AccueilPortailRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal

Harry Potter 2005 :: ~¤~ Créations personnelles ~¤~ :: Ecrits des membres :: Concours
Page 1 sur 1
[Concours RPG] Le conte hivernal - Isolde Hawkes
Isolde Momba
Isolde Momba
Gryffondor
Gryffondor
Année à Poudlard : Sixième année

Matière optionnelle : Médicomagie

Spécialité(s) : Aucune spécialité enregistrée actuellement.


[Concours RPG] Le conte hivernal - Isolde Hawkes Empty
[Concours RPG] Le conte hivernal - Isolde Hawkes
Isolde Momba, le  Sam 24 Fév - 13:39

« Un pardon sincère n’attend pas d’excuses. » Sara Paddison

Une nuée de flocons vint à nouveau s’écraser sur la vitre de la voiture. Accoudée paresseusement à la portière, un paquet de scones bien entamé sur les genoux, Isolde soupira :
— C’est bientôt terminé ? Ça fait mille ans qu’on n’avance plus.
— Je ne sais pas, chérie. Je ne suis pas Madame Irma.

Mrs Hawkes essaya d’allumer la radio, renonça en entendant le bruit blanc craché par les haut-parleurs et réarrangea ses cheveux en faisant claquer sa langue, signes manifestes de son agacement. La petite sœur d’Isolde passa la main par-dessus le siège passager avant et la plongea dans le sachet de pains briochés. Elle en enfourna un entier dans sa bouche.
— Wumpf woh wah wouh.
— Arrête, Leanne ! Tu sais quoi ? Si tu t’étouffes, ce sera bien fait pour toi.
— Dis donc, comment tu parles à ta sœur ?
— Mais c’est pas drôle et je me prends des miettes dans le cou, merci bien !
— C’est parce qu’il neige, Isotherme ! C’est l’hiveeeeer !
— Oui ben on n’a pas besoin d’un canon à neige avec tout ce qui tombe dehors.

Leanne répliqua probablement mais Isolde ne l’écoutait déjà plus. Elle avait calé son casque audio sur ses oreilles et lancé la lecture aléatoire sur son iPod. Elle regarda par la fenêtre. La petite route de campagne était ensevelie sous une épaisse couche de neige, les arbres noirs et crasseux peinaient à fendre le brouillard et quelques plaques de verglas recouvraient çà et là le bas-côté.

Le trio Hawkes était parti le matin même de Londres avec pour destination finale Édimbourg, ce qui devait initialement durer une petite dizaine d’heures en empruntant un itinéraire alternatif « parce que c’est quand même plus joli que la nationale et qu’il faut profiter des beautés que la nature a à nous offrir », dixit la mère des deux fillettes qui regrettait amèrement ce choix esthétique peu judicieux. Car les vacancières avaient à peine effectué la moitié du trajet qu’une tempête de neige s’était levée, les obligeant à ralentir avant de les empêcher définitivement de poursuivre leur route. Cela devait faire une bonne heure qu’elles étaient à l’arrêt. Bien entendu, aucune saleuse ne passerait sur ce chemin. Heureusement pour Isolde et son appétit coriace, Mrs Hawkes avait prévu bon nombre de choses à grignoter durant le voyage et s’était arrêtée à une station-service pour remplir les réserves peu de temps avant que la météo ne les immobilisât totalement. Elles se trouvaient à présent seules au milieu de nulle part, sans autres automobilistes à qui faire des grimaces ou avec qui échanger des regards désespérés.
— Soyons positives, claironna Mrs Hawkes qui tâchait de garder son calme, le chauffage fonctionne.
— Moi j’ai mal aux fesses.
— C’est parce que t’as mangé trop de scones.
— T’es bête.

Les filles continuèrent à se chamailler une quinzaine de minutes puis, lasse de ce jeu moyennement amusant, Nora leur suggéra de sortir de la voiture et de la libérer de son manteau d’hiver qui l’avait entièrement engloutie. Ravie de pouvoir se dégourdir les jambes, Isolde ne se fit pas prier et ouvrit la portière avec énergie. Un petit tas de neige s’écroula sur sa tête et sa nuque. Elle poussa un cri aigu en agitant inutilement les bras.
— Aaaah, c’est froiiiiid ! Elle fit quelques pas, appréciant sous ses pieds le son caoutchouteux de la poudreuse. Eh, il ne neige plus, en fait !
— Chouette, se réjouit Mrs Hawkes tout en consultant son téléphone. Par contre, j’ai l’impression que les températures ne vont pas bouger. La neige n’est pas près de fondre et nous de repartir.

La neige avait cessé, c’était déjà ça. Isolde crut même apercevoir un rayon de soleil à travers un nuage. Elle frotta énergiquement le pare-brise avant et dégagea l’ensemble des autres fenêtres, y compris la vitre arrière. Quand elle eut fini, elle demanda ce qu’elles allaient bien pouvoir faire à présent.
— On va pas rester bêtement ici. Maman, tu veux pas qu’on avance un peu et qu’on voie s’il y a un chalet ou un truc comme ça dans le coin ?

Sa mère acquiesça et se mit doucement en marche. Par chance, le froid n’avait pas immobilisé le véhicule dont le moteur n’avait cessé de tourner depuis le début de son stationnement forcé. Elles roulèrent au pas, scrutant les alentours à la recherche d’un témoin de l’existence d’une civilisation à proximité. Elles finirent par apercevoir une forme noire. Elles bifurquèrent à droite et s’enfoncèrent dans l’espace boisé. Quelques minutes plus tard, elles étaient devant un abri. C’était un petit chalet de deux étages plutôt sympathique, construit en dur mais recouvert de bois pour davantage se fondre dans le paysage tout en proposant une bonne isolation thermique. De la fumée s’échappait de la cheminée et un quad était garé sur le côté, sous une sorte d’auvent. Nora descendit de la voiture et alla sonner. La porte s’ouvrit sur le visage souriant d’un homme qui devait avoir une cinquantaine d’années.
— Stoppées dans votre trajet par la neige, hein ? devina-t-il.
— Oui. Nous avons été prises de court. Peut-on venir s’abriter ici ? La voiture n’est pas très grande et il fait un peu froid pour rester dehors.
— Bien sûr, entrez, entrez ! fit l’homme en ouvrant la porte.
— Vous êtes pas étonné de nous voir ? s’enquit Isolde, méfiante.
— Pas vraiment. J’ai droit à ce genre de visite presque chaque année. Des gens qui oublient de vérifier la météo avant de partir sur les routes.

Il rit. Il avait un gros rire qui lui donnait un air un peu bêta mais pas méchant. Leanne l’imita et écopa d’un regard noir de la part de sa mère « parce que c’est pas bien de se moquer, combien de fois doit-on te le répéter ? ». L’homme ne sembla pas s’en apercevoir et laissa les visiteuses entrer. Le salon respirait le moelleux. Le canapé et les fauteuils en cuir étaient de ceux, particulièrement confortables, qui permettaient de s’enfoncer avec bonheur bien au fond de l’assise. Le tapis rayé rouge et blanc absorbait les bruits de pas et faisait un bien fou aux pieds endoloris par des randonnées un peu trop sous-estimées. La table en bois, ovale, était jonchée de pièces d’un puzzle en cours de réalisation. L’homme caressa sa barbichette poivre et sel – la même couleur que ses cheveux – et se dirigea vers ce qui semblait être la cuisine. On entendit l’eau du robinet couler dans un récipient.
— Une p’tite tisane, ça vous dit ? J’étais sur le point d’en faire car ce puzzle me donne du fil à retordre et qu’un peu de tilleul, ça calme les nerfs.
— C’est vach’ment dur, votre truc ! s’exclama Leanne en attrapant une par une les pièces de l’image qu’il était encore impossible de deviner. Il y a que du noir et du gris foncé.
— Hahaha, fit le barbichu avec sa grosse voix. C’est une photo que j’ai prise l’an dernier et que j’ai fait transformer en puzzle.
— C’est une photo de quoi ?
— D’une grotte qui n’est pas très loin d’ici.

Leur hôte les invita à se débarrasser de leurs affaires et à venir s’installer autour de la table basse qui complétait le coin canapé. Il s’excusa d’avoir oublié de se présenter et remédia aussitôt à ce manque de politesse : il s’appelait Albert – il préférait Bert. Il venait ici chaque hiver et de temps en temps l’été depuis une quinzaine d’années. Comme le trio qu’il accueillait, il s’était lui-même fait prendre par la neige et était tombé par hasard sur ce qu’il appelait son « coin de paradis ». L’endroit était reposant car loin du tumulte de la vie urbaine et n’avait pas tardé à y acquérir un bout de terre et à s’y faire construire cette maisonnette. Il y avait une multitude de promenades à faire dans les environs et de belles photos à prendre. Lui-même était photographe amateur ; l’on comprenait néanmoins aux splendides panoramas affichés dans la pièce qu’il avait de nombreuses années d’expérience.
— Les puzzles m’ont permis de me concentrer sur les moindres détails que recèlent les images.
— Ouais, enfin pour votre grotte, là, rétorqua Isolde, à part du noir et du gris, on voit pas grand-chose.

Bert se leva pour aller chercher le modèle original. Leanne et Mrs Hawkes se penchèrent dessus.
— Il y a un aspect à la fois touchant et inquiétant dans votre cliché, commenta Nora. C’est une entrée noire, presque menaçante, mais quand on voit les arbres autour, similaires les uns aux autres, on ressent comme une pointe de solitude.
— Calme-toi, Maman, c’est juste un caillou avec un gros trou dedans, la railla sa plus jeune fille.
— Euh, j’suis la seule à voir l’espèce d’ombre blanche en plein milieu de la photo ? On dirait une femme.

Regards interloqués tournés vers Isolde. Silence gêné. La jeune sorcière eut un mouvement de recul. Elle détestait être ainsi dévisagée. Mettant ce sentiment désagréable de côté, elle posa l’index sur la silhouette dont les contours étaient pourtant clairement définis. Nouveau silence embarrassé.
— À part ton doigt gras à cause du beurre des scones, on voit rien.

Isolde ne comprenait pas. Elle sentit cependant qu’il était inutile d’insister. Elle poursuivit la conversation comme si cet étrange épisode ne s’était jamais produit tout en essuyant la photo avec la manche de son pull.
— On la trouve où, cette grotte ? J’aimerais bien la voir en vrai.
— Je vous y conduis demain si vous voulez ! déclara Bert le plus naturellement du monde.

L’homme se rappela aussitôt pourquoi les trois visiteuses étaient chez lui et leur proposa de rester dormir. Il y avait deux chambres à l’étage, dont une réservée aux amis et qui comportait un lit double ainsi qu’un lit d’appoint. Nora vérifia discrètement s’il était possible de verrouiller la porte uniquement de l’intérieur. C’était le cas. Elle accepta donc l’hospitalité d’Albert – elles ne pouvaient pas aller bien loin de toute façon et la voiture n’était pas faite pour qu’on y dormît.
— Merci beaucoup, dit-elle au propriétaire en lui adressant un regard reconnaissant.

La fin de l’après-midi fut consacrée à quelques jeux de société, une bataille de coussins entre Isolde et sa sœur qu’elle battit à plate couture, comme d’habitude, et à un repas autour d’une soupe de poireaux délicieusement relevée à la noix de muscade et d’une succulente tarte aux pommes. Bert était décidément d’excellente compagnie : il aimait jouer, il discutait volontiers, il était drôle, il cuisinait bien et équilibré, « parce que les hamburgers-frites qu’avalent les jeunes de nos jours, ça va cinq minutes mais c’est mauvais pour la santé ». Le quinquagénaire était bien d’accord avec Mrs Hawkes et se resservit généreusement du dessert, ce qui fit doucement rire Isolde.

On se coucha relativement tôt car tout le monde bâillait aux corneilles dès neuf heures du soir. Isolde avait eu un début de deuxième trimestre bien chargé à Poudlard et un peu de repos n’était pas de refus. Malgré sa grande fatigue, elle eut du mal à s’endormir. Chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle revoyait avec la plus grande précision la silhouette présente sur la photographie de Bert et que personne n’avait vue. Au bout d’un an et demi à côtoyer le monde sorcier, elle était sûre qu’il y avait quelque chose de magique derrière tout cela. Quelque chose. Ou quelqu’un. Elle ne sut si elle devait avoir peur mais dans tous les cas, sa curiosité avait été piquée à vif. C’est au contact désormais rassurant de sa baguette magique – car elle avait eu du mal à accepter ses pouvoirs – qu’elle finit par se détendre et plonger dans un sommeil dépourvu de rêves mais bercé par les légers ronflements de Leanne.

La Gryffondor fut la deuxième à se lever. En effet, Bert était déjà en bas lorsqu’elle arriva au pied des marches à pas de fléreur.
— Ça sent bon ! chuchota-t-elle lorsque l’odeur des crêpes vint lui chatouiller les narines.

Trop gourmande et affamée – bien que loin d’être mal nourrie, vous l’aurez compris –, elle n’attendit pas les autres pour prendre son petit déjeuner. Bert la laissa tranquille et vaqua à ses propres occupations tandis qu’elle noyait ses crêpes sous d’épaisses couches de pâte à tartiner. Elle profita de son absence pour jeter à nouveau un coup d’œil à la photographie qui était restée sur la table basse. Le halo clair avait disparu. Elle était certaine de l’avoir vu la veille. Cela lui rappela d’ailleurs les cartes des chocogrenouilles à collectionner ; parfois, la célébrité apparaissait, parfois elle ne se montrait pas.

Quand tout le monde fut prêt, chaudement vêtu, bonnets bien en place, manteaux fermés, gants enfilés… Leanne eut une furieuse envie de se moucher. Elle dut retirer bon nombre de ses couches de vêtements puis les remettre une fois l’opération effectuée. Cela prit au moins deux heures – deux heures sur l’échelle isoldienne, c’est-à-dire une minute quinze à tout casser. Il avait de nouveau neigé la nuit car la voiture était toute blanche. Mais ce matin-là, malgré la température négative, le soleil brillait. Les marcheurs en étaient tout éblouis mais tout le monde était heureux de se promener. Le chemin était étonnamment silencieux car les oiseaux étaient sans doute occupés à siffloter dans des endroits plus doux. Néanmoins, ce silence avait quelque chose d’agréable. Isolde savait apprécier le calme. Elle le trouvait réconfortant ; elle aimait écouter sa propre respiration et cherchait à distinguer les battements de son cœur. Si le silence faisait peur et signifiait inconsciemment la mort pour beaucoup, il était pour Isolde le meilleur moyen de se sentir en vie, de s’entendre respirer et non plus se faire avaler par l’assourdissant tumulte de la ville et des gens. L’écoulement du petit ruisseau qu’ils longeaient avait lui-même une sonorité feutrée en raison de la très fine glace qui le recouvrait. Quant aux arbres, ils étaient grêles et nus mais paraissaient danser. Les ombres qui se dessinaient sur le sol développaient cette chorégraphie de branches mêlées.

Le groupe était mené par Bert qui rapportait, au fil de la promenade, un tas d’informations étonnantes sur les plantes qu’il avait vues, les animaux qu’il avait croisés durant ses longues randonnées. Cet amoureux de la nature ne paraissait nullement affecté par la solitude. Il semblait pourtant aimer les gens et apprécier leur compagnie.
— Parfois, on ressent le besoin de se couper du monde, expliqua-t-il lorsque l’enfant de douze ans l’interrogea. Je ne deviens pas misanthrope pour autant. C’est juste… Depuis le… départ de ma femme, la vie en société n’a plus le même goût. Mais j’ai beaucoup appris de la solitude.

Le départ ? L’homme avait étrangement insisté sur ce mot. Son épouse l’avait-elle quitté ou était-elle morte ? L’expression « départ » trahissait dans tous les cas une certaine tristesse que Bert semblait avoir finalement surmontée. Isolde se tourna imperceptiblement vers sa mère qui haussa les épaules avec un peu moins de discrétion que sa fille aînée. Heureusement, le photographe regardait ailleurs ; ses yeux étaient perdus dans le vague.

Personne n’eut le temps de se poser davantage de questions car la petite troupe arrivait devant la grotte. Malgré neige, l’entrée était encore visible. Isolde resta quelques instants en retrait tandis que les autres commençaient à entrer. En dépit du soleil, en dépit des jolies ombres des arbres, en dépit du lointain clapotis de l’eau, la sorcière ressentit une grande tristesse. Elle n’était pourtant pas malheureuse à ce moment précis. Au contraire ; hormis cette histoire de photographie qui l’avait troublée, elle était bien dans ses bottes et se réjouissait de passer du temps dans cet endroit en quelque sorte secret plutôt que de visiter Édimbourg à s’en faire mal aux pieds.

Quand elle fut revenue de ce moment d’étrange torpeur, les autres avaient disparu de son champ de vision. Elle voulut les rejoindre. Elle sentait sa baguette à travers la veste de ski et fut tentée d’utiliser un sortilège pour éclairer son chemin. Mais Bert étant probablement un moldu, il était risqué de faire usage de la magie – pour ce qui était de l’interdiction, elle s’en moquait. La préadolescente se contenta d’appeler :
— Vous êtes où ? Maman, Leanne ? Vous m’entendez ?

Silence. Sa voix fut immédiatement absorbée par le lichen et la mousse qui ornaient les murs. Elle s’enfonça plus avant et décida finalement de lancer un #lumos pour y voir plus clair. Plus elle avançait, plus elle se sentait accablée ; non parce qu’elle était loin du groupe – enfant, elle se perdait régulièrement dans les magasins –, mais parce que. Elle ne put se l’expliquer. Son abattement était tel qu’elle manqua d’éclater en sanglots. Elle secoua la tête et se ressaisit.

En face d’elle : deux chemins. Sérieusement ? Et les autres ne pouvaient pas l’attendre à cet embranchement ? Elle choisit évidemment l’autre couloir que celui emprunté par Bert, Nora et Leanne – sinon cette histoire aurait eu un côté moins dramatique. Éclairée par sa baguette, la deuxième année peinait à avancer. Les larmes l’empêchaient de voir correctement. Quand elle n’en put plus, l’aventurière solitaire fit demi-tour et se précipita vers la sortie. Une voix de femme, très faible et très lointaine, parvint à peine à ses oreilles :
— Ne pars pas.

Croyant avoir des hallucinations, Isolde ne se retourna pas, accéléra et sortit. Les autres l’attendaient dehors.
— Ben alors, t’étais où ? demanda sa sœur.
— T’étais où vous, pas moi ! répondit-elle en s’essuyant les yeux.
— T’as pleuré ? Haaaaan, Isopode elle a pleuréééé !

Oui, le seul éclair de génie de Leanne avait été de regarder dans le dictionnaire tous les mots commençant par « iso- » afin de mieux embêter la lionçonne. Celle-ci, agacée, n’eut d’autre choix que d’envoyer une boule de neige sur sa peste de sœur. Ce geste suffit à détourner son attention. S’engagea entre elles un redoutable duel qu’Isolde perdit, contre toute attente. Même Leanne en fut étonnée, mais du haut de ses dix ans, elle n’osa pas demander pourquoi – il faut dire aussi qu’elle était bien contente d’avoir remporté cette manche. La jeune sorcière se laissa porter le reste de la promenade ; elle était ailleurs. Mrs Hawkes était cependant bien trop occupée à écouter les anecdotes de Bert pour constater le changement d’humeur pourtant remarquable de sa fille. Ou bien elle se dit que les hormones étaient à l’œuvre et qu’il valait mieux ne pas l’importuner.

Isolde avait retrouvé de sa contenance quand ils rentrèrent au chalet. La sorcière avait décidé qu’elle retournerait dans cet antre. Seule. Ou du moins, sans personne d’extérieur. Elle avait l’étrange intuition qu’une créature habitait les lieux et cherchait à être écoutée. Elle voulait en avoir le cœur net, quitte à le faire en pleine nuit.

Elle se coucha plus tôt encore ce soir-là et se réveilla quelques heures après. Mrs Hawkes et Leanne avaient regagné la chambre et dormaient profondément. Isolde récupéra les vêtements qu’elle avait laissés en tas à ses pieds et quitta la pièce sans le moindre bruit. Elle descendit et s’habilla dans la salle de bains, non sans batailler avec son collant dont elle ne savait jamais dans quel sens elle devait l’enfiler. Elle fut enfin prête, sortit de la maison et referma la porte aussi silencieusement que le léger grincement le lui permit.

Par chance, il n’avait pas neigé depuis la nuit précédente. Elle suivit donc aisément les traces de pas qui la conduisirent bientôt jusqu’à la grotte. Il faisait très froid mais l’excitation était telle qu’elle n’en ressentit pas les effets. En revanche, plus elle marchait, plus elle se sentait triste. Ça recommençait. Elle avait cependant réfléchi à ce problème et consulté son grimoire avant d’aller au lit. Il n’était plus le temps d’être une sorcière médiocre. Elle devait y arriver. Respirant profondément, ravalant ses larmes, elle pointa sa baguette vers elle et articula :
#Anatrista allegro.

Le sentiment de tristesse s’atténua fortement, en conflit avec une joie intense qui tentait d’occuper l’espace psychique de la préadolescente. En conséquence, Isolde se sentit légèrement triste, mais c’était devenu supportable. Elle espéra que le sortilège ferait effet suffisamment longtemps.

À mesure qu’elle progressait dans le labyrinthe, les questions se bousculaient dans son esprit : pourquoi avait-elle été la seule à voir cette silhouette sur la photographie ? d’où lui venaient cette humeur déprimée et ces accès de larmes ? comment avait-elle pu se laisser si facilement distancer par les autres et se retrouver soudainement toute seule dans ce satané rocher creux ? y avait-il une personne ou une créature magique qui vivait là ?
— Tu es revenue.

Isolde s’arrêta net et tenta de voir d’où provenait cette voix aussi douce que désolée. Elle semblait occuper l’ensemble de la grotte et venir de nulle part et partout à la fois.
— Vous êtes la dame de la photo ? l’interrogea bravement la petite lionne.
— La photo ?
— Bert a pris une photo de la grotte et je vous ai vue dessus. Puis vous avez disparu quand j’ai voulu revérifier.
— Bert…

Une vague de désespoir s’empara des lieux. Le lichen et la mousse flétrirent dans un bruit sec et cassant. Isolde ne parvenait plus à articuler le moindre mot tant cette tristesse était grande. Elle laissa cependant les larmes couler. Elle sentit qu’elle devait le faire. Ses sanglots se mêlèrent ainsi à ceux de la voix. Une silhouette froide et transparente traversa l’une des parois. C’était un fantôme, à n’en pas douter. Une femme d’une quarantaine d’années, cheveux sombres, pommettes saillantes, nez aquilin et regard terriblement mélancolique. Habituée à la présence de ces humains opalescents qui circulaient à Poudlard, Isolde s’approcha d’elle sans crainte.
— Pourquoi vous êtes triste ? Vous connaissez Bert ?
— Plus que ça. Je l’ai aimé. Intensément. Et puis un jour, ça s’est arrêté.
— Il vous a quittée ?
— Non, mais j’aurais préféré car il aurait moins souffert. C’est moi qui suis partie. Je ne l’ai plus aimé. D’un seul coup. J’ignore pourquoi. Je me sentais accablée, je m’en voulais car tout avait été toujours parfait, mais plus je luttais, plus j’étais déprimée. J’avais l’impression qu’un détraqueur me possédait. Un jour, j’ai provoqué une dispute. Pour pouvoir partir. Pour qu’il me déteste et qu’il souhaite mon départ. Pause. Et puis… Je suis sortie du chalet. C’est bête, mais j’ai trébuché sur une plaque de verglas. Le coup a été fatal mais j’ai tout juste eu le temps de m’accrocher à un lambeau de tendresse avant de mourir.
— Et maintenant vous êtes…
— … un fantôme, oui. N’ayons pas peur des mots.
— En tout cas vous êtes là.
— Je suis là sans être là. J’imagine que c’est comme sur la photographie dont tu parles. J’erre entre l’ombre et la lumière, dans un état de demi-mort. J’ignore qui, de la vie ou de moi, s’accroche à l’autre.
— Mais Bert, il vous voit pas ?
— Hélas non. Les moldus ignorent l’existence des fantômes.
— Vous lui avez jamais dit que vous étiez une sorcière ?
— À quoi bon ? Je n’aimais pas la magie et je refusais qu’il y ait la moindre différence entre nous.
— Je crois que la magie a fini par vous rattraper.
— Et puis, visiblement, mon prénom m’a porté malheur. Evannah.

La femme évanescente soupira. Isolde ne savait pas quoi dire. Elle n’avait jamais été bavarde avec les inconnus et encore moins prête à tenir des conversations aussi sérieuses.
— C’est quoi un détraqueur ?
— Une créature mauvaise qui se nourrit de joie humaine et qui répand la désolation autour d’elle.
— Ah ouais, sympa, commenta Isolde. Alors je sais pas pourquoi j’ai été si triste, enfin, pourquoi j’ai ressenti votre tristesse, mais vous avez pas l’air mauvaise. Et pas sûr non plus que vous mangiez de la joie.
— D’ordinaire, les fantômes jettent littéralement un froid autour d’eux.
— Ben là, avec l’hiver, c’est dur à sentir !

Un sourire naquit sur les lèvres d’Evannah avant de disparaître.
— J’aimerais tant lui parler… Lui dire à quel point je suis désolée. Que je ne voulais pas l’abandonner.
— Vous savez… Vraiment, ne le prenez pas mal, mais… Bert a l’air en paix. Je sais pas comment il a fait parce que moi j’aurais tout brûlé autour de moi. Mon nez aurait saigné, saigné – parce que parfois, quand je ressens une émotion très forte, je saigne du nez. Mais Bert, non. Il prend des photos, il fait des puzzles… Bon, il aime bien être tout seul parfois, mais ça arrive à tout le monde. Bert, il aime la nature, il l’observe, il la respecte. Il aime les gens. Moi je pense qu’il a compris, qu’il vous a pardonnée et qu’il a appris à vivre par-delà votre mort. Et je dis pas ça parce que ma sœur adore les histoires qui se terminent bien.

Isolde n’avait jamais autant parlé d’un coup ! Elle se félicita de tant de verve. Plus important encore, la tristesse d’Evannah semblait se dissiper. La scène était néanmoins troublante : d’ordinaire, ce sont les vivants que l’on console. Il est vrai que la magie permet bien des choses.

Lorsqu’elle se tourna vers la femme, celle-ci semblait plus vaporeuse. Le contour de sa silhouette était moins marqué. Isolde distinguait cependant clairement le visage d’Evannah qui s’était paré d’un magnifique sourire et d’yeux rieurs.
— Le premier truc que vous m’avez dit, c’est « Ne pars pas ». Isolde formula alors la phrase qu’Evannah attendait depuis tout ce temps : Moi, je vous dis « Partez ». Vous avez le droit de partir. C’est pas une vie, ça. Enfin, une mort… Bref, vous saisissez. Ne soyez pas dure avec vous-même. Bert vous a pas oubliée mais il est pas fâché. Il n’a plus mal. Je le sais au goût de ses crêpes.

La grotte s’obscurcit dans un éclat de rire. Isolde était seule. Evannah avait achevé son évanescence. Un sentiment paisible flottait dans l’air. Même s’il faisait drôlement froid, tout à coup ! La préadolescente réajusta son bonnet et, aidée par la lumière de sa baguette, regagna la sortie sans la moindre difficulté. À vrai dire, il semblait n’y avoir plus aucun méandre dans cette grotte qui paraissait si labyrinthique quelques minutes plus tôt.

Isolde regagna le chalet au pas de course car elle commençait à ne plus sentir ses orteils. Quand elle ouvrit la porte, elle fut surprise de trouver Bert dans le salon, assis à la table. Il regarda dans sa direction, lui-même étonné de la voir là.
— J’arrivais pas à dormir alors j’ai fait un tour dehors. S’il vous plaît, dites rien à ma mère…

Bert lui sourit et fit mine de sceller ses lèvres. La jeune fille soupira avec soulagement et s’approcha de la table. Le puzzle était presque achevé. Elle prit une chaise et s’assit. L’homme lui proposa de participer mais elle déclina. Elle n’avait plus de fragments à rassembler. Une demi-heure plus tard, l’image était enfin reconstituée. Bert observa la photo. Il était sûrement en train de capturer le moindre détail.
— Elle est très jolie.

Le photographe l’aimait beaucoup, lui aussi. Il resta encore quelques instants à contempler le puzzle puis s’apprêtait à ranger la boîte lorsqu’il tendit la main pour attraper quelque chose.
— Tiens, ils ont fait une erreur en confectionnant ce puzzle. Il y a une pièce en plus. Toute blanche.

Isolde afficha un sourire sibyllin que Bert ne put évidemment pas déchiffrer. Elle répondit simplement en haussant les épaules :
— Gardez-la. On sait jamais.
Page 1 sur 1

 [Concours RPG] Le conte hivernal - Isolde Hawkes


Permission de ce forum:Vous pouvez 
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Harry Potter 2005 :: ~¤~ Créations personnelles ~¤~ :: Ecrits des membres :: Concours-

L'univers d'Harry Potter est la propriété de la Warner Bros ainsi que de J.K Rowling.
Tous droits réservés sur ce site ©Copyright Bureau RPG.