avec sa main

Tu sais à une époque se balai était juste un fantasme et la vitesse octroyée était juste impensable. Ca a de plus en plus accéléré les matchs qui sont devenue encore plus intéressants, le tout allait tellement vite que la question d'agrandir les terrains s'est posé afin de contrebalancer cette vitesse accrue. Et je ne parle pas de la maniabilité qui a l'air parfaite.

Visiblement parler de quidditch était sa passion et il avait des étoiles dans ses yeux rien que de pouvoir la partager avec une élève intéressée lui donnait chaud au coeur.

Ah ! Harry potter ! J'ai déjà entendu ce nom en histoire de la magie. C'est vraiment pas une matière qui m’intéresse beaucoup ... Du coups ça me parle qu'à moitié. En revanche ce qu'il me raconte sur l'histoire du quidditch m'intéresse à mort. Pourquoi est-ce que l'histoire de la magie n'est pas enseignée par ceux qui l'ont vécue ?? Ce serait tellement mieux.

Whoah, je savais rien de tout ça. C'est génial.

Alors Edgard Clogg continue, il enchaîne les anecdotes et les histoires sur le Quidditch. J'alimente de temps en temps la conversation en posant quelques questions, sans doutes naïves à ses yeux. Mais auxquelles il répond tout de même. On parle comme ça pendant un bout de temps. J'ai beau être sale comme un peigne, la douche chaude m'appelle en me tendant les bras, non. Je reste là à papoter. Je suis bien contente de parler avec ce fantôme. Et visiblement je suis pas la seule. Son sourire morose l'a quitté, il semble vraiment content. Ça me fait chaud au coeur. Je n'ose pas imaginer ce que c'est de vivre pendant une éternité ... et d'en plus être ignoré.

Le temps passe. Monsieur Clogg est un véritable puits de sciences. Je finis par me dire que si un jour j'en ai l'occasion, je ferai un exposé sur l'histoire du Quidditch. Avec son aide, ce sera du gâteau et j'aurais une super note assurée !

Les sujets s’enchaînent. Je lui explique ensuite mes espoirs d'être prise dans l'équipe de ma maison. Je lui confie les craintes que ça génère en moi. Angoissée à l'idée d'être prise. Stressée à l'avance de décevoir ceux qui compteront sur moi si je suis prise.  A la fin je lui demande un peu à brûle pourpoint, sans deviner qu'il s'agit d'un sujet sensible.

-Si je suis prise un jour dans mon équipe, vous viendrez me regarder, monsieur Clogg ?

J'avoue, avoir une personne connue et bienveillante dans le public, ça m'aidera sûrement à me détendre.

La discussion allait bon train, le fantôme était tellement content de pouvoir parler quidditch avec quelqu'un qui est intéressé par le sujet. Les anecdotes s’enchaînaient une à une et malgré la longue durée de la conversation il avait à peine effleuré le dixième de ses connaissances.

Savais-tu que l'actuelle enseignante de vol avais déjà joué des matchs quasiment aveugle et malgré ça elle s'est très bien défendu à ce qu'il parait

Quand elle parle de ses craintes le fantôme l'encourage à coups de "Ne t’inquiètes pas", "Je suis sûr que ça va le faire" et autres phrases rassurantes. L'esprit savait un choses majeure concernant le quidditch : Quand on est autant passionné il est impossible de ne pas atteindre ses objectifs, il ne s'inquiétait donc pas pour l'avenir de cette petite.

Quand la question fatidique de venir voir jouer la jeune poufsouffle se posa le sourire du non vivant s'effaça en quelques secondes laissant place à une gene palpable.

Tu sais... J'aimerais beaucoup... Mais... Je n'ai pas le droit

Cette toute dernière phrase m'interpelle. Forcément. Je penche la tête de côté J'ai Evidemment du mal à appréhender sa réaction et sa soudaine tristesse. Je n'ai pas l'empathie et la retenue d'une personne adulte. Je vis dans un petit monde fait de jeux, de plaisirs immédiats et de pensées à court terme. A mon âge, "la semaine" prochaine c'est déjà une échéance lointaine. Alors un petit peu naïvement et sans réfléchir, la question me vient aux lèvres.

"-Mais .. pourquoi ?"


A ma connaissance, les fantômes ne sont pas du tout interdits de match ... J'ai même entendu parler de blagues faites par Peeves sur le terrain. Je lève vers mon ami fantôme des yeux ronds de surprise et d'interrogation.

Visiblement la surprise est au cœur de la réaction de la jeune blairelle. Evidemment elle ne pouvait pas savoir le pourquoi du comment il avait été interdit d'approcher le terrain de quidditch pendant les matchs, cette histoire remonte à prés de 50 ans et Edgar avait tout fait pour l'oublier.

Il y a longtemps, presque un demi-siècle, je participais encore un peu à la vie du quidditch de l'école et je regardais avec grande joie les match. Mais un jour on m'a accusé d'avoir interféré avec le match et la direction de l'époque a décidé de me tenir éloigné du terrain pendant les matchs ainsi que de me retirer tout ce que je faisais en rapport avec le quidditch.

Le fantôme a l'aire vraiment touché par l'histoire qu'il raconte et même si sa condition de non vivant ne lui permet pas d'exprimer des sentiments aussi facilement que le commun de mortel, il n'est pas moins atteint par cet événement qui a changé du jour au lendemain le cours de ses journées. Puis après une petite pause il reprend un peu plus joyeusement.

Mais tu sais je pourrais quand même regarder de très loin et crois que je me tiendrais au courant du score en direct.

Quelle histoire triste ! Vraiment ! Quelle sanction révoltante.

-C'est tellement injuste, monsieur Clogg !  J'entends dire que Peeves le fait tout le temps en plus, et lui a rien  !

Je me relève d'un bond, dans ma tenue de Quid toute crottée. Je lance au fantôme.

-Vous inquiétez pas monsieur Clogg ! Je .. vais vous trouver quelque chose ! Je vous le promet ! En attendant je viendrais vous parler à chaque entrainement !

Trouver quoi au juste ?  Je ne sais pas encore ! Jamais je n'oserai aller prendre un télescope en cours d'astronomie pour qu'il puisse suivre un match ! A moins de demander de l'aid à monsieur Daiklan en lui expliquant ? Il a pas l'air méchant ... Peut-être sinon demander à la sous-directrice ? Elle  a l'air si gentille ! En plus c'est ma prof de Bota, j'adore ca les plantes ! Je suis sûre qu'on va trop bien s'entendre.

Non ne riez pas, je le pensais vraiment. C'était ma première rentrée à Poudlard, je n'avais pas encore conscience de ce qui m'attendait avec elle  ... Dire qu'à l'époque j'étais si fière à l'idée de lui montrer les plantes que je ferai pousser ...

-Je .. je dois y aller mais .. promis on se revoit bientôt !

Je souris au fantôme, et lui fait un petit signe de main. Et file en direction des vestiaires. Je me suis déjà mise en retard sur mon programme mais ... tant pis ! Je suis drôlement contente de m'être faite un copain fantôme. Et peut être d'avoir une chance de l'aider, qui sait ?