Underwater [En cours]

Underwater

Saison 30
Fin du mois de mai
En pleine nuit
avec Sue Glanmor

Malgré la température assez clémente que m’offre cette nuit sans lune, les roches pavant le sol du château demeurent froides et inhospitalières. Mes pieds ne sont vêtus que de simples chaussettes pour ne pas risquer de faire du bruit, et il faut avouer que c’est assez désagréable de devoir marcher quasiment pieds nus sur le sol glacé. Alors je prends sur moi, sans cesser de jeter des regards partout autour de moi, à chaque angle de couloir et derrière chaque porte entrouverte. Les sorties nocturnes ne sont pas autorisées alors je tâche de me faire oublier. Après l’échec de toutes mes tentatives pour apprendre le charme de désillusion, j’ai abandonné l’idée de me faire disparaître et me suis rabattue sur la dernière option possible : la discrétion. Pour l’instant, ça marche plutôt bien. Il faut dire aussi que je me suis drapée d’une cape noire pour ne pas me faire voir de trop loin. Et j’essaie de passer par des couloirs souvent délaissés par les élèves pour ne pas risquer de croiser un quelconque patrouilleur, voire même un autre noctambule imprudent.

Arrivée au niveau de l’herbe qui borde les sorties du château, je m’interromps. J’hésite un instant sur l’utilité de remettre mes chaussures. Mais, bien vite, je me convaincs que rester en chaussette doit être la meilleure solution. Grossière erreur car, comme tu dois t’en douter, l’herbe est mouillée. Je prends sur moi pour ne pas rebrousser chemin et avance jusqu’au bord du lac noir. Regard rapide derrière moi, mais personne ne semble m’avoir suivie. Je m’arrête sous un arbre qui borde l’étendue d’eau et dépose mon sac à même le sol. J’ôte également la cape noire et récupère ma baguette qui traînait dans ma poche. Inutile de chercher à camoufler mes affaires avec un quelconque sort, je ne parviendrais qu’à les réduire en cendre. Tout ce que je me permets de faire, c’est de tasser le tout contre le tronc de l’arbre pour qu’elles ne soient pas visibles de trop loin. Ceci fait, je me retourne vers la surface lisse du lac.

Tu dois te demander ce que je suis en train de faire, l’ami. Ou bien tu as déjà compris, ce qui ne serait pas vraiment étonnant. J’ai laissé traîner pas mal d’indices ici et là, et même si j’ai essayé de tout te cacher, tu as pu comprendre ce que je voulais faire. L’heure de mettre en œuvre mon projet est enfin arrivée, et j’ai vraiment hâte ! Plonger sous le lac, observer ce que les fonds lacustres ont à m’offrir et côtoyer des créatures potentiellement dangereuses qui vivent sous la surface… C’est un programme bien chargé. Et tu vas m’accompagner durant tout ce périple, l’ami.

Pour l’heure, je ne fais qu’ôter mes vêtements pour me retrouver en maillot de bain. Aussitôt, la chair de poule m’envahit. Je me secoue un peu pour me réchauffer, car ce n’est pas un peu de froid qui me fera renoncer à mon plan. Je le prépare depuis si longtemps qu’il est hors de question que j’abandonne si proche du but. D’ailleurs, je plonge mes pieds dans l’eau pour m’habituer le plus tôt possible à sa température. Car plus j’irai explorer ce lac tôt, moins j’aurai de risque de me faire surprendre par un préfet ou un professeur. Et c’est bien la dernière chose que je souhaite ! Alors je me mets en action, j’essaie de passer de l’eau froide le long de mes jambes et sur mon cou. J’essaie de faire vite, sans pour autant prendre le risque de faire un choc thermique. Reste plus qu’à espérer que personne ne vienne perturber ma petite escapade sous-marine.

Sorry pour le délai ^^"

En cette belle nuit de printemps, Sue se lève de son lit dans lequel elle était occupée à dévorer un vieux livre d'histoire. Le souffle régulier de ses camarades de chambre indique qu'elles doivent être plongées dans un profond sommeil. Ce n'est pas le cas de notre galloise qui est une insomniaque si j'ose dire. Cela se lit sur son visage, entre ses traits fatigués et les cernes qui ombrent ses yeux gris. Alors elle jette un œil à l'horloge et songe qu'il est temps de faire une ronde dans les couloirs. Il est rare de tomber sur un imprudent à cette heure-ci, mais cette distraction lui permet au moins de se dégourdir les jambes. C'est pourquoi elle s'y consacre plutôt souvent. En sortant de l'antre de Morphée, elle attrape son sac. Elle y range son livre et son matériel d'aquarelle, en extrait son klaxon. Il est vrai qu'elle ne s'en sert pas la nuit, de crainte de s'attirer les foudres de tout le château.

Voilà encore l'un des avantages d'être préfète. Tu peux te promener dehors à n'importe quelle heure et personne ne te fera la moindre réflexion. À la limite, on peut admirer ta dévotion sans faille à ton poste, mais les remarques de ce genre sont agréables. Lors de ses premières années, Sue, trop respectueuse du règlement, n'osait s'aventurer dans les couloirs après le couvre-feu. Elle a dû passer d'interminables nuits sans rêves à tourner en rond dans la salle commune des Aigles. Cette époque est désormais révolue. Sur le chemin de la liberté, son regard se perd derrière l'une des hautes fenêtres en arcade, au-dessus des montagnes écossaises. La lune doit se trouver haut dans le ciel, mais les nuages la dissimulent. Sans sa lumière, elle aura besoin de Tiana pour s'éclairer, s'orienter. Elle la prend en main, la fait tourner entre ses doigts, pendant que ses pas la font descendre bien plus bas que la tour de Serdaigle.

Alors qu'elle longe un couloir désert, la demoiselle sent que quelque chose d'inhabituel se prépare. Elle a distingué un mouvement à l'extérieur du château, dans la cour. Un mouvement de tissus sombre qui s'éloigne en direction du parc. Cela aurait ressemblé à la promenade d'un fantôme si l'ombre avait été argentée. Mais ce n'est pas le cas. Curieuse, la cinquième année décide de la poursuivre. Si un élève, vêtu d'une simple cape noire, avait bien décidé de se lancer dans une aventure cette nuit, elle l'attraperait. En plus, l'idée de prendre l'air en pleine nature n'est pas déplaisante. Elle presse donc le pas et, un étage plus bas, regarde une nouvelle fois en direction du parc. L'ombre se dirige vers le lac noir. Cette fois c'est sûr, c'est un élève. Qui peut bien avoir idée d'y prendre un bain à une heure pareille ? La personne coupable aura droit à de belles remontrances !

Sue est encore vêtue de son uniforme quand elle pénètre le parc de Poudlard. Afin de garder de la crédibilité lors de ses rondes, elle évite de sortir avec son pyjama dragon. Accompagnée de Tiana, elle accélère sur l'herbe tendre vers cette silhouette qui se découpe sur la surface immaculée du loch. En approchant, elle repère une cape ainsi qu'un sac posés contre un arbre. Et plus près, les pieds dans l'eau... Elle reconnaît au bout de quelques secondes une Poufouffle qu'elle a déjà surprise une fois à pratiquer des sortilèges non autorisés dans un couloir. Elles ont d'ailleurs joué à une partie d'échecs version sorciers, ensemble. Cette fille semble plutôt impliquée, voire têtue, quand elle a une idée en tête. Elle est prête à tout pour parvenir à ses objectifs, quitte à œuvrer dans l'illégalité. La préfète lui a déjà dit d'essayer d'être plus discrète dans ce genre de cas... Mais, apparemment, elle ne s'est pas améliorée sur ce point. Ou alors il est simplement difficile d'échapper à sa vigilance. Au choix.

- Tiens, tiens... Nour ! C'est une habitude de désobéir au règlement, à ce que je vois. Cette fois, je crains de devoir en avertir la Directrice de ta maison. Je me demande bien ce qui t'est passé par la tête.

Les paroles s'échappent pour le simple plaisir de faire paniquer la Poufsouffle ; autrement, Sue n'opère aucun geste pour l'instant. Elle n'essaie même pas de la désarmer cette fois-ci. Car, oui, cette fillette en maillot de bain a uniquement emporté avec elle sa baguette. En fait, c'est vrai, la Serdaigle a parfois du mal à la comprendre. À cerner la logique ou l'intérêt dans ses actions. La dernière fois, elle n'avait pas eu une mauvaise idée ; elle l'avait simplement mal mise en place. Mais aujourd'hui, elle ne voit pas pourquoi elle a pris autant de risques. Il lui semble que ce n'est pour rien du tout, et c'est dommage. En y pensant, la bleue, amoureuse de l'eau, est tout de même contente de l'avoir suivie pour arriver à portée de cette senteur aquatique dépaysante. Elle aurait même aimé être le première à avoir l'idée d'une baignade nocturne, pour pouvoir en profiter seule.

L’eau coule le long de mes mollets à vive allure, et je sens mon corps qui commence à s’habituer à la température. Je pense pouvoir plonger d’ici une ou deux minutes, même s’il faut d’abord que je m’avance petit à petit afin de rendre le processus moins brutal. C’est lorsque je m’enfonce jusqu’aux genoux que je l’entends. Une voix. Une voix féminine qui s’élève dans la nuit, alors que je suis censée être seule.

- Tiens, tiens… Nour ! C’est une habitude de désobéir au règlement, à ce que je vois. Cette fois, je crains de devoir en avertir la Directrice de ta maison. Je me demande ce qui t’est passé par la tête.

Un cri manque de s’échapper de ma bouche, je me retourne brutalement et tombe nez à nez avec la préfète des aigles. Je lâche finalement un « Sue ! » étonné, et la fixe intensément. Bon sang ! Pourquoi est-ce qu’elle traîne toujours dans mes pattes quand je cherche à ne pas me faire voir ? Tu crois qu’elle sait quand je fais quelque chose d’interdit ? Non, ça m’étonnerait. Mais c’est quand même sacrément bizarre… D’autant plus que je suis en maillot de bain, c’est assez gênant. Il ne me reste plus qu’à essayer de faire bonne figure. Être aimable serait un bon début.

- Eh bien, tu es douée pour arriver discrètement dans le dos des gens ! dis-je sur le ton de l’humour, comme si tout était parfaitement normal.

Toujours un compliment, car ça pourrait m’aider. Peut-être sera-t-elle suffisamment clémente pour ne pas en parler à la directrice des Poufsouffle, même si j’ai peu d’espoir. Je peux éventuellement jouer la carte de l’honnêteté, tu en penses quoi ? En fait, je ne sais pas si c’est une bonne idée… Qu’est-ce qui pourrait valoir la plus grande punition : faire une simple baignade au clair de lune ou tenter de plonger pour explorer les profondeurs lacustres ? Dit comme ça, la réponse semble évidente. Mais c’est une Serdaigle, non ? Alors peut-être qu’elle serait intriguée par ce que je veux faire.

- En fait, je voulais explorer le lac, avoué-je avec un air coupable. Pour voir ce qu’on peut trouver dans ses entrailles.

Le mot « entrailles » est-il vraiment pertinent pour parler d’une étendue d’eau profonde ? Bof, on s’en fiche tant qu’elle comprend ce que je dis. Espérons maintenant que je réussisse à piquer sa curiosité et à échapper à une quelconque punition.

L'air frais de la nuit printanière caresse les joues de Sue, colorant ses pommettes. Les promenades au clair de lune sont plus vivifiantes qu'il n'y paraît. C'est dans le silence le plus profond que l'on entend le mieux son cœur battre. L'environnement, enveloppé d'une lueur bleutée et argentée, a quelque chose de fantomatique. Ses yeux, son corps, son être tout entier apprécient cette ambiance. Cette tranquillité. Mais rappelons-nous ceci : l'idée d'une excursion nocturne n'était pas sienne. La situation n'est que la production fortuite de la poursuite d'une élève rebelle. Et pas n'importe laquelle : Nour Marshall.

La jeune fille s'est à moitié plongée dans l'eau lorsqu'elle est surprise par les mots de la préfète... Trop contente de l'effet qu'elle produit, encore une fois, celle-ci la voit faire volte-face et la fixer avec des yeux de Veaudelune. Douée pour arriver dans le dos des gens ? Il faut croire, songe-t-elle en haussant les épaules. Même si elle aime être dans la lumière, Sue est tout aussi à l'aise dans l'obscurité. Et se révéler au moment où on l'attend le moins lui permet de faire une entrée fracassante. La réaction des gens est toujours amusante dans ces cas-là. Ce qui lui permet de les surprendre, aussi, c'est son sens aiguisé de l'observation. Il ne lui a pas fait défaut aujourd'hui. Quant à Nour, eh bien...

- C'est surtout toi qui n'as pas appris à être plus discrète. Je note que tu fais des efforts, mais ce n'est pas suffisant apparemment. Dommage que tu n'aies pas pu maîtriser le sortilège de Désillusion... Cela aurait pu t'être utile.

C'est seulement au moment où elle prononce ces mots que Sue réalise à quel point ils sont vrais. À quel point il est probable que son entraînement à ce sortilège précis et sa sortie cette nuit aient un lien. Elle avait bel et bien eu l'impression, ce jour-là, qu'elle préparait un mauvais coup... L'un de ses sourcils s'arque sous l'effet de la curiosité. Ses yeux vert de gris sondent la petite Poufsouffle en quête d'une réaction signalant qu'elle a touché juste.

Puis elle l'écoute tenter d'expliquer ce qui lui est passé par la tête. Pourquoi elle se retrouve en maillot de bain, les jambes dans l'eau, à ce moment inopportun. Faisant preuve à la fois d'une stupide témérité et de curiosité intellectuelle, elle aurait décidé d'explorer les profondeurs du lac de Poudlard. Sue se demande si elle cherche à la mener en bateau ou si elle est honnête. Ne trouvant pas de raison pour qu'elle raconte des bêtises alors qu'elle est déjà en mauvaise posture, elle finit par se laisser convaincre par son expression coupable. Alors son rire cristallin brise le silence qui s'est brièvement installé.

- Ah ah ! Quelle drôle d'idée ! Pourquoi faire ça au beau milieu de la nuit ? Pourquoi toujours trouver toutes les raisons pour désobéir au règlement ?

Un petit air supérieur allié à une réplique moralisatrice bien trouvée. Voilà qui devrait remplir correctement son rôle de préfète. À ces mots, elle dépose son sac auprès de celui de sa camarade blairelle. Les bras croisés sur sa poitrine, elle s'approche doucement de la berge du lac et fixe sa surface sans parvenir à la creuser réellement. Ces eaux sombres, si calmes, sont empruntes de mystères c'est bien vrai. On croit parfois connaître des choses à son propos. Mais on ne peut réaliser quelles beautés il abrite qu'en plongeant soi-même au cœur du sujet. Tout à coup, elle comprend un peu mieux l'étrange désir de découverte qui l'a poussée jusque-là.

- Qu'espères-tu y voir ? s'enquit-elle tout à coup.

Et ses pieds commencent à remuer sur l'herbe, à se dégager de leurs prisons de cuir et de coton.