C'était une nuit d'hiver comme Erin les aimait. Fraîche, sèche, silencieuse. Les vacances d'hiver venaient tout juste de se terminer et on ne pouvait pas dire qu'elles s'étaient déroulées à merveilles, pour changer. Bien que l'adolescente appréciait rentrer chez elle afin de passer du temps avec son père, elle avait remarqué un changement dans son attitude. Quelque chose qui l'inquiétait un peu. Il semblait de nouveau enclin a utiliser la magie au quotidien, chose qu'elle ne l'avait jamais vu faire. Oui, ça lui arrivait depuis toujours de s'essayer à quelques sortilèges "facilitateur de quotidien" -souvent raté- mais jamais de façon aussi régulière. Lui qui n'avait d'habitude pas envie de sortir sa baguette magique, choix qu'il avait fait d'aussi longtemps qu'Erin s'en souvienne, commençait à avoir la main lourde sur la question. Et au lieu de ravir Erin, ça avait l'effet inverse. Quelque chose clochait, c'était sûr.

Alors cette nuit là, Erin avait du mal à dormir. Et comme à chaque fois qu'elle avait du mal à dormir, l'adolescente avait pris la décision de faire une sortie nocturne, élève impie blasphémant le règlement de l'académie. En serdaigle qui se respecte, c'est direction la bibliothèque qu'Erin s'était dirigée en pleine nuit, sa curiosité au sujet d'un ouvrage concernant des poisons et antidotes d’origine exclusivement végétale ayant été piquée lorsqu'elle en avait entendu parler au détour d'un couloir. Apparemment, c'était un livre de la réserve et Erin n'avait pas trop eu envie de demander une autorisation écrite à un professeur. Il fallait à chaque fois donner tout un tas d'explications, de justifications. Comme si la simple envie de s'instruire n'étaient pas la meilleure des raisons.

Miraculeusement, Erin avait réussi à pénétrer dans la bibliothèque sans croiser une seule âme. Parfois, il faut savoir apprécier sa chance.  Sans modifier son idée principale, l'adolescente continue sa route vers la réserve, s'éclairant d'un Lumos volontairement très faible pour ne pas se faire repérer facilement si quelqu'un venait à faire irruption. Malheureusement, comme les effets d'un Felix Felicis qui cesse, la chance d'Erin tourna bien plus vite que prévue et en voulant enjamber les cordelettes qui délimitaient l'accès à la pièce interdite, Erin se prit les pieds dedans et fit tomber un poteau dans un bruit assourdissant, tel un dragon chez Ollivander's -ou un éléphant dans un magasin de porcelaine si vous préférez-. Poussant un juron silencieux et se fustigeant intérieurement d'avoir été suffisamment à l'ouest pour faire une bourde aussi nulle, la blondinette éteignit d'un Nox le bout de sa baguette et s'enfonça un peu plus dans la réserve. Reculer maintenant serait inutile, il fallait seulement prier en espérant que personne n'était suffisamment proche pour avoir entendu son vacarme.

Malheureusement, quelques secondes plus tard, une voix se fit entendre et le sang d'Erin se figea. *Oh non...* pensa-t-elle, ne reconnaissant pas immédiatement la personne qui venait de la prendre sur le fait. L'adolescente savait très bien qu'elle n'avait aucune chance d'échapper à la sanction et qu'elle allait devoir se montrer, coupable. Son cerveau calcula rapidement, essayant de trouver une mensonge suffisamment convaincant pour éviter une retenue trop salée. Sortant de sa cachette, derrière un rayon, Erin se retrouva éclairée à la lumière des lanternes et de la baguette de... sa directrice de maison. Instantanément incapable de faire fonctionner sa fabrique-à-mythos, Erin fut traverser par une vague de honte. Se faire attraper par sa propre directrice, franchement, ça ne pouvait pas être pire.

« Madame Peony... commença-t-elle en regardant par terre, comme une gamine de 8 ans. Erin était du genre à assumer ses quelques entorses au règlement mais elle n'aimait pas faire honte à sa maison. Et se faire pincer aussi bêtement était proprement scandaleux. La jeune fille essaya néanmoins une touche d'humour, essayant de ne pas montrer à sa directrice que cette situation l'affectait. Être serdaigle, entrer dans la réserve de la bibliothèque la nuit et se faire surprendre par la directrice des serdaigles, c'est presque un cliché, non ? »

Quand la directrice des serdaigles ouvrit la bouche pour lui retirer 10 points sans même montrer ne serait-ce que l'ombre d'un intérêt pour sa plaisanterie, Erin sut pertinemment qu'elle risquait de ne pas s'en tirer aussi facilement. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsque Madame Peony l'invita à se joindre à elle pour son tour de garde. Erin ne sut pas tellement comment réagir. D'un côté, elle aurait préféré retourner dans son dortoir pour s'éviter les remontrances et demandes d'explications de sa directrice, d'un autre elle trouvait l'idée de déambuler légalement dans les couloirs à une heure tardive presque grisant.

Haussant les épaules et la suivant en dehors de la bibliothèque, Erin observait du coin de l'oeil celle qui représentait l'ordre et la courtoisie chez les bleus et bronze. Lorelaï Peony était une jeune directrice -bien que l'adolescente ne connaisse pas son âge il était clair qu'elle n'avait pas 30 ans- qu'Erin respectait profondément même si elle ne la connaissait pas vraiment. Il y avait quelque chose de gracieux chez cette femme, une espèce de pudeur assumé et en même temps une bienveillance franche, un quelque chose qui avait donné envie à Erin, lorsqu'elle avait été nommée, de ne pas la décevoir. Parce qu'au fond, elle lui inspirait comme une aspiration, un désir de ressemblance. Si jeune et déjà un poste dans la plus grande école de magie du Monde, l'adolescente n'osait pas même rêver d'une telle réussite dans sa propre vie. Cette pensée raviva sa propre honte d'avoir été prise en flagrant délit d'infraction au règlement et Erin baissa la tête avant de répondre à sa directrice, suivant toujours ses pas dans les couloirs.

« Il y a ce livre dont j'ai entendu parler, sur les poisons et antidotes d'origine végétale. C'était juste pour me renseigner, pour apprendre des choses que j'ignore sur les plantes. J'aime beaucoup la botanique mais c'est vrai que parfois, apprendre des choses complémentaires et un peu hors des clous, c'est encore plus fascinant. Elle enfouit ses mains dans ses poches et releva la tête vers son aînée. Je vais avoir une retenue ? Puis, profitant de cette occasion d'être seule avec cette femme qu'elle estimait, Erin changea de sujet et s'intéressa à sa scolarité. Un peu pour détourner l'attention. Beaucoup pour savoir si elles se ressemblaient un peu, si il y avait des bases communes qui pourraient permettre à Erin de se raccrocher vers un espoir que peut-être, malgré ses racines pourries, elle réussirait quelque part dans le monde magique, elle aussi. Dites, Madame Peony, vous étiez irréprochable vous, à Poudlard ? »

Erin s'était arrêté aussi sec que son aînée lorsque celle-ci fit volte face pour se tourner face à elle. Si elle s'était attendue à une réponse piquante, Erin n'aurait néanmoins pas imaginé une seule seconde qu'elle allait se prendre une réflexion aussi cinglante et catégorique. Bon, Poeny était peut-être tout en charme et en grâce, mais apparemment elle pouvait aussi être effrayante. La blondinette nota dans un coin de sa tête de ne plus jamais essayer d'entamer une conversation personnelle avec sa directrice si le moment n'était pas absolument opportun.

L'adolescente déglutit lorsque Madame Peony l'asséna de questions concernant le règlement académique, son bout de bois magique lumineux tendu à quelques centimètre de son petit nez de gamine éhontée. Que pouvait-elle bien répondre d'autre que la simple évidence ? Bien sûr qu'elle connaissait les lois qui régissaient Poudlard. Interdiction de sortir des dortoirs après le couvre-feu, interdiction d'accéder à la foret interdite, interdiction d'entrer dans les classes sans les professeurs, blablabla. Après, la raison de ces interdictions...

« Hé bien je... hésitante, Erin reprit sa route en continuant de suivre sa directrice de maison, qui avait l'air de se diriger vers les cuisines du château. J'imagine qu'on doit rester dans nos dortoirs parce que le sommeil, c'est important ? Je sais qu'on dit qu'il se passe des choses bizarres la nuit au château, mais de toutes les fois où je... Erin s'interrompit dans ses explications, se rendant compte qu'elle était en train d'admettre à l'une des plus hautes autorités de l'établissement qu'elle sortait régulièrement la nuit. Complètement débile. Et euh, pour la réserve, je sais qu'il y a beaucoup d'ouvrages de magie noire... Mais vous savez, ça ne m'intéresse pas plus que ça, la magie noire, c'était vraiment pour me renseigner sur les poisons et antidotes, vraiment ! Et puis je comptais retourner tout de suite à mon dortoir avec le livre, c'était sensé être juste un aller-retour vite... » mais encore une fois, l'adolescente s'interrompit. Était-ce possible de creuser sa tombe encore plus ? Apparemment, oui.

Et voilà. Le sermon arrivait, logiquement et lourdement. Oui oui, le sommeil, la sécurité, tout ça, tout ça... C'est fou comme les adultes avaient l'air d'oublier si vite qu'eux aussi avaient été jeunes et qu'eux aussi avaient probablement fait quelque entorses au règlement. Enfin, quoique, peut-être que Madame Peony avait eu une scolarité irréprochable et que c'était justement pour cette raison qu'elle était devenue directrice si jeune. C'est vrai, on ne donne pas des responsabilités à une ancienne élève, si tôt, si cette élève était totalement hors des clous. Cette idée renfrogna Erin qui réalisa qu'elle n'avait peut-être pas l'étoffe d'une sorcière à qui on confierait des tâches importantes, devait-elle être plus raisonnable ? Mais les paroles de son aînée vinrent la tirer de ses pensées. Apparemment, la directrice des serdaigles n'était absolument pas du genre à effectuer des traitements de faveur pour les élèves de sa maison et c'était bien dommage. Parce que la sanction dont écopa Erin lui sembla totalement, déraisonnablement, abusivement et injustement excessive. Quatre heures ?! Samedi en plus ? Non vraiment, pour avoir mis un demi pied dans la réserve et n'avoir même pas pu ouvrir un seul bouquin ? Pfff... Erin était absolument écoeurée. Et la sujet de cette dissertation était vraiment déprimant... Erin n'essaya néanmoins pas de rétorquer, elle avait trop peur d'écoper de quatre heures supplémentaires tant il semblait évident que Madame Peony n'était pas du genre à accepter qu'on conteste son autorité. Continuant de marcher derrière sa directrice, se demandant bien à quelle heure celle-ci la laisserait enfin retourner se coucher, Erin fut surprise de constater que la jeune femme s'intéressa à ses recherches.

En fait, ce sont surtout les plantes qui m'intéressent, à la base. Et je trouve ça absolument fascinant qu'une simple écorce, qu'un peu de sève ou de feuilles soient capable de vous causer les pires souffrances alors que d'autres peuvent vous sauver la vie ou soigner des blessures. Beaucoup de personnes ne jurent que par les potions compliquées alors qu'on trouve dans des plantes, parfois même sans avoir à les mélanger, des utilités fantastiques parfois aussi incroyables que certaines potions. Lorsqu'elle était lancé sur le sujet, Erin avait du mal à s'arrêter. Et puis il y a des plantes qui sont franchement mystérieuses. Par exemple, vous saviez qu'il existe, en Amérique du sud, un arbre qui peut vous tuer si vous toucher son écorce et qu'entrelacé à cet arbre, vous trouverez les branches d'un autre arbre qui est en fait l'antidote du premier ? Franchement, c'est pas fou, ça ? Et vous saviez qu'il existe des plantes qui sifflent pour éloigner les animaux ? Des plantes qui sifflent quoi ! Vous imaginez si on arrivait à les ensorceler ? On pourrait essayer d'en faire des repousse-créatures pour empêcher des animaux magiques d'attaquer des moldus, par exemple, ça arrive encore aujourd'hui ce genre d'accident. L'adolescente marqua une pause, réalisant soudainement qu'elle était en train de parler un peu trop fort qu'elle s'était sûrement un peu emportée dans son délire. Enfin, voilà. Du coup c'est vrai que je n'ai jamais trop osé aborder le professeur De Lanxorre mais si vous lui en parlez... Peut-être que je pourrai lui exposer deux ou trois idées...

A force de suivre mécaniquement les pas de la directrice et de s'être emportée dans son discours, Erin finit par réaliser qu'elles étaient quasiment arriver près de la salle commune des serdaigles. Super, elle allait enfin pouvoir se coucher, bien qu'il lui semblait difficile à imaginer qu'elle puisse trouver le sommeil tant elle était agitée. Finalement, Madame Peony avait l'air d’être satisfaite de ses recherches et il semblait qu'elle était même prête à l'aider. Erin lui sourit et souffla un Merci poli, tout en la laissant poursuivre. C'est avec beaucoup d'étonnement qu'elle écouta sa directrice lui parler de sa famille et de son propre intérêt pour la botanique. Quelle ne fut pas sa surprise d'entendre que le père de la jeune femme faisait le même métier que sa propre mère, elle aussi moldue. Toutefois, ce souvenir lui noua l'estomac et ses yeux devinrent un peu humide. D’habitude, quand les souvenirs de sa "vie d'avant" -comme elle l'appelait- refaisaient surface, Erin réussissait à cacher son chagrin et son amertume. Mais ce soir, elle se sentait un peu plus vulnérable, sûrement dû à l'heure tardive. Sa directrice l'invita à rejoindre son dortoir mais l'adolescente fût soudainement prise d'une envie de se confier.

Ma mère aussi était fleuriste, c'est drôle. dit-elle en baissant la tête pour regarder ses pieds, préférant cacher ses émotions, ne voulant pas trop en dire non plus. Mon père, lui, est paysagiste. Je pense que j'ai dû hériter un peu de leur passion pour les plantes. elle redressa son visage pour regarder son aînée, un sourire faussement réjoui sur le visage, mais avec des yeux qui trahissaient son chagrin et peut-être même, un peu, sa colère. Elle ne parlait pas de ses parents, d'habitude. Mais sa directrice venait de lui parler un peu d'elle et leurs points communs avait donné envie à Erin de se dévoiler un peu. Peut-être qu'inconsciemment, elle ressentait un peu le besoin d'en parler, même si elle n'assumait pas vraiment ses racines, son histoire. Finalement, ça avait un peu jeté un froid, cette histoire de famille. Du coup Erin saisit l'opportunité donné à sa directrice qui l'invitait à retourner se coucher. En tout cas, je vous enverrai une chouette la prochaine fois ! Si ça peut m'éviter quatre heures de retenues. essaya-t-elle de dire sur le ton de l'humour, changeant de sujet. Du coup, je vais me coucher alors. Bonne nuit Madame la Directrice. puis elle entame de s'éloigner, le pas lent, les pensées dans le vague.

Alors qu'elle commençait à monter les marches de la tour des serdaigles, Erin entendit sa directrice lui lancer quelques mots, invitant à la confidence. Des mots qui résonnaient encore en elle lorsqu'elle fut monter jusque dans son dortoir, se mettant en pyjama et se glissant sous ses couvertures. Sa directrice lui avait tendu une main, elle lui avait fait comprendre par cette simple phrase que si Erin ressentait le besoin de se confier plus amplement, elle était là. Cette Peony était pleine de surprise. Tantôt directrice intransigeante, tantôt ancienne élève prête pour une virée nocturne, tantôt adulte observatrice. Encore un peu attristée par la remontée des souvenirs de sa mère et de son enfance, Erin se roula sous sa couette et ne put retenir quelques larmes. Peut-être qu'un jour, lorsqu'elle sera prête, elle irait trouver en sa directrice l'oreille attentive à qui elle déballerait sa vie. Peut-être que ça lui permettra de mieux appréhender ses doutes concernant "l'après-Poudlard". Peut-être que ça la réconciliera avec son passé. Enfin, ce n'était pas pour tout de suite, ça attendrait. Là, elle avait sommeil.

(Fin du RP)