Voilà que l'elfe de maison faisait son show en mode grosse victime. Quelle chochotte, elle avait rien, le bébé avait rien, personne n'avait rien et aucun n'était foutu d'être content. Pourquoi quand lui l'était, il l'était toujours tout seul ? Je vous entends penser, langues de vipère, que c'était justement parce que personne n'était heureux qu'il était ravi mais ce serait tronquer la vérité. Il était hilare, tout le monde faisait la tronche. Surtout Wells. Fallait qu'elle se détende un peu. Mais non, pas de sophrologie ni de yoga, juste de la haine dégoulinant de sa bouche.

A quoi bon avoir une langue si c'était pour prononcer des horreurs pareilles ? Il ravala son sourire. A quoi bon rigoler quand les gens faisaient tout pour que ça ne dure pas. Elle voulait parler de ça ? Ils parleraient de ça. Elle n'était pas toute blanche dans l'histoire d'abord. Elle avait trahi autant que lui, juste pas la même chose. Dans son échelle plutôt branlante de priorités, il plaçait les amis avant les causes. D'où sa trahison. Elle avait fait le contraire, d'où la sienne.

- Ne la ramène pas trop, ce serait dommage que ta douche n'ait pas plus de deux minutes d'utilité.

Regard critique sur la sorcière. Elle était fatiguée, ça crevait les yeux, l'elfe ne faisait pas trop peur, la sorcière tenait le bébé et ce dernier, à moins qu'il ne soit la réincarnation du célèbre Potter, était mortel. Lui était en pleine forme, sa baguette n'était pas si loin et, avec un peu de ruse, il pouvait faire ce qu'il voulait des trois. Menace sous-entendue qu'il ne mettrait pas à exécution, du moins pas totalement. Sourire glacial.

- Le traître venait juste prendre des nouvelles d'une amie qui n'en est peut-être pas une au final. Après tout qui a laissé l'autre se faire torturer pour un malentendu ?

Lui, il était juste venu boire du whisky en paix. Pas supporter les nouvelles mères sur les nerfs et leur venin.

Le traite finit enfin par ravaler son sourire d'idiot. Quelques secondes de silence s'écoulèrent pendant lesquels les deux protagonistes s'observaient en chien de faïence. Puis Lestrange se mit à déblatérer des insultes, comme s'il ne savait faire que ça. Avait-il prononcé ne serait qu'une seule parole sympa depuis qu'il avait forcé la porte de chez elle ?

Il ajouta ensuite qu'il n'était que venu prendre des nouvelles de quelqu'un qu'il pensait peut-être à tord être son amie. Ces paroles firent plus de mal à Heather que ce qu'elle aurait pu penser. Il enchaîna en se plaignant qu'elle l'avait laisser se faire torturer sur un "malentendu". Il était vrai que la jeune femme n'avait pas chercher à creuser bien loin. Mais là, avec son bébé dans les bras et fatiguée, elle n'avait pas l'énergie ni la motivation de se battre.

- Si tu es venu dans ma maison pour m'insulter, tu peux repartir, répondit-elle, quelque peu lasse.

Pauvre Wells, elle croyait qu'il l'insultait alors qu'il n'avait fait que prodiguer conseils judicieux et gracieusement offerts. Ce n'était pas lui qui avait un gosse baveur, un elfe moche et des problèmes d'audition en plus d'un sacré manque de classe. Lui, il était juste un peu paumé niveau relation sociale. Au point d'aller faire des coucous aux traîtres. Mais ce n'était pas nouveau, c'était même connu et admis.

- Non, je suis venu pour te voir. Parce que ça fait longtemps et parce que j'ai du whisky.

Voilà, c'était dit. Il n'allait pas ajouter la petite larme, le câlin de l'amitié, la bise sur la joue pégueuse du bébé. Ce n'était pas son genre, pas celui d'Heather, les verres partagés suffisaient. La bouteille lévita jusqu'à lui, il rangea sa baguette, qu'elle n'aille pas croire qu'il la provoquait en duel. Il n'était pas du genre à provoquer autre chose que des accidents. Il attendait que les autres provoquent le reste, pour, sous couvert du "c'est pas moi qui ait commencé" que tout non fils unique manie en maître, empirer au max la situation. Il ouvrit la bouteille, but une gorgée.

- Mais je peux m'en aller si tu veux...

Et ne plus jamais revenir. Il amorça un mouvement vers la porte, il avait peut-être mieux à faire après tout.

Non, Ebenezer n'était pas venu chercher des ennuis. C'était ce qu'il disait, mais la jeune femme n'avait aucun mal à le croire. Il n'avait pas l'air menaçant. En même temps... Lestrange menaçant... Il avait juste eu envie de la revoir, bouteille de whisky en main. Ils ne se refaisaient pas.

Non certain de pouvoir rester, il amorça quelques pas en direction de la sortie. Réfléchissant un très long quart de seconde à la mère modèle et donnant le sein qu'elle devrait être, elle l'arrêta.

- Nan, reste... commença-t-elle, puis, se rendant compte que cela donnait l'impression que la compagnie de l'ancien Serdaigle avait de l'intérêt, elle poursuivit : t'as du whisky après tout...

Wellsky, l'amoureuse de cette boisson. A quand remontait la dernière fois qu'elle n'avait pas fait couler ce délicieux breuvage entre ces lèvres ? Un an, au moins... Trop longtemps... Stupide pacte de sang...

Son gamin, qui pleurait dans ses bras, lui rappela son existence. Jurant, elle le fila à son elfe et lui demanda de le mettre dans son lit, de le nourrir et veiller à ce qu'il ne meurt pas. Accessoirement insonoriser la chambre, histoire de ne pas l'entendre brailler... Une fois l'être humanoïde hors de vue, elle s'empara de la bouteille de whisky et en pris deux grandes gorgées. Ayant perdue l'habitude, l'alcool la fit légèrement grimacer. Désignant le canapé d'un signe de mains, elle l'invita à prendre place.

- Alors, quoi de neuf depuis... la dernière fois ? Toujours dans ce bars à Pré-Au-Lard ?

L'argument du whisky était un argument en béton armé. Il pouvait rester. Il avait limite envie de lui faire un câlin pour cette permission. Il aimait bien Wells, elle était cool. Tant pis pour la trahison, il était encore vivant et il aurait droit à un joker spécial "crasse monstrueuse interdiction de me taper". Et c'est elle qui se retrouverait dans la Mer**, pas lui.

Le gosse pleurait. C'était son conatus après tout mais ça faisait quand même un peu mal aux oreilles. La sorcière devait penser la même chose parce qu'elle refila le machin à l'elfe. Une pierre, deux coups ! Bon débarras ! La créature n'avait pas trop l'air d'apprécier les Ebenezer munis d'une bouteille de whisky alors elle méritait de disparaître dans les tréfonds du manoir de Wellsky tandis que lui, Teqnezer, allait chercher deux verres à coup d'accio. Ils boiraient au goulot quand ils seraient torchés. Enfin, ils continueraient à boire au goulot plus tard. Ils étaient décidément hyper mal-éduqués.

Il s'assit sur le canapé, pas loin d'Heather et lui reprit la bouteille des mains pour servir deux grands verres. Il aurait trouvé des choppes, il n'en aurait été que plus heureux mais on ne pouvait pas tout avoir dans la vie. Elle lui posait des questions bateau. Beurk.

- Hmm... Pas grand chose de neuf. J'ai commencé des études de médicomagie. C'est un peu ch*ant. Puis à côté ouais. Je travaille toujours au bar.

Que c'était palpitant.

- Et toi ?

Qu'il s'enfonçait dans la discussion ennuyeuse.

- On fait un cul-sec ?

Ça c'était cool. Puis après ils joueraient à la pyramide version sorcière et iraient se rouler jusqu'à un bar quand ils auraient fini la bouteille.

Le jeune homme confirma qu'il travaillait toujours à l'endroit où ils avaient tous les deux connus de sacrés débauches. Mais cette conversation était bizarre. Ils étaient pas doué pour parler de la vie. Ils étaient pas doués pour parler en fait. Avaient-ils déjà eu une conversation avant ? Cela méritait réflexion.

Ce qu'ils savaient très bien faire par contre, foutre le dawa, brûler des trucs et boire... Surtout boire. L'ancien Serdaigle parut lire dans son esprit quand il lui proposa un cul sec.

- Volontiers ! répondit la rousse avec entrain.

Place à l'action ! Place à la débauche ! Les verres pleines, Heather leva le coude, comme au bon vieux temps. Ce genre d'habitude, ça se perds pas. A peine le délicieux breuvage avait coulé le long de son œsophage jusque dans son estomac, que déjà elle remplissait un deuxième verre et le but à nouveau.

- Je crois que j'ai de la bouffe qui traîne pas loin, genre des chips. Bouge pas, je reviens.

Heather se releva aussitôt. Beaucoup trop vite, elle avait des étoiles plein les yeux. Quelques secondes de vacillement suffirent pour qu'elle retrouve la vue et elle se dirigea alors vers sa cuisine. Sur son chemin, un pull. Sur son pull, un pied. Au pied, une Heather qui chute. Une Heather qui chute, une bouteille de whisky qui vole à travers la pièce...

Après s'être écrasée de tout son long sur le sol, l'Irlandaise put distinctement entendre le bruit de verre explosé. Le whisky avec finit contre un meuble, en miette. Gênée d'avoir causé un tel désastre, elle se releva lentement en position assise. Les yeux dans le vague, elle évitait le regard de Lestrange.

- On a plus de whisky... commençait-elle, une pointe de tristesse dans la voix. Puis elle poursuivit un peu plus tard : j'en ai même pas chez moi...

A quoi bon, si elle n'est pas autorisée à le boire. Son cerveau réfléchissait alors à une solution qui lui parut bien vite évidente :

- Viens on va descendre au village. On est en Ecosse, ils ont forcément du whisky...

Il n'avait pas quitté sa cape de voyage qui n'avait d'ailleurs de cape plus que le nom tant qu'elle était bonne à finir en chiffon. Il avait froid, il avait oublié comment c'était l'hiver en pays gris. Il s'était barré depuis longtemps, il en avait même oublié de compter les mois. Grave qu'il se re-barrerait direct après. Premier billet direction ailleurs acheté dés que l'affaire serait réglée. Affaire qui avait suffisamment éveillé sa curiosité pour qu'il se déplace, évidemment. On n'invoquait pas un Ebenezer d'une simple lettre même si on l'accompagnait d'une bouteille de whisky. Quoique. A tenter. Si ce n'était pas déjà le cas : il avait un verre rempli de liquide ambré dans la main. Il ne savait même plus si c'était Heather qui lui avait servi ou s'il s'était servi tout seul, comme un grand. Il avait le demi-sourire aux lèvres et le dos appuyé sur un des bords latéraux de l'âtre. Pour se réchauffer. Il était presque content d'être là, face à Wells, dans un trou paumé d'Ecosse, il se sentait de retour à la maison et ça faisait du bien même si cela ne durerait vraisemblablement pas longtemps. Presque il rirait de leur retrouvailles clichées, ils étaient toujours trois : Wellsky, Teqnezer, une bouteille.

Mais au fond, la situation n'avait rien de drôle. Elle avait perdu son gosse comme l'on perdait ses quinze cartes bancaires. Même Ebenezer n'aurait pas perdu son gosse, bon, il l'aurait peut-être malencontreusement égaré en forêt une nuit de pleine lune mais cela aurait été conscient. Un gosse, ça bavait, ça faisait du bruit, ça encombrait trop pour que ça s'oublie. Il s'abstint cependant de tous commentaires, il n'avait aucun skill en matière de gamin et il avait frôlé la pls les rares fois où il avait gardé son filleul, ce qui lui semblait être il y a une éternité. Il ne lui demanda pas non plus si elle avait bien cherché. S'il avait compris, la disparition ne datait pas d'hier alors elle s'en serait rendue compte depuis longtemps si elle l'avait oublié à la garderie du chemin de traverse. Puis vu la tignasse de Neill, elle l'aurait repéré de loin. Non maintenant, c'était chez les morts que Wells voulait chercher son gamin. Au moins pour savoir quoi, si elle pouvait espérer le revoir un jour ou si elle pouvait s'amuser à enterrer un cercueil vide à la place. Les cercueils vides, un truc qu'Ebenezer n'avait jamais compris d'ailleurs. C'était du gaspillage de bois, rien de plus. Valait mieux faire un feu de cheminée.

"Quand tu veux on s'y met..." Trois minutes qu'il phasait sur le mur d'en face sans parler puis voilà qu'il s'impatientait. Non, partir ne l'avait pas rendu plus loquace. Cela n'avait pas empiré son cas non plus au moins. Il se décolla enfin de son mur chaud et s'étira. Il avait mal partout, quelle idée il avait eu de traverser l'Atlantique en balai juste pour ne pas payer le bateau. "J'peux reprendre un verre avant ?" Question purement rhétorique, il était déjà en train de se resservir. Parce qu'il ne semblait y avoir que le whisky qui lui donnait moins froid.

Cela faisait deux jours que la rousse avait posé les yeux pour la dernière fois sur sa progéniture. Deux jours qui lui paraissait comme une éternité... Deux jours ? Peut-être bien que cela en faisait trois tout compte fait... Ou peut-être même quatre... Heather avait perdu le fil du temps, attendant que quelqu'un se pointe à sa porte, son bambin fraîchement retrouvé dans les bras.

Elle ne dormait plus de ses nuits, bien que parfois elle finisse par s'endormir, terrassée par l'épuisement, avant qu'un cauchemar ne vienne la réveiller, une vingtaine de minutes plus tard. Le visage émacié, les traits tirés, des cernes marqués contrastant avec la couleur laiteuse de sa peau... l'Irlandaise avec beaucoup perdu de sa superbe.

L'estomac noué, elle n'avait même pas touché à son verre de whisky. Cela suffirait largement à témoigner de son trouble à la moindre personne qui la connaîtrait un peu. Pourtant, Merlin savait qu'elle avait bien besoin de sa mettre une race et oublier, le temps d'une soirée, à quel point elle était une mauvaise mère. Qui d'autre qu'elle pouvait bien oublier son gosse au parc ?

Ebenezer, calé contre un mur, rappela à la jeune femme sa présence. Depuis qu'il était arrivé, il fallait dire qu'ils n'avaient pas échangé grand chose, l'hôte étant resté dans un mutisme quasi implacable. Sans doute devait-il s'ennuyer.... D'autant plus que c'était bien Heather qui avait réquisitionné sa présence dans une lettre très mal écrite. Son ami de longue date s'y connaissait bien en magie noire bizarre et elle s'était dit que si il y avait bien quelqu'un pour lui dire si son gamin était passé de l'autre côté, c'était bien lui. Sauf qu'elle n'avait pas forcément hâte de connaître le résultat. Tant qu'elle ne savait rien, il y avait encore espoir qu'il soit en vie. Mais si l'ancien Serdaigle parvenait à le contacter... le résultat serait définitif !

Le jeune homme se déplaça pour remplir son verre, ramenant quelque peu la rousse à elle-même. La phrase qu'il avait prononcé auparavant sembla enfin pénétrer son cerveau. Y aller... Oui, il le fallait... Au moins elle serait fixé. Le respiration de l'Irlandaise s'accéléra subitement tandis qu'elle vida d'un trait son verre.

- Oui oui, tu as raison... fit-elle, anxieuse. Qu'est ce que je dois faire ? Faut que je te passe un des ses habits ? J'ai une formule à réciter ?

Tout en parlant, Heather, qui était auparavant recroquevillée sur son canapé, s'était redressée et avait déposé son verre sur la table basse. Comme revenue à la vie, elle rejeta ses longs cheveux sales derrière ses cheveux, et se mit à chercher sa baguette magique des yeux. Pas la moindre idée d'où elle avait bien put la mettre...