Saison 32 - Été
Juillet - Avec Harmony
Juillet - Avec Harmony
Ils étaient là. Tous les trois, les parents dans le vieux canapé abîmé ramené d’Espagne il y a quelques années, le grand frère dans le petit fauteuil acheté ici à Londres. Autour de la table basse, en bois, dont la surface présente encore des traits de crayons de couleurs et de feutres de quand j’étais toute petite. Et tous les trois parlaient, ils avaient dans les yeux une étrange lueur qui brillait à la lueur de la lampe frémissante au plafond. Maman m’avait demandé de rester à la maison ce soir, alors j’ai dit d’accord, et je suis restée assise sur le sol dans mon coin préféré – sous la fenêtre. En tailleur, le carnet à dessin sur les genoux, je laissais les mots des adultes glisser sur moi sans réellement les prendre en compte. Ma main dessinait au fur et à mesure que les syllabes s’enchaînaient, sans écouter j’entendais, sans faire attention une partie de mon cerveau intégrait le tout pour en faire de sombres silhouettes sur les pages blanches, doux contraste qui aurait pu être appréciable dans un autre contexte.
L’été n’est-il pas fait pour être joyeux ? Même si papa maman et Mark travaillent beaucoup, j’ai toujours aimé cette saison, celle où en Angleterre les températures se rapprochent le plus de celles d’Espagne. Avec un peu d’imagination, j’arrive à sentir de nouveau les rayons de soleil brûlants contre ma peau qui n’est plus habituée. Ça me manque tellement… La ferme, les animaux tout autour, la verdure partout, toute cette vie d’Avant qui est terminée, même s’il y a plusieurs Avant. Le Avant qui me trotte dans la tête depuis que je suis revenue de ma deuxième à Poudlard, c’est celui où mamie lisait ses livres dans le salon, celui où tout allait bien. Il n’est plus là, cet Avant, je le sens bien. Il était déjà loin l’année dernière, mais j’ai l’impression qu’il est à des années lumières désormais. Parce que la maman de mon papa est malade, c’est ce que j’ai compris car il y a cette dame qui vient, l’infirmière moldue qui prend soin de grand-mère et s’occupe un peu de moi.
Elle est gentille vous savez, toute douce et attentionnée. Mais je lui en veux d’être là, dans cette maison qui n’est pas la sienne. Je lui en veux d’être Moldue, de me demander comment ça se passe à l’école, si j’ai des amies, si les professeurs sont gentils et si j’aime ce qu’on apprend. C’est égoïste de lui en vouloir pour ça, je le sais, le problème c’est que… Au fond, c’est à moi que j’en veux parce que je lui mens. À cause du secret magique, je ne peux pas lui expliquer ce que j’apprends à l’école, je ne peux pas lui dire que cette année m’a baguette et moi on s’entend mieux, je ne peux rien lui raconter. Alors je dis oui, j’ai une amie, elle s’appelle Leliana et elle est dans ma classe. Ce n’est pas vraiment un mensonge en fait, même si elle est plus que dans ma classe – elle est dans ma maison. Et je dis oui, les professeurs sont gentils, parce que je ne peux pas raconter la Botanique qu’on a eu avant les changements. Je dis oui, ça m’intéresse beaucoup, mais je ne dis pas quoi.
Et c’est mal de mentir. J’aime pas ça, j’aimerais bien arrêter de mentir. Sauf que je ne peux pas lui parler de la magie. Donc il faut que cette infirmière arrête de venir. En plus, il faut la payer et à cause d’elle Mark et mes parents doivent travailler encore plus que d’habitude. Ils ne seraient pas contents s’ils pouvaient lire dans mes pensées, ils diraient que c’est mal de penser ça, que c’est normal de payer l’infirmière, que c’est son travail. Alors oui, je comprends, j’ai jamais dit qu’il ne fallait pas la payer. Non, j’ai une autre solution moi : guérir mamie. Les Moldus n’y arrivent pas, je crois qu’elle est trop vieille pour que ça fonctionne. Mais bon, je vais vous avouez que je ne sais pas ce qu’elle a. Qu’importe ? La magie est capable de tout, absolument tout je vous dis, donc je trouverais. J’ai regardé dans la bibliothèque, sauf qu’il y avait beaucoup trop de livres à lire pour trouver. Je n’ai pas deux ans devant moi… J’ai eu une autre idée à la place. Lire c’est bien, c’est pratique, mais les Sorciers n’ont pas que ça comme capacité.
Car les Sorciers aussi ont un hôpital. Un hôpital magique évidemment. Et que fait-on dans un hôpital ? On soigne ! Je n’ai pas amené grand-mère, car je ne suis pas sûre d’avoir le droit de l’amener là-bas. C’est une Moldue… Et puis, elle est fatiguée et je ne pense pas qu’elle saurait venir à pied jusqu’ici – et moi, pousser un fauteuil roulant après l’y avoir assise, c’est pas possible, j’ai pas assez de force. Mais je n’ai qu’à trouver un docteur magique, lui expliquer ce dont j’ai besoin, voir même lui demander de venir ? Et voilà, en un coup de baguette magique ce sera fait. Enfin, d’abord je dois réussir à aller l’hôpital et ce n’est pas une des parties les plus simple il faut l’avouer. Trouver la bonne vitrine, parler au bon faux bonhomme, expliquer ce que je veux… Heureusement, je finis par y arriver. Un crayon et mon carnet serrés contre moi pour me rassurer, je m’avance dans le hall avec inquiétude. Pourquoi il y a autant de bruit ? Pourquoi il y a autant de monde ? Pourquoi il y a des gens qui me semblent plus étranges qu’étranges ?
C’est vraiment bizarre ici. Encore plus grand que les idées imaginées par l’esprit bouillant de curiosité. Cette curiosité qui préfère rester cachée maintenant, effrayée. Tournant malgré tout sur moi-même, j’observe les gens un instant. Oui, ça se voit que ce sont des Sociers. Ils ont les tenues, et certains ont de drôles de formes. Un sortilège raté ? Une potion à moitié réussie ? J’aurai peut-être dû mettre mes vêtements de Poudlard moi aussi, pour faire comme les vraies Sorcières. Je dois avoir l’air d’une moldue… Mais bon ! C’est un peu ce que je suis. Alors je finis par m’approcher d’une adulte avec une tenue différente des autres. Comme si elle travaillait ici ? Peut-être que oui, peut-être que non. Au pire, elle m’indiquera le chemin ? Elle a l’air gentille. «S’il vous plaît… Bonjour ! Est-ce que vous pourriez m’aider ?» J’ai l’impression d’être maladroite, de ne pas faire les phrases dans le bon sens. Mais les fois où je parle la première se comptent sur les doigts d’une seule main, je n’ai pas l’habitude. Oh, j’espère que ça ne la dérangera pas…