Les super-héros sortent aussi le jour

Saison XXXI - Automne - Avec Kohane W. Underlinden - LA échangés


Il s’en tape le front contre le bois froid du bureau. Un rhaaaa désespéré s’échappe des lèvres tandis qu’il veut secouer les minutes afin qu’elles se déroulent plus vite – beaucoup plus vite. Les journées devenaient irritantes à souhait, commençaient à déposer sur l’épiderme du Fripon une couche gratouillante – à sang.
S’il avait vu le Ministère comme une agréable petite niche où dansoter comme il le voulait, c’était comme ça, au bout de presque une année : il en avait terriblement marre. Pas de rebondissements, pas d’amusement, aucune trace d’électricité joyeuse. Les visages des collègues étaient aussi ternes que les murs du bâtiment, et cela commençait sérieusement à chiffonner le cœur du Poufsouffle. Assis à son bureau, ses entrailles devenaient moroses-cendrées, éraflées par l’apathie.
Une seule lumière en cette fin d’après-midi automnale, il s’échapperait de ses assommantes responsabilités pour retrouver Kohane.

Des semaines – mois – peut-être que le Fripon n’avait pas saisi le bras de son amie pour une promenade-goûter légère. C’était le problème de ne plus la croiser aussi souvent qu’avant, lorsqu’il était encore le gérant des Trois Balais. L’intérieur se resserre brusquement, oui, ça lui manque. L’effervescence chaleureuse du bar et la gaieté de travailler avec des gens adorablement charmants. Mais c’était aussi pour cette raison qu’il se réjouissait du rendez-vous avec Kohane, elle pourrait l’irradier de cette beauté joviale, il essaierait de faire des provisions afin d’affronter les prochains jours taciturnes.
Alors qu’il quitte le Ministère comme un prisonnier en fuite – les pas feutrés pour ne pas réveiller les soporifiques fonctionnaires, il vérifie qu’il avait bien glissé à l’intérieur du sac à dos le fameux costume violet encore non utilisé. Cela avait été une lubie de jeunesse, et jamais ils n’en avaient vraiment profité – d’être des justiciers pailletés. Pourquoi pas aujourd’hui ? C’est qu’il fallait actionner cette prudence observatrice alors qu’ils déambuleraient dans Londres, ils n’étaient pas à l’abri d’un comportement suspect qui les obligerait à revêtir leur rôle de légendaires espions.

Il respire grand, les poumons reprennent une large et habituelle place dans le buste alors qu’il entrevoit le ciel londonien, et la petite silhouette de la Gryffondor. Koko ! Une exclamation enthousiaste pour qu’elle le repère parmi les employés qui rejoignaient leur maison. Pas de chichis, Arty enlace fermement le corps menu de Kohane, c’est que les câlins, il adorait ça, et ils avaient cette puissance lumineuse de réconfort. Tu m’as manqué ! Beaucoup beaucoup beaucoup, qu’il précise avec un engouement Wildsmithéen. Déjà, afficher un étendu sourire parvenait à vaincre l’ennui accumulé de la journée. On se promène ? Vas-y, raconte moi des trucs là, j’ai besoin de me vider la tête du brouillard assommant du Ministère !

Aujourd’hui, c’est le jour de l’Artychaut. Parce qu’après tant de temps sans se voir, enfin, on va se retrouver. A dire vrai, depuis qu’il a quitté les 3B pour le Ministère (franchement, qu’est-ce que le Ministère a de plus que nous ?) nous n’avons pas eu l’occasion de nous revoir, ce qui est très très très (très très très très) dommage. Parce que l’Artychaut, c’est un chouette type. Avec ses boucles folles et son sourire de grand bambin.
J’ai quitté Poudlard un sac sur le dos. Il n’y a pas grand-chose dedans. Seulement mon merveilleux costume que je n’ai, jusque-là, pas eu l’occasion d’étrenner. Parce qu’à part avec Arty, avec qui d’autre pourrais-je revêtir ce magnifique costume d’espion-ninja violet à paillettes ? J’ai forcément besoin de mon acolyte pour que ça claque.
Un transplanage plus tard, je me retrouve pas très loin de chez mes parents. Je me dis que peut-être je passerais leur faire un coucou sur le chemin du retour. Enfin, si on n’est pas morts d’ici là. Vous savez, ils ont beau se faire de plus en plus discrets, les assassins de pancakes continuent de rôder. Je me rappelle encore du jour où on a failli rester prisonniers dans la maison de ces p’tits vieux suspects qui faisaient trop peur (il préparaient du thé).

Reprenant mes vieilles habitudes, je descends dans le métro pour me rendre au point de rendez-vous. J’aime beaucoup le métro Moldu. C’est si rigolo ! Bon, quand y’a beaucoup de monde tout collé les uns aux autres, c’est un peu moins drôle. Mais j’aime quand même. On n’a pas ça, nous, les sorciers. Les trains sous terre, c’est un sacré truc !
J’analyse le plan, repère les lignes et hop, en rouuuute !
Sans encombre, j’arrive là où je suis censée arrivée. Je me repère sans trop de mal à la surface et arrive bien à l’heure au lieu de rendez-vous. Arty n’est pas encore là. Je suis un peu en avance. Et puis, si ça se trouve, il a tellement de boulot qu’il va prendre un peu de retard.

Et puis en fait non.
Voilà ses boucles folles. Qui s’agitent en haut de son crâne. Et son sourire à la Arty. Parmi le flot d’employés sortant du même endroit, je le repère sans mal. Je trépigne sur place, tandis qu’il se dirige vers moi. Je fais même de grands signes qui ne servent à rien, puisque lui aussi, m’a vue.
Les bras d’Arty se referment sur moi et je lui rends son étreinte, tout fort tout fort. J’ai même plus envie de le lâcher. Ca fait si longtemps !

-Mwaaa j’suis tellement contente de te voir, je lui dis, le menton posé sur son épaule tandis que mes bras serrent encore un peu plus. Tu m’as trop manqué aussi.

C’est fou, quand même, qu’on n’ait même pas trouvé le temps de se voir depuis qu’il est parti. Il est temps de rattraper ça ! Et puis le monde a bien besoin d’une nouvelle sortie de ses espions violets à paillettes.
Hochement de tête bien affirmé : oui, oui, on se balade ! Et nous voilà en route. L’Artychaut me demande de raconter un truc fun. Parce qu’apparemment, c’pas très fun au Ministère.

-Elias t’a remplacé en tant que gérant. Il a eu droit lui aussi à sa spatule, bien sûr. Oh d’ailleurs, la tienne, tu l’as toujours ?

J’espère que oui. C’est quand même un truc sacré, que la spatule.

-Je pense que tu dois un peu manquer à Hope et Spouik, quand même. Elles avaient l’habitude de te voir tous les jours et puis pouf, du jour au lendemain, y’a plus tes bouclettes folles au bar. M’enfin, elle se portent quand même bien. Je me demande si Hope n’a pas un peu grossi. Peut-être qu’on les nourrit trop... ?

Instant de réflexion. Très sérieusement. Puis haussement d’épaules.

-C’est assommant comment, le Ministère ?

Je sais, il voulait parler d’autre chose. Mais ça m’intrigue quand même.

-Ah, t’as pas refoutu le feu à un bureau, hein ?

Rappelez-vous comment Arty a déboulé aux 3B. Après un p’tit incendie chez les Aurors. Et hooop direction la porte, l’Artychaut. A mon avis, c’est parce qu’il voulait un peu de fun et d’action. Mais ça a mal viré.

L’étreinte chaleureuse de Koko irradiait encore les membres heureux d’Arty. D’un coup l’éternité qu’il avait passé à ne pas la voir s’était pulvérisée, il ne restait que la joie de se retrouver. Cela donnait à la démarche du Fripon comme une sublime petite batifolade de sautillements guillerets, le soulagement de s’éloigner aussi du Ministère. Ne surtout pas y penser, et envoyer balader le frisson de l’échine sous la longue journée ennuyante qu’il venait de passer. Il sourit largement à l’évocation des grenouilles des Trois Balais, évidemment que, le menton bas, son cœur se chiffonne un peu, mais c’était pour le mieux. Il le savait, la vie avait dû avancer, alors tant pis. Tout de même, Elias mérite carrément d’être gérant, ce mec, je l’aime. Et c’était sincèrement vrai, sa folie, son air innocent rigolo, un véritable copain des temps joyeux et durs. J’ai mis ma spatule dans mon bureau, un objet de décoration dans lequel le regard se perdait, parfois, nostalgique de la chaleur du bar, elle m'aide à affronter mes journées. A chaque fois, celui lui déposait des étincelles d’énergie sur le nez. Puis soyons honnêtes, il ne pouvait pas tellement la ramener pour l’exposer chez lui et vanter la beauté de ce cadeau de Kohane à Loredana. Non non non, ils n’avaient pas besoin de ça pour se disputer.

Tandis qu’ils continuaient d’errer dans les rues bondées de Londres, Arty se met à verbaliser le fléau morose qui grandissait au sein des murs Ministère. J’ai TROP envie de foutre le feu ! les gens sont bêtes, on dirait des limaces à lunettes, le nez toujours plongé dans d’insignifiants dossiers. J’ai envie de les, ses mains s’agitent comme s’il était en train d’étrangler ou de secouer quelqu’un rhaaaa, bref. T’as compris. Terriblement assommant. Tellement qu’il avait peur de trop en parler, des fois que l’ennui s’était incrusté dans les racines de ses boucles sans qu’il le sache. Ce serait comme des poux gratouilleurs dont il galérerait à se débarrasser. Il lui faudrait kyrielles de shampoings désincrusteurs de l’ennui, et justement, il était plus ou moins en train d’en faire un, là, en se baladant avec la petite Koko.
Oh regarde ! il s’arrête alors brusquement, tenant par le bras son Amie. Devant eux, traversant la rue, un homme au regard suspect. C’était le problème lorsqu’il était accompagné de la brunette, la formation de leur duo oblitérait la vue de la raison, de la sagesse, et de la modération. Tout ça en même temps. Arty s’imagine déjà des trucs étranges dégoulinant du pantalon froissé de l’Inconnu. Il est pas chelou lui ?