Saison 30
Hiver

Ne pas s’arrêter. Lentement plonger le scalpel dans sa chair pulpeuse, sentir les tissus fibreux, sous la flexion de ton doigté expert, se fendre comme un drap qu’on déchire. Le bruit te satisfait, de même que la substance qui vient poindre au bout de ta lame. Visqueux, presque compact. Mais abondant. Il s’écoule, son jus, tout autour, glissant d’abord paresseusement contre ses propres racines, puis sur le bois de la table sur laquelle tu t’acharnes à lui retirer la moindre goutte. À la presser comme un citron, à la saigner comme un poulet.

Tu n’avais pas vraiment réfléchis à la manière de récupérer la substance. Tu t’étais juste dit qu’un flacon de trente centilitres suffirait, comme pour les parfums. À la différence près que l’odeur de son cadavre t’arrachait des hauts le coeur, des blop blop vomitifs, qui auraient éloigné tous tes prétendants. Heureusement, ils ne sont pas dans le coin. Même si tu aurais bien voulu savoir lequel braverait la barrière pestilentielle qui t’entourait, bien malgré toi.

Mais tu n’as aucune crainte à avoir ce matin. Il est suffisamment tôt pour que même le coq ne pousse la chansonnette. Le soleil se cache encore sous la lisière des arbres de la Forêt Interdite et seul un fin filet rayonnant te permet d’opérer avec précision. Tu es plutôt fière, d’ailleurs, d’avoir quitté ton confort au matelas moelleux pour aller écharper quelques créatures innocentes. Innocentes et dégueulasses. Tu te rends compte surtout de ce dernier point quand d’un coup ton Bubobulb se met à crachoter.

Une vésicule que tu avais loupée. Les projections sont semblables aux confettis lancés par les moldus à Carnaval. Des jets puissants et épars te sont jetés au visage. Tu devances de tes mains tes yeux, juste à temps pour ne pas te les faire griller par l’acidité de son pus. Sait-on jamais que tu veuilles encore voir le fruit de ta récolte ? Mais tu n’as pas le temps de te protéger plus longtemps car un bruit, venu de l’extérieur de la Serre réveille tes instincts. Un prof ? Déjà ?

Le pus verdâtre est partout. Sur tes vêtements. Sur la table. Sur les vitres de la Serre. Partout sauf dans le flacon que tu avais déposé près de toi. Que faire alors ? Fuir ? Rien qu’à l’odeur je suis traçable. Tu mords ta lèvre inférieure violemment, énervée d’avoir gâché un si bon plan. Tu espères que la personne qui approche n’ait pas l’odorat très affuté ou qu’au moins elle soit aveugle pour ne pouvoir qu’imaginer ton massacre.

Alors tu attends, sans un bruit. Tu retiens ta respiration, aussi longtemps que tu le peux, même si tu sens tes joues rosir sous l’effort. Elle ne devait pas te trouver, cette personne, qui qu’elle soit. Car si la punition serait grande, la honte le serait davantage !

Je ne sais pas pour les autres, mais être réveillé trop tôt le matin, et ce, sans raison apparente, c'est vraiment pénible. Je regarde l'heure et fulmine à l'idée de ne pas pouvoir me rendormir alors que j'ai largement le temps. Ma p'tite tête ne sera pas belle à voir en cours pour le coup. Mais bon, comme je suis certain de ne pas parvenir à retrouver les bras de Morphée, autant que je me lève maintenant. J'observe mes camarades plongés dans leur sommeil. J'suis envieux tout d'un coup. Il n'a pas l'air de faire très chaud dehors, mais j'ai envie d'une petite escapade dans le parc. Le tout est de ne pas se faire prendre par un Préfet ou un autre membre de la direction. Disons qu'en tant qu'ancien Préfet, ça craint un peu et ça ne fait pas très crédible non plus. Les remontrances, non merci, surtout de bon matin. Je m'empare de ma baguette magique et de vêtements propres. Après avoir enfilé des vêtements tenant chaud, il est temps de descendre et d'aller mettre le nez dehors.

En franchissant le seuil de la porte, je constate une chose évidente : j'avais raison, c'est un temps à rester au lit sous la couette. De toute manière, je ne risque pas de croiser qui que ce soit à une heure pareille. Ou alors, les gens sont aussi fous que moi. Cette pensée me fait sourire, bien que le froid m'en empêche un peu. J'ai du mal à étirer mes lèves comme il faut. Tel un visage presque paralysé. Mes pensées sont dirigées vers le beau Jude Hopkins avec qui je rêve de sortir. Depuis la soirée à l'Occamy Doré, il occupe mes pensées nuit et jour. C'est un peu comme une addiction en fait, clairement. Mais quelque chose me dérange... Une odeur... atroce. Je marche pas loin des serres, c'est peut-être ça. Mais ça m'intrigue, alors autant que j'aille voir. En suivant l'odeur j'arrive dans la pièce concernée... Mais quelle horreur...

- Bouha, quelle horreur. J'peux savoir c'que tu fiches ici à une heure pareille recouverte de... euh... j'sais même pas ce que c'est et j'suis pas sûr de vouloir savoir...

En regardant la personne face à moi, je me dis qu'elle doit être en pleine détresse. J'aimerai l'aider, mais j'en suis incapable. L'odeur est vraiment atroce. C'est méchant, mais j'ai aussi envie de rire devant la jeune fille qui semble être une Serpentard à en juger par la tenue et le blason. En y repensant, je ne pensais pas rencontrer quelqu'un ici, surtout à une heure pareille. Et elle a de la chance de tomber sur moi et non sur un membre de la direction ou du corps enseignant. Allé, j'vais pas la laisser galérer avec ce truc répugnant et pestilentiel...

- Besoin d'aide mademoiselle ?, demande-je en rigolant.

Saison 30
Hiver

Les instants se comptent. Un. Deux. Trois. Les pas claquent. Une. Deux. Trois fois. Tu attends péniblement qu’ils s’éloignent, qu’ils se souviennent d’un coup d’une autre mission matinale, qui nécessite la présence urgente de ses petites chaussures. Mais le bruit vient. Il entre dans la serre dans un couic-couic grinçant. Il est là maintenant, et toi, tu n’as plus de cachette ! Vite vite, baisser la tête, caresser des yeux le sol crapuleux pour ne pas qu’on te reconnaisse.

Une voix grave, une voix d’homme brise le silence. Celle d’un étudiant. Un étudiant ! Pas un professeur ! Tu peux encore t’en sortir si tu y mets tous tes neurones. Euh.. Oh... Ahah tu vas voir c’est une drôle d’histoire. Tes joues prennent la couleur d’une tulipe au printemps, mais une tulipe que les abeilles n’oseraient jamais butiner. Tu te relèves alors, appuyant tes mains gantées et pleines de pus sur le rebord de la table. Tu ne quittes pas des yeux ceux du garçon, dont tu ne doutes pas de la sympathie, et avance lentement vers lui. Tes lèvres se tendent, tu essayes de ne pas trahir d’un sourire  le plan que tu venais d'échafauder.

À un mètre de lui, tes jambes stagnent, hésitantes encore, peut-être un peu honteuses de permettre ta prochaine action. Ne m’en veut pas s’il te plaît. Et là, deux mains pleines de pus l’attrapent, le picorent furtivement. Une tâche par ici, une autre par là. Ce n’est pas un chef d’œuvre que tu tentes de créer, mais bien la parfaite excuse, au cas où, tu fais avec un sourire en coin. Maintenant on est tous les deux enduits jusqu’au cou.

Qu’il aille te dénoncer, couvert du pus qui était le tien, n’est plus envisageable. Le doute subsistait toujours, les fidèles petits chiens des préfets étant nombreux. Pas question de se faire avoir aujourd’hui ! Tu peux m’aider si tu veux. Enfin... tu peux te barrer aussi, tu ne lui en voudras pas, c’est le bazar, comme tu vois, le coin de ta lèvre s’étire, j’ai un peu foiré mon dernier coup. Peut-être allait-il refuser maintenant ? Après tout, tu venais de l’infecter de cette perfide odeur, jusqu’à l’os. Et toi d’ailleurs qu’est-ce que tu fais ici ? Me dis pas qu’on sent ça, tu pointes les Bubobulbes, jusque dans le château ?

Être réveillé pour une raison inconnue, c'est déjà pas facile. Mais subir une odeur aussi immonde et aussi tôt le matin, c'est vraiment une épreuve, peut-être même plus difficile à subir que les BUSE ou les ASPIC. J'imagine que la jeune fille face à moi ne voulait pas être découverte, mais c'est fortement dommage pour elle. Je dois rester honnête, même si j'avais encore été Préfet, je ne l'aurai pas dénoncé. La chose dont elle est recouverte doit amplement suffire à la punir. Même si pour elle ce n'est pas drôle, je ne peux pas m'empêcher d'étouffer quelques petits rires, mais à un moment donné, je ne vais plus pouvoir me contenir. Elle semble assez nerveuse, comme si elle cherchait à cacher quelque chose. Et à en juger par sa tête, elle doit être en train de choisir ses mots. A ce moment-là, elle me dit que c'est une drôle d'histoire. Ben tu m'étonnes que c'est drôle. C'bon, j'éclate de rire devant elle avant de reprendre mon calme tout doucement. En vrai, je culpabilise de ne pas encore faire quoi que ce soit pour l'aider. Elle tente de se relever et me fixe du regard, comme si elle voulait me paralyser pour que je reste ici. Et ce qui ne me plait pas, c'est l'attitude qu'elle adopte... elle marche vers moi, doucement, tel un félin prêt à bondir sur sa proie. Ce n'est qu'à à peine un mètre de moi qu'elle s'arrête. Puis, elle me demande de ne pas lui en vouloir. Horrifié et incapable de bouger, je sais déjà ce qui m'attend... et ce qui devait arriver, hé bien, arriva : elle m'attrape par le bras avant de répandre des tâches de ce machin sur moi. Et bien comme il faut, évidemment, sinon, quel intérêt ?

- Effectivement, on est dans un bel état...

Je lui lâche un léger sourire, même si je suis un peu vexé qu'elle m'ai recouvert de cette immondice. Peut-être qu'elle pensait furtivement que j'allais la dénoncer. Et dans un sens, je ne peux pas lui en vouloir, j'aurai sûrement fait la même chose. Enfin, peut-être, parce que ça ne me ressemble pas trop. Bref, on s'en moque, je pue aussi maintenant. Génial hein ? Elle me demande de l'aider si je le veux. Et c'est ce que je vais faire. Lorsqu'elle me demande ce que je fais ici, alors qu'elle ne m'a même pas répondu, elle me demande aussi si l'odeur de ce qui semble être des Bubobulbes parcours déjà le château. Je n'avais pas senti la moindre odeur depuis le château, mais, depuis le parc, c'était bien le cas. Je la regarde et dit :

- Déjà, t'étais clairement pas obligé de me faire ça, mais c'fait. Et pour te répondre, on ne sent pas l'odeur jusque dans le château, mais depuis le parc, oui. Et même si j'avais encore été Préfet, je ne t'aurai pas dénoncé, sauf si tu m'avais fait une telle chose... Comment veux-tu que l'on s'en sorte sans se faire voir maintenant ?

Sans se faire voir ? Mais il ne faut pas se faire sentir non plus, sinon, c'est la retenue assurée. Et en septième année, je n'ai pas que ça à faire moi. J'ai des révisions, une vie sociale et peut-être un début de romance. Donc, je dois faire attention avec ses conneries. Mais quelle idée j'ai eu de me lever pour venir ici. S'il nous arrive quoi que ce soit, je sais déjà que je vais lui en mettre plein la tronche, parce que je ne supporte pas être réprimandé pour un truc que je n'ai pas fait...

Saison 30
Hiver

De l’étonnement amène tes sourcils à se rehausser et tes pupilles à s’agrandir comme deux soucoupes. L’intrus n’avait pas réagit comme tu le prévoyais, un sourire atteint même ses joues bien rasées. C’est ce qui te fait aussitôt penser qu’il n’était pas à ranger dans la même boîte que la plupart des étudiants du château. Il devrait me détester ! C’est ce que tu cherchais toujours à faire, éloigner les amitiés, les potentiels collants, ceux qui n’avaient pas la patience de supporter tes impulsions.

Mais lui, lui était différent. Un instant songeuse, tu l’écoutes mentionner ce « nous », qui sonne comme une petite victoire à ton coeur. Tu t’en veux un peu plus, maintenant, de l’avoir fait plonger avec toi, même si cela t’a semblé nécessaire sur le moment. C’est vrai que l’odeur suinte dans la serre, comme les boules puantes moldues que tu avais un jour lancé dans la chambre de ton orphelinat. Elle te saisit au nez et tu es obligée de porter ta main à ta bouche pour éviter... et bien éviter à tes spasmes de faire pire que mieux. Toutefois, à quelques centimètres, tu suspends ton geste, te souvenant soudain que tes mains étaient tout aussi pleines de pus.

Un récurvite aurait-il pu effacer le massacre ? Le jus sans doute, mais pas l’odeur... En soufflant du nez, tu places tes deux mains sur tes hanches, bon..., les mots te manquent, je dirais qu’il faut d’abord..., tu attrapes ton scalpel, ta fiole, dégager d’ici. Et fissa. Dans le même mouvement de panique tu attrapes le bras du garçon et l’attire en dehors de la serre. Des vésicules de Bubobulbes qui éclatent toutes seules, c’est possible non ? Ta mine le supplie d’acquiescer, car vous n’aurez plus le temps de réparer les dégâts avant l’arrivée des professeurs. Non ? Hein ? tu redemandes encore.

Une idée germe sous tes boucles éparses, tu sens poindre une de tes nouvelles idées de génie. Oh, oh, oh... Tu t’éloignes en quatrième vitesse des serres... J’ai une petite énigme pour toi, c’était pas vraiment le moment de jouer les Professeur Layton, mais ça t’amuse beaucoup, qu’est-ce qui peut bien remplacer la puanteur de ce pus tout en nous permettant de revenir au château sans éveiller les soupçons ? Bon t’étais clairement pas aussi douée que lui pour formuler des énigmes, mais cela semblait être votre meilleur plan.

Tu te mets alors à courir à travers le parc sous le soleil montant. Dépêche-toi... Euh... Tu t’appelles comment déjà ? Moi c’est Riley ! Tu espères qu’il ne te prend pas pour une dingue, même si à ce stade, cela sonne comme une évidence.

L'odeur commence à sérieusement m'être insupportable. J'ai déjà envie de vomir en fait, mais je me retiens, surtout devant la jeune fille qui m'a volontairement entraîné dans ces histoires. Je n'ai qu'une hâte : rentrer au château et me doucher, parce que là, c'est juste pas possible de rester comme ça. Mais le plus dur, ça va être de rentrer sans se faire voir et je suis déjà en train de chercher comment on va s'y prendre. A mesure que je parle, je la vois hausser les sourcils, comme si j'étais un pestiféré ou un extra-terrestre. J'espère bien qu'elle ne me considère pas comme quelqu'un de mauvais. De toute façon, si ça avait été le cas, je serai déjà dans le bureau de la Directrice, ce qui ne semble pas être le cas. Je vais vraiment être gentil et l'aider comme je peux. Au fond, je panique un peu à l'idée de me faire prendre avec elle par un membre de la Direction. Pour un ancien Préfet, ça la fout mal quand même. J'avais été choisi pour mon comportement exemplaire (ou presque). Pas pour mes infractions au règlement qui sont quelques peu nombreuses faut dire. Je la vois porter sa main à sa bouche pour éviter le pire, mais elle se ravise au dernier moment. Une main pleine de cette chose bah, c'est pas idéal pour ça. Je n'aurai même pas eu le temps de la prévenir. Cependant, j'aurai eu le temps de rire si elle avait été jusqu'au bout. En me disant qu'il faut sortir d'ici rapidement, elle s'empare d'un scalpel qui doit sûrement être le sien avant de m'attraper par le bras pour me traîner hors de la serre jusque dans le parc. Sa question restera sans réponse, puisque je n'en sais rien du tout. J'suis pas expert dans le domaine pour ainsi dire. Une fois dehors, il est facile de mieux respirer.

- Ouha, c'est atomique ton truc sérieux... Mais va quand même falloir nettoyer tout ce que t'as fait, c'pas réglo sinon ma grande. Peut-être qu'un sortilège de nettoyage fera l'affaire j'imagine. Mais pour te répondre, je ne sais pas si elles peuvent éclater toute seule, j'suis pas expert en la matière j'ai envie de dire. Tu faisais des expériences ? Tôt le matin comme ça ?

Elle semble continuer de s'éloigner des serres, mais j'suis pas sûr que c'est la meilleure chose à faire. Tant que ça ne sera pas nettoyé, il est hors de question de rentrer. En plus de ça, le temps presse et il faut aussi que je lave mes vêtements. Décidément, un réveil comme ça, ça pique les yeux. Et le nez. Je n'ai pas le temps de répondre à sa question, même si je connais deux sortilèges qui peuvent éventuellement faire l'affaire, qu'elle se met à courir dans le parc en me pressant. M'enfin, j'suis pas d'humeur à courir maintenant pour être honnête. Limite, j'aimerai retourner me coucher, sous ma couette bien au chaud. Pourquoi je suis sorti dehors déjà ? Ha ouais, j'arrivais plus à dormir. Autant dire que je regrette maintenant... Et ainsi, la jeune Serpentard s'appelle Riley. Bien que gentille, elle a l'air complètement survoltée cette fille. Je la rattrape et la stoppe net pour lui parler calmement.

- Déjà, j'espère que t'es consciente qu'on rentre pas sans avoir nettoyé tes bêtises avant hein ? Bon, je connais deux sortilèges. Soit #Olentia Evanesca qui peut carrément dissiper l'odeur, mais je crois que l'effet est limité. Genre cinq minutes. Soit, #Voluptas Garden je crois, mais je ne l'ai jamais utilisé. Du coup, t'as le choix. Le second permet à tous de sentir l'odeur de sa fleur préférée je crois. Mais j'suis nul en botanique, alors j'suis pas sûr d'assurer. Et je m'appelle Ezequiel, Ezequiel Espinosa.

J'espère qu'elle va vite réparer les choses après son expérience qui a malheureusement tourné au vinaigre. Je ne pensais pas qu'une rencontre pouvait à la fois être bizarre et drôle en même temps. Disons qu'on ne fait pas souvent la connaissance d'une personne lorsqu'elle est recouverte d'un pus comme ça. Après, peut-être que je me trompe.

Saison 30
Hiver

Un sourire énigmatique étire tes lèvres fines, tandis que tes sourcils font un petit tour de moonwalk. Tu aimerais bien lui dire à quoi cela va te servir de purger les Bubobulbes, mais tu ne lui fais pas encore assez confiance pour ça. La vérité c’est que tu espères en faire des boules puantes, ou d’en tirer une autre vertu : le pus séché fait une bonne colle et pour tes travaux de construction, cela s’avère toujours utile. Enfin soyons honnêtes, c’est surtout pour la première utilisation que tu te donnes tout ce mal. Pourquoi pas, tu réponds en haussant les épaules, le matin, personne ne vient fouiner ici. Ce qui n’est pas totalement vrai, tu le constates maintenant, enfin d’habitude personne ne vient, tu complètes en reprenant ta course.

Tu te stoppes net néanmoins quand il en fait de même, à demi-étonnée, à demi-exaspérée. Il ne semble pas comprendre, ou ne pas vouloir comprendre, que la fuite reste votre meilleure option alors que la cloche du château sonne les sept heures du matin. Il n’avait pas non plus répondu à ton énigme ; cela dit tu ne peux lui en porter préjudice, elle était clairement mal énoncée et au final, la réponse ne vaudrait sans doute pas le détour. Une baignade dans le Lac Noir ? Quelle sombre idée, vraiment. Alors tu piétinnes, tu fais du surplace en l’écoutant te sermonner sur les bêtises que tu as faites et qu’il veut absolument réparer. Ça t’énerve un peu qu’il soit si concerné par l’état des serres de cette dragonne de De Lanxorre. Toi tu aurais bien voulu la voir rentrer la tête la première et dégopiller sur le plancher. Ça te fait même rire à l’avance de l’imaginer mais tu t’arrêtes bien vite car tu ne veux pas qu’il te prenne pour une psychopathe à te voir te fendre la poire sans aucune raison.

Mais il a l’air d’y tenir, le bougre, et ça te fait rouler des yeux. Pourquoi vous fatiguer à faire le ménage ? Quelqu’un le ferait forcément et ça ne ferait pas de vous les suspects. De toute manière les bulbes étaient éventrés, le mal avait déjà été fait. Mais tu le comprends un peu, il a cette part de bienveillance et de bonne volonté qui te manque. Tu aurais sans doute beaucoup à gagner à t’en inspirer. Raaah bon d’accord, tu concèdes, allons reprendre un bain de puanteur. Tu le regardes de biais en tournant les talons pour retourner dans les serres. En chemin tu rajoutes, je connais pas grand chose en botanique non plus, alors faudra que tu me montres ces sortilèges. Le deuxième que tu as dit sera sûrement plus utile, tu crois pas ? On pourrait croire que tu lui demandes de faire le boulot à ta place, que cette question sous-entend qu’il s’implique dans ta galère... Mais en réalité, tu lui en serais surtout très reconnaissante.

Arrivés dans la serre, tu constates avec soulagement que tout est encore en place, du moins que personne n’est encore venu. Le soulagement ne sera que de brève durée puisque de cette constatation, tu ressentiras surtout le côté négatif. Littéralement. À croire que le jus de Bubobulbe avait macéré et s’était multiplié sur les vitres de la serre. C’était vraiment comme ça quand vous l’aviez quittée ? Quelle horreur ! Pardon de t’avoir entraîné là-dedans, tu tiens ton sérieux une dizaine de secondes avant d’exploser de rire. Tu crois qu’on peut faire pire comme rencontre ?

Maintenant que les présentations sont faites, pourquoi ne pas s'activer afin de tout remettre en ordre ? Mais avant toutes choses, j'aimerai bien savoir ce qu'elle pouvait avoir envie de faire avec ces... ces choses nauséabondes. Peut-être qu'elle n'a pas envie d'en parler de peur que j'aille la dénoncer. Mais si tel est le cas, il faut qu'elle se mette en tête que j'aurai déjà pu le faire en voyant ce qu'elle a fait, même si moi aussi j'aurai pu écoper d'une sanction. Après tout, j'étais dehors bien trop tôt par rapport au règlement de l'école en vigueur. Bah, si d'ordinaire personne ne vient fouiner ici, personne ne le fera jamais. De toute façon, je ne cherchais pas à fouiner, mais à me divertir plutôt. Bref, ce n'est pas le moment de jouer sur les mots, on a d'autres chats à fouetter. Ce qui est exaspérant, c'est qu'elle continue de courir alors qu'elle oublie l'essentiel. Elle n'a donc aucune morale cette jeune fille ? Aucune conscience ? J'sais que ce n'est pas très grave dans les faits quand on y pense, mais quand même. Elle doit réparer ses conneries et même si j'en n'ai pas très envie à cause de l'odeur, je l'aiderai. Maintenant que j'suis impliqué dans son truc par sa faute. Qu'est-ce que je risque de plus ? Elle s'arrête enfin lorsque la cloche du château résonne à travers tout le domaine. Cela signifie donc que nous n'avons plus beaucoup de temps devant nous. Son visage montre clairement une irrépressible envie de partir encore plus loin, mais je ne vais certainement pas déroger de mes principes, même si ça peut l'énerver. Bon, faudrait aussi voir une chose : j'suis encore un peu coincé alors que je suis en dernière année. Mais j'ai apprit une chose : les études sont importantes, donc je n'ai pas le temps de m'amuser. Et quand je fais une bêtise, bah je répare, point barre. J'aimerai qu'elle intègre ça. Elle accepte enfin que nous retournions dans la serre pour inhaler la merveilleuse odeur qui y règne. Mais elle ne semble pas comprendre que je suis nul en botanique. Je connais simplement le nom du sortilège, rien de plus. Et puis, elle a intérêt à y mettre du sien, parce que j'suis pas là pour tout faire à sa place.

- Mais la botanique est une matière dans laquelle je n'excelle pas du tout. Et tu me demandes de te montrer ? On risque d'avoir un gros problème. Et je te l'ai dit, hors de question qu'on parte sans avoir réparer tout ça. Mets-toi à la place de De Lanxorre, juste un instant. J'sais qu'elle est juste ignoble et affreuse avec nous, mais nous ne devons pas nous rabaisser à son niveau. Tu ne crois pas ?

J'essai de faire preuve de bon sens, mais ce n'est pas facile. Oui, Cara De Lanxorre est vraiment injuste et purement méchante avec nous. Seulement, elle est humaine aussi et peut-être qu'il y a des raisons à ce comportement. Ce n'est qu'une supposition. Alors que nous revenons vers les serres, j'espère en mon fort intérieur que quelqu'un est venu réparer ces bêtises, mais... non. Tout est comme avant que nous partions en courant. Je me retourne vers Riley lorsqu'elle me présente ses excuses. J'avoue que ça me fait sourire et je ne peux pas trop lui en vouloir, quoiqu'un peu... Je fouille dans mes poches afin de m'emparer de ma baguette. Alors que je m’apprête à lancer le sortilège en premier, sa question me laisse sans voix. Puis, j'éclate de rire. Il faut avouer que ce n'est pas une rencontre anodine et ordinaire. Peu importe, tant qu'elle est gentille. De toute façon, j'ai besoin de nouveaux et nouvelles ami(e)s. Donc dans le fond, je ne suis pas mécontent que ça se soit passé ainsi.

- C'est plutôt original comme rencontre on va dire. Mais t'as pas intérêt à recommencer hein, dis-je sur un ton légèrement sarcastique, parce que j'serai pas toujours là pour te sauver. Bon, faut essayer ce sortilège. #Voluptas Garden !

Il n'y a plus qu'à voir si les odeurs vont changer. Au final, je ne saurai pas identifier le parfum de la fleur, puisque je ne sais pas vraiment laquelle est ma préférée.