Tranquillité garantie sans Philtre de Paix

        Je ne me souvenais pas avoir remis les pieds à Pré-au-Lard depuis des années. Peut-être même depuis que j’étais diplômée. J’avais toujours aimé l’ambiance qui régnait dans ce petit village. Pittoresque, authentique, chaleureux. Mes pas résonnaient sur les rues pavées alors que mon regard sautait des maisons en pierre aux boutiques qui égayaient les allées. Seul village entièrement sorcier à ce qu’il paraît ! L’atmosphère qui entourait ce lieu ne pouvait que le confirmer.

J’étais venue m’aérer l’esprit. Petite journée loin des tracas et de l’oppression de Londres. Si j’aimais l’animation et le fourmillement de la capitale, j’aspirais de plus en plus souvent à la tranquillité. Dans un premier temps, je m’étais réfugiée dans les livres de potions et leurs confections. Je passais beaucoup de temps à la bibliothèque de Londres, étoffant mes connaissances à ce sujet, que ce soit l’ajout de nouvelles recettes à mon répertoire ou bien de nouvelles informations sur des ingrédients.

Puis, fraîchement embauchée, j’avais peu à peu laissé cette passion de côté pour me concentrer sur mon nouveau travail. Il occupait la plupart de mon esprit actuellement, essayant de faire mes preuves. Cependant, j’avais vite fini par comprendre que ce n’était pas la meilleure solution. Je devais prendre le temps pour me déconnecter. J’avais donc choisi Pré-au-Lard pour me retrouver et errer le long de rues dépaysantes.

        Aujourd’hui, c’était un retour aux sources, un retour à mon entrée dans le monde magique. Je ne remarquai même pas que mes pieds me conduisirent jusqu’à la gare. Je me souviendrais toujours de la première fois où j’étais descendue du Poudlard Express et où mes yeux s’étaient posés sur le château. Je l’imaginais, derrière les chaumières, majestueux, dominant le lac et la Forêt Interdite. Un lieu magique, dans tous les sens du terme.

Les meilleures années de ma vie étaient pour l’instant celles que j’avais passées à Poudlard. Là-bas, j’avais rencontré des personnes merveilleuses et qui ont su me guider pour m’intégrer à cette communauté magique. Des amis compréhensifs et accueillants. Des mentors, comme Alhena, que je n’oublierais jamais. Elle m’avait donné toutes les clés pour comprendre et évoluer dans ce monde. Des amours aussi… Une pensée s’accrocha au visage de Loredana, à jamais gravé dans mon esprit. Un pincement au cœur se fit sentir.

Je secouai alors la tête, je n’étais pas ici pour être mélancolique, mais justement pour revivre les bons moments que j’avais pu passer. Je ne devais me concentrer que sur le positif et non me laisser submerger par le peu de négatif qu’il avait pu y avoir ! J’aperçus alors, au détour d’une rue, les Trois Balais. Le bar semblait ne pas avoir changé malgré les années. Je m’approchai et jetai alors un regard curieux par la fenêtre. L’odeur des Bièraubeurres semblait venir titiller mon nez, ou bien était-ce une simple illusion à la vue des clients les savourant. Le lieu était toujours aussi rustique et les éclats de rire qui parvenaient à mes oreilles me mirent du baume au cœur. J’hésitai pendant quelques instants à entrer, mais me résignai. Je n’aimais pas boire seule, pour moi, c’était le début de la fin…

        Je m’éloignai alors doucement de l’établissement et continuai ma route le long de la rue principale de Pré-au-Lard. Malgré la chaleur de l’été, un air frais venait porter les senteurs de la campagne environnante. De quoi s’évader !

Je m’approchai alors d’un banc solitaire, proche d’un coin de verdure. Je m’y installai et pris le temps de laisser mes pensées s’effacer, me concentrant seulement sur l’instant présent. C’était une épreuve difficile pour moi, toujours distraite, dynamique et active, mais c’était aussi nécessaire. Cependant, alors que mon pouls ralentissait et que mes muscles se détendaient, il me semblait apercevoir au loin une silhouette connue.

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Tranquillité garantie sans Philtre de Paix

        Plus la silhouette se rapprochait et plus j’essayais de trouver pourquoi ce visage m’était familier… Au travail ? Non, il ne me semblait pas l’avoir croisée au Ministère. Cela avait l’air plus ancien, beaucoup plus ancien. Mon esprit fulminait et essayait de passer en revue tous les lieux où j’avais pu la croiser. C’était bien la première fois que j’avais des difficultés à associer un visage à quelqu’un. Cependant, alors que je m’attendais à ce qu’elle me dépasse et continue sa route, elle s’adressa à moi.

Malicia ? Mais oui, elle était en dernière année alors que j’entrais à Poudlard. Malgré la seule année où j’avais pu la croiser, elle avait laissé une trace dans mon esprit. Toujours à observer ceux qui m’entourent, son aspect fantomatique avait su attirer mon regard à l’époque. Elle avait cet aspect dangereux et mystérieux. Une rose épineuse. Mais maintenant, face à moi, elle ressemblait plutôt à une âme torturée.

« En effet c’est moi, Liv. » Répondis-je avec un sourire bienveillant, « bien sûr… Malicia ! Tu étais à ta dernière année quand je suis entrée à Poudlard. Vas-y, assieds-toi ! »

        Je me décalais afin de lui laisser un peu de place sur le banc. Elle était directe, mais j’aimais bien cela. Elle n’était pas sans me rappeler mon comportement, honnête, parfois abrupte mais disant tout ce qui me passait par la tête. Je savais apprécier ces personnes instinctives.

« Houla ! Depuis quoi, douze ans ? Il s’en est passé des choses ! » Dis-je avec un petit rire, mais pas le moins du monde gênée de parler de moi, « J’ai emménagé dans un petit appartement à Londres, ce n’est pas très grand, mais c’est suffisant. Et sinon j’espère enfin avoir trouvé un emploi stable, je viens d’être engagée en tant qu’agent au sein de la Brigade de la Police Magique. »

Aujourd’hui était mon premier jour de repos. Mais l’excitation de cette nouvelle aventure était toujours présente en moi. Impatiente de mettre à bien mon énergie pour des valeurs que je défendrais par tous les moyens. Je me sentais enfin utile à la communauté magique et je savais que ça allait durer !

« Et toi alors ? J’ai l’impression que tu as à la fois peu et énormément changé depuis tout ce temps ! Tu as dû vivre beaucoup de choses. »

J’aimais écouter l’histoire et la vie des autres. Apprendre à les connaître pour mieux les comprendre. Certains pourraient y voir une curiosité intrusive, mais il s’agissait en réalité d’une oreille à l’écoute des besoins des autres. Qui sait ce que Malicia avait à raconter. J'avais appris à observer les gens et son visage laissait transparaître de nombreuses épreuves.

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        Labyrinthe de couloirs identiques, de portes similaires, les visages sérieux des employés, plongés dans leurs missions quotidiennes, les nombreux collègues qui s’en vont et viennent. Le travail demandait un temps d’adaptation avant de pouvoir évoluer librement dans cet environnement intimidant, imposant, mais riche en valeur. Justice, détermination, dévotion, utilité. Pour l’instant, ce n’était pas à travers la paperasse que je m’épanouissais pleinement. Mais j’étais là, au Ministère, et j’étais fière. Fière d’être en accord avec moi-même, mes valeurs, mon éthique, ma raison de me dépasser chaque jour. Impatiente de commencer une véritable mission pour pouvoir mettre à profit mes compétences.

« Oh, ce n’est que le début, mais on va dire que ça se présente bien je pense. »

Chaque chose en son temps. Tout vient à point pour qui sait attendre. Les jours allaient se suivre et en s’améliorant. Prouver sa valeur, gagner leurs reconnaissances, gravir les échelons. Cela prendra le temps qu’il faudra.

        Douze années… Il est vrai qu’il s’en passe des choses en douze ans. Mais il fallait reconnaître que la vie de Malicia avait été plus riche en événements que la mienne. 24 ans et je venais seulement de trouver un boulot stable ! Mais une vie entière s’offrait encore à moi, j’avais à la fois le temps et le temps semblait en même temps me manquer. Il fuyait à une vitesse folle, emporté par le courant de la vie. C’est seulement sept années après la sortie de Poudlard que j’avais enfin l’impression d’avoir un effet sur lui et non pas de le subir.

Malicia partagea avec moi une photo de son fils. Un magnifique petit garçon déjà bien grand. Il avait l’air joyeux et à la vue de la photo, je ne pus m’empêcher de sourire.

« Il te ressemble un peu, je trouve ! Il a l’air adorable. »

En croisant le regard de cette mère, je compris que tout ne devait pas être facile. Je ressentais sa fierté d’être mère, mais aussi la tristesse d’épreuves inconnues qui ont dû laisser de nombreuses traces. Mais je ma doutais que, malgré les difficultés, Malicia n’abandonnerait pas et ferait tout pour le bonheur de son fils.

        Pour ma part, j’avais préféré m’occuper de ma carrière avant de m’intéresser à ma vie personnelle. Et alors au niveau sentimental, n’en parlons pas ! Depuis Poudlard, je n’avais connu aucune relation sérieuse, des passades, souvent pour passer le temps. Il y a eu de tout, des hommes, des femmes, des coups d’un soir, une épaule pour pleurer, une autre pour râler, des soirées sans conséquences, des quiproquos mais aussi des moments de bonheur suspendus dans le temps… Bref, un vrai bordel pour le coup ! Mais maintenant que j’avais enfin un véritable boulot, il serait peut-être temps d’y songer…

« Waouh ! Professeure de potions et même directrice adjointe, c’est du sérieux. Je suis contente pour toi, vraiment. Mais c’est vrai que ça ne doit pas être simple, beaucoup de travail et d’organisation je suppose. Mais ce doit être une chouette expérience. » Je fis une petite pause avant de reprendre. « Les potions, ça me parle. Je passe pas mal de temps à les étudier, comprendre les recettes, apprendre toutes les informations sur les ingrédients, m’entraîner, tester de nouvelles combinaisons… Si je n’étais pas au Ministère, j’aurais sûrement cherché un boulot dans ce domaine. Mais du coup j’en ai fait mon passe-temps ! »

Il m’arrivait de passer des journées entières à la bibliothèque, le nez dans les bouquins de potions, notant le plus d’informations possible. Dans mon appartement, une table de la pièce à vivre avait été réquisitionnée pour subir mes créations, mes tests, mais aussi mes échecs. Un chaudron, des fioles, des ingrédients, tous les outils nécessaires l’avaient envahie. Elle était devenue inutilisable pour quoi que ce soit d’autre. Dégât collatéral d’une passion envahissante ! Mais c'était aussi une échappatoire du quotidien.

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Tranquillité garantie sans Philtre de Paix

        Malicia avait parfaitement résumé ce domaine qu’étaient les potions. Les nombreuses possibilités qu’elles offrent étaient vraiment fascinantes. Il devait bien y avoir une potion pour répondre à chaque problème. Mais si elles pouvaient s’avérer longues à préparer, bien réalisées, les résultats étaient épatants. Cela provoquait chez moi un sentiment de détente et de satisfaction.

Mais il est vrai qu’avec le boulot au Ministère, mon temps libre s’était énormément réduit et j’avais plus autant de temps qu’avant pour m’atteler aux potions ou jouer du piano… Même si j’essayais le plus souvent de dégager quelques instants pour m’y adonner, ces moments d’évasion ne duraient jamais bien longtemps à mon plus grand regret.

« Oui, c’est vrai que maintenant avec le boulot ça me manque un peu. Mais je trouve toujours un peu de temps pour mes passions. Il m’arrive encore de passer des heures à la bibliothèque à ratisser de nombreux livres que ce soit sur les recettes ou même les ingrédients. »

Mais il était aussi parfois nécessaire de se déconnecter du quotidien et du travail, de se vider l’esprit. Je ne savais que trop bien que se jeter à corps perdu dans le boulot n’était pas une solution. Et qu’on le veuille ou non, tôt ou tard, la saturation arrive. Il était donc important de tout mettre en place pour éviter ce moment.

        Je mis quelques secondes afin d’analyser les derniers mots de Malicia. Avais-je bien compris ? Passer des heures sur les potions, ensemble ? Alors là, rien ne pouvait me faire plus plaisir. Cette proposition me réchauffa le cœur. Si j’aimais tester, confectionner et réaliser des potions, je le faisais souvent seule chez moi, dans mon « laboratoire improvisé ». Alors pouvoir partager cela avec quelqu’un me semblait une merveilleuse idée.

Et puis, il fallait l’avouer, une professeure de potions avec, sans aucun doute, des connaissances pointues dans le domaine, j’étais certaine qu’elle aurait beaucoup à m’apprendre. Si je trouvais beaucoup de mes réponses dans les livres, il n’y avait rien de mieux que d’échanger avec quelqu’un du domaine et possédant une expérience indéniable. Les yeux pétillants telles une enfant qui venait d’ouvrir un cadeau, je lui répondis :

« Vraiment ? Oh ce serait avec joie. Je suis sûre que tu as beaucoup à me conseiller et à m’apprendre en plus ! Je serais vraiment ravie en tout cas. »

Un sourire s’était dessiné sur mes lèvres. Décidément, cette rencontre avait ébloui ma journée. Ce sont ces petits bonheurs simples de la vie qui la rende si merveilleuse. Il était juste parfois difficile de les voir.

« Après c’est si tu as le temps bien sûr. Tu dois avoir d’autres choses à gérer en ce moment avec tout ce que tu m’as dit. »

En effet, je ne voulais pas que cela devienne des cours particuliers où elle m’apprenait certaines subtilités qui m’étaient encore inconnues. Des moments où elle donne sans que je ne rende rien en retour. Je voudrais que ce soit des moments d’évasion et de détente. Mais je savais que si cela arrivait, je saurais la remercier comme il se doit.

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