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[Concours RPG] La légende de la Bête - Hugh Dey
Hugh Dey
Hugh Dey
LégendeGryffondor
Légende
Gryffondor
Année à Poudlard : Diplômé(e)

Matière optionnelle : Pas de matière optionnelle

Spécialité(s) : Métamorphomage
Permis de transplanage
Manumagie (niveau 2)


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[Concours RPG] La légende de la Bête - Hugh Dey
Hugh Dey, le  Sam 30 Juil - 17:36

Le bête du Gévaudan



Il est des histoires comme celles-ci, qui semblent ne pas avoir d’âge. Des histoires comme celles-ci, qui pourraient exister depuis la nuit des temps. Ce n’est pas le cas. Ce n’est jamais le cas. Des histoires comme celles-ci se forment parce que le temps s’écoule. Parce que les âmes montent au ciel. Parce qu’elles gardent la mémoire de ce qu’elles ont vécu et parce qu’elles attirent toujours le corps qu’elles habitent vers leurs souvenirs.

Le temps est une machine infernale mais il n’est pas infini. Seul le sablier de nos vies tourne parfois pour recommencer de plus belle et il arrive, rarement, qu’un grain de sable se coince. La machine se grippe et de nouvelles histoires apparaissent. Je souhaite vous parler de la naissance d’une telle histoire. De celle de nos générations passées. Et de ma génération future. De ma réincarnation. Je croyais être le premier, mais les souvenirs de mon enfance sont formels. Je suis ainsi car mon âme l’avait déjà vécu. Je suis ainsi car mon âme l’a gardé en mémoire, blessée qu’elle était de cette mésaventure. Et elle me l’a fait revivre.



Cela faisait trente-deux ans, cinq mois et dix-neuf jours que je m’étais retiré du monde magique. Tant d’années que j’avais décidé de fuir, tant la magie que le pays. Les risques étaient devenus inconsidérés sur ma terre natale. J’avais tout abandonné, mon nom comme mon apparence. Hugh Dey était mort. J’étais arrivé en France, dans la petite bourgade de Marchastel, située dans le département de la Lozère. Un endroit tranquille où on ne questionnait pas l’anglais de quarante-deux ans venant de s’installer. Trente-deux années plus tard, j’étais toujours un étranger, quoique la conservation exceptionnelle de mon physique pose quelques questions. Je me fondais dans le paysage, comme le stylo bille pourrissant dans le plat, à l’entrée de la maison. Je me faisais appeler Hugues, histoire de reconnaître mon nom, mais même au bout de trente-deux ans je ne m’étais pas fait à cet accent irritant. Sur mon prénom d’abord, car cela grinçait comme un engrenage désaxé. Et sur tous les mots ensuite, car en cette région, on ne prononçait pas même toutes les syllabes. Elles étaient mangées, comme si ceux qui parlaient étaient des ogres affamés. On ne pouvait ainsi comprendre toutes les phrases qu’en exerçant son oreille, et même après plus de trente ans, je n’y parvenais pas.

J’essayais, pourtant. Je me faisais même une place au sein de cette bourgade, me rendant parfois à l’Auberge de la Tourre, seul commerce de la ville. En entrant, un siège m’attendait. Une bonne mousse aussi. Ils savaient dans la région, qu’Hugues ne causait pas beaucoup. Hugues écoutait, Hugues essayait de suivre. De suivre les rumeurs et les histoires. De sourire lorsque les passages semblaient drôles. De se moquer, quand les contes devaient faire peur.

- Y paraît qu’è’ rôde toujours ’savez ? La bête, disait Gus, l’aubergiste. Les trois fidèles de l’Auberge, Bébert, Ray et Dédé eurent du mal à avaler la gorgée de bière sûre qu’ils avaient en bouche. C’est Ray, le plus jeune - il avait à peine quarante ans - qui posa son verre et délivra les autres de leurs pensées.
- T’es pas sérieux Gus, ‘fait trois siècles qu’on en parle d’la bête, ‘fait longtemps qu’elle est crevée !

La bête était leur sujet de conversation favori. Une vieille légende indiquait en effet que de nombreuses attaques avaient eu lieu entre 1764 et 1767, provoquant jusqu’à plus de cent vingt morts. On lui prêtait encore d’autres attaques, mais rien de sérieux à mon avis. La légende restait ancrée dans les mémoires et souvent j’évitais de m’en mêler. Parce qu’il s’agissait d’une superstition de la région, une légende destinée à faire pleurer les enfants pas sages en les menaçant que la Bête du Gévaudan viendrait les manger. Pas de quoi m’effrayer moi. J’étais trop vieux pour ça.

L’atmosphère sembla néanmoins s’assombrir à ces mots. Comme si l’électricité, cette chose si chérie des moldus, avait brusquement décidé de s’amoindrir. Peut-être était-ce cependant un signe de vieillesse. A soixante-quatorze ans, je pouvais bien m’accorder quelques défaillances de la vue. Je ne voyais pas non plus l’air sérieux passer sur le visage de Gus. Seule sa voix, plus grave, et son index pointé en direction de Ray indiquait qu’il accordait de l’importance à ce qu’il ajoutait.

- Faut pas jouer ‘vec la bête. Faut pas s’moquer. Un jour tu t’moques, et l’lend’main ‘l’a bouffé ta femme et tes gosses. Et ton chien ! Peut même s’attaquer à tes poules si t’y fais pas gaffe !

Une expression horrifiée passa sur le visage de Ray. La jeunesse… Trop facilement impressionnable. Je me contentais de sourire pour ma part. De pouffer même. De ce petit pouffement que faisait cet anglais stupide, renâclant presque des naseaux. Quatre visages se tournèrent vers moi.

- Tu m’crois pas Hugues ?, me demanda Gus en me désignant du menton. Je ne pouvais décidément pas m’empêcher de sourire.
- Siiiii bien sûr. Mais j’ai ni femme, ni gosse, ni chien, ni poule… Elle m’impressionne pas trop ta bête, répondis-je en souriant. Peut-être n’aurais-je pas dû. Ce n’était pas Gus qui m’inquiétait mais Bébert. Grand et massif, les cheveux bruns et sales, il finissait son verre cul sec tout en me fusillant du regard. Sa voix rauque semblait sortir de sa gorge avec difficulté. Presque comme s’il avait avalé de travers, ce qui n’était pourtant pas son genre avec de la bière. Avec de l’eau pourquoi pas, mais jamais il n’aurait gâché une goutte d’un précieux breuvage alcoolisé.
- La bête s’en fout. La bête s’attaque à l’êt’ l’plus cher pour toi. Pis elle…
- Je n’ai pas d’être cher, la question est réglée. A la rigueur, j’ai un hêtre qui m’est très précieux dans mon jardin, mais elle ne me fera rien d’autre, le coupai-je.
- Arrête de rire bordel ! T’habites dans la baraque d’un mort ! La bête qu’est venu le chercher ! Tu d’vrais pas la provoquer comme ça !

Ah oui, je ne vous l’ai pas précisé encore, mais je vivais bien dans la maison d’un mort. Acheter une maison dont personne ne voulait, dans un coin relativement perdu, était un bon moyen de ne pas se ruiner. Et puisque j’avais dû partir précipitamment, que je ne pensais pas pouvoir travailler en arrivant en ces lieux, et que je ne disposais avant cela que d’un piètre salaire de concierge, je n’étais pas en droit d’être très exigeant. Cela m’avait aussi permis de ne pas subir les assauts trop fréquents de quelque voisinage curieux. On disait que le vieux habitant cette demeure avait un jour disparu. Il était revenu, parfaitement incapable de parler puis était mort dans des circonstances indéterminées. Le sang avait été lavé des murs, mais je savais qu’un carnage avait eu lieu. Ce n’était cependant pas pour me déplaire : plus l’histoire était violente et moins ces maudits moldus français allaient m’importuner.

J’ai décidé de ne pas répondre. Trop vieux pour ces conneries me disais-je. Je me contentais de le laisser parler de ses légendes à deux noises… Les moldus étaient disposés à croire beaucoup d’âneries. Le vieux avait sans doute dû devenir sénile après s’être perdu dans la forêt. Quant à sa mort, elle m’importait peu… Il aurait pu se faire picorer par ses poules ou bouffer par ses poissons rouges, il était mort. Tant qu’il ne revenait pas me hanter moi, il pouvait toujours errer dans les esprits des autres.

Finalement, j’ai terminé ma bière, ai décidé de rentrer chez moi et de ne pas sortir durant les prochains jours. Je savais à leurs regards qu’il ne valait mieux pas leur chercher broutille. Ces gars de la campagne étaient comme des chiens de combat forcés de rester en cage. Ils n’avaient pas d’adversaire à qui se mesurer. Dès lors qu’ils sentaient le sang couler en revanche, ils se ruaient sur la bête. Et je voulais à tout prix éviter de me servir de la magie, pour ne pas attirer l’attention. J’avais mis beaucoup de temps à disposer d’une nouvelle baguette, ce n’était pas pour en faire mauvais usage.

*

C’est seulement après trente-deux ans, cinq mois et vingt-deux jours d’errance dans cette contrée, soit trois jours plus tard, que je sentis un changement opérer. Alors que je me réveillais, m’adonnant à ma petite routine matinale, mes yeux se posèrent sur le jardin. Je soupirais. Ce n’était pas la première fois qu’il était défoncé par une bête quelconque. Les taupes sévissaient dans le pays. Même si je prenais grand soin de la terre, je ne pouvais toutes les repousser. Parfois, j’aspergeais le jardin de sang, ce qui les incitait à fuir. Je fis cela toute la journée tant la terre était retournée.

Le lendemain matin, c’était pire encore. Non seulement l’herbe n’existait quasiment plus, mes précieuses fleurs étaient au sol, mais mon hêtre, mon cher hêtre pour ne pas dire mon hêtre cher* était profondément lacéré. Vous ne pouvez sans doute pas comprendre l’attachement qui me liait à cet arbre. Il vous manque encore quelques éléments...

J’ai dû quitter la Grande-Bretagne fort précipitamment, ayant perdu ma baguette lors d’un combat contre un Auror. J’étais alors paré de mes plus beaux atours de masqué. Ma baguette fut retenue, identifiée, et c’en était fini de Hugh Dey. Je ne pouvais pas même emmener ma canne, celle qui contenait ma première baguette, car elle était trop reconnaissable. J’ai fui et me suis caché, sans possibilité de m’offrir une nouvelle baguette.

A mon arrivée en ces lieux j’ai planté ce hêtre. Je l’ai fait grandir avec la plus extrême prudence, lui donnant tout l’amour possible. J’ai étudié le noble art des baguettes durant les vingt années l’ayant vu grandir et enfin, j’ai pu grâce au bois de cet arbre, m’en fabriquer une nouvelle. Comprenez ainsi l’attachement que j’éprouvais pour lui, pour son bois, sans lequel je ne pouvais pas même me considérer comme un homme. S’attaquer à lui, c’était s’en prendre directement à moi. Les larmes me montèrent aux yeux immédiatement après cette sinistre découverte.

Je me sentais profondément impuissant. Mon statut de fugitif m’empêchait de régler le problème d’un simple sortilège. Les voix des quatre guignols me revenaient en tête, me répétant sans cesse que c’était le fait de la Bête. Mais c’était parfaitement stupide. Si bête il devait y avoir, elle était sans doute magique. Le Ministère de la Magie français avait dû mettre un terme aux réelles attaques ayant eu lieu - car je ne doutais pas que cette histoire soit initialement fondée - depuis nombre d’années. Je devais de toute manière me raccrocher à cette certitude. Il aurait été trop risqué de débarquer dans un ministère, même étranger, pour se renseigner. Il me fallait agir...

J’étais certes vieux et moins vif qu’avant, je ne pouvais plus me permettre de manquer mes nuits de sommeil, mais je ne pouvais pas non plus laisser mon hêtre se faire décimer. Ainsi je m’épuisais toute la journée à saigner deux ou trois chats, puisque le sang semblait attirer les vandales. A la fin de la journée, je prenais une échelle et grimpais dans mon précieux arbre. L’attente débutait.

Elle dura longtemps. Très longtemps. A la lueur de la lune je ne voyais pas grand chose et je sursautais au moindre bruit suspect. Avant de m’assoupir de nouveau. Ma baguette en bois de hêtre dans la main, je manquais plusieurs fois de la lâcher. C’est mon instinct qui me sauva. Car alors qu’elle me glissait entre les doigts, que je me réveillais en sursaut, j’entendais quelque chose. Et je sentais quelque chose. Dans ma main, la baguette vibrait. Il y avait comme un grattement frénétique à une porte. Puis, un bruit de succion franc et écœurant. Si j’avais été à table, j’aurais demandé à la personne en face de moi de manger sa soupe moins bruyamment. Mais il n’y avait pas de soupe. Il n’y avait que du sang.

Je ne distinguais rien dans la nuit, car la lune, censée nimber les alentours, était voilée par quelques nuages. Je ne pouvais ainsi que subir ces bruitages désagréables et sentir mon cœur poignardé à chaque nouveau grattement dans l’arbre. J’avais l’impression que chaque morceau d’écorce se détachant de lui était un lambeau de ma peau. Je souffrais de le sentir ainsi dépecé. Je souffrais de me sentir ainsi impuissant. Car à le protéger j’échouais.

Je ne sais combien de temps a pu durer le supplice. Peut-être n’étais-je simplement pas patient. Je ne l’avais jamais été dans mes jeunes années et la vieillesse avait accentué nombre de mes caractères. Les pires comme les meilleurs. J’avais fini par me redresser sur mon arbre, pour d’un Lumos éclairer la scène. Durant quelques secondes je pus entrevoir la bête. Petite, trapue, portant un chapeau. Mais un éclair de lumière bleue, venu de plus loin, me frappa de plein fouet et je tombai, raide. Endolori et incapable de bouger. Je sombrais même dans l’inconscience. On m’avait pétrifié.

*

On aurait pu faire ce que l’on voulait de mon corps durant les heures suivantes. Même s’il était vieux et fripé. Je n’étais pas à l’abri d’une mutilation quelconque. Seulement je sais à présent que rien de tout cela ne s’est passé. Ils avaient préféré me réveiller et m’expliquer ce qui allait m’arriver en détail.

Mon réveil fut assez simple, quoique secoué de sursauts dus à une toux insoutenable. On avait couvert mon visage d’un tissu imperméable avant de faire couler des trombes d’eau dessus. Ainsi je n’étais pas mouillé, mais mon corps entier était persuadé de se noyer. Et je vous assure que cette forme de réveil est assez radicale. On est directement sur le qui-vive.

Lorsque je pus de nouveau respirer, de vieux instincts s’emparèrent de moi. Depuis longtemps je ne faisais plus que jardiner, mais j’avais jadis été un combattant redoutable. C’est pourquoi mon regard flou et incertain s’arrêta sur quelques détails qu’il peina à déchiffrer. Il faisait beaucoup trop sombre pour pouvoir distinguer quelque chose clairement de toute manière. Le plafond semblait parfaitement inégal, et sombre. Comme un puits sans fond aspirant toute lumière. Drôle de couleur dans une maison. Les moldus préféraient souvent le blanc, pour que la lumière du soleil se reflète dans la pièce.

Un deuxième détail me fit frissonner. Le vent était frais ce soir. A moins que toutes les fenêtres ne soient ouvertes, il était fort possible que l’air puisse simplement entrer. Je n’étais pas dans une maison… Plutôt dans une caverne.

Première déglutition bruyante.

Mon regard s’accrocha enfin au plus intéressant. A cinq mètres de moi environ, il y avait quelqu’un. Silhouette masquée par la noirceur ambiante, je n’avais pas pu la voir. Ce qui m’avait attiré à elle était la simple sensation d’être observé. Et le bruit que faisait l’espèce de chien à ses pieds. Ce ne pouvait pas être un chien en vérité. Ca se tenait sur deux pattes et ça suçait quelque chose. Je n’avais vraiment pas envie de savoir quoi.

L’éclat d’une bague sur la tête de l’animal attira mon attention. La silhouette avait une main sur le foulard ou le chapeau recouvrant sa tête. Je ne sais pas combien de temps je restais à les détailler ainsi. Je sais simplement que je ne m’étais pas rendu compte que je ne pouvais pas bouger, mais qu’instinctivement je le savais. La silhouette semblait apprécier les longues minutes de silence s’étirant entre nous, uniquement brisées par les bruits de la bête. Puis, sans prévenir, elle rompit le charme en parlant. Et sa voix ne m’était pas inconnue.

- T’aurais dû nous écouter. On t’a prévenu qu’la bête, l’était bien réelle.

C’était Dédé. Dédé qu’avait pas parlé l’autre jour à l’Auberge mais qu’était toujours fourré chez Gus. D’ailleurs, j’allais lui demander “pourquoi on ?”, car j’avais du mal à croire que la chose à ses pieds puisse être humaine. Mais je n’en eus pas besoin. Deux autres silhouettes se rangèrent à ses côtés, et je n’eus pas de mal à deviner qu’il s’agissait de Gus et Bébert.

Deuxième déglutition bruyante.

Si je ne pouvais pas bouger, j’étais plus conscient que jamais de mon corps. Le rythme de mon coeur s’était brusquement accéléré. Peut-être n’avait-il tout simplement pas récupéré du réveil brutal auquel j’avais eu droit. La sueur dégoulinait sur mon visage moite tandis que mes poils, à l’inverse, se hérissaient de frayeur. J’étais à la merci de ces trois individus et de la chose à leur pied. Chose qui avait justement choisi ce moment pour arrêter ses bruits et laisser tomber ce qu’elle avait dans la bouche. Je crois qu’elle avait fini de manger…

- Ah ! Popo va pouvoir passer à la suite !, rugit Gus Popo !? Tu veux manger du vieux pour lui prouver que t’existes ?

La main de Dédé se retira de la tête de la bête et celle-ci s’approcha de moi à vive allure. Elle s’arrêta et commença à me renifler tandis que je la détaillais. C’était un Chaporouge, sans aucun doute, de cette espèce que j’avais pu capturer une fois dans les cachots du Château, lorsque le Zoo Magique nous avait invité à nous lancer dans l’aventure. Celui-ci était en revanche d’une extrême beauté. Ce qui était fort étrange. Premièrement, un animal, c’était laid, tout le monde le savait. Deuxièmement, un Chaporouge était encore plus laid qu’un animal en théorie, et ça aimait se sentir moche. Oh… Je venais de saisir. Il était apprivoisé. D’où le nom ridicule et la possibilité qu’il soit si proche de trois individus sans les attaquer. Mais la seule manière de dompter un Chaporouge étant de l’asperger de potion de beauté cela voulait dire que…

Une douleur vive transperça ma main droite, jusqu’à mon poignet et m’arracha un cri. Un hurlement même. Je n’avais plus ressenti de douleur à cet endroit depuis plus que de quarante ans. Elle était insensible en théorie. Les crocs du Chaporouge s’étaient refermés et me l’avaient tranchée nette. C’est lorsqu’elle était croquée, alors même qu’elle était détachée de mon corps, que je la sentais. Mais ça ne pouvait pas être vrai…

- Hé Gus ! J’crois qu’il a pas eu assez d’potion l’vieux. Tu lui en r’mets une dose ?
- Très bonne idée ! répondit Gus à Bébert, tout en s’approchant de moi, un flacon à la main. Il me força à ouvrir la bouche et me versa un liquide étrange que je dus avaler sans rechigner. T’vois Hugues, ça, c’est la preuve qu’les français sont meilleurs qu’les anglais. Même les sorciers. C’est une potion qu’j’ai inventée, un mélange de Philtre de Confusion, de Potion Aiguise-Méninges et de Potion de Mémoire. Tu vas tout voir et t’rappeler d’tout, tu t’souviendras des moindres détails et tu comprendras tout c’qui s’passe. Mais tu s’ras incapab’ d’agir. Et ça, c’est l’plus drôle.

Troisième déglutition bruyante. Et la dernière dont je me souvienne exactement.

Le supplice a commencé. Peut-être étaient-ce les effets de la potion, mais je ressentais toutes les douleurs dix fois. Y compris sur les endroits les plus insensibles. La main en était le premier et le meilleur exemple. Le reste était frappant également.

A croire que le Chaporouge savait exactement à quel endroit frapper pour me remémorer toute ma vie. Entre ses bras j’étais une chiffe dont il pouvait disposer à sa guise. Il me retourna d’abord et ouvrit une profonde blessure dans mon dos. A l’exact endroit où une cicatrice mal guérie avait pris place. Elle avait constitué le signe distinctif d’un petit lézard que j’avais été, jadis. Cette rencontre avait scellé mon amour pour le jeu, même si j’avais été laissé pour mort dans cette baraque sombre.

Vint ensuite le nez, qui fut cassé brutalement et quasiment lacéré. La douleur sourde irradiait dans ma tête. Je me revoyais sur un banc, sur mon banc, en train de me battre pour le récupérer. Puis shooter dans une vieille dame - la pauvre - pour la simple raison qu’elle n’avait pas de paille.

Je fermai les yeux et commençais à sangloter misérablement. Je pensais être pétrifié mais seul mon corps avait la sensation de l’être. Aussi, alors que je cherchais à me débattre, j’eus la surprise de constater que mon bras gauche bougeait. Je voulais l’envoyer en plein dans le chapeau de la bête. C’est dans mon nez qu’il atterrit, m’arrachant une nouvelle plainte.

La bête s’attaquait à ma main droite. Elle lapait les contours puis m’enfonçait violemment quelque chose dans le moignon qui pendait et pissait le sang. J’hurlais.

Les choses s’accélérèrent, elle me mordit la jambe, et je me revis, incapable de marcher, obligé de saisir une canne pour continuer à chasser les créatures magiques. Puis la mort de Renata Harshing et ma culpabilité.

Chaque nouvelle blessure était un ancien souvenir. Une époque révolue que la vie choisissait de me jeter à la figure. Mes erreurs, tout d’abord. Ma renaissance, ensuite. Ma sauvagerie, après. Ma chute, enfin. Les larmes roulaient sans discontinuer sur mes joues, suivant les chemins hasardeux tracés par leurs soeurs aînées. Le supplice dura longtemps. Suffisamment pour que j’en perde la notion du temps. Je crus même voir le soleil percer à travers la grotte avant de disparaître, puis de réapparaître. Comme si le temps avait décidé d’accélérer, au moment précis où je ne souhaitais plus que profiter de celui qui me restait.

- Stop… Stop… Ma voix pitoyable était un simple murmure éraillé. J’avais trop pleuré, je peinais à respirer et j’avais besoin de boire. Depuis longtemps la bête avait déserté mon corps, mais j’avais besoin que l’on s’occupe de moi. Le simple fait de pouvoir parler signifiait que les effets de la potion se dissipaient. Et l’on vint me déverser quelque chose dans la bouche. C’était frais. Rafraîchissant. J’en voulais encore. Toujours.

- Co-co-co ! Non, ce n’était pas ce que j’avais voulu dire. C’était pourtant ce qui était sorti de ma bouche. J’ouvrais de grands yeux, sans comprendre. ”Y ah y !?”, non plus… parfaitement incohérent… Et Gus, car c’était bien lui qui m’avait mouillé le gosier, riait à gorge déployée.

- Bah alors ? T’arrives plus à parler ? Va falloir t’y habituer hein ! ‘Core une invention bien sympa ça ! rétorqua-t-il en riant. La Potion de Babillage, ça marche d’enfer avec l’Aiguise-Méninges ! Ca dure des années même !



Voilà quelque chose que j’ai mis longtemps à comprendre. Disons que lorsque je l’avais compris, les trois gaillards m’avaient déjà ramené chez moi. Oui, vous avez bien lu. J’ai fini chez moi ensuite, un morceau de bois grossier sortant de mon poignet droit. J’étais incroyablement estropié mais je connaissais les auteurs de ce méfait. Je passais outre la douleur, boîtant dans le village et je passais par toutes les portes pour leur révéler la même chose à tous : ”Gu-gu-gu ! Gu-gu-gu !”. Personne ne comprit.

Je suis donc retourné dans ma demeure et à présent j’écris, tant que je le peux. Si le mythe de la Bête n’a pas quitté les esprits de ces gens, je sais que les histoires circulent sur mon compte. A présent je suis leur nouvelle fable, Gugu, le bête du Gévaudan. Ainsi j’écris, m’aidant de mon esprit à présent aiguisé pour présenter les faits. Pour vous dire qui ils sont. La bête a peut-être déjà existé, mais à présent le mythe peut tomber. Ce ne sont que de piètres sorciers, mages, potionnistes, et une créature bien domptée... Que le monde le sache, même si pour moi il est trop tard. Car vous savez de quelle manière je vais finir. A présent que ma baguette s’est fendue, ne supportant pas l’attaque de son arbre-coeur auquel j’étais si profondément lié, je sais que je vais mourir. Je sais où, et comment. Dans cette maison. Ce sera un vrai carnage. La bête me dévorera le coeur car jamais je n’ai pu aimer tendrement quelque demoiselle ou demoiseau. Elle me dévorera le coeur car j’en suis déjà dépourvu. Et le sang sera lavé des murs. Et un homme arrivera, quarante-deux ans plus tard, pour acheter cette bicoque...

Car les âmes gardent la mémoire de ce qu’elles ont vécu et parce qu’elles attirent toujours le corps qu’elles habitent vers leurs souvenirs...


* J’espère que vous ne m’en voudrez pas de me jouer des consignes. Hugh n’a aucun être cher, la personne à qui il tient le plus est lui-même. Je me suis par conséquent permis de faire subir cette épreuve à son hêtre cher, dans l’espoir de passer outre.
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