Saison 31 Fin d’été

L’envie de se dégourdir les pattes avait fait rage ce soir. Trop de lunes étaient passées sans que le pelage d’ébène n’ait pris le temps de se faufiler entre les herbes fraiches des parcs ou d’une foret. Il n’avait fallu que cette pensée pour se retrouver museau frémissant sous la brise et petites griffes s’enfonçant dans la terre. Le ciel semblait plus sombre, les étoiles moins brillantes, cette vision nocturne faiblarde avait quelque chose de plaisant. Il fallait se fier à d’autres repères, à d’autres sensations. Un moyen facile de couper avec la réalité trop étriquée que comportait ce monde.

Les petites oreilles neigeuses vibraient et tournicotaient de toute part avant de dénicher un arbre haut et large dans la solitude de l’heure. De la hauteur. Il fallait de la hauteur pour ne plus sentir les vibrations de la terre sous les coussinets. Pas que ce soit désagréable de pouvoir dénicher les petites proies qu’accueillait la nature mais que l’estomac n’était pas vraiment aux anges de se mettre au menu carnivore des furets. Les moustaches disparaissaient sous la douleur et le craquement assourdissant des os, rendant à notre corps une forme humaine.

Atteindre un perchoir d’écorce n’avait rien de compliqué, néanmoins, étant dans un parc Londonien fermé à clés, le frêne aidait à l’ascension, polissant la fainéantise du soir dans le sens du poil. Là-haut, les pieds balançant dans le vide, les mirettes regardaient à nouveau le ciel pour comparer avec le filtre que possédait la forme animal. Les étoiles scintillaient, presque agressives, la lune se gonflait de tout son orgueil de sa fausse lumière.  Trop lumineux tout ça. Le masque posé sur le visage, l’observation redoublait d’effort pour y voir une différence quelconque. Si les traits étaient lissés, le regard restait le même… Déception brève interrompue par des bruissements sur la terre.

Par reflexe, les jambes se repliaient, retrouvant la branche comme parfait écrin. La tête se penchait vers le bas, scrutant le visiteur qui n’avait rien à faire ici. La tranquillité recherchée était bafouée, exaspération soudaine mais point d’agacement. Pas envie d’altercation, pas vraiment l’humeur. Alors dans la supposition que l’inconnu n’ait rien remarqué, Nous le regardions sans bouger

Saison 31 Fin d’été

Une lueur vive, trop vive pour la dureté de la nuit. Puis une interjection pour nous happer, nous couper de notre tranquillité. Des mots balancés sans la moindre prétention aucune de discrétion. Le sourcil se rehaussait, autant surpris que réprobateur. « Pourquoi ne pas hurler plus fort tant que vous y êtes ? » Ton calme et mirettes fixes. Pourquoi s’embêter à essayer de faire tomber le secret magique quand n’importe quel illuminé avec une baguette s’amusait à crier qu’il suffisait d’ouvrir les yeux ? L’ordre s’embêtait pour pas grand-chose à bien regarder, autant laisser le chaos naitre de l’insouciance de quelques sorciers paumés dans les fourrés.

Idée avivant rapidement l’imagination, depuis un perchoir-observatoire, il suffisait de les laisser tout simplement faire. Pas de barrières, pas de limites, qu’ils s’égosillent autant qu’ils le désiraient, ne resterait plus qu’à ramasser les survivants mais surtout observer. Mais dans ce conte pour enfant, ce qui était le plus intéressant, était de savoir avec quelle véhémence et désintérêt le plus total pour prix de la vie ils seraient chacun capables de se déchiré. « Tétu ou blasé ? » au final il était possible de coller ce genre d’étiquettes à ceux qui se fichaient de cacher leur état de sorcier. Celui-ci, prêt à s’égosiller, avait-il la ferveur de la rage désireuse de déchiqueter le mot justice pour une pseudo vérité ou la lassitude de la patience exténuée dénuée du moindre espoir ?

Les traits lissés se penchaient vers le vide, se dévoilant à la lumière sous les ombres des interstices. Immobilisation un instant avant d’incliner le minois d’albâtre et de souffler du nez, amusement ironique coincé sur la langue. « Offrez nous une raison de descendre. Pour l’heure, Nous n’en voyons aucune. Le garde de nuit, lui, saura en trouver ne vous en faites pas » Rictus caché sous le masque, mimines appuyées sur la branche, notre domicile temporaire restait conservé.

Une première réponse plaisante, étirant un peu plus les lippes sous le masque. La réponse préférée, celle qui n’entrainait pas une vague de colère et de rancœur, celle qui ne savait pas sur quel pied danser, celle qui se parfumait autant de caprice que de doute, la plus délicate à nos yeux. Car elle était fragile, capable de se rebiffer comme de se laisser chuter cette lassitude du Secret ou juste de la magie. Elle était autant malléable que fuyante. C’était une pierre à tailler et polir ou à regarder se fêler et se briser. Pour le moment, il restait fidèle au terme blasé, s’étonnant juste de ne pas avoir été pris pour cible. Pouffement non déguisé.

Voilà qu’il voulait être espion, se donner sur un plateau d’argent, comme un paquet cadeau avec un gros ruban sur la tête. Comment avec un tel discours pouvait-il penser que sa loyauté puisse être directement acquise ? Activité au ministère directement dévoilée, offre de jouer les agents double, supplique d’être utile, hurlement répétitif de cette nécessité d’être utile. Pour peu il semblait un orphelin trop agé. Un moufflet pourtant déterminé à abattre des cartes sans même se dire qu’il fallait qu’elles soient vérifiées.

Mutisme aux lèvres, nous l’avions regardé s’assoir à même le sol, baguette bien visible. Proposition suicidaire, ou preuve de sincérité ? Stupidité ou provocation ? « #Accio baguette.. Vous permettez ? » Bout de bois volé à son propriétaire, le faisant tournicoter entre les doigts, langue piquée s’amusement « Vous semblez bien prompt à vous mettre à Notre service, et ce sans la moindre garantie de votre sincérité. Vous voulez être utile, mais de ce que vous réclamez c’est de Nous que vous voulez user. C’est osé comme conclusion » La baguette glissait entre le pouce et le majeur, alors que le masque regardait la lune sans la voir. Il y’avait longtemps, notre Enfant avait eu ce même genre de requête, celle de l’utilité, pas celle de trouver ses pattes de velours. « Il y’a bien plus d’une façon pour monter à un arbre, nul besoin de griffes ou d’ailes pour cette petite hauteur. Poudlard a toujours offert un tas de perchoir de la sorte où l’on pouvait voir des pieds se balancer... Et moins que vous n’ayez pas étudié là-bas. Qui êtes vous ? »

Evocation d’une convocation reçue, alors à quoi bon multiplier les interlocuteurs ? il n’y avait rien de pire que de ne plus savoir à quel saint se vouer, à ne pas savoir à quelle oreille se confier. Avoir multiples référents en même temps n’avait jamais semblé quelque chose de judicieux à nos yeux. Surement car plus jeune nous n’en voulions qu’un seul et unique. Un seul repère, une seule branche où se raccrocher, un seul regard qui importait. Mais certains avaient besoin de plus d’attention de toute évidence. Le silence se faisait alors patient.

Puis un nom glissait soudainement. Un connu, pour d’autres circonstances. Plus… médical qu’autre chose. Le minois se penchait, observant son comportement au pied de l’arbre, écoutant les mots qu’il choisissait un peu trop rapidement. Nouvelle requête de loyauté qui faisait serrer la mâchoire. D’un serment inviolable ramené en douce caresse à la mémoire, le nez soufflait, quasi méprisant. Il fallait plus que ça. Il fallait plus de jouer la carte de l’insouciance d’avant le masque. « Vous êtes bien curieux Mister Emerenziana. » Chacun avait sa propre raison pour rejoindre l’Ordre, elle était bien souvent très personnelle, et surtout n’avait rien à faire dans cette discussion. Curiosité non assouvie volontairement.

Le brun voulait guider l’échange, à se demander comment il avait pu rester en vie entre les mains des autres confrères. Dur d’imaginer un d’entre eux patients et las de ce genre de bêtises. « Mais dites-nous, alors, pourquoi ce besoin d’être utile à la cause ? Qu’est ce qui ne vous convient pas ? Hurler vouloir servir ne fait pas de vous un futur allié… De la chair à canon tout au plus. C’est déjà mieux que rien vous en conviendrez… » Petit pouffement. « Mais effectivement, si vous avez d’autres dispositions vous pourriez servir potentiellement à quelque chose d’autre qu’à bougonner au pied d’un arbre… » Retour de sa baguette au niveau de ses pieds en le regardant. Lui donner une preuve d’attention. « Et pour quelle raison vous aider serait plus intéressant que notre perchoir ? Pour l’heure n’est visible qu’un sorcier trop sûr de lui, pourquoi auriez-vous besoin de nous ? » Sourire en coin invisible sous le masque. La lassitude non détaillée n’était pas un motif nécessaire pour se prôner soutient à la Cause. "Racontez nous.."