L’ami, il est arrivé quelque chose d’incroyable ! Bon, en fait, ce n’est pas si incroyable que ça. C’est même plutôt évident pour certaines personnes, voire vital pour d’autres. Je pense à Charlie Primrose quand je dis ça. Lui, il le fait tout le temps. D’ailleurs, je ne sais pas comment il réussit à tout respecter dans les temps... Enfin bref, moi je n’en ai pas l’habitude, c’est ce qu’il faut retenir. Regarde, c’est ce que je tiens dans mes mains. Un planning ! J’ai organisé ma semaine à la minute près. Pour voir ce que ça fait. Et, pour le moment, je dois dire que c’est du grand n’importe quoi. Déjà, je devais terminer mon devoir de Défense contre les Forces du Mal lundi après-midi et, au lieu de ça, je me suis endormie. Du coup, j’ai dû le finir mardi soir, sauf que je devais travailler mon arabe à ce moment-là. En conséquence, j’ai fait mon arabe ce matin et je dois désormais rattraper le retard que j’ai pris dans mes exercices d’occlumancie. Je pense que je pourrai prendre un peu de temps pour les faire avant de me coucher, mais je ne sais pas si ce sera suffisant… Maintenant ? Oh non, je ne peux pas. Je suis à la bibliothèque pour lire un ouvrage sur les moremplis pendant une heure et trente minutes, et il est hors de question que je bâcle cette partie du planning.

D’ailleurs, je viens à peine de déposer mes affaires sur l’une des tables. J’en profite pour m’asseoir quelques secondes sur la chaise, histoire de me reposer et de sortir mon matériel. Seulement, j’ai à peine le temps de tendre ma main vers l’intérieur de mon sac que j’entends un bruit sourd. Je relève la tête pour chercher son origine et j’aperçois une Serpentard qui s’installe au milieu de la pièce dans une colère à peine dissimulée. Je suppose du moins que c’est de l’énervement, car comment expliquer autrement son arrivée tonitruante ? Bon, c’est vrai qu’elle peut aussi tout simplement vouloir se faire remarquer. Je ne crois pas à cette option, personnellement. Parce que cette fille ne m’est pas inconnue. C’est… Qui c’est ? Ah oui ! La cousine française de Daisy ! Je l’ai rencontrée à l’entraide qu’avait organisé l’association LEGIT. Maintenant que je vois qui elle est, je peux dire avec certitude qu’elle n’est pas trop du genre à se faire remarquer en en faisant des tonnes. Donc, elle est bel et bien énervée.

Ça fait beaucoup de réflexion pour quelque chose qui ne me regarde pas. Je ne la connais pas vraiment, la fille, et je pense qu’elle veut surtout rester seule. Mieux vaut que je me concentre sur ce que j’étais venue faire à la base. Mes yeux se dirigent donc vers mon sac et mes mains le fouillent quelques instants en quête de ma plume et de mon encrier. Tiens ? Je viens d’apercevoir mes feuilles pour l’origami. C’est vrai que je les ai prises avec moi. Ma tête se tourne de nouveau vers la Serpentard et je l’observe quelques secondes avant de reporter mon attention sur le papier coloré. Je me mords la lèvre. Il ne faut pas que je le fasse. Ce n’est pas dans mon planning. On est d’accord, l’ami, il ne faut pas que je cède à la tentation, alors pourquoi suis-je en train de sortir les feuilles à la place de mon encrier ?

Franchement, parfois, je me fatigue. Voilà que je suis en train de plier une feuille de papier vert pour en faire un serpent. Pour essayer de remonter le moral de la fille. J’espère que ça marchera. Je la laisse bouder dans son coin pendant quelques minutes, le temps de finir mon œuvre. À la fin, je récupère ma plume pour faire deux petits yeux, et c’est terminé. Je range tout dans mon sac, à l’exception des papiers et du serpent, et je me lève avec mes affaires en main. J’arrive à la hauteur de la blonde et dépose tout sur la place à côté d’elle.

- Salut… Awanne, c’est ça ? demandé-je doucement. Je suis une amie de Daisy, on s’est croisée durant l’entraide de la LEGIT.

Je lui offre un petit sourire et, toujours en étant debout, je dépose le reptile de papier devant la Serpentard.

- J’ai pensé que tu avais besoin de quelque chose pour te remonter le moral. Je peux te montrer comment faire si tu veux. Ça détend.

Je me surprends moi-même à dire ça. Non mais ça va pas bien dans ma tête ? Je suis censée lire mon livre sur les moremplis ! Bon, c’est vrai que ça me ferait plaisir de passer du temps avec quelqu’un, d’autant plus si je peux l’aider à aller mieux, mais ce n’était pas prévu… En même temps, je peux partager mon amour de l’origami. Et puis, je déteste voir des gens en colère. Ou tristes. Ou malades. Ou qui ne vont pas bien, tout simplement. Alors je suppose que c’est pour le mieux. Enfin, pas pour le mieux de mon organisation de la semaine, mais je ne suis plus à ça près. En tout cas, tu peux être sûr d’une chose : je ne referai jamais le moindre planning de toute ma vie.

La Serpentard accepte ma proposition ! Pour être honnête, elle n’a pas vraiment l’air emballée par l’idée. Mais bon, au moins, elle ne m’a pas envoyée promener. Du coup, je m’assois à côté d’elle et récupère l’une des feuilles étalées sur la table. J’en ai déjà utilisé une verte pour faire le serpent, alors on va s’amuser avec d’autres couleurs ! J’en récupère une noire pour moi et lui en tends une rouge. Parce qu’il faut garder une certaine logique. Les serpents, en général, ils sont verts, rouges ou noirs. J’ai pas souvenir qu’il y en ait dans d’autres teintes mais, en même temps, je n’ai pas la science infuse. Enfin bref, j’ai une feuille noire et je lui en donne une rouge, c’est tout ce qu’il faut retenir.

- Tu n’as qu’à suivre mes gestes, lui proposé-je timidement.

Je place le papier face à moi et l’observe une seconde. Tu sais, je n’ai encore jamais expliqué à quelqu’un comment faire de l’origami. Je trouve ça vraiment chouette. D’avoir une personne à qui montrer ma passion, je veux dire. Je ne sais pas encore si je vais bien lui enseigner la chose.

- Alors… D’abord, il faut plier la feuille en deux, en suivant la diagonale. Ensuite, il n’y a qu’à déplier.

Je mêle le geste à la parole. D’un simple mouvement, je fais se rejoindre deux angles opposés et appuie sur le papier afin d’obtenir une pliure parfaite. Et puis, je les sépare. C’est la partie la plus facile, évidemment. Après ça, il faut se servir de la diagonale tracée comme d’un repère. Je replie la feuille, un peu comme on fait avec les avions en papier moldus, et… là, ça devient un peu plus compliqué. Je plie et replie dans plusieurs sens, tout en jetant des coups d’œil à Awanne pour vérifier qu’elle n’est pas perdue.

- Ça va, tu y arrives ?

Ce serait un comble de l’embrouiller alors que j’essaie de l’aider à aller mieux. Quoique, ça lui permettrait de penser à autre chose qu’à ses problèmes personnels… Ou pas, d’ailleurs. Elle pourrait se perdre dans ses réflexions et aller encore plus mal. J’espère que ça se passera pas comme ça, l’ami.