Découvre-moi si tu peux [Terminé]

Si la réflexion sous le masque commençait sérieusement à m’inquiéter, c’est pourtant une réponse négative qui sort de la bouche du Renard. Mêlé à cela le fait qu’il avouait que ce n’était pas la première fois qu’il agissait ainsi. Le pire dans tout ça, c’était le regard fuyant qui refusait de m’affronter. Si la vérité était celle qu'il me disait, pourquoi ne pas assumer et me regarder en face ? Si la fatigue était au départ partie pour que je passe l’éponge, je ne pouvais empêcher mon corps de réagir à sa manière. Et lui, il n’appréciait pas, se sentait comme vidé, indécis, ne sachant plus s’il pouvait faire confiance à celui qui charmait ailleurs, se faisait désirer. La raison importait peu, le cœur était blessé et quelque chose dans mon estomac s’était violemment percé. Malgré tout, je serre les dents, je ne voulais pas faire partie de ceux qui n’écoutaient pas. S’il avait de quoi se justifier, alors j’étais prête à tout entendre. Pourtant, il y avait cette sensation étrange, comme l’impression que le sortilège de torture passait en second plan dans les choses les plus douloureuses. Je me rends réellement compte à cet instant qu’il était vraiment le seul à pouvoir me faire mal. Pas besoin de sorts ou de coup de poings. D’autant plus que cette histoire d’érection me faisait tiquer de l’intérieur. Encore heureux, il n’aurait manqué plus que ça.

Ses explications n’arrangeaient en rien la situation, au contraire, j’avais l’impression que j’allais de nouveau cracher le contenu d’un estomac vide. Et il ne voulait pas que je voie ça. Depuis tout ce temps où il portait ce masque, j’avais décidé de lui faire confiance, de ne lui poser aucune question sur ce qu’il faisait, sur ses missions. Parce que je savais qu’il servait une Cause que je soutenais depuis plusieurs années déjà. Mais je ne m’étais jamais doutée que sa façon de travailler consistait à émoustiller les jeunes femmes pour en soutirer des informations ou les rallier à la Cause. Se servir de ses charmes pour arriver à ses fins. Jusqu’au jour où il tombera sur celle qui le charmera à son tour. Et si mon déguisement l’avait séduit ? Jusqu’où serais-je allée ? Probablement pas jusqu’au bout. La simple idée de voir ses mains toucher d’autres hanches me rendait folle. Le pire dans tout ça ? C’est qu’il se relevait, s’éloignait, fuyait la conversation comme si je n’avais pas mon mot à dire, comme si je n’avais pas à donner mon avis sur le sujet. Ma première envie était de transplaner, m’enfuir à mon tour, qu’il me voit disparaître en n’ayant pas la moindre idée de là où j’atterrirais. À la maison ? À l’Allée des Embrumes ? Ou plus loin encore, sur une colline perdue et déserte où je serais introuvable ? Tant d’idées qui me traversent tandis que je continue de le fixer. J’avais besoin d’être rassurée et lui ? Il s’éloignait.

Au bout de quelques longues secondes, je me lève, difficilement. Les membres engourdis par les nombreux chocs électriques dont j’avais été victime. Aucune séquelle en ce qui concernait le sortilège Doloris qui n’avait probablement pas duré assez longtemps. Une technique peut-être aussi. Faire mal, torturer, mais jamais assez pour ne pas rendre fou. Sinon, comment obtenir les informations qu’il voulait ? Je ne peux me retenir d’étirer ma nuque, ouvrir et fermer les poings engourdis. Il y avait toujours une légère douleur au niveau du bras droit, désagréable, mais facilement oubliable. Doucement, je m’avance vers le Mangemort. Tu ferais quoi si…j’étais masquée ? Je m’approche encore jusqu’à ce que nos pieds se touchent. Si j’allais voir de jeunes sorciers attirants, si je les touchais, comme ça, mes mains se posent toutes les deux sur ses hanches et je le rapproche de moi jusqu’à ce que nos bassins se touchent. Si je sentais une bosse à travers leur pantalon ? Et qu’ils essayaient de m’embrasser, me toucher voire pire ? Cette fois-ci, je retire le masque pour faire face à l’homme que j’avais épousé. Tu aurais fait quoi si toi, Artemis Wildsmith, tu avais assisté à cette scène sans le vouloir alors que ton but était simplement de tenir compagnie à la femme que tu aimes et qu’à la place, tu te rends compte qu’elle s’amuse de son côté avec un autre que toi ? S’il y avait une certaine douceur dans ma voix, si nous étions physiquement proche, mes gestes et mon regard étaient froids, distants, incapable de camoufler cette impression d’avoir été trahie. Alors je me recule de quelques pas, croise les bras – position de départ de cette malheureuse scène – hausse les épaules d’un air désolé. J’ai fait une erreur, j’aurais préféré ne jamais rien savoir. La voix tremble autant qu’elle tente de se montrer assurée. Comment je peux m’assurer que ça n’ira jamais au-delà ?

Il était fichu, absolument. Comme un pauvre enfant pris la main dans le sac en train de faire une effarante bêtise ; Loredana l'avait saisi les mains sur une autre. Alors que fait le Wildsmith lorsqu'il est contre un mur, lorsqu'il ne peut lutter contre le discernement de son Amoureuse ? C'est simple, il est d'abord incroyable méchant, ton erreur a été de croire que tu pouvais venir me déranger, pour t'amuser. Immédiatement, il se mord la langue d'avoir été si piquant, évidemment, parce que les sensations frustrées du contact précédent restaient accrochées à ses hanches, à son bas-ventre qui s'était brutalement éloigné de la jeune femme. Incroyable, comment même dans de pareilles circonstances, de lubriques idées s'étaient allumées dans son cerveau en colère.
Après la méchanceté, il y avait l'irritabilité, la rage houspillant sous l'estomac à l'idée qu'elle puisse se rapprocher d'un autre, se coller à lui, admonestrer des gestes séduisants à un homme qui n'était pas lui. C'est bon arrête, dans l'éloignement, il vient à frapper un pauvre petit pavé qui n'avait absolument rien demandé ; élever la voix : tu sais EXACTEMENT ce que je ferais, s'il la découvrait dans une telle position avec un autre, je sais pas quelque chose comme, lui arracher les doigts, les yeux, les cou*lles qu'il grogne entre ses canines énervées. Brûler le corps dans un rituel exutoire d'une jalousie bien trop puissante.
Alors quoi ? Lui pouvait se permettre des choses qu'il n'accepterait nullement chez elle ?
Taratata.
Rageur, il souffle devant cette évidence d'autant plus agaçante. Parce qu'elle l'énervait à être là plantée les bras croisés, à avoir viscéralement raison, à le juger pour un petit quelque chose qu'il n'avait pas vraiment réalisé être si grave. Pourtant, même alors qu'elle l'importunait tant, une douce épiphanie vient réveiller les boucles dévoilées : même dans ce moment là, précisément, il était fou amoureux d'elle.

Il réalise alors qu'il était hors de question de briser le joli fil doré de confiance qui s'était établi entre eux, il se redresse sous cette certaine révélation, mais pas seulement. Les oreilles s'affolent d'un bruit lointain, des pas qui résonnent jusqu'à lui. Là, vivement, il s'empare du bras de l'Amoureuse pour la plaquer hâtivement contre un mur, se dissimuler dans l'ombre, embrasse-moi. Ne surtout pas attendre, il saisit le menton de la Métamorphomage pour mêler précipitamment les lèvres. Un baiser le temps qu'un groupe de jeunes sorciers bruyants passent le coin de la rue. Des amoureux en train de se bécoter étaient bien moins intéressants pour eux qu'une conversation agitée et mangemoresque. Il faudrait qu'il se concentre un jour sur cette ouïe devenant un peu encombrante.
Mais pour l'instant, simplement se séparer de l'Épouse de deux trois centimètres, elle était débile ta question, pas du tout cyniquement, un sourire vient même étirer les lèvres amoureuses, même moi j'peux pas m'assurer qu'un jour tu rencontres pas un autre sorcier excessivement attirant et qu'tu t'barres pas avec. Les aléas de l'amour, comme toujours. Mais les mots pouvaient aider, il le sait, s'apprête à les utiliser. Mais j'm'en fous des autres Lore, j'te jure, depuis la chambre d'hôpital t'es entrée dans ma tête, je sais t'étais encore avec ce mec, ils n'en parlaient pas vraiment, de si Arty ne s'était pas pointé ce jour-là, n'avait pas essayé de panser les plaies comme il le pouvait - maladroitement. Mais depuis ce moment-là, y'a eu que toi, et ça bougera pas, jamais. Même l'Ordre face à toi, je, drôle d'aveu, la Cause ne rivalisait absolument pas avec Loredana. Il l'avait chuchoté, comme si les oreilles du Seigneur des Ténèbres pouvaient traîner par ici. Mais même le Masque Rouge pouvait comprendre, il en était persuadé, sous son corps de Géant, se trouvait un coeur tout moelleux.

Aussi proches, il veut l'embrasser de nouveau, de pas s'arrêter ; mais ne pas perdre à l'esprit que ses traits devaient être gorgés de rancoeur. Déséspéré, il radote presque. J'm'en fous des autres, j'garderai mes mains dans mes poches, promis promis promis. S'effondrer contre son front, la supplier de ne pas le repousser, c'est adorable, mais vraiment, il en crèverait.

Les yeux s’étaient ouverts en grand, abasourdis de constater que même dans ce genre de situation, il trouvait le moyen d’être blessant, presque méchant, alors que lui-même était en train de s’amuser, de danser. Je ne serais évidemment jamais intervenue si je l’avais vu occupé à d’importantes tâches où je n’avais pas ma place, tant qu’il gardait ses mains à sa place. Alors oui, je voulais rétorquer, m’agacer, parce que si c’était ça son moyen de se défendre, il descendait bas et cela aggravait son cas, notre cas, parce que le couple allait finir par voler en éclats. Et l’on savait très bien, lui comme moi, l’effet qu’une séparation avait sur nous. Pourtant, il semble se rendre compte de ses paroles, se ravise, je le sens ; alors je reste là à le regarder, l’écouter répondre à mes questions non sans un brin de colère, d’agacement dans la voix. Il savait pertinemment que je le connaissais assez pour savoir que lui n’aurait pas supporté un millième de ce qu’il avait fait. Pourtant, oui, il avait reculé, refusé le baiser que j’avais tenté de lui donner sous mon déguisement maudit. Un déguisement que je me refusais de porter à nouveau. J’essaie de rester impassible, de ne pas bouger, ni même bouger un sourcil.

Malgré tout, je ne peux m’empêcher de réprimer un hey, en me sentant attiré à lui, lui qui me colle contre un mur pour m’embrasser. Alors oui, ce n’était pas le baiser le plus romantique. Si au départ, j’avais pris ça pour un geste spontané, un moyen pour lui de me demander d’oublier, j’avais vite été refroidie en comprenant qu’il s’agissait en fait d’un moyen de ne pas attirer l’attention d’un groupe qui passait par là. Les yeux ouverts, je suis les sorciers du regard, n’appréciant pas ce baiser forcé, que je n’avais pas envie de lui rendre. Une nouvelle fois, je suis coupée dans mon élan, il reprend la parole et se lance dans une déclaration qui, à mesure qu’elle s’étirait, attisait mon attention. Pour la première fois, j’apprends que son déclic était cette visite surprise à l’hôpital, lui qui clamait qu’il ne fallait surtout pas que je le dénonce aux Aurors puisqu’il ne voulait pas perdre son travail – je n’avais rien dit, malgré les contestations de mes proches à l’époque, de Daemon aussi évidemment. Puis apprendre que je passais avant l’Ordre, même si cette révélation était délicate : Jamais je ne voudrais qu’il abandonne les Mangemorts par ma faute, jamais ce ne serait une option.
Alors tandis qu’il me promet de garder ses distances, que son front se colle désespérément au mien, je sus qu’il avait gagné.

Je conserve le silence, voulant m’assurer qu’il avait bien terminé. Durant ce court instant, nous n’entendions que le bruit de nos deux respirations. Rien de véritablement joyeux, le nuage gris au-dessus de nos têtes commençait doucement à se dissiper, le temps que je m’imagine ce que pourrait être la vie sans lui, définitivement. C’est sans bouger, sans le repousser que je prends enfin la parole. Une petite voix qui dit je te détestais tellement, un léger rire en me remémorant ce souvenir conservé dans un tiroir quelque part dans ma tête. À l’hôpital, j’aurais aimé te rendre la pareille. T’écorcher, te faire mal, te dénoncer aussi pour que tu ailles croupir à Azkaban. Oui, j’avais eu cette folle envie de me venger, lui faire payer ce qu’il avait fait à Aidan, ce qu’il m’avait fait à moi. Au lieu de ça, je suis allée crécher chez toi, alors que mon mec pensait que j’étais en convalescence tranquillement dans mon appartment. Facile de mentir à un étudiant qui était contraint de rester à Poudlard. Moi c’est après, plus tard, après notre soirée à l’Occamy Doré. Ce soir-là où je pensais qu’on échangerait notre premier baiser et la déception d’être rentrée sans cette satisfaction. Et j’avais pensé à lui, tout le temps tout le temps, de jour comme de nuit il était là, me manquait à chaque instant.
Je prends sa tête entre mes mains, absolument certaine qu’il ne pouvait me mentir ainsi, pas sur un sujet aussi grave où le risque était trop gros si j’apprenais la vérité un jour. Ça me rend dingue, littéralement dingue que tu puisses…poser tes mains sur une autre. C’était ainsi, incontrôlable. Mes mains quittent son visage pour m’emparer des siennes. Je t’empêcherai jamais de faire ton travail quand tu es Cinquante-Deux. Je baisse les yeux, et je ne reviendrai plus t’importuner, j’t’ai vu danser, ça m’a amusée…enfin. Difficile de trouver les mots, j’suis désolée. S’excuser pour effacer les erreurs, me convaincre moi-même qu’il ne ferait rien, n’irait jamais loin, que cette confiance n’était pas vaine. Si elle avait été légèrement fragilisée, elle était toujours là, ancrée, presque évidente.

Malgré l’amertume déposée sur ses lèvres après ce baiser décevant, un sourire amusé les remue doucement ; évidemment qu’il se doutait que Loredana n’avait pas eu le coup de foudre pour lui au moment où soudainement, il avait pénétré dans sa chambre d’hôpital, là où les pansements étaient encore sanguinolents. Il avait du s’acharner, entêté par l’idée de la conquérir – brave réussite. Il n’empêche que, j’avais la frousse, à propos de leur premier baiser manqué ; du réussi d’ailleurs. Le Wildsmith terrifié à l’idée d’embrasser une fille qu’il avait mutilée.
À répétitions d’ailleurs. Ce fameux cercle vicieux qui ne cessait de lui entortiller les gestes et les pensées, peu importe ce qu’il faisait. Peu importe ses belles résolutions et ses efforts. L’idée le fait grimacer, il ignore encore combien de temps cette fois il allait se flageller l’estomac pour les sortilèges qu’il avait lancés ce soir. Pourtant, autre chose lui retourne les zygomatiques, cette habitude que l’Amoureuse avait de s’excuser pour des erreurs dont elle n’était pas responsable, arrête. Il voudrait la faire taire en l’embrassant encore – il se rétracte. Se contente de lâcher ses mains pour caresser doucement sa joue. Tu viens m’importuner quand tu veux, vraiment. Quant à cette histoire de mains baladeuses, il suffirait qu’il imagine à chaque fois qu’il s’agissait de celles de sa femme sur un autre homme : ça n’arrivera plus, crois-moi. Attirer jusqu’à lui la confiance dans un adorable frottements de nez, espérer ne pas l’avoir meurtrie à cause de ses stupides agissements volages.

Et maintenant quoi ? Passeraient-ils le reste de la nuit à s’en vouloir mutuellement, à évoquer ce douloureux moment ? Bon ! Peut-être voulait-elle rentrer à la maison, mais il ne glisse pas l’idée. Ne surtout pas aller retrouver la couette sans avoir eu un décent baiser, sans que les choses se soient correctement remises à leur place – entre l’amour et l’attachement.
La taquinerie refait surface sur le museau et il se joue alors des membres de l’Amoureuse, fait en sorte que ses bras soient perpendiculaires au buste, j’vérifie que t’aies pas de séquelles ! Les joies d’avoir fait courir la foudre sur la peau de la Gryffondor. Que ta coordination ne soit pas endommagée, il fait aller, danser les bras dans tous les sens, après, c’est vrai, t’as toujours été maladroite. Se souvenir que pratiquement à chaque fois qu’ils dansaient, elle avait chuté. De ses doigts espiègles, le Mangemort rejoint les mains tendues de l'Épouse, elles se superposent, s'emmêlent, alleeez, pousse ! qu’elle montre qu’il résidait dans ses coudes une petite trace de force ; jolie marionnette/ patiente improvisée, en réalité, ça amuse beaucoup le Renard démasqué, tu peux faire mieux là, j’ai pas bougé d’un poil ! Il pouvait être docteur à ses heures perdues, la preuve, il était d’un encouragement et d’un soutien fabuleux.
Et éventuellement, bientôt, il aurait une douce récompense, un bien meilleur baiser que celui qu’ils venaient d’échanger. Si elle ne lui en voulait pas, du moins, pas trop.

Petit à petit, les tensions s’apaisaient, s’estompaient. Était-ce dû à ces souvenirs qui refaisaient surface ? Tout cela semblait très loin et pourtant, ça ne l’était pas tant que ça. Notre relation avait évolué à une vitesse folle. En deux ans, nous avions vécu deux ruptures suivies de leurs réconciliations, nous nous étions ensuite fiancés, puis mariés. N’était-ce pas complètement dingue d’un point de vue extérieur ? Pourtant, pour nous, tout nous semblait logique et évident. Il n’y avait jamais eu de grandes hésitations. Si notre relation pouvait paraître toxique et malsaine au regard des autres, pour nous c’était au contraire dans cette difficulté qu’elle s’était construite, solidifiée. Parce qu’on apprenait. Même les personnes les plus bornées pouvaient tirer des leçons de leurs mésaventures. Alors même si la situation actuelle m’avait déchiré le cœur, prendre ces quelques secondes pour me souvenir de tout cela, me rappelait qu’on était passé par bien des étapes pour prendre le risque de faire tout éclater pour une histoire de sorcière qu’il lui fallait séduire. C’est à cette pensée puis aux mots du Masqué que je laisse nos deux nez se frôler en silence. Ne pas embrasser, pas encore, parce que j’avais envie que ce soit lui qui s’en charge. Qu’il se rattrape de son baiser forcé, loupé, rien à voir avec un baiser amoureux de réconciliation. Je me contente donc de murmurer un d’accord, décidée à ne pas briser cette confiance.

Comme il savait si bien le faire, Cinquante-Deux avait sans doute estimé qu’il était temps de changer de sujet, de passer à autre chose. Et surtout, je pouvais voir ses yeux se remplir de malice, s’illuminer à nouveau, la peur ayant été balayée lorsque l’option de la séparation avait été rayée. Il avait sans doute raison. Pourquoi s’entêter à rester fâché, triste lorsque tout avait été dit ? Il m’avait promis de garder ses mains et je lui faisais assez confiance pour le croire. Parce que je savais qu’il n’avait pas l’envie de bousiller cette relation qui a eu beaucoup de mal à voir le jour. Alors, je n’oppose pas de résistance, ne peut pas vraiment à vrai dire. Les bras et jambes légèrement engourdis, je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’il en reparle, joue avec ça. Pourtant, c’était une bonne manière d’alléger cette erreur commise alors qu’il pensait que j’étais une espionne. Et après avoir secoué mes bras dans tous les sens sous mes yeux faussement interrogateurs, c’est un petit rire qui accueille le petit exercice improvisé du Renard démasqué. Je m’apprête à le suivre, pousser, me prêter au jeu, c’était sans compter sur l’éternelle espièglerie de l’Amoureux qui n’hésite pas à pousser le vice. Mais, j’ai MÊME PAS commencé à bouger ! Non, il n’était pas question de relâcher l’emprise et d’abandonner. C’est sans le lâcher des yeux que je commence à pousser. C’est assez douloureux à vrai dire, des sortes de courbatures s’étaient désagréablement installées un peu partout. Je ne peux m’empêcher une légère grimace tout en continuant et effectivement il ne bougeait pas. T’es pas obligé de faire ton malin ! Je grogne doucement, je sais que t’as une force de loup-garou et tu sais que je ne peux rien faire quand tu l’utilises ! Tu TRICHES !

Je parviens tout de même à faire légèrement bouger ses mains, mais c’est tout autre chose qui commence à se réveiller tandis que je le regarde dans les yeux. Où était le baiser de réconciliation ? Celui chaleureux, passionné, qui rassurait ? Alors je relâche ma force pour revenir à ma position initiale, là où mon visage était si proche du sien. Tu m’embrasses quand sinon ? Je n’avais pas changé d’avis. C’était à lui de me rassurer.

Évidemment, sinon ce n’était pas drôle du tout. Être marqué par une malédiction lunaire qui vous transforme en monstre sanguinaire, et on ne pourrait pas jouer des quelques avantages que cela procurait ? Taratata. Alors il ne détache pas l’éclat de son rire de son minois taquin, préfère largement agacer l’Amoureuse de cette adorable badinerie. Sans surprise la jeune femme abandonne, beaucoup plus happée par une autre urgence que celle de remporter cet affrontement de mains. La question du baiser. Écraser le fin espace entre leurs nez pour se réconcilier tout à fait.
Alors le renard ne fait pas désirer, il ne n’abuserait pas de l’impatience de la Métamorphomage. Après un bref sourire espiègle, ses lèvres rejoignent joyeusement celles de la Gryffondor. Délicat Mangemort amoureux, cela amuserait plus d’un spectateur s’il y en avait. Un baiser gorgé d’ardeur ; peut-être que s’il continuait de l’embrasser ainsi il chasserait toute once de culpabilité, à la prendre par la taille et à faire durer l’embrassade, les erreurs de ce soir disparaîtraient. Il ne manquait plus que la pluie pour les éclabousser véritablement de romantisme.

Ne pas oublier de respirer cependant, calmer rapidement l’emballement du ventre, le Renard ne pouvait s’empêcher de penser aux nouveaux douloureux souvenirs qui s’étaient déposés sur leurs têtes – malgré eux. C’était peine perdue, d’essayer de les éviter, ces événements navrants étaient des cailloux tenaces sur les chemins de leurs vies – inévitables. Qu’est-ce que je peux t’offrir, là, pour me faire pardonner ? Gracier les péchés et les erreurs, à la fois la baguette impulsive et de son comportement limite-limite. Bien sûr, il aurait envie de la mettre en garde sur l’utilisation de la métamorphomagie, mais bien trop craintif de s’attirer les foudres de l’Épouse. Plus tard, il exposerait une éreintante diatribe sur les raisons pour lesquelles elle devrait prendre garde, manier le don avec parcimonie, pas devant n’importe qui, les risques et les dangers, un grand et long discours qui commençait à se dessiner sous les boucles inquiètes.
Mais pour le moment, dérouler devant elle des possibilités afin de conclure ce moment de réconciliation. S’enrouler dans les doux draps de la maison, philosopher, entraîner les baguettes à se défendre et s’échauffer, aller enquiquiner le premier passant. La nuit était d’un potentiel mangemoresque pratiquement infini.

Je ne comprenais pas vraiment sa question. Que pouvait-il m’offrir ? Après un baiser romantique, passionné pour faire disparaître toute culpabilité, il n’y avait pas grand-chose à faire de plus. Le plus drôle dans tout cela, c’est que ce n’était pas les méchants sortilèges qui créaient ce goût d’amertume sur ma langue. Non, ça je préférais le laisser de côté, l’excuse qu’il pensait simplement que j’étais une inconnue. Jamais, jamais, il n’aurait agi ainsi en sachant que je me trouvais sous ce masque, jamais en souriant comme il le faisait – je ne le voyais pas, mais je savais le deviner. Après l’affreuse séparation suite à sa dernière grosse erreur, je savais qu’il se refusait de prendre le risque de me perdre encore une fois. C’était peut-être pour cela qu’il avait demandé ma main, s’assurer que je ne partirai plus, se lier une bonne fois pour toute à moi. Évidemment, ce n’était qu’une illusion. Si pour moi le mariage avait été une évidence, je n’en gardais pas moins la tête sur les épaules : il y avait des limites à ce que je pouvais endurer et je savais au fond de moi, même sans y penser vraiment, que si prochaine grosse erreur il y avait, je partirais définitivement. Parce que si une rupture ayant provoqué un voyage derrière les barreaux ne suffisait pas, alors rien ne l’empêcherait de recommencer encore et encore par la suite. Je ne voulais pas m’enfermer dans ce genre de relations. Parce qu'à la longue, je finirais par en mourir.

Mais les mois s’étaient écoulés et j’avais l’impression que l’on avait évolué. Nous ne serions jamais un couple parfait, il y aura toujours des moments où l’on explosera, parce que c’était comme ça que l’on s’aimait. Mais à côté de cela, je constatais une amélioration, une réelle volonté de communiquer. En somme, nous avions enfin compris que la présence de l’Autre était nécessaire, indispensable, vitale même. Arty me tirait vers le haut lorsque j’étais au plus bas, j’osais espérer qu’il pensait la même chose de mon côté. Qu’il ait besoin de moi autant que j’ai besoin de lui. Alors oui, savoir que ses mains avaient effleuré d’autre hanches étaient pire qu’un sortilège impardonnable ici. Parce que je me refusais de croire qu’il pouvait se réconforter dans d’autres bras. Ce sentiment de jalousie possessive me rendait malade et je détestais la sensation que je ressentais au creux de mon estomac. Celle qui coupe le souffle, qui fait mal, qui gêne. Je le regarde d’un air désolé, déçue de ne plus avoir l’énergie. Si les sortilèges aidaient à se remettre sur pieds, ils n’effaçaient en aucun cas la totalité de la fatigue qui s’était accumulée tant physiquement que psychologiquement. J’ai envie que Cinquante-Deux laisse sa place à Arty. Je l’entoure de mes bras pour ne pas perdre le contact. Les yeux rougis par la fatigue ne m’empêchent pas d’esquisser un sourire. On partira à l’aventure une autre fois, j’suis trop engourdie. Charge électrique, douleur infinie. D’ailleurs...La question apparait comme ça, tu connaissais le degré de douleur du sortilège Doloris ? Trop tôt pour en parler ? Peut-être.

A la lumière de la nuit Pré-au-lardienne, il avait vu l’épuisement s’emparer du visage de son Amoureuse, la magie noire était celle qu’il était compliqué d’encaisser, qui venait s’enrouler autour de vos tripes pour les enflammer de douleur. Alors oui, il comprenait le contre coup qui anesthésiait les membres de la jeune femme, ainsi que sa motivation. Il glisse un simple d’accord bienveillant avant de déposer un douillet baiser sur son front et de la prendre dans ses bras. Entraver les pertubants instants précédents par une délicatesse amoureuse, effectivement, ils partiraient à l’aventure une autre fois. Et peut-être qu’ils arriveraient finalement à dérouler, avec Cinquante-deux, une longue soirée sans bavures, sans accrocs. Ça n’était jamais arrivé, il y avait toujours au cours des péripéties l’électricité des disputes ; le masque de renard avait toujours été ce spectateur privilégié de leurs querelles de couple. Ainsi, la prochaine fois, si le destin se faisait accommodant, ils pourraient s’amuser sur un quelconque terrain de jeux sans chamailleries – peut-être. Si le Mangemort se faisait plus docile et moins impéteux.

D’ailleurs, il avait doucement souri, dans le noir. Ca n’avait rien de drôle et pourtant, oui, c’était une question de réputation en réalité, j’peux pas avoir une personnalité détestable et ne jamais avoir subi le sortilège du doloris ; la nécessité de la cohérence. Les souvenirs lui brouillent brièvement les rétines toutes floues, c’était avant, il y a fort fort longtemps, quand il croyait encore que les Phénix étaient admirables et qu’il voulait porter ce masque comme un super-héros. Il devait avoir quinze ans, tout petit petit adolescent en proie à la répétitive torture mangemoresque. Un sacré détour de chemin depuis. Le nez frétille pour chasser les morbides images, il serre davantage la Gryffondor contre lui, toujours chiffonné d’avoir pu lui faire subir ce terrible sortilège. Allez, on y va. Se réfugier sous la couette chaude, il enlacerait Loredana jusqu’au lendemain, chatouillerait sa nuque avec son museau pour ne surtout surtout, surtout pas la lâcher.

Fin du RP