La nouvelle avait frappé Izsa sans l'envoyé au sol. Parce qu'elle n'avait pas comprit les mots dans la lettre. Oh, ils étaient clairs, ses mots. Laurae était morte. Mais entre le fait de le dire et le fait de le comprendre... de vraiment s'en rendre compte...

Il était dit que la première phase du deuil était le déni. Mais c'était faux, la première phase du deuil c'était :

...

...

Quoi ?

Elle pouvait encore fonctionner de longue minute ainsi. Vaquant à ses activités quotidiennes. N'ayant pas encore réalisé que...

Quelque chose venait de changer. Définitivement.

Laurae était morte.

Laurae. Sa soeur d'arme. L'une de ses plus fidèle amie.

Morte.

Elles se connaissaient depuis Poudlard. Elles s'étaient amusées, elles s'étaient battues. L'une contre l'autre, puis ensemble. Surtout ensemble, contre des forces meurtrières qui auraient tout donné pour les voir six pieds sous terre.

Laurae était morte.

Et c'était une cause tellement bête en plus. Anodine. Son cœur qui avait lâché. Un syndrome mal-traité. Comment était-ce possible de mourir aussi jeune ?

Il y avait une chance sur des millions. Pourtant elle était morte.

La notion faisait des cercles dans sa tête. Comme des vents violents s’amassent pour former un cyclone. Elle était encore au centre, dans l’Œil, mais d'ici peu elle allait se faire emporter.

Laurae était morte.

Izsa n'avait pas versé la moindre larme. Pas encore. Elle ne pouvait pas être triste, elle n'avait pas encore...

Comprit.

La manière dont elle avait appris la nouvelle n'aidait pas. Un hibou de Sainte-Mangouste, disant qu'il fallait que quelqu'un vienne récupérer le corps sinon ils seraient obligés de le faire disparaître pour faire de la place dans la morgue. Supplémenté par des mots et des mots de jargon légal. C'était impossible d'y voir la moindre émotion.

Se furent autour de trois heure du matin que les mots prirent enfin racine dans l'esprit d'Izsa. Elle se réveilla brusquement, en larme. Puis elle ne s'arrêta pas, pendant des heures durant. Ne se rendormit pas. La seule chose qui parvint à la faire sortir de sa nouvelle stupeur fut de passer à l'après. Ce qu'il fallait faire. Il fallait qu'elle récupère le corps. Il fallait qu'elle rendre un dernier hommage à Laurae. Elle, et bien d'autres. Beaucoup de gens voudraient venir, surtout maintenant que tant d'anciens compagnons d'armes étaient revenus. Des anciens Phénix.

Elle savait ce qu'elle devait faire.

Elle avait fait appel au service de la Maquilleuse. Pour une fois, le look "lunette de Quidditch mangeant la moitié de mon visage" ne serait pas une bonne manière de garder son anonymat. Il fallait qu'elle montre son visage. Enfin... pas son visage.

Changer l'apparence d'Izsa était passé en premier par ses cheveux. Sa coupe courts de mèches brunes sans qu'aucune ne soit d'accord avec l'autre de la direction à prendre, c'était un peu sa marque de fabrique. A présent, elle avait donc les cheveux blonds platines, tombant sur ses épaules dans des boucles élégantes. Ses yeux étaient encore marrons, qui n'était certainement pas la couleur la plus exceptionnelle. Mais il fallait changer les traits de son visage, au moins un peu, car ça n'était pas compliqué de voir ses fossettes, ses pommettes hautes et ses joues rondes et de se dire "oui, c'est bien Izsa". Elle avait donc un visage qui paraissait bien plus fin, allongés, terminé par un long menton carré qui n'avait rien de sa petitesse originale. Maintenant, elle était véritablement méconnaissable.

Les deux Phénix passèrent les portes de Sainte-Mangouste peut avant les horaires de fermetures. L'objectif était de croiser le moins de monde possible. Même complètement camouflées dans des traits étrangers, elles ne tenaient pas à croiser des témoins. On les dirigea vers la morgue.

Alors qu'elle marchait à travers les couloirs blancs, Izsa se préparait mentalement. Elle savait à quoi s'attendre, oui. Mais elle ne voulait pas le voir pour autant. Cela allait devenir réel. Beaucoup trop réel.

L'endroit était froid. L'odeur de javel emplissait l'air tout autour, on aurait pu perdre ses yeux à les garder trop ouverts. Une longue boite en métal se trouvait sur la grande table centrale. Un cercueil temporaire, qui serait utilisé pour le transfert du corps. Le couvercle était fermé, mais Izsa savait très bien ce qu'il s'y trouvait.

- Mrs Syverell ? Les papiers sont prêts.

Elle avaient donné un faux nom, évidemment. Un nom qui lui permettait de réclamer le corps sans dire quoi que se soit de sa véritable identité. Et l'adresse à laquelle le Portoloin les ramèneraient était une ancienne maison de l'Ordre, aujourd'hui inutilisée.

- Pourrais-je... la voir avant cela ? s'aventura-t-elle.

Il fallait qu'elle la voit maintenant. Plus tard ne ferait que retarder l'inévitable. Il fallait qu'elle la voit, et qu'elle comprenne enfin. Laurae était morte. Le sorcier hocha la tête, et ils se dirigèrent vers le cercueil. Le couvercle glissa vers le côté, dévoilant un visage qu'elle ne connaissait que trop bien.

Laurae. C'était elle, sans être elle. Il y avait comme une perfection irréelle sur ses traits. Rien à voir avec un cadavre ici depuis plusieurs semaines. Les services d'embaumement avaient bien fait leur travail, lui évitant probablement un éclat en sanglot irrépressible. Normale, presque. Pâle, mais pas blanche comme la mort. Il y avait comme une lourdeur en chaque centimètre carré de sa peau. Elle aurait du avoir l'air en paix, avec ses yeux fermés et ses bras repliés, mais ses lèvres étaient tirés dans un quasi-rictus. Il n'y avait rien de naturel là-dedans.

- Mrs ? Tout va bien ?

Non. Rien n'allait. L'idée que voir le corps de Laurae l'aiderait dans son deuil venait d'être écrasée. Rien n'irait.

- Oui, répondit-elle d'une voix étranglée, et le médicomage-légiste eu le tact de ne pas insister.

Elle signa toute la paperasse, ce qui lui pris presque vingt minutes. Le dernier papier était celui certifiant quels étaient les objets qui s'étaient trouvés sur elle lors de son décès, et que la morgue les remettait à présent à qui de droit. Ses vêtements avaient été jetés, remplacés par des neufs. N'y avait donc que... sa baguette.

Izsa prit entre ses mains l'objet de cyprès. C'était elle qui l'avait fabriquée. L'une de ses premières créations, alors qu'elles étaient encore à Poudlard. Encore jeunes et insouciante, n'ayant aucune idée de ce qui leur arriveraient, huit ans plus tard. L'idée que l'une d'entre elles aurait pu mourir ne leur aurait même pas traverser l'esprit. Elle ne savait pas ce qu'elle pourrait en faire. La revendre, peut-être ? La donner ? Elle ne se voyait pas la garder toute sa vie en souvenir. C'était de son point de vue insulter la mémoire de l'active Syverell. Laurae méritait de continuer à vivre, ne serait-ce qu'indirectement, à travers l'une de ses possessions les plus personnelles. Tout ne serait pas fini.

Même si tout était fini. Izsa devait voir les choses en face. Son amie étaient morte, et il n'y avait rien qu'elle ne puisse faire qui aurait changer cela. Ce qu'elle comptait faire à présent n'était plus que pour les vivants. Pour elle. Égoïste.

- Le Portoloin part dans 2 minutes à présent.

- Hum ? Oh. D'accord. De quoi s'agit-il.

En voyant le vase ornée de lys blanches, elle comprit que c'était également le service d'embaumement qui c'était occupé de cette partie. Le bon goût était... ben, ils essayaient, quoi. Il n'y avait rien qui aurait pu vraiment convenir.

Les secondes tintaient. Izsa posa le vase sur le cercueil - à présent refermé - et y posa sa main. Elle devrait peut-être remercier le légiste ? Elle ouvrit la bouche. Trop tard. Le Portoloin venait de se déclencher, et un tourbillon l'emportant. Normalement habituée à ce genre de trajet, son estomac se serra. Envie de vomir. Pas juste le Portoloin, en réalité.

Elle reprit pied au milieu d'une pièce vide qui avait été un salon. Il n'y avait plus qu'elle et Laurae. Les larmes se mirent à couler à gros sanglot sur ses joues, et elle n'essaya même pas de les arrêter.
Non. Il n'y avait plus qu'elle.