[Concours RPG] Il était une fois - Rikka M. Bennett

Il était une fois...
~ concours RPG ~

Il y avait en France un château majestueux, trônant au milieu d'un lac dont la surface était aussi lisse que le miroir. Son reflet était en tout point identique, tant et si bien qu'on avait l'impression de ne pas savoir où commençait l'un et où s'arrêtait l'autre. C'était un château tout ce qu'il y avait de plus classique, avec ses hautes tours et ses grosses pierres. Mais ce qui faisait sa particularité était ses deux uniques habitants. Son propriétaire, un vieux comte reclus et charismatique, vivait là depuis toujours. Il n'avait aucun serviteur, les ayant tous renvoyés voilà bien des années. Seule une jeune fille, au teint de lait, aux yeux bleus comme le ciel d'été et aux cheveux chocolat, partageait sa demeure. Ce n'était ni sa femme, ni sa fille, ni petite-fille, ni son amante, ni même sa prisonnière. Tout le monde dans les villages alentours se demandait quelle était la nature de leur relation mais se gardait bien de poser des questions.

Car le vieux comte n'était pas un homme à qui l'on posait des questions. Il ne sortait que rarement de son château, utilisant sa barque enchantée, et ne sortait que la nuit, seul. Bien des personnes avaient essayé de découvrir où il allait et ce qu'il faisait, le guettant dans les bois pour le suivre. Mais jamais elles n'étaient parvenues à leurs fins, le perdant de vue au détour d'un buisson. Si quelqu'un avait la chance de le croiser ou même de lui adresser la parole, il n'aurait hélas rien à se mettre sous la dent. Ainsi, le vieux comte demeurait un mystère aux yeux de tous.

Ce qui amena la curiosité d'un homme étrange, un sorcier qui parcourait le monde à la recherche d'objets rares. En arrivant dans la région de France où se situait le château, il avait entendu parler de ce vieux comte mystérieux et partit donc à sa découverte. Il mena l'enquête dans tous les villages mais aucun habitant ne put lui être utile. Il se retrouva bien embêté, persuadé que le propriétaire du château cachait un secret, voire un trésor. Et pour un chasseur de trésors, ce mystère lui éveillait l'appétit. Aussi, rusé comme un serpent, l'homme étrange concocta un moyen d'entrer dans la grande demeure. Il se trouvait que l'individu en question possédait une relique très rare lui permettant de rester invisible aux yeux de tous ; un outil précieux.

Il attendit plusieurs jours à la lisière du lac, guettant l'instant où le vieux comte sortirait de son château. Le jour arrivé, l'homme mystérieux revêtit sa Cape d'Invisibilité et le suivit dans sa promenade, sans la crainte d'être vu. Hélas pour lui, il le perdit de vue derrière un arbre, comme tous les autres avant lui. Son subterfuge n'avait pas fonctionné comme il l'espérait, pour sa plus grande colère. Fulminant, le sorcier retourna à son point d'observation et contempla la barque enchantée. Il eut la bonne idée d'y embraquer et d'attendre le retour du comte, une heure plus tard.

Sans se rendre compte de rien, le vieil homme retourna dans son château, les bras pleins de victuailles. Où il les avaient dénichées, personne n'en savait rien. Il partait, disparaissait et revenait chargé, comme par magie. Le comte s'installa dans les cuisines du château et commença à préparer le petit déjeuner pour la jeune fille qui dormait encore dans son lit. Ignorant tous ces détails, l'homme mystérieux entreprit d'explorer l'édifice, toujours caché par son objet magique. Il visita les caves, les cachots, les tours, et toutes les pièces. Il ne découvrit rien de suspect ni aucun trésor gardé précieusement. Dans la tour est, il rencontra la jeune fille, la belle endormie.

Il tomba immédiatement amoureux et sut qu'il ne pourrait plus jamais vivre sans elle. Afin de gagner son affection, le sorcier puisa dans ses connaissances pour trouver un stratagème sans l'effrayer. Il y avait bien un moyen mais c'était une opération risquée. La métamorphose humaine en animal domestique, pour l'amadouer. Il était un sorcier puissant mais en était-il capable ? Pour le savoir, il n'avait qu'un seul moyen : essayer. Ainsi, à l'abri de tous sous un buisson du jardin du château, l'homme étrange utilisa sa magie pour se transformer... en chat noir.

Ainsi débuta la danse de l'amour. Le sorcier métamorphosé partit à la rencontre de la jeune fille. Celle-ci aimait bien les animaux, en particulier les chats, et appréciait passer du temps avec ceux qui rôdaient dans le jardin. D'habitude, les petits félins n'étaient pas trop intrusifs. Celui-là, ce minou aussi noir que l'ébène, était particulièrement friand de caresses et d'attention. L'homme étrange la vit sous cette forme durant plusieurs jours, plusieurs semaines. La jeune fille se révéla être aussi douce que sa peau et profondément empathique. Elle confia à son nouvel ami que le comte était un vieil homme grognon mais très gentil et aimant. Le chat avait bien du mal à croire ces dires car il ne voyait le comte que comme un vieillard patibulaire.

Une nuit, alors qu'il sentait la confiance grandissante de la jeune fille, l'homme étrange rompit sa métamorphose en sa présence. Il n'était pas sûr de sa réaction mais ne pas pouvoir toucher sa bien-aimée lui était douloureux. Bien entendu, l'innocente le repoussa. Du moins au début. Cet étranger qui pouvait se changer en chat semblait doux, avec une voix d'ange. Il lui parlait doucement et lui comptait de belles histoires sur des contrées lointaines qu'elle consigna dans un livre. Au fil du temps, la jeune fille apprit à aimer ce sorcier-chat. La journée, il se montrait sous sa forme féline, tandis que la nuit il se montrait sous son apparence humaine et lui parlait pendant des heures jusqu'à ce qu'elle s'endorme.

Leur histoire dura ainsi quelques temps, quelques mois. Jusqu'à ce que la jeune fille succombe au charme charnel de son bien-aimé. Ils passèrent une nuit d'amour pur et se quittèrent, comme chaque matin, humaine et chat. Mais cette fois-ci, quelque chose avait changé. Ils étaient épris d'amour. Ce qui n'échappa pas au vieux comte, qui découvrit toute l'histoire. Il n'était pas bête, loin de là, et avait déjà repéré le chat noir. Aussi, lorsqu'il surprit l'homme étrange, il le chassa loin du château, laissant la jeune fille effondrée de chagrin. Cependant, le sorcier jura qu'il reviendrait un jour se venger. Pour faire bonne figure, le comte fouilla la chambre de la jeune fille et trouva le livre où étaient écrites les aventures de son amant. Il brûla le livre, réduisant en cendres son lien avec elle.

Des mois se passèrent, les saisons se succédèrent et le ventre de la jeune fille s'arrondit. Une nuit d'amour avait suffi à ce qu'une graine soit plantée. La future mère chérissait ce petit être en croissance, lui parlant doucement et lui racontant toutes les histoires que lui avait racontées son amant. Le vieux comte voyait cette naissance comme de mauvaise augure mais son affection pour la jeune fille, qui lui en voulait toujours, lui broyait le cœur. Alors, en secret, il se mit à chercher l'homme étrange. Celui-ci était à mille lieues mais entendit l'appel du vieil homme. Il accourut jusqu'au château, chargé de cadeaux.

Mais il arrivait trop tard. La jeune fille venait de mettre au monde un fils, et par le plus grand des malheurs, était mourante. Le sorcier ne put que prendre la main de sa dulcinée et de la voir sourire une dernière fois avant que celle-ci ne succombe. Dans les bras du vieil homme, un bébé gigotait. Lentement, l'homme étrange s'approcha de lui et posa le jouet qu'il avait apporté sur le ventre du nouveau-né. C'était un chat fait de métal, qui ne pouvait pas blesser ni se briser. Il l'avait fabriqué en symbole de leur amour, à l'image de ce petit être né de leur union. Le comte déposa l'enfant dans le berceau qu'il avait construit en surprise pour la jeune fille et sortit.

L'homme étrange resta un moment auprès de sa défunte aimée et de son fils endormi, le chat en métal veillant sur lui. Il sortit à son tour, accablé par le chagrin, et monta au sommet de la tour. Il y découvrit un chat gris à poils longs, majestueux. L'impulsion du moment le fit se métamorphoser en le chat noir de sa dulcinée. Le félin se posa à côté du vieux matou et ils échangèrent un long regard. Chacun avait la tristesse au fond des yeux. Ensemble, ils contemplèrent l'horizon. Le soleil se couchait par-dessous le lac et la forêt, en même temps sur la femme qu'ils avaient aimée.

Précisions temporelles: