Les centres d'intérêts de Matilda fonctionnaient par période. Pendant quelques temps, c'était la botanique qui l'avait passionné, et elle avait dévoré tous les livres accessibles à son niveau qu'elle trouvait à la bibliothèque, et observé les habitants des serres avec attention. Ensuite, cela avait changé, elle avait délaissé les plantes pour se consacrée à l'étude des sortilèges. Et enfin, en cette période, c'était les créatures magiques qui l'intéressait, plus particulièrement les êtres de l'eau depuis qu'elle avait fait un tour dans le lac de Poudlard lors d'un cours de Sortilèges. C'est donc naturellement qu'elle avait emprunté "Les Êtres de l'eau : une civilisation encore peu connue" d'Actarius Bright à la Bibliothèque, en prévision de sa soirée lecture.
Ce soir là, le repas était passé, ses devoirs étaient terminés, la jeune serdaigle s'était donc installée dans un siège confortable de la salle commune de sa maison, tout prêt d'une fenêtre où elle pourrait admirer le parc dans l'une de ses dernières belles journées. Elle avait pu observer, entre deux chapitres, le ciel sans nuages passer de teintes bleues à rouges, puis de rouge repasser au bleu, mais plus sombre, avant que la voûte céleste ne se parsème d'étoiles au dessus du parc de Poudlard. A cela s'ajoutait le vent qui venait faire danser les feuilles des arbres, faisant régner dans ce décor une certaine froideur paisible, qui contrastait avec le feu de cheminée et l'ambiance bonne enfant de la salle commune. Cette dernière grouillait d'élèves de Serdaigle qui profitait du soir pour se socialiser avec leurs amis, pour faire leurs devoirs en retard ou en avance, ou comme Matilda pour se distraire par une passion studieuse qui faisait la fierté des bleus et bronze, avant que ne vienne l'heure d'aller dormir.
C'était appréciable. La fillette s'enfonça un peu plus dans son fauteuil et repositionna le livre devant ses yeux. Elle était bien. Dans sa bulle. Pourtant quelque chose l'empêchait de totalement profiter de l'instant. Comme un mauvais pressentiment, quelque chose qui ferait que sa bulle allait bientôt éclaté, et que son bien-être était menacé. Voilà qui serait bien irritant.

Quand on entre dans un monde complètement différent de celui-ci dans lequel on a grandit pendant onze ans et un peu plus, il faut tout faire pour essayer de s’y trouver. Entre le château et les matières étranges, j’ai eu de quoi m’occuper un moment, et j’aurais de quoi m’occuper pendant des années, certainement même encore après Poudlard. Les créatures magiques, les plantes magiques, les sorts, les potions… Il n’y a que l’ Astronomie qui ne change pas, même si je n’ai jamais eu cette matière à l’école moldue, je l’ai étudié de moi-même dans les livres. Et en plus de tout ça, il a fallut poser des points de repères pour ne pas se perdre en allant en cours ou juste en marchant dans les couloirs pour rejoindre la bibliothèque, le parc, la Grande Salle ou encore la Salle Commune. Difficile quand on fait face à des escaliers qui bougent et des tableaux qui parlent… Non vraiment, ne pas se perdre dans Poudlard n’est pas une mince affaire. Heureusement, j’ai déjà quelques points de repères, quelques places spéciales pour la bibliothèque, ou quelques coins agréables dans la Salle Commune desquels regarder le ciel où la cheminée, dessiner ou juste rêver. Des habitudes finalement assez rapidement prises qui me permettent de finir la journée à peu près satisfaite. Seulement à peu près car il y a toujours ces personnes qui dérangent, ces élèves petits et grands mélangés qui bavardent sans cesse, faisant résonner dans mes oreilles une multitude de voix et de mots qui se superposent dans que je ne puisse leur donner de logique. Pour moi, une journée parfaite serait une journée sans personnes autour de moi.

Sauf que c’est impossible, et qu’il faut bien faire avec. Alors je fais avec, j’apprends à faire mes devoirs le plus tôt possible dans la bibliothèque ou bien tard après manger dans le dortoir pour être dans le calme, ou dans ce qui ressemble à du calme, j’apprends à dessiner même entourée d’élèves. Il y a des ratés là-dessus d’ailleurs, des gens qui me bousculent et me râlent dessus sous prétexte qu’une petite assise par terre, ça ne se voit pas. Incapable de regarder où ils vont, j’ai vu des pieds et des genoux, j’en ai entendu des voix râler. Mais bon, c’est apparemment un prix à payer si on veut pouvoir vider son esprit correctement. Et quand j’ai des habitudes, je ne les perds pas. Elles dépendent des jours et des envies, de ce que je veux dessiner ou regarder. Ce soir, ce sont les étoiles que je veux. D’abord des devoirs, assise sur mon lit dans le dortoir pour échapper aux sons de la Salle Commune. C’est que j’ai passé plus de temps que prévu dans le parc à regarder les jolies couleurs automnales… J’ai un peu trop rêvé, et une fois rentrée dans le château j’ai croisé toute cette vague d’élèves affamés, alors je les ai suivi de loin. Et après, il a bien fallu faire les devoirs, réviser théoriquement des sorts et des potions, relire un chapitre sur les Hippogriffes dans un livre emprunté la veille à la bibliothèque.

Et après, un peu de détente avant d’aller dormir. Carnet et crayon en main, je sors du dortoir presque silencieux pour rejoindre la Salle Commune, rapidement enfermée dans le filet des paroles. Comme attrapée par une grosse vague de bruit, les Serdaigles tous déjà confortablement installés par petits groupes, ou pour d’autres seuls. Ils parlent, certains autour d’une table couverte de livres et de parchemins, d’autres simplement en train de discuter d’un sujet qui les intéresse. Bavards, bruyants. Les deux mots résonnent dans mon esprit tandis que je fais le tour de l’espace avec mes yeux, allant d’un coin à l’autre, d’une de mes places à une autre. La table près des fenêtres ? Occupée. Le bel espace devant la cheminée ? Pareil. Les fenêtres trop froide pour se mettre contre un soir, je laisse mon regard se glisser dehors, dans le ciel. Les étoiles sont belles, toutes lumineuses dans le noir, aucun nuage pour les voiler. Seul un petit vent qui souffle pourrait les voiler de nuages, mais pour le moment ce n’est pas le cas. Vite vite ! Il faut trouver une place. Alors j’abandonne le ciel, mes yeux de retour dans la salle se mettent à observer les fauteuils, un de mes coins préférés. Faces aux fenêtres, sans reflet pour m’empêcher de voir les points lumineux. À petits pas, je m’approche. Je compte, un deux trois. Tous occupés les fauteuils. Mais ne peuvent-ils pas lire ailleurs ? S’asseoir par terre pour lire, c’est faisable puisque je l’ai déjà fait. Sauf que moi, je veux voir les étoiles. Alors par terre, c’est complexe.

Là. Oui oui, celui-ci est parfait. Mark m’a expliqué qu’il fallait être poli quand on voulait demander quelque chose, il est donc temps de mettre à profit toutes ces paroles qu’il m’a adressé avant mon départ à Poudlard. Non pas que j’étais malpolie ni quoi que ce soit avant… C’est juste que je n’ai jamais beaucoup parlé, me contentant surtout de dessin. Alors je vais m’entraîner. Avec une fille qui a l’air un peu plus grande que moi, mais pas beaucoup. Elle lit… Un livre sur les créatures de l’eau, je vois le titre. Alors je vais devant elle, tout sourire car grand frère disait de sourire. «Bonsoir.» On salue bien poliment d’un mot que les grands aiment, et puis il faut se lancer. «Excuses-moi, crois-tu que tu pourrais lire ailleurs ? J’aimerais regarder les étoiles, et il n’y a de la place nulle part pour pouvoir faire ça.» Je sers un peu plus mon carnet devant en ajoutant d’une petite voix un «S’il te plaît.» Si Mark était là, il pourrait m’expliquer ce qui allait ou non. Mais il n’est pas là. Alors on va faire sans !

"Bonsoir." PAF, la bulle éclatait. Il avait suffit d'une petite voix fluette pour que la tranquillité de Matilda se brise. Pourtant elle ne réagit pas, faisant comme si la gamine n'avait pas parlé, comme si elle n'avait pas compris que c'était à elle qu'elle s'était adressé. Peut-être que la voix fluette s'en irai, et que Matilda parviendrait à retrouver son état d'extase intellectuelle, même s'il y avait peu de chance, il lui avait déjà fallut des heures pour en arriver là.
"Excuses-moi, crois-tu que tu pourrais lire ailleurs ? J’aimerais regarder les étoiles, et il n’y a de la place nulle part pour pouvoir faire ça." Matilda lu les derniers mots restant avant de tourner la page. Il n'était pas facile de continuer à lire. Extérieurement, son visage était impassible. Intérieurement, elle bouillonnait de colère. Mais pour qui elle se prenait cette gamine ? Lui demander de changer de place ? Pour regarder les étoiles ? Et elle s'attendais à ce que Matilda lui apporte un chocolat chaud aussi ? Jamais la deuxième année ne se serait permis une telle demande envers quelqu'un de plus âgé il y a 1 an, et aujourd'hui non plus d'ailleurs. Visiblement, cette fillette ne savait pas où était sa place, et avait besoin qu'on lui apprenne ce qu'était le respect de ses aînés. Chose que Matilda n'avait pas l'intention de faire, pas maintenant en tout cas, elle avait juste envie de lire, confortablement installée dans son fauteuil, sans mioches pour la déranger.
"S'il te plaît." Quelle voix irritante. Quelle fille irritante. Quitte à être irritée, autant pousser l'autre dans le même état. Aussi Matilda ne répondit toujours pas. De toute façon la première année ne partirait pas, elle n'avait pas à se presser. Elle pris son temps pour finir sa page.  Au bout d'un moment, finalement, seuls ses yeux perçants, mauvais, se levèrent pour se plonger dans le regard enfantin de la gamine.
"Non." Dit-elle simplement. Le silence est parfois plus intimidant que les paroles. Elle pris alors également son temps pour se pencher légèrement vers l'autre pour ancrer ses simples mots dans sa petite tête de gamine capricieuse : "Vas jouer ailleurs." Pas d'insulte. Matilda n'aimait pas ça, c'était vulgaire et jamais très intelligent. Là au moins le message était clair, et devrait suffire pour faire comprendre à la petite que rien ne ferais bouger Matilda de son fauteuil, que sa demande était tout à fait déplacée, et qu'elle n'avait pas intérêt à insister si elle ne voulait pas s'attirer les foudres de la Grayling.

Tic tac tic. Vous entendez les secondes passer, les aiguilles tourner au fil du temps qui passe ? Moi oui. Je les entends quand j’attends quelque chose d’important. En l’occurrence j’attends une réponse positive, ou qu’elle se lève sans rien dire si elle préfère ça. C’est comme elle veut ! Je ne vais pas lui demander de parler. Juste de me laisser tranquille, c’est pas bien compliqué. Bon oui d’accord je viens de la déranger pendant sa lecture c’est malpoli et tout ce que vous voulez, mais elle ne voit donc pas qu’elle pourrait lire ailleurs alors que moi, je vais avoir du mal à regarder les étoiles sans emplacement duquel on ne me dérangerait pas ? Sans fenêtre également ? Il faut croire que les Serdaigles ne sont pas tous aussi intelligents qu’ils sont sensés l’être. Oups, c’est pas gentil, Mark ne serait pas content du tout. Sauf que c’est la vérité. Et la fille ici, qui ne doit avoir qu’un an de plus que moi pas beaucoup plus, reste sans parler. Ni mots ni réactions, un visage concentré et une page qui tourne et c’est tout. La politesse ne fait rien, le grand frère ne sait pas toujours ce qu’il dit finalement. Il faudra que je lui en parle…

Et enfin, le regard finit par se lever, des yeux que je n’aime pas. Il y a différents regards, celui moqueur et celui méchant, celui froid et celui joyeux, celui enfantin et celui sérieux. Celui de maintenant est un regard froid et méchant, presque menaçant – mécontent. Oui oui je l’ai dérangé, je sais, Mark ne serait pas content de moi pour le coup. Je n’y peux rien si ce soir l’esprit veut voir les étoiles ! Ni si cette fille inconnue c’est assise à une des places importantes de la Salle Commune. Si d’autres avaient été libres, j’aurais fait un effort pour changer d’avis. Mais là non, ce n’est pas le cas : tout est occupé. Sur le moment, ça m’avait semblé être une bonne idée cette histoire de politesse pour obtenir ma place étoilée. Finalement, ce n’était pas une très bonne idée. Sauf que je suis là, je ne vais pas faire demi-tour et regagner ce dortoir dans lequel je viens de finir mes devoirs. La Serdaigle, elle, pourrait aller s’installer sur son lit pour lire ! Il y a pleins d’endroits pour ça, je le sais puisque je lis souvent. Le dortoir, la Salle Commune, la Grande Salle même si elle doit être fermée maintenant, la bibliothèque également. Les cachots, le parc, voir la Forêt Interdite…

Mais non, elle refuse. D’un simple non simple et explicite. Un non étonnant. Parce que je n’y aurais pas cru. Qu’est-ce qu’il manque ? J’ai dit s’il te plaît, j’ai expliqué ma raison qui ne peut qu’être tout à fait valable. Regarder les étoiles, ce n’est même pas une envie qu’elle peut juger nulle puisque le ciel est à étudier en Astronomie. Je suis perdue, complètement. Il lui faut quoi d’autres ? Les gens sont vraiment trop bizarres et incompréhensibles. Mais il y a un problème voyez-vous, c’est qu’il n’y a pas de place ailleurs et que je veux voir les étoiles. Je veux jouer avec elle, leur imaginer d’autres formes que celles données par je-sais-plus-trop-qui. Alors je soupire tandis qu’elle me dit d’aller jouer ailleurs. Cette fille n’a clairement rien compris, ça me dérange grandement. Pourtant, je suis sûre et certaine que ce que j’ai dit était simple et clair. Elle peut lire ailleurs, je ne peux pas regarder les étoiles sans fenêtres. Ni sans place adéquate car s’installer par terre serait avoir mal au cou dans un premier temps mais surtout se faire bousculer dans un second temps. Rien de tout cela va m’aider pour ma soirée, je n’ai pourtant pas l’impression de demander un truc impossible.

Perplexe devant la réaction de la lectrice, je garde donc un instant de silence pour essayer de réfléchir et surtout de comprendre. Alors quoi, je dois abandonner ? Pas question. Parce que je n’ai pas envie d’aller me coucher en oubliant mes étoiles. J’aime vraiment pas les gens, c’est chaque jour de plus en plus évident. «Mais tu peux lire ailleurs.» Ne dire que l’évidence car apparemment elle ne comprend rien, ça risquerait de l’embrouiller. «Alors que je vais avoir du mal à regarder les étoiles sans fenêtre, tu vois ?» Bien sûr qu’elle voit, elle ne peut pas être bête à ce point. Remarquez, je me dis souvent que plus les gens sont grands plus ils deviennent bêtes. Trop occupés par leur petite personne pour s’intéresser aux demandes des autres. Si j’avais été en train de lire et qu’on m’avait demandé cette place pour regarder les étoiles, et bien je serais partie. Ce n’est qu’une question de compréhension. Je sais pas trop comment faire pour qu’elle comprenne. Moi et la communication… Je fronce le nez en attendant la réponse de la jeune fille. Clairement, elle n’a pas l’air très gentille.

Et elle n'était pas partie. La gamine était toujours là, à pigner de sa voix fluette pour que Matilda soit gentille et lui cède sa place royale pour lui permettre de regarder les étoiles par la fenêtre. Était-ce une méconnaissance du monde et de l'égoïsme humain qui lui faisait encore garder espoir ? Si c'était le cas, cela ne lui fera pas de mal d'apprendre que non, les gens ne sont pas bienveillants, qu'il ne suffit pas de demander quelque chose pour l'avoir, et que la hiérarchie naturelle des âges devrait lui pousser à craindre et à respecter ses aînés. Comment ça Matilda n'avait pas plus d'un an de plus que cette fille, et avait probablement une voix toute aussi enfantine ? Sornettes. un an de plus dans ce château, 1 an d'expérience de plus, cela la rendait supérieur. C'était d'ailleurs la seule satisfaction qu'elle avait en ce moment, être supérieure à toute une partie de la population de Poudlard, parce que plus âgée. Mais qu'est-ce qu'elle avait fait de sa vie ?
"Mais tu peux lire ailleurs." C'est qu'elle insistait en plus ! Quel culot. Petite ingrate. Et bien on combat l'ingratitude par l'ingratitude.
"Oui je pourrais" dis Matilda, d'un air nonchalant, en reposant les yeux sur son livre. Elle n'avait pas de temps à perdre avec ces gamineries. Enfin si, totalement, mais elle ne le montrerait pas. La première année ne méritait pas autant d'attention de sa part.
Pourtant la jeune fille haussa un sourcil à la deuxième intervention. Pauvre enfant qui ne pourrait pas observer les étoiles sans fenêtre ! Était-ce juste une impression où elle prenait son aînée pour une idiote ? Le regard percent de cette dernière se posa à nouveau sur la petite. "Oh..." dit elle, son visage faussement attendrit et désolé "C'est vrai ça ! et ça m'intéresse parce que... ?" elle n'attendit pas la réponse. A présent c'était la lassitude qu'exprimait son visage. "Écoutes gamine, il y a d'autres fenêtres dans cette salle commune, et il y aura aussi d'autres nuits pour regarder tes étoiles. Alors soit bien gentille et vas voir ailleurs si j'y suis veux-tu ?"
L'irritation avait, peu à peu et plus qu'elle ne veuille l'admettre, laissé place à un certain amusement. Elle voulait voir jusqu'où irait la fillette dans sa provocation, elle l'attendrait au tournant.

Elle le sait ! Elle sait qu’elle peut aller lire ailleurs, elle le dit, elle comprend que je dis la vérité. Mais pourquoi ne le fait-elle pas ? C’est une bonne question. Pourtant, ce n’est vraiment pas compliqué de se lever, de faire quelques pas et de s’asseoir ailleurs. Bon d’accord, il n’y a plus beaucoup de places dans la Salle Commune mais au pire des cas il y a son lit dans un dortoir. Sauf que non, même pas elle se lève pour me laisser voir les étoiles. Je n’ai pas l’impression de lui demander un truc impossible à faire quand même, pourquoi refuse-t-elle ? Alors j’insiste, j’argumente. Je ne peux pas voir les étoiles sans fenêtre tandis qu’elle peut lire sans fenêtre jusqu’à dernière nouvelle, ce n’est pas la lumière noire de l’extérieur qui va l’aider à mieux lire. Ça aussi, elle le sait. Elle dit que c’est vrai mais elle s’interroge aussi sur le pourquoi du comment ça l’intéresse. Sa question non complète n’a pas l’air d’attendre de réponse, même si je lui dirais bien que ça devrait l’intéresser car ça s’appelle la politesse. Mais je ne dis rien, j’attends en silence que vienne la suite.

Une suite tout aussi désagréable. Encore une fois, une élève se permet de m’appeler gamine alors qu’elle n’est pas beaucoup plus grande que moi. En deuxième année certainement, à douze ans est-on beaucoup plus grand qu’à onze ? Il ne faut pas exagérer non plus, je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Elle n’a pas le droit de m’appeler gamine, c’est malpoli ! Et puis elle ajoute qu’il y a d’autres fenêtres ainsi que d’autres nuits pour regarder les étoiles. D’après elle, c’est une bonne explication quant au fait que je dois être gentille et aller voir ailleurs si elle y est. Cette dernière phrase me laisse d’ailleurs perplexe, jusqu’à dernière nouvelle on ne peut être qu’à un endroit à la fois donc si elle est ici elle n’est pas à l’autre bout de la salle. À quel point cette fille manque-t-elle de réflexion ? «Non, tu es ici donc ça sert à rien de chercher ailleurs. Et puis, pourquoi devrais-je te chercher ? J’ai pas envie. Je veux juste regarder les étoiles. Et au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, il n’y a de la place nulle part.» Et je n’ai pas non plus deux heures devant moi à argumenter ainsi. C’est épuisant de parler autant. Je soupire avant de lui faire remarquer «En plus dans ce pays, le ciel est rarement dégagé. On aurait été en Espagne je dis pas, je pouvais regarder les étoiles n’importe quand, mais ici même en été il peut ne pas faire beau ! Il ne faut donc pas rater une seule occasion de regarder les étoiles.» Autrement dit : tu dis vraiment n’importe quoi donc tais-toi et va-t’en. J’aime vraiment pas qu’on détruise mes plans de cette manière. J’avais pourtant tout prévu, la politesse et la question tout simple… Malgré ça, je me retrouve coincée devant une fille qui refuse une simple requête.

Matilda ne fut pas déçue. Chaque parole de la gamine poussait un peu plus son côté divertissant.
"Non, tu es ici donc ça sert à rien de chercher ailleurs." Matilda haussa un sourcil à cette réflexion, et retint un ricanement. Est-ce que cette 1ère année se moquait d'elle ou bien elle avait réellement pris l'expression au pied de la lettre ? Matilda lui laissa le bénéfice du doute, Et se pris même à espérer pour sa cadette que c'était effectivement un moyen maladroit de provoquer son aînée.
"Et puis, pourquoi devrais-je te chercher ? J’ai pas envie. Je veux juste regarder les étoiles." Voilà une suite qui jouait plutôt en sa défaveur.
Matilda referma délicatement son livre sur son index droit de manière à garder la page qu'elle était en train de lire, tout en prêtant toute son attention à la petite blonde qui braillait en face d'elle.
Cela avait quelque chose de fascinant.
Ce n'était pas de la provocation, elle était vraiment en train d'élaborer une argumentation pour convaincre Matilda que puisqu'il n'y avait de place nulle-part, qu'il n'y avait pas besoin d'être à côté de la fenêtre pour lire, et que les nuits aussi belles étaient rares dans ce pays, la deuxième année devait lui laisser sa place pour qu'elle puisse regarder ses étoiles. C'est quand elle avait commencé à parler de l'Espagne que Matilda s'était rendu compte de l'absurdité de la situation. A présent, l'agacement avait totalement laissé sa place au divertissement et à la fascination. Les yeux de Matilda brillaient, et elle parvenait difficilement à se retenir de rire. Il y eut même une teinte d'incompréhension dans sa voix lorsqu'elle répondit à son interlocutrice :
"Mais... Tu es stupide ? Ou tu te moques de moi ?" Méfiance, peut-être que la fillette maniait tout simplement l'ironie mieux qu'elle. Si c'était le cas elle était vraiment douée.
Matilda pouffa avant de reprendre : "C'est pourtant pas si compliqué à comprendre que ça" Puis elle dit articulant exagérément, comme on parle aux simples d'esprits "Je m'en fiche que tu veuilles regarder les étoiles ou qu'il n'y ait pas de place ailleurs ou quoique ce soit. Et puis pourquoi tu me parles de l'Espagne ? Ça ne m'in-té-re-sse pas ! Tu comprends ? Je ne bougerais pas parce que j'en ai pas envie, peu importe ce que tu me diras." Matilda soupira. Ce qu'elle avait pris pour de la provocation n'était donc que de la bêtise pure ? Ou bien elle-même était en train de se faire avoir ?

Je n’aime vraiment pas les plus grands. Toujours à se croire plus important, plus forts, plus intelligents. Incapables d’admettre quoi que ce soit, de comprendre quoi ce soit. Elle ne peut pourtant pas dire que j’ai tort, pour regarder les étoiles on a besoin d’une fenêtre et d’un ciel tandis que pour lire un livre on a besoin de lumière et d’un livre bien sûr. La lumière est partout dans la Salle Commune et elle a son livre dans les mains. Il lui suffit juste d’utiliser les nombreux muscles qu’elle a comme chaque être humain dans ses jambes pour se lever. Je n’ai pas l’impression qu’il est quelque chose de compliqué ou d’impossible dans ma demande, si ? Et bien si, parce que je dois tout lui expliquer. Mot à mot, argument par argument. Il faut vraiment tout leur dire à ces gens ! C’est épuisant !

Et la seule réaction qu’elle a, c’est de s’interroger sur l’état d’intelligence de mon cerveau. Je fronce le nez lorsqu’elle me demande, hésitant entre une stupidité ou une moquerie de ma part. Ni l’un ni l’autre j’aurais pu lui dire, après tout je suis souvent très sérieuse, bien qu’un peu rêveuse. Mais pas là, non non là je suis totalement sérieuse. Sauf qu’elle ne le pense pas, ça la fait rire, elle me croit idiote la Serdaigle. C’est pas pour un an d’écart que je suis beaucoup moins intelligente qu’elle ! C’est fou ça, toujours se croire supérieur. Alors que je suis sûre que je connais des choses qu’elle ne connaît pas – et vice-versa. Il n’y a vraiment pas de respect chez les élèves, quelque soit leur âge, leur maison, leur année. Moi qui pensais demander une chose facile…

Le pire, c’est qu’elle le dit que ce n’est pas si compliqué à comprendre que ça. Nous y voilà ! Elle va se lever ! Mais non, faux espoir. Elle parlait de sa pensée à elle car elle se met à dire qu’elle s’en fiche de ma demande polie et sensée. Et si elle s’interroge sur le pourquoi du comment je lui parle de l’Espagne, elle s’en désintéresse rapidement pour dire une nouvelle fois que ça ne l’intéresse pas et qu’elle ne bougera pas. J’ai beau utiliser tout ce que m’a appris Mark sur l’utilité de la politesse et de l’argumentation, ça ne sert apparemment à rien. Ou alors, c’est juste cette fille le problème ? Oui, c’est peut-être elle qui ne comprend pas ces deux choses que l’on me disait pourtant très intéressantes.

Ça me laisse perplexe toute cette histoire et cette situation. Je n’aime pas ne pas comprendre, et là je suis dans le flou, le néant. Comment faire ? Il ne semble rester qu’une solution, qui est celle d’abandonner. Venant lentement mais sûrement, c’est bientôt une évidence. Sauf qu’il y a un mais, car je ne peux pas laisser cette fille penser que je suis idiote. C’est ce qu’elle pense, elle a parlé bizarrement, elle m’a elle-même posé la question. Et je n’ai pas répondu ! Alors il ne me reste plus que ça à faire. «Je ne suis pas stupide comme tu dis. C’est pas parce que je suis en première année que je ne comprends pas ce que tu dis. Par contre, c’est à se demander si toi tu comprends quelque chose. Pourtant j’ai bien l’impression d’avoir utilisé l’anglais ainsi que des mots simples. Moi non plus, ça ne m’intéresse pas que tu sois en train de lire un livre, » C’est un peu faux, j’aime bien les livres et celui-ci a l’air intéressant mais passons «Tu n’as juste pas besoin de fenêtre pour le lire, de toute façon elle ne fournit pas assez de lumière pour ça. Donc rien ne t’empêche de bouger.» Si ? Peut-être. Voyons voir ce qu’elle dira. Je n’ai jamais fait face à ce genre de situation, et si c’est dérangeant c’est tout de même intéressant.

Matilda fit la moue lorsque son interlocutrice affirma qu'elle n'était "pas stupide". Vraiment ? Peut-être, puisqu'elle semblait avoir au moins compris une chose : son statut de Première année influait grandement sur la façon dont Matilda la traitait. S'il s'était agit d'une troisième année, la jeune fille se serait levé en vitesse, en s'excusant au passage. Parce que pour elle, les choses fonctionnaient ainsi. A l'école, les seuls grades qui peuvent être attribuer et gérer les relations entre les personnes sont leurs âges, et à la limite les capacités scolaires lorsque les deux individus sont du même niveau. Il fallait bien cela pour ordonner toute cette population de jeunes magiciens. Cependant, c'était cet ordre même qui semblait échapper à la gamine. Il y avait mine de rien quelque chose d'attendrissant dans ce comportement, une naïveté que Matilda prendrait un malin plaisir à détruire.

"Bon. On dirai que tu es encore plus longues à la détente que ce que je pensais. Écoutes bien ce que je vais te dire, ça te sera utile toute ta vie : Les gens sont méchants, la vie est injuste. Tu pourras me donner des tas d'arguments tous plus vrais les uns que les autres pour me prouver que tu mérites cette place plus que moi, ça ne m'intéressera toujours pas. Oui, c'est parce que je suis plus vieille que toi, que j'ai plus de pouvoir que toi, et que j'en profite juste parce que je peux, peu importe la logique, tu vois ?" Matilda soupira, colla un air attendrit sur son visage, son amusement ne disparaissant pas pour autant de son expression. "Il va falloir que tu apprenne à rester à ta place, plus tu gagnes en âge et plus tu gagne en droits, c'est comme ça que ça fonctionne. Un jour tu fera un caprice comme ça auprès d'une personne beaucoup plus âgée et beaucoup plus méchante que moi, qui n'hésitera pas à te faire du mal juste parce qu'elle en aura envie. Tu devrais même me remercier d'avoir accepter de t'adresser la parole, et de ne pas t'avoir changer en grenouille juste pour m'amuser parce que tu es sous mon nez."

Les deuxièmes années n'avait absolument pas la capacité de changer les personnes en grenouilles, mais cela, la petite fille ne le savait peut-être pas encore. Matilda soupira. N'avait-elle pas donné trop d'attention à la première année, alors que son but premier était d'en dire le moins possible et de lui faire comprendre qu'elle ne méritait pas son intérêt ? Il était compliqué de ce dire "mature" et "au dessus de ça" maintenant. La fillette n'avait même plus envie de lire, et elle serait bien allé se dégourdir les jambes si cela n'impliquait pas de laisser ce fauteuil à l'autre petite fille.

Moi, je commence à être fatiguée d’être là à attendre une place convenable. Si la fille avait été réellement intelligente, pas comme maintenant, elle aurait pu avancer dans sa lecture et moi dans mon observation du ciel étoilé. Sauf qu’on est toujours là, toutes les deux, elle à ne rien comprendre et moi à en avoir assez de toute cette incompréhension. Pourquoi est-ce qu’ici, rien ne fonctionne comme à la maison ? Au moins quand je suis dans notre petite maison, j’ai forcément une place. D’abord parce qu’on est rarement tous ensemble, et ensuite car si je n’ai pas une place qui me convient, je demande avec quelqu’un de ma famille pour changer. Quand on prouve que ce n’est pas juste pour embêter l’autre, tout va bien. Il m’est aussi arrivé de laisser ma place à la maison, mais face à de bonnes explications construites et logiques, c’est normal.

Mais ça ne semble pas normal dans la tête de la Serdaigle à peine plus âgée que moi. Comme quoi en grandissant, on ne devient pas plus intelligent. Au lieu de chercher ne serait-ce qu’une seule minute à comprendre ce que je dis, elle se lance dans un long discours qu’elle juge utile pour toute ma vie. Je fronce les sourcils en l’écoutant dire que les gens sont méchants et la vie injuste. Merci, ça je l’avais bien remarqué. Ce n’est pas nouveau, c’est ainsi depuis que je suis née. La preuve : cette inconnue-là est méchante et refuse de comprendre la logique de mes paroles. Le pire, c’est qu’en réalité elle a l’air de savoir que j’ai raison. Mais d’après elle, le fait d’avoir un an de plus que moi lui laisse toutes les libertés possibles et elle en profite.

Je secoue la tête, interloquée. Comment peut-elle dire une chose pareille ? N’a-t-elle pas honte ? Oui, beaucoup de plus grands ou plus vieux profitent de leur soit disant statut de supériorité, mais c’est bête. Et nul. Et complètement idiot. Si un grand venait la déranger sans aucune excuse valable alors qu’elle est sage, ne dirait-elle rien ? Visiblement non. Je soupire, agacée par tant de bêtises tandis que son visage prend un air trop bizarre qui ne me plaît pas du tout. Et la voilà qui continue à blablater sur le fait que je doive rester à ma place – place que je n’ai pas remarquez, comment je fais ? Je ne comprends pas tout ce qu’elle dit, même si je comprends la suite. Oui d’accord, les plus grands sont les plus forts, j’ai compris. C’est nul et archifaux mais j’ai compris son point de vue.

Malgré cela, mes bras se croisent quand je l’entends dire que je fais un caprice. Un caprice ? Comme ces enfants que l’on voit hurler au magasin car ils veulent un doudou alors que ce n’est ni leur anniversaire ni Noël ? Elle n’a pas le droit de dire ça, car ce n’est pas un caprice. Ç’aurait été un caprice si j’avais voulu la place pour le plaisir l’avoir. Tandis que là, je demande la place parce que j’en ai besoin. Je hausse les épaules lorsqu’elle dit que face à ça, un plus grand me fera du mal. Elle l’a dit elle-même : les gens sont méchants. Ils n’ont pas besoin d’excuse pour faire du mal à quelqu’un, s’ils veulent faire du mal ils le font point final. Je l’ai bien compris depuis que je suis entrée à Poudlard, et même quand j’étais en primaire.

Je me demande quand est-ce qu’elle aura finit de parler. C’est un peu inutile tout ce qu’elle dit, il n’y a que des choses logiques que je sais déjà. À part le fait que je devrais la remercier car elle me parle. Je ne le savais pas, et ça me laisse perplexe. Comment ça, la remercier ? On ne remercie pas quelqu’un pour nous adresser la parole… En tout cas moi, on ne m’a jamais remercié pour ça. C’est une idée complètement absurde ! Et j’aurais pu le lui faire remarquer, sauf qu’elle termine son discours par une phrase très étrange. Me changer en grenouille ? Je souris un peu en m’imaginant grenouille. Cet animal vert, avec quatre pattes, qui vit généralement dans des mares et des marais ? Me changer en grenouille, comme dans les contes pour enfants ? C’est trop, j’en laisse un petit rire s’échapper. Mais quelle idée encore absurde !

Je reprends tout de même rapidement mon sérieux, parce qu’il y a un objectif bien précis quant au fait d’entendre cette fille parler autant. N’empêche que «Je ne suis pas sûre que voir une grenouille amuserait beaucoup de monde ici, mais ce doit être une drôle d’expérience !» Ce serait d’ailleurs le meilleur moyen de me mettre dans la tête de cet animal pour comprendre son fonctionnement. Bref. «Je ne suis pas d’accord avec toi : ce n’est pas un caprice, et ce n’est pas parce que tu es plus grande que tu as tous les droits. Ce n’est pas ce qu’on m’a appris, à moi.» Alors je trouve qu’elle manque d’éducation, mais ça il vaut mieux ne pas le dire. «Mais puisque tu ne sembles pas avoir compris la logique de ce que je te dis, tant pis. Certainement la comprendras-tu plus tard, lorsque tu seras dans le même cas que moi.»

Je soupire un peu après avoir dit tout ça, à la fois exaspérée et grandement embêtée. Car elle m’embête, cette grande, et j’aurais préféré continuer à exposer mes arguments pour qu’elle comprenne tout ça mais j’aime pas cette fille, c’est décidé. Et puis j’en ai assez de parler, ça fait trop longtemps. Et Mark m’a également appris que parfois, il valait mieux abandonner plutôt que d’insister. On m’a déjà dit que j’avais la langue pendue… Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression que je recommence. Pourtant je ne fais rien de mal, j’expose clairement mes pensées. Sauf que parfois, il vaut mieux se taire. Je le sais, mais j’avais vraiment envie de regarder les étoiles, c’est dommage. Alors je la laisse là, toute seule avec son livre, et je retourne au dortoir. Je n’ai pas eu ce que je voulais, mais je demanderais à mon grand-frère de mieux m’expliquer encore. J’ai dû rater un détail de ce qu’il m’a appris.