Je suis enfin au Brésil. J'avais tellement hâte d'y être, même si je sais que ma famille proche m'en veut beaucoup. En fait, si j'ai voulu faire ce voyage, c'est pour me retrouver seul et me ressourcer. Depuis le décès de mon père, je n'ai pas eu une minute à moi. J'ai voulu aider ma mère à s'en remettre, mais c'est très difficile pour elle. Et ma volonté de m'éloigner de tout ça l'a encore affecté un peu plus. J'en suis conscient, mais qui se préoccupe de ce que je peux ressentir ? Qui se préoccupe de savoir ce dont j'ai envie ? Personne. Je dois me reprendre en main, bien que ce ne soit pas simple. Hier en faisant mes valises, je me suis encore demandé si je ne faisais pas une erreur en partant ainsi de la maison. Personnellement, je ne pense pas, mais... On ne peut jamais totalement être sûr de quelque chose. Mon frère saura s'occuper de ma mère. Lui, il me comprend dans le fond. J'ai de la chance de l'avoir. Depuis que mes pas foulent les contrées Brésiliennes, je ne cesse de penser à mon papa. Il me manque terriblement. Cette foutue maladie... J'ai enfin su la raison de sa mort. C'est tout simplement atroce et injuste. Pourquoi la vie s'obstine-t-elle à nous faire souffrir de la sorte ? Je suis dans l'incompréhension la plus totale qui soit.

Quoi qu'il en soit, je suis certain que mon petit voyage solitaire me fera du bien. Peut-être que je ferai de nouvelles rencontres amicales aussi ? Et qui sait, je croiserai peut-être des sorciers aussi. Mais il faudrait que je sache les reconnaître s'il y en a. J'observe le ciel dehors. Il fait beau. Et un peu chaud. Trop même. Je ne suis plus habitué à cette chaleur, mais ça en vaut la peine. Même si je suis originaire d'Espagne et que nous avons l'habitude d'avoir du soleil, ce n'est pas la même chose ici. Mais c'est plutôt agréable je dois dire. Peut-être qu'il fera plus frais dans une forêt ? Mais où est-ce qu'il y en a une ? Je ne connais pas les coins ici. Et me connaissant, je suis capable de me perdre. C'est ça le pire dans l'histoire en fait. Au secours ? Je commence à respirer doucement afin de ne pas paniquer inutilement. Je parle espagnole et ici, ils parlent... portugais. Heureusement que je sais me débrouiller dans cette langue. Je pourrai demander mon chemin si jamais j'ai besoin en fait.

Voilà que je marche depuis déjà un sacré moment et je n'ai croisé personne. Pas même un animal sauvage. Je sors ma baguette et la fait machinalement tournoyer entre mes doigts. Même si quelqu'un la voit, je peux lui jeter un sortilège pour lui faire oublier. Enfin, je pourrai, mais je ne suis pas majeur encore... Dommage. Je vois enfin le début d'une forêt. Une immense forêt qui sera mon refuge pour les jours à venir. Je me demande quelles rencontres je vais pouvoir y faire. J'ai hâte !

Deuxième étape, deuxième pays. Je suis passée par le Canada où j'ai fais quelques rencontres et rencontré quelques pleines lunes, et je dois dire qu'avec le Loup, ce n'est toujours pas la forte entente. Ne pas rester au même endroit, visiter de nouveaux pays tout en le domptant et en risquant le moins possible la vie des habitants du pays où je me rend : tel est mon but. C'est pour cela que généralement, je reste en forêt et aujourd'hui ne fait pas exception.

Au cours de ce voyage que l'on pourrait presque qualifier de voyage initiatique et lors de mes nombreuses heures d'introspection, je parcours le temps et l'espace pour retrouver des images et des souvenirs de ma vie passée. Et aujourd'hui, je voyage à travers l'une des périodes difficiles de ma vie : la mort de mon grand-père.

Le souvenir me revient de plein fouet, accompagné d'un trou béant qui semble se former dans mon cœur, illusion réelle me faisant revivre la douleur de la perte qui m'a frappée après les faits liés à ce souvenir. Je me souviens de cet homme, le masqué à l'époque, maintenant le dévoilé. Je me souviens de mon grand-père, s'effondrant sur le sol, se tordant de douleur à la suite du sortilège de torture et demandant pitié à l'agresseur. Puis une lumière verte et plus rien, si ce n'est une menace à mon égard. Je ressens tout comme si j'y étais de nouveau, petite fille terrifiée cachée derrière un canapé effondré sur le sol suite à un sortilège-bombe. Et une douleur certaine accompagnée d'un profonde tristesse et d'une grande colère m'envahit.

Un cocktail
explosif
d'émotions...

Si Explosif
Que...
Avec la pleine lune qui apparaît dans le ciel...

Une douleur plus intense que les autres m'envahit et je me sens partir, je sens que le Loup prend le contrôle. Dans un dernier souffle intérieur, je lui murmure que même si je ne peux lui laisser la place de façon voulue, je cherche tout de même à faire la paix avec lui. Je sens un grognement pour réponse puis plus rien d'autre que la douleur. Mes dents qui se transforment en crocs, perçants ma gencives et laissant couler le sens sur mes nouvelles babines, ma colonne vertébrale qui craque et se tord de telle sorte que mon dos n'ai plus rien d'humain, mes jambes qui disparaissent dans d'horribles douleurs me donnant l'impression d'avoir plongé dans de la lave en fusion pour laisser des pattes se faire une place sur mon nouveau corps qui ne tarde pas à se recouvrir de poils noirs. De nouveau craquement accompagnés de longs hurlements, moins forts que d'habitude, comme si le Loup m'avait entendu et essayait de réduire la douleur, puis tout s'arrête.

Il lui faut quelques instants, à la Bête, pour que ses yeux d'un bleu similaire à ceux que la jeune fille possède s'ouvrent sur le monde qui l'entoure. Tout de suite, la chaleur l'insupporte et très vite, elle ne pense qu'à une chose, trouver un point d'eau. Car si Harmony peut être bien dans cette atmosphère, la Bête elle a une fourrure qui l'empêche de profiter pleinement de cet environnement pourtant si verdoyant. Alors elle allonge ses pattes et commence sa course, flairant la moindre trace de la déesse bleue qui la sauvera de cette chaleur trop importante.  

Et bientôt, elle arrive à l'endroit voulu...

L'idée de m'enfoncer au loin dans cette forêt me terrifie un peu, mais je ne peux plus reculer maintenant. Je suis désormais livré à moi-même avec pour seule arme, ma baguette magique tournoyant encore dans mes doigts. Elle me servira uniquement si je suis attaqué par quelqu'un ou quelque chose. On ne sait jamais à quoi s'attendre en forêt et n'importe qui doit le savoir. Qu'est-ce que je vais trouver au cœur de celle-ci ? J'espère le réconfort. Prendre du recul de cette manière n'est pas quelque chose de commun, mais c'est sûrement ça qui va me permettre d'avancer. Papa... Si tu savais à quel point tu me manques, à quel point j'ai envie de te dire que je t'aime... La vie a été injuste avec toi. Avec nous. Cette foutue maladie t'a emporté et nous a privé de toi. Tu n'avais que 47 ans et encore tant de choses à vivre avec tes proches. Moi, mon frère et ta mère. Tu n'as pas eu d'autres choix que de la laisser. Elle a perdu son fils unique. Fils qu'elle a eu énormément de mal à avoir. Surtout quand on sait qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant à la base. Tu as été son miracle. Nous sommes perdu sans toi. Triste et d'humeur massacrante. Je pense à toi et en même temps, je dois me concentrer sur cette traversée de forêt. Tu seras toujours avec moi, je le sais et je te fais confiance. J'ai tant besoin de toi encore. Ne m'abandonne pas une seconde fois, je t'en conjure. Reste près de moi, dans mon cœur, endroit où tu as une place si spéciale.

Ma baguette cesse de tournoyer entre mes doigts de petit sorcier. Elle se trouve empoignée dans ma main gauche, prête à l'usage si besoin. Avec mon sac, j'ai réussi à apporter ma guitare afin de jouer quelques morceaux dans la forêt. Des morceaux qui me rappellent qui je suis et d'où je viens. J'ai hâte de jouer de cet instrument si merveilleux, lui-même offert par quelqu'un qui m'est cher. A mesure que je marche, je me sens de plus en plus faible. Il faut que je mange quelque chose, mais je ne peux pas m'arrêter en si bon chemin. Je dois continuer. Je continue de marcher tout en ouvrant la poche de mon sac détenant de la nourriture que j'ai pu apporter. Par la suite, il faudra que je trouve de quoi manger par moi-même, mais ça ira. J'ai apporté suffisamment de choses à manger pour tenir presque une semaine. Je ne compte pas rester bien plus longtemps, car ma famille me manque déjà. Je grignote un bon sandwich préparé par mes soins. J'ai vraiment voulu tout faire moi-même, c'était important. Mon voyage ressemble vraiment à un voyage qualifié de solitaire. Ni plus, ni moins. Malgré tout, j'ai l'espoir de rencontrer quelqu'un parce que je commence à me sentir seul. Je n'avais pas prévu que j'aurai ce sentiment de solitude qui m'a déjà beaucoup envahit ces derniers temps. Je commence à croire que j'aurai dû demander à Loredana de venir avec moi. Elle s'y connaît mieux en magie que moi pour se défendre et j'aurai eu de la compagnie.

Je continue de marcher, comme si je n'avais aucun but précis dans cette forêt. Je n'ai pas l'esprit à me dire que ça ira mieux aujourd'hui, puisque je sais d'avance que ça ne sera pas le cas. Il faut aussi que j'étanche ma soif. Mais j'ai un gros problème pour le coup : j'ai oublié de prendre à boire. J'ai beau fouiller dans mes affaires, je ne trouve pas mes réserves d'eau. Mais quel boulet je fais... Qui est le seul timbré qui part en voyage sans prendre à boire... Moi. Je me déteste. En plus, j'avais l'habitude de faire de la marche avec mon père. Lui, il n'aurait jamais oublié ça. JAMAIS. Je me déçois et je le déçois par surcroît... J'ai l'air bien pathétique. En continuant de marcher, j'arrive vers un point d'eau, mais... Je ne suis pas tout seul. Une grosse bête sauvage se trouve déjà là. Mais qu'est-ce que c'est ?

- Oh mon dieu... Pas ça... dis-je un peu trop fort.

Je n'ai qu'une solution : fuir ce loup-garou.

En cette nuit de pleine Lune tout juste tombée, le paysage est magnifique et serait digne d'un conte de Fées si seulement l'un des personnages principaux n'était pas un Loup. Quoi que, est-ce que souvent dans les contes, la Bête ne cache pas quelqu'un de merveilleux mais maudis ?

En tout cas, à cette minute précise, nous sommes sortis du conte pour échanger avec le conteur. Lui décrit que l'étendue d'eau brillant sous la Lune ronde et blanche est d'une beauté toute particulière. La végétation autour ne fait que renforcer cette impression d'un coin de paradis brillant sous le ciel et soutenu par les éléments. Et dans ce paysage idyllique si vous voulez l'avis du conteur, deux personnages. L'un, humain voulu se rafraîchir le gosier et l'autre, Bête dangereuse et assoiffée de sang, qui du fait de sa nature de prédateur voudra sans doute aller goûter le premier.

Mais attendez.
Il y a un élément que vous n'avez pas.

Revenons une semaine en arrière, quelque part dans cette vaste jungle. Cette fois-ci, notre personnage principal était une fille aux yeux bleus et aux cheveux de jais. Et une semaine plus tôt, elle prenait l'une des potions qu'on appelle "Tue-Loup" pour atténuer la colère et la férocité du Loup qu'elle savait arriver bientôt. Cette fille, c'est elle le Loup. C'est elle qui doit subir ça. Mais après avoir pris cette potion, elle voulait se concentrer sur elle-même et son passé plutôt que sur ce qui allait arriver. Elle voulait faire un voyage d'introspection dans les douleurs de son passé afin d'aller de l'avant. Et cette semaine, c'était la scène avec son grand-père qu'elle revivrait jusqu'au dernier moment où elle céderait la place au Loup.

Retrouvons-nous dans sa peau...

Je sens le froid qui m'entoure. Le vide. Comme si dans mon cœur, une place était devenue vide. Comme si le trou ne serait jamais complètement rempli, bien qu'il puisse y avoir d'autres choses qui me sont chères. Je me souviens de cet événement si brutal à cet instant précis. Je me souviens d'avoir vu cette silhouette se détacher, l'avoir entendu commencé à parler et d'avoir eu peur, si peur de ce qui allait arriver. Et quand enfin il est parti, quand j'ai regardé mon grand-père sans vie à mes pieds, je me souviens d'avoir senti un grand vide. Plus de conversations ensemble autour d'un bon livre. Plus de sourires complices sans que les paroles ne soient nécessaires. Plus d'emprunt entre deux semestres ou années à Poudlard de livres qu'il a aimé. Juste ce souvenir horrible de vide, de peur, de terreur.

Mais même si tout ça avait été dur et l'est encore, j'ai eu la chance d'avoir des personnes à mes côtés pour m'aider à affronter ce malheur. Les souvenirs que je tente de garder maintenant en y repensant ne sont pas ceux de cette horrible nuit et de ce tueur, mais les beaux moments que j'ai pu passer avec lui. Après tout, même si je n'ai su que quelques minutes de son vivant qu'il était sorcier, c'est en partie de lui que je tiens ça. Je tiens de lui mes yeux bleus, je tiens de lui mon amour de la lecture, puisque que Maman le tenait aussi de lui. Tant de beaux souvenirs restent en moi qu'il ne sera jamais vraiment parti. Et c'est de cela qu'il faut que je me souvienne. Il faut que je laisse partir les mauvais souvenirs de la même manière que j'ai laissé partir le tueur sans commettre l'irréparable tel que ma Mère et mon Grand-père l'aurait voulu.

Tout ce cheminements met quelques jours à se faire dans mon cerveau, afin qu'une partie de mon cœur et de ma tête retrouvent la paix. Puis malheureusement, quand la Pleine Lune arrive, ma paix intérieure se résorbe et puis... Vous connaissez la suite.

Le lac...
La Bête en train de boire tranquillement...
Et l'humain, qui vient de s'exprimer.

La Bête se tourne vers lui, féroce. La férocité du début de transformation, celle-ci même qui guide le Loup pendant toutes les pleines lunes d'habitude mais qui, ici, ne va pas durer. Ses yeux bleus, perçants comme des laser, transpercent le garçon qui semble être fait pour être sa proie. Il hume l'air, profitant de ce doux fumet qu'il n'a pas senti depuis ce qui lui semble être une éternité et fait ensuite entendre son long hurlement, savourant sa liberté et se sentant de nouveau revigoré par ce rafraîchissement et l'idée d'un futur repas.

Que les pleines Lunes sont douces...

Les instincts se réveillent alors et la Bête s'élance afin de pourchasser ce pauvre garçon afin d'en faire son quatre-heure. Il grogne le Loup, parce qu'il se sent moins... Moins Lui ? Que d'habitude. Son instinct de prédateur reste le même mais il y a un point, quelque chose qui le dérange. Qui fait qu'il a moins envie de manger ce garçon que ce dont il a l'habitude. - la Tue Loup -. Et pourtant, il court et poursuit l'humain qui a eu le malheur de croiser sa route.

Il fini d'ailleurs par le dépasser et réussi à faire un demi-tour sur lui-même pour se retrouver, haut et puissant devant l'être humain qui n'aurait jamais du croiser sa route. Il plante ses lourdes pattes dans le sol et se met en position d'attaque, sûr de lui en apparence, mais toujours avec un je-ne-sais-quoi gênant, au fond.

En faisant face à ce monstre poilu, je ne pense qu'à une seule personne. Papa. J'ai besoin de m'adresser à toi pendant que je le peux encore. Pendant que je fais face à ce qui représente un énorme danger pour ma vie. Ce même danger pourrait d'ailleurs m'envoyer sans tarder te rejoindre si je ne prends pas la fuite. Les souvenirs que j'ai avec toi sont impérissables. Les bons. Les mauvais. Parfois, je me souviens de ton sourire, de ta joie de vivre et de ta bonne humeur. Et parfois, je me souviens que tu étais malheureux. Comme si la personne qui partageait ta vie ne te comblait pas et ne correspondait pas à tes attentes. Mais l'image que j'ai de toi aujourd'hui, c'est la meilleure. J'ai celle d'un homme presque âgé de 50 ans qui repose en paix. Tu ne méritais pas de partir si tôt. Mais je préfère qu'il en soit ainsi plutôt que de savoir que tu souffres. Maintenant, il est temps que j'agisse avant de servir de goûter à cette chose devant moi. Je crois que ce qui me terrifie le plus, c'est de savoir qu'il y a un être humain à l'intérieur.

Ses yeux... ils sont d'un bleu magnifique, comme les miens d'ailleurs. Je sais que ce n'est pas le moment de penser à des choses pareilles, mais je ne peux pas m'en empêcher. Je le vois sentir mon odeur. J'ai peur. Je commence à reculer d'un pas, puis deux et trois... Et je me retourne vivement pour courir le plus loin possible. Au passage, je laisse tomber mon sac. Volontairement en plus. J'ai besoin d'être le plus allégé possible afin que je sois en pleine possession de mes capacités. Pendant ma course, je revois ces yeux bleus me transpercer, comme si je n'étais rien de plus qu'un repas. Dans le fond, que pourrais-je être d'autre pour un loup-garou de toute manière ? Je dois vraiment être maudit en ce moment pour avoir à subir de telles choses. A mesure que je cours, j'entends la bête grogner. Mais ce n'est pas un grognement provenant d'une personne affamée. C'est un grognement de quelqu'un qui se sent mal, comme s'il y avait une gène.

Je retourne brièvement ma tête et vois que le loup-garou gagne du terrain. J'ai été assez stupide de penser que je pouvais le semer, mais il n'en est rien. J'observe la pleine lune durant cette course infernale et perdue d'avance, mais je m'obstine à continuer. Jusqu'à perdre tout mon souffle. Au moins, j'aurais essayé quelque chose, même si j'aurai pu sortir ma baguette magique. Mais je ne sais pas pourquoi je n'ai pas pensé à ça avant. Il doit me manquer une case... A peine cette pensée à l'esprit, je vois la bête me dépasser et me faire face à nouveau. Ses pattes sont plantées dans le sol et j'ai l'impression d'être liquéfié sur place. On dirait que je vais fondre. J'aimerai me trouver n'importe où, mais pas ici. Je sors ma baguette magique, mais je ne sais pas quel sortilège lancer. Enfin, si, mais je ne sais pas si ça sera utile. Mais tant pis :

- #Crocrura !

En espérant que ça calme la bête !

Le Loup est dressé dans toute sa splendeur face au misérable humain qui croit pouvoir lui échapper. Il gronde, il montre sa supériorité, il s'apprête à bondir, à attaquer, à en finir. C'était sans compter sur le garçon qui lance un sort qui rebondit presque sur la fourrure massive de la bête à quatre pattes. C'était supposé faire quelque chose ? La Bête ricane intérieurement de cette tentative lamentablement échouée et s'élance de nouveau vers sa proie.

Sa proie ?

La colère peine a rester à la surface et c'est par pur instinct animal qu'à cet instant, la Bête, ennuyée d'attendre plus, se lance en avant toutes griffes dehors pour venir affaiblir celui qu'elle souhaitait attaquer au départ. Mais... Cela semble de moins en moins logique. Ses instincts de loup se font de plus en plus sentir, et la Forêt attire plus que l'humain, par intermittence.

Pourtant...

Les griffes lacèrent bien la chair du visage du garçon, suite à son bond. Mais la Bête, qui d'habitude se délecte de voir couler le sang, de sentir son odeur et de s'imaginer finir le travail n'y prend actuellement aucun plaisir. Les bruits des animaux alentours sont distrayants, leurs odeurs aussi, et l'envie de se dégourdir les pattes monte de plus en plus dans le corps du Loup devenu loup.

Quelque chose ne va pas.

La Bête se retire. Grogne. Un grognement presque digne d'un louveteau. L'incompréhension. Le doute.

L'envie de fuir se fait plus forte.

Attirante.

Presque plus que cette pleine lune qui brille dans le ciel.

Ma journée ne pouvait pas être plus mauvaise que ça. Cette situation, bien que dangereuse, me procure une forte dose d'adrénaline, mais je ne parviens pas à me concentrer. La bête est dressée devant moi, et pourtant, je suis encore en vie. Si elle avait vraiment voulu me tuer pour que je lui serve de goûter, elle l'aurait déjà fait non ? C'est ce que je pense, mais peut-être que je me trompe. Je l'entends gronder encore. Je suis terrifié à l'idée de perdre la vie, et pourtant, c'est la seule issue que j'ai actuellement pour rejoindre mon père. Un être qui me manque. Mais je n'ai qu'une seule vie. Le sortilège que j'ai lancé n'a pas d'effet. Je suis clairement foutu. Je n'ai pas le temps de réfléchir davantage que la bête se jette sur moi et ses griffes me lacèrent le visage.

- AÏÏÏÏÏÏE !!

J'hurle de douleur. Je suis recroquevillé sur le sol, sans défense. Ma baguette ne me servira à rien et je ne la cherche même pas. J'ai perdu. Que puis-je faire pour m'en sortir ? J'ai envie de supplier le loup, mais cela en vaut-il la peine ? Non, il n'a pas l'esprit rationnel. Il n'est qu'à moitié humain. Je sens ce liquide rouge couler de mon visage. Je pleure. J'ai besoin d'aide, mais comment en obtenir à cet instant ? Même à terre, je repense à la même chose qu'avant : pourquoi suis-je encore en vie ? Serait-ce la potion Tue-Loup ? La personne qui se cache sous cette bête en a prit ? Sûrement. Puis, je vois la bête qui se retire. Elle part enfin ? Je l'espère.

- S'il... S'il te plaît... Je ne peux pas mourir maintenant. Je t'en supplie, laisse-moi tranquille.

Je suis pathétique, mais peut-être que le loup reviendra à la raison.

Un hurlement de douleur retenti comme une longue pique dans le cœur. Ça sonne faux, ça sonne irréel et... CE N'EST PAS MOI. Pas moi. C'est le Loup. Pourquoi ? Non. Pas encore. Je ne veux plus blesser personne. Je ne veux plus risquer la vie des autres pour que Lui vive et soit épanoui.

Il est au sol et le Loup le regarde d'un air presque... humain ? Toute rage a disparu de son regard lupin et l'attirance pour le sang n'est plus qu'un lointain souvenir. La Tue-Loup fait effet et le Loup est devenu loup, il ne sais plus qui il est. L'humain en face est recroquevillé au sol et le Loup pourrait ne faire qu'une seule bouchée de lui s'il le souhaitait. Mais actuellement, le grand méchant Loup n'est plus qu'un petit louveteau apeuré et ne comprenant pas où est partie toute son agressivité.

Du sang coule du visage, une blessure que toi, Loup, tu as faites. Ce n'est pas moi, je n'ai rien fais. Je ne veux plus faire de mal. Je ne veux pas que tu fasses partie de moi. Tu gâches des vies et je veux les sauver, nous ne sommes pas compatibles, tu comprends ? Alors je dois apprendre à vivre avec toi, ou te vaincre. Je ne sais pas encore. Je voulais t'accepter mais et si c'était trop dur ?

- S'il... S'il te plaît... Je ne peux pas mourir maintenant. Je t'en supplie, laisse-moi tranquille.

Si tu étais sous ta forme humaine, ton cœur se briserait et une larme coulerait sur ta joue. C'est d'ailleurs sans doute ce qui se passera à ton réveil. Que s'est-il passé pour que tu te retrouves quelques années plus tard dans le rôle de l'attaquant, celui qu'on supplie de ne pas le tuer ? Comment as-tu pu devenir la même chose que Lui a été pour toi ?

Le Loup étant redevenu une bête des forêts non sanguinaire n'a plus rien à faire là. Et ce profond malaise venant de la jeune fille derrière la fourrure n'arrange rien. Alors sans un grognement de plus, sans aucun geste agressif supplémentaire, le loup commence à reculer d'une patte, de deux pattes, puis s'élance loin de cette étendue d'eau en passant devant l'humain attaqué.

On peut entendre un geignement digne d'un chiot tandis qu'il court plus loin vaquer à des occupations plus louvesques. Le sang qui a coulé du visage de ce garçon restera pourtant gravé dans l'esprit de l'humaine derrière le loup.

Rien ne pourra changer ça...

De quoi ai-je l'air ainsi affalé sur le sol ? J'ai ce sentiment désagréable qui m'envahit l'esprit. Ce sentiment qui te dis que tu n'es pas digne de ta propre famille parce que tu te retrouves sans défense. Des larmes coulent à flot sur mon visage, des larmes mêlées au sang. Mon regard parcours les alentours, désespérément à la recherche d'une aide quelconque. Peu importe de quoi ou de qui il s'agit. Mais... c'est le vide. Il n'y a rien. L'espoir de survivre s'envole peu à peu. Suis-je en train d'agoniser ? Vais-je rejoindre cette personne qui m'est chère et qui n'est plus de ce monde ? Non, je ne peux pas me le permettre. J'ai envie pourtant. Mais j'ai encore trop de choses à vivre. Trop de choses à connaître. Ce n'est pas le Loup qui va gagner. C'est l'humain. Les arbres de la forêt ne laissent aucunement paraître un rayon de lumière. Et c'est ce qui me met aussi en difficulté. C'est comme si je n'étais pas en pleine possession de mes moyens, ce qui s'avère frustrant. Frustrant parce que je suis très bon en sortilège. Et celui que j'ai utilisé n'a absolument pas eu d'effet. Je m'en veux. J'ai envie de me cogner la tête contre le sol, mais... la douleur fulgurante m'en empêche. Lorsque mon regard croise celui de la bête sauvage, je remarque qu'elle me regarde humainement. C'est comme si toute sa rage s'était enfui. Dieu merci, elle me laissera en vie. Je te l'ai dit, tu as perdu. Ma supplication, l'a-t-elle entendu ? Oui, je pense. Elle ne bouge même plus, comme si elle avait peur de m'attaquer. Je soutiens le regard du Loup, comme pour le défier de m'attaquer. Mais c'est un jeu dangereux. Probablement en tout cas. Le loup commence à reculer, me passe devant avant de s'éloigner dans la forêt. Mais... j'ai envie de savoir qui c'est sous cette épaisse fourrure. La personne aura sûrement besoin d'aide. Je suis à peine capable de me relever. Je ramasse enfin ma baguette et essaie tant bien que mal de suivre les traces de la bête en espérant croiser son chemin pour l'aider.

Le Loup court, ses pattes frappant à une vitesse qui se veut rapide le sol afin de s'éloigner de l'humain. Maintenant que les instincts primaires sont revenus, le but est de fuir une personne qui pourrait potentiellement lui vouloir du mal. Et, honnêtement, l'humaine pousse à l'intérieur pour que les pattes les emmènent plus loin, toujours plus loin, et plus vite.

L'humain va survivre, c'est évident, la blessure n'est pas assez grave pour ça. Mais le pire a failli être commis et cela va travailler l'humaine aux yeux bleus pendant encore un moment, c'est sûr. Enfin heureusement, tout comme au Canada, tout a bien fini. Par contre, il est cette fois-ci hors de question qu'il retrouve la version humaine de la Bête, d'où la fuite, ça et la profonde honte qui tord les entrailles de celle qui voit tout derrière.

Les arbres passent et passent à une vitesse folle, le Loup commence à s’essouffler mais comme s'il se sentait poursuivi, il continue sa route. Jusqu'à prendre un chemin de montagne qu'il a lui-même du mal à prendre et qui serait sans doute trop complexe à escalader par un humain blessé. De cette façon, il s'assure de ne pas être retrouvé, et il s'assure à Harmony une dé-transformation douloureuse mais sereine.

Les souvenirs reviendront ensuite, et la culpabilité avec. Peut être qu'alors, quelques heures après et une fois des vêtements enfilés, celle-ci se mettra à la recherche du garçon pour vérifier qu'il va bien. Mais en attendant, le Loup va vivre sa vie de bête des bois qui ne souhaite de mal à personne.

Enfin...