AccueilPortailRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
-14%
Le deal à ne pas rater :
Apple MacBook Air (2020) 13,3″ Puce Apple M1 – RAM 8Go/SSD 256Go
799 € 930 €
Voir le deal

Harry Potter 2005 :: ~¤~ Créations personnelles ~¤~ :: Ecrits des membres :: Concours
Page 1 sur 1
[Concours RPG] Il était une fois - Aysha Brayd
Aysha Brayd
Aysha Brayd
Serdaigle
Serdaigle
Année à Poudlard : Septième année

Matière optionnelle : Médicomagie

Spécialité(s) : Permis de Transplanage


[Concours RPG] Il était une fois - Aysha Brayd Empty
[Concours RPG] Il était une fois - Aysha Brayd
Aysha Brayd, le  Jeu 9 Aoû - 17:41

Images choisies :
• Une jeune fille ( Jane )
• Un vieil homme ( le fabricant de parapluies )
• Un homme étrange ( le frère )
• Un chat noir

• Une rue mondaine

• Brûler un livre ( le cahier de l'homme )

• Un jouet ( l'ours en fer )

Total : 7 images


Le doux crépitement de l'innocence



24 995 caractères à partir d'ici


Au cœur de l'effervescence qui anime la capitale anglaise, le pas prudent de Jane dénote. Elle marche avec patience, tous les sens aux aguets. Elle écoute attentivement chaque bruit, et tente de faire le tri dans le brouhaha ambiant et incessant. Parfois, ses doigts tendus effleurent un poteau, une borne de béton ou un lampadaire, alors elle s’y accroche furtivement, une seconde pour s’assurer qu’elle n’est pas en train de s’enfoncer dans un gouffre béant. Lorsqu’elle parcourt ainsi les rues pleines de monde, elle attrape des bribes de conversation, écoute les pas qui tracent leur route sur le bitume. C’est tout un monde de sons qui s’offre à ses oreilles. Il faut dire qu’elle a dû rajouter du poids de l’autre côté de la balance depuis ce jour là. Elle s’est surtout mise à entendre de nouvelles choses, à percevoir le monde d’une façon inédite. Et c’est lorsqu’elle a enfin pu dépasser l’angoisse et le désespoir que lui inspiraient sa perte immense qu’elle a pris conscience du potentiel nouveau de tous ses autres sens. Il lui a fallu du temps, pour s’habituer à ne plus voir. Mais elle a réussi à combler - au moins un peu - ce vide. Elle ose à nouveau sortir, marcher, courir même, parfois. Et danser. Car désormais elle entend toutes les subtilités de la musique.

Ce jour là elle marche dans des rues qu’elle connaît. Elle se déplace avec prudence comme une araignée sur sa toile. Puis elle bifurque sur la gauche, où elle a entendu le bruit caractéristique d’une rue vide, ce silence troublé par le vent, les canettes qui roulent sur le sol. C’est comme plonger la tête dans une baignoire remplie d’eau : tout se trouble, elle n’entend plus que son coeur qui bat dans ses oreilles, le bruit de ses propres pas et le son, lointain, du tumulte de la ville. Elle ralentit légèrement. Elle tend le bras et laisse courir ses doigts sur le mur, qu’elle imagine gris et sale. Elle avance doucement et son pied bute dans ce qui doit être un carton vide, posé là dans la ruelle. Jane imagine sans peine le type de rue dans laquelle elle se trouve. Elle connaît Londres comme sa poche et a eu, pendant des années, le loisir de la voir. Elle regrette parfois de ne pas l’avoir observée davantage. Désormais, qu’elle ne peut plus rien en voir, elle rêve d’en détailler la silhouette. Puis une odeur, portée par le vent, vient danser jusqu’à ses narines. Il va pleuvoir. Elle reconnaît cette odeur caractéristique, celle de la pluie d’été qui viendra bientôt tremper l"asphalte et rafraîchir l’air lourd. Et elle n’a pas à attendre longtemps. Avec un bruit presque inaudible, une goutte vient s’écraser sur son nez. Puis une autre, et bientôt le sol crépite, et Jane lève la tête. Elle laisse la pluie glisser sur son visage, tremper ses cheveux et s’insinuer sous ses paupières. Elle entrouvre les lèvres et laisse les gouttelettes froides pénétrer dans sa gorge. Puis, décidant qu’il n’est jamais bon pour une aveugle de se retrouver ainsi, frigorifiée et seule dans une rue déserte, elle se remet à marcher,  en quête d’un endroit où s’abriter. A travers l’averse qui martèle le sol elle distingue des pas légers et souples, qui avancent rapidement avec la légèreté d’un chat, et elle se met à les suivre, pressant le pas à son tour, manquant de trébucher sur un pavé déchaussé. Elle entend les pas qui bifurquent sur leur droite, puis le bruit grinçant d’une porte qu’on ouvre, d’une cloche et les pas se taisent soudain. Jane se redresse, trempée, et tend un bras. Bientôt sa main entre en contact avec un tube de métal froid et dégoulinant de pluie et elle pousse la porte qui y est accrochée. La cloche sonne une seconde fois et Jane entre dans cette échoppe dont elle ne connaît pas la nature. Lorsque la porte se referme, le bruit de la pluie se fait plus sourd, et elle respire enfin, prenant conscience de ses vêtements lourds et gorgés d’eau. Le chat a dû se réfugier dans un coin de la pièce.

- Excusez-moi ?

Le silence lui répond. Elle s’avance doucement. Il y a quelques mois de cela, se trouver dans un endroit dont elle était incapable de déterminer la nature l’aurait terrifiée. Mais elle s’est habituée à cette situation désormais.

- Il y a quelqu’un ?

Cette fois encore, personne ne lui répond. Jane tend le bras à la recherche d’un objet quelconque qui se révélerait au contact de ses doigts. Elle se heurte à un comptoir et se tourne légèrement. Enfin, un tissu glisse sous ses doigts et elle agrippe l’objet, lourd et familier. L’anglaise glisse sa main entre les plis, sur le manche doux et vernis, sur le bouton poussoir à la base de la canne, celui qui a le pouvoir de faire éclore cette grande fleur de tissu. Elle retourne le parapluie, le soupèse et tente d’en imaginer la couleur ou le motif, puis le repose sur son crochet de fer avant de s’aventurer plus loin, suivant le mur comme une trame sans cesser de palper d’autres parapluies, des dizaines de parapluies. Une voix rauque l’arrache à sa contemplation.

- Je peux vous aider ?

La voix, masculine est marquée par le temps, et l’on se figure sans peine l’homme à qui elle appartient. Jane se retourne précipitamment. Elle ajuste ses lunettes, passe une mèche de cheveux dégoulinante derrière son épaule avant de répondre.

- Pardon. J’avais appelé mais personne ne m’a répondu.

Elle se tait un instant. Puis elle reprend :

- Est-ce que vous vendez seulement des parapluies ?

L’homme semble hésiter. Le ton de la voix est toujours révélateur mais les expressions du visage le sont encore plus. C’est peut-être cela, qui manque le plus cruellement à Jane : Pouvoir cerner son interlocuteur en observant ses traits. Mais l’intonation de l’homme, lorsqu’il répond enfin, ne laisse aucun doute quand à son état d’esprit. Il prend une voix amusée.

- Non mademoiselle, je ne fais pas que les vendre ! Je les fabrique. Depuis cinquante ans maintenant.

- C’est drôle, s’étonne Jane, que je tombe sur un fabricant de parapluie alors même que je cherchais à fuir une averse. Est-ce que vous apparaissez à ceux qui en ont besoin, les jours de pluie ?

C’est plus une rêverie qu’une véritable question. D’ailleurs, le vieil homme ne répond pas, et se contente d'un rire.

- C’est un chat qui m’a amenée ici. Il est à vous ?

- Non, c’est un chat qui rôde souvent par ici. Je crois qu’il a trouvé un refuge confortable dans mon grenier.

Jane hoche la tête. Il lui semble ne pas pouvoir arracher ses doigts à leur contemplation tactile. L’atmosphère du lieu est étrange. Les bruits sont comme assourdis par les multiples plans de tissus des parapluies qui recouvrent les murs. Une odeur de bois emplit la pièce exigüe. Le silence semble pouvoir s’installer à chaque instant, il s’insinue dans tous les interstices, chaque fois que la phrase se termine dans un souffle. Jane écoute et sent. Puis elle entend le parquet craquer légèrement et relève la tête vers  le vieil homme.

- Vous pouvez rester abritée ici le temps que la pluie se calme si vous voulez. Si vous me cherchez je suis dans mon atelier.

Jane hoche la tête. Les gens ont tendance à oublier qu’elle ne voit pas, sans doute par crainte ou maladresse. Elle écoute les bruits des pas de l’homme qui s’éloignent et cherche le comptoir à tâtons. Elle s’y adosse. Elle a presque oublié la pluie qui résonne sourdement. Si elle se concentre cependant, elle peut sentir les murs et le comptoir vibrer légèrement. Elle sort sa baguette de sa poche et sèche ses vêtements et ses cheveux. Puis elle sent un frottement humide sur ses jambes et un miaulement discret s’échappe du sol, à ses pieds. Elle se baisse, sa main caresse un instant le pelage mouillé du chat qui l’a conduite jusqu’à son refuge. Elle voudrait en connaître la couleur. Elle l’imagine brun ou roux, et envisage un instant d’aller demander au vieil homme de lui apporter une réponse, mais renonce. Rester dans l’ignorance des couleurs est devenu son quotidien.

Soudain, elle sent le pelage se dérober sous sa main et la queue féline glisser entre ses doigts. Elle se lance à la poursuite du chat. Puis le bout de sa chaussure bute contre une marche de bois et elle s’étale de tout son long dans des escaliers. Les genoux douloureux, le visage grimaçant, elle se relève et écoute. Mais de toute évidence, le chat s’est engagé dans l’escalier. Jane hésite un instant, inexorablement attirée par le chat. Jane ne croit pas au destin. Mais elle croit aux hasards heureux. Alors elle s’engage à la suite de l’animal, en direction du fameux grenier. A mesure qu’elle encaisse les marches, les sons provenant du grenier se font plus distincts. Des pas lourds qui, de toute évidence, ne sont pas ceux du chat. Arrivée en haut de l’escalier, elle hésite à nouveau. Il y a quelqu’un dans ce grenier. Il y a même plusieurs personnes, à en croire les respirations haletantes. Mais elle a à peine le temps de faire volte face.

- Jane… On t’attendait.

Jane se retourne, surprise. Elle ne connaît pas cette voix. Pourtant, on peut dire que depuis quelques temps elle a la mémoire des voix, à défaut d’avoir celle des visages. Elle pousse la porte, plongée dans l’inconnu le plus profond.

- N’aies pas peur, approche…

Mais la voix dit tout le contraire. Elle est froide, ironique. Les pas résonnent à nouveau sur le parquet et une main puissante agrippe son bras. Jane est poussée vers l’avant et se heurte à un corps immobile. Une corde fouette son poignet et s’y enroule avant de le contraindre à se replier dans son dos, emprisonnant son second poignet. La jeune femme sent la peur monter brusquement dans sa poitrine. L’homme, puisque ce doit être un homme, jeune, se remet à marcher, et prononce une incantation. Un bruit sourd, comme un coup de fouet, résonne dans l’air et le corps à côté d’elle s’agite soudain.

- Jane !

Cette voix-là, Jane la reconnaît immédiatement. Ainsi que celle qui suit.

- Sean ? Will ? Qu’est-ce que… ?

Cela fait plus d’un an qu’elle n’a pas entendu leurs voix. Une idée folle lui vient soudain en sentant l’épaule appuyée contre la sienne.

- Anna ?

Seul un gémissement craintif lui répond mais elle reconnaît là encore la voix de son amie. La peur laisse bientôt place à l’incompréhension. Le hasard est trop grand pour en être un. Se retrouver ainsi aux côtés de ses trois amis d’enfances, qu’elle n’a pas revus depuis plus d’un an... D’ailleurs il y a des signes qui lui hurlent que non, ça n’est pas un hasard. La présence pensante de l’homme, les cordes qui lui irritent les poignets. Un tas de questions se bousculent dans sa tête mais Jane ne dit rien. Elle voudrait pouvoir voir  l’état de ses anciens amis, voir l’endroit dans lequel elle se trouve, voir le regard de l’homme qui l’a attachée.

- Émouvantes retrouvailles.

L’homme s’est remis à marcher, tout près d’eux. Elle sent l’épaule d’Anna qui tressaute contre la sienne, et un léger hoquet, comme un sanglot. Elle entend le souffle de Will, légèrement saccadé. Sean a toujours été le plus fort des quatre. Elle l’imagine, bien droit, défiant l'homme du regard. Elle a toujours pensé que Sean n’a jamais peur. Qu’il n’a aucune faiblesse. D’ailleurs Sean était le leader improvisé de leur petit groupe, à l’époque. Avec lui, Jane se sentait en sécurité.

- Allez-y, maintenant que tout le monde est là. Qu’est-ce que vous nous voulez ?

Sans surprise, c’est Sean qui a parlé. Will et Anna semblent s’être enfoncés dans un mutisme nouveau. Un bruit de métal résonne soudain dans la pièce. Aucun gémissement ne s’échappe de la bouche d’Anna à côté d’elle, et Jane en conclut que l’homme n’a rien fait de terrifiant. Sa voix s'élève à nouveau dans le grenier silencieux.

- Vous savez ce que c’est ?

Il se rapproche du quatuor et semble marcher devant lui d’un pas lourd. Bientôt, Jane sent son souffle sur son visage, souffle chaud et puissant. Puis il s'arrête devant elle, immobile. Après un instant de silence, il renifle et laisse échapper un léger ricanement.

- C’est vrai, j’avais oublié.

Il attrape les lunettes noires de la jeune femme et les jette au sol dans un bruit de plastique. Jane sait quelle horreur il révèle aux yeux de tous. Deux yeux blancs parcourus de cicatrices fines qui entaillent une pupille presque inexistante. Elle sent l’homme frissonner de dégoût, tout proche de son visage.

- Voilà qui m’a assuré une légère part de vengeance… Mais ce n’est pas assez non, définitivement pas.

Il s’éloigne et reprend, sans que Jane ne puisse voir de quoi il parle exactement.

- Ceci… C’est un jouet. Et vous savez à qui il appartient ? Il appartient à celle que vous avez pour ainsi dire… assassinée.

Anna laisse échapper un gémissement rauque et la gorge de Jane se serre. Elle ne veut pas en entendre parler à nouveau. Elle ne veut pas que ce jour là remonte à la surface de ses pensées alors qu’elle a si bien réussi à l’enfouir, tout comme elle a enfoui les trois personnes qui, pourtant, se trouvent à ses côtés à ce moment précis. Et elle ne comprend pas comment cet homme peut savoir. C’est impossible.

- Et c’est aussi l’objet qui signe votre arrêt de mort, mes amis.

L’homme a une intonation de légère folie dans la voix, qui oscille entre colère, cruauté et hilarité. Jane sent ses mains devenir moites. Plus personne ne dit rien. Chacun écoute l’homme, animé de cette curiosité angoissée de savoir ce qu’il sait.

- Le jour où j’ai appris ce qu’il s’était passé… Le jour où l’on a retrouvé le cadavre de ma petite soeur, j’ai cru devenir fou. On m’avait ôté la seule chose qui comptait… Il fallait bien que je fasse quelque chose, n’est-ce pas ? Que je retrouve ceux qui lui avaient fait ça. Que je leur fasse subir la même chose. Mais bien sûr… Ils étaient lâches. Ils avaient fui sans un regard pour elle. Et tout ce qui me restait de ma petite soeur… c’était ça. Cet ours idiot en ferraille dont elle n’avait jamais voulu se séparer. A côté de son cadavre. Il n’avait même pas été abîmé. Je ne sais pas pourquoi il a résisté. Tout ce qui me restait d’elle c’était cette… chose, et l’espoir de la venger.

L’homme a déclaré tout cela d’une voix étonnement calme et contrôlée. Il est impossible d’en distinguer une once de tristesse. Cela fait plus d’un an, après tout. Les quatre écoutent en silence. Jane serre les dents, les poings. Ses ongles s’enfoncent dans la chair de sa paume avec force… Elle n’a pas envie d’entendre tout cela.

- J’ai cherché à savoir longtemps. Mais comment aurais-pu vous retrouver ? Il n’y avait aucun indice, rien. Plus aucune trace. Tout avait été ravagé. Et la seule personne qui avait vu vos visages.. C’était elle. Et elle n’était plus en mesure de m’en parler.

Cette fois sa voix s’est faite plus dure et aiguisée. Il a craché ces derniers mots avec amertume.

- Pendant presque un an j’ai cherché un moyen de vous retrouver… Et puis un jour, je me suis posé cette question : pourquoi donc ma petite soeur était-elle si attachée à ce vieil ours en ferraille ? Pourquoi avait-il résisté, alors qu’elle était morte ? Alors j’ai cherché quelque chose dans cet ours. Je voulais percer à jour son mystère. J’ai tout essayé. J’ai voulu l’ouvrir, mais c’était impossible. Et puis au cours de mes tentatives j’ai enfin obtenu un résultat… En désespoir de cause  je l’ai plongé dans une pensine et là…

Sa voix se teinte soudain d’une hystérie nouvelle.

- Des souvenirs ! Des souvenirs se sont échappés de l’ours ! Il avait absorbé les souvenirs de ma petite soeur ! Il avait été son confident le plus proche… Et lorsqu’elle est morte… Il était là, à ses côtés.

Jane serre les dents un peu plus, sans prendre gare à sa mâchoire douloureuse. Anna a arrêté de pleurer et se tient immobile. Elle ne veut pas y croire. Elle veut s’imaginer, une fois de plus, que c’est le hasard. Que l’homme ne sait rien. Que le trait qu’elle a tiré sur ce jour là va y rester. Mais dans sa lancée, l’homme ne s’arrête plus. Il semble euphorique désormais et s’éloigne avant de revenir. Un poids lourd s’abat soudain sur le sol qui craque légèrement. Puis il fait des allers-retours, et bientôt Jane se sent poussée vers l’avant. Son estomac heurte un rebord en pierre, lui donnant une soudaine envie de vomir. Elle sent le souffle des trois autres en face d’elle et à ses côtés, et comprend bien vite qu’ils sont regroupés en cercle autour d’un objet, dont s’échappe le son d’un très léger clapotis.

- Voyez-vous même. Très chers, je vous offre un retour en enfer.

Et une main à l’arrière de son crâne oblige Jane à se plier en deux. Son visage entre en contact avec un liquide froid et elle se sent soudain happée avec force, sans pouvoir se débattre. Lorsqu’elle rouvre les yeux, qu’elle avait fermé par mécanisme, Jane étouffe un cri de stupeur. Le voile d’un noir d’encre qui recouvre habituellement sa vision n’est plus là. Elle voit. Elle voit parfaitement, en détail, tout ce que se trouve autour d’elle. Et elle reconnaît, aussi. Elle reconnaît les arbres qui entourent l’espace de jeu perdu au milieu du parc du village sorcier, le toboggan rouge cerise, lisse et brillant, le petit toit de bois, l’échelle, la balançoire. Elle reconnaît le sol de gomme colorée, rouge, puis vert un peu plus loin, dans lequel est planté un canard en bois monté sur un ressort. Puis elle comprend.

- On est dans un souvenir, c’est ça ?

Les visages de Sean, Will et Anna hochent la tête, fermés et graves. Et Jane sait parfaitement dans quel souvenir ils se trouvent. Elle sait quel moment ils vont vivre à nouveau, une seconde fois. Le soleil est bas dans le ciel, les arbres projettent leur ombre sur l’ensemble du terrain de jeu presque désert. Seule une petite fille aux cheveux bruns et au visage entouré de boucles s’amuse à grimper l’échelle et à descendre le toboggan sans s’arrêter.  Elle tourne autour de la structure sur ses petites jambes, du haut de ses huit ans, peut-être un peu moins. Elle est seule mais n’a pas l’air de s’ennuyer. Ses yeux sont voilés par l’imaginaire, les histoires qu’elle se raconte et le paysage qui se superpose à la structure de jeu, la transformant peut-être en bateau pirate ou en château perdu. On est à la fin de l’été, l’automne se fait déjà sentir et une légère brise secoue les arbres. Puis, à l’autre bout du parc, des rires résonnent. Quatre silhouettes juvéniles, pleines d’entrain, se détachent entre les troncs d’arbres sur le petit chemin bordé d’herbe qui mène au parc. Jane reconnaît les quatre silhouettes aussitôt. Ce sont les mêmes que celles qui se tiennent à ses côtés à ce moment précis, à quelques différences près.  Le visage d’Anna au loin, est plus léger et innocent. Will ne porte pas encore sa cicatrice, celle qui lui barre la joue. Et Jane, Jane a encore ses yeux. Seul Sean n’a pas vraiment changé. Il a la même allure fière, celle de la jeunesse téméraire, roulant des épaules. Il marche en tête de cortège, mène la danse par son aisance naturelle. Le quatuor respire l’insouciance, et se croit le roi du monde. Il semble à peine remarquer l’enfant qui joue non loin de là, et n’a de toute façon pas l’intention de l’embêter. Il est là pour regarder la soirée qui s’étire. Savourer ses dix-sept ans.

Jane jette un regard apeuré à ses camarades. Non, elle ne veut pas voir cela. Elle ne veut pas voir avec quelle désinvolture ils ont détruit leur vie, cette vie, cet endroit. Elle ne veut pas se souvenir plus clairement de la façon dont ils ont tout fait basculer, d’un simple geste inconscient. Elle ferme les yeux et tente de dissocier ses deux corps, celui là, qui assiste au souvenir, impuissant, et le sien, le présent, cette jeune femme aveugle, tête plongée dans la Pensine. Elle sent distinctement une main puissante qui lui appuie sur le crâne et lui maintient la tête dans l’eau argentée. Elle a beau essayer de toute ses forces et de toute sa volonté, il lui est impossible de s’échapper de cette scène. Elle est bloquée là, condamnée à revivre ce cauchemar.

Chaque seconde qui passe désormais, Jane suit ses propres gestes avec terreur, et sait ce qu’il se passera la seconde suivante. Il lui semble que les trois autres sont figés eux aussi, contemplant la scène sans pouvoir dire un mot, bien conscients qu’ils ne pourront de toute façon pas arrêter la marche destructrice de cette soirée. Les quatre amis sont assis en rond sur la gomme jaune, ils rient et discutent. La petite fille, elle, continue son épopée extraordinaire, grimpant et glissant sans prendre le temps de respirer. Les quatre amis ont sorti leurs baguettes magiques respectives. De là où Jane se trouve, elle ne peut pas entendre ce qu’ils sont en train de se dire, mais elle s’en souvient encore. Elle voit Anna qui frissonne au loin, il faut dire que la brise s’est levée, et qu’il commence à faire froid. Et elle voit leurs hochements de tête à mesure que chacun les quatre inconscients approuvent l’idée de Sean. Ce dernier tend sa baguette, prononce quelque chose et une flamme en sort, rouge. Will, qui s’est levé, revient les bras chargés de brindilles et les pose en tas sur le sol coloré, et sans attendre, Sean y met feu. Jane se souvient d’avoir été hypnotisée par la danse ondoyante des flammes ce jour là. Elle se souvient de s’être réchauffé les mains autour du feu en riant.

Soudain, une braise s’échappe du brasier et saute au visage de Will, penché au dessus de la source de chaleur. Un cri strident s’élève dans le parc, et la panique glisse soudain sur le petit groupe comme un serpent vicieux. Dans le cabanon de bois au dessus du toboggan, la petite fille s’est arrêtée. Elle contemple le jeunes avec une once d’inquiétude dans les yeux, et sert contre elle une viel ours en métal. De l’autre côté de l’aire de jeu, tous les quatre se sont levés. Will se tient la joue, haletant, et Anna court dans tous les sens à la recherche de sa baguette. Mais ils ont laissé leurs baguettes au sol, tout prêt du feu, et dans leur panique n’ont pas constaté que des braises avaient continué à sauter au peu partout au rythme du crépitement, qui se fait de plus en plus sonore. L’onde rougeoyante s’est étendue, grignote peu à peu le sol et a emporté dans sa course destructrice les trois baguettes. Seul Sean tient encore la sienne. Un peu en retrait, il contemple le feu qui s’étend. Jane porte un regard nouveau sur ce jour, et laisse glisser son regard sur son ami. Et elle le distingue très précisément agiter sa baguette en direction de l’incendie. Mais contrairement à ce qu’elle a toujours cru… Il parvient à lancer des sortilèges. Sous ses yeux horrifiés, le Sean du souvenir attise le feu. Et il s’étend, toujours plus puissant. Il redouble de puissance à chaque balançoire qu’il avale. Il progresse vers le toboggan, et emplit l’espace d’une fumée grise. Will et Anna se sont écartés, une expression de panique sur le visage, et Jane se tient le visage en criant de douleur. Ils ne voient manifestement pas avec quelle exaltation Sean attise le feu. Puis il les rejoint, et tous les quatre, désormais l’abri, contemplent le cabanon de bois et son toboggan rouge disparaître derrière le rideau de flammes, dont le crépitement couvre avec difficulté les hurlements de la fillette.

Le coeur battant dans sa poitrine, menaçant de la déchirer, Jane se sent tirée hors du souvenir et retrouve l’obscurité qui lui est devenue familière. Elle regrette de ne pouvoir planter ses pupilles dans celles de Sean avec une expression de dégoût. Le silence qui s’est abattu sur le grenier est pesant, chacun semble retourné par ce souvenir douloureux. L’homme ne prend pas la peine d’écarter la Pensine. Sa voix s’élève à nouveau dans la pièce.

Ainsi, vous vous en doutez, quand j’ai vu ce qu’elle avait vécu… Il fallait que je vous retrouve, que je la venge ! Ca n’a pas été si difficile. Et quand, enfin, j’ai retrouvé votre trace, à tous les quatre… Je vous ai conduit jusqu’ici. Oui, conduits ! Vous autres idiots inconscients n’avez visiblement pas appris qu’il ne faut jamais suivre un inconnu. Même un chat.

L’image du chat apparaît à nouveau dans l’esprit de Jane. Où est-il ?

- Le chat, demande-t-elle, où… ?
- Le chat ? C’est moi.

Jane encaisse l’information sans répondre. Un animagus… Elle ne sait pas à quoi s’attendre désormais. Les images de ce jour continuent de défiler dans son esprit. Le souvenir des cris de l’enfant lui semblent encore plus déchirants. Puis tout à coup, la voix de Sean s’élève avec force par dessus le silence. Jane se retourne vers lui, paniquée. Il lui semble que sa respiration s’est bloquée dans sa gorge. Elle sent les cordes qui lui enserrent les poignets se détendre soudainement et tomber au sol dans un bruit sourd. Anna étouffe un hurlement.

- Qu’est-ce que … ? Qui tu as… ?
- Il savait. Personne ne doit savoir.

La voix de Sean est froide et calme mais Jane la perçoit différemment. Avant, elle aurait interprété cela comme un signe de force et d’assurance. Désormais, elle n’y voit que détachement et cruauté.  

- Tu l’as tué ?

Personne ne lui répond. Jane se précipite vers l’endroit où se trouvait l’homme, manquant de trébucher, et bientôt son pied heurte le corps raide, tombé au sol. Elle s’accroupit avec panique et laisse courir ses mains sur la poitrine de l’homme, mais elle a bien entendu les mots de Sean. Elle sait qu’elle ne sentira aucune pulsation sous ses doigts. Le souffle coupé, elle se relève, et se sent soudain toute emplie de colère.

- A quoi tu joues Sean ? J’ai toujours cru que t’avais essayé de l’arrêter, le feu !

Will et Anna restent silencieux. Mais Jane a l’impression d’avoir ouvert les vannes, et tout ce qu’elle avait enfoui depuis ce jour là cherche soudain à s’échapper. Des pas lourds se font entendre dans l’escalier de bois derrière son dos. Et une voix s’élève :

- Il y a quelqu’un ?

Le vieil homme, le fabricant de parapluies. Jane l'avait complètement oublié.

- Il devait être sous Imperium… murmure Anna.

Jane se retourne vers la porte, mais, entendant du bruit du côté de Sean, s’exclame :

- Non !

Elle sort sa baguette de sa veste et lance un “Petrificus Totalus” en direction de l’escalier. Mais les pas ne s’arrêtent pas, et Will prend soudain le relai. Un bruit sourd résonne lorsque le corps raide du vieil homme s’affale sur le parquet, juste à l’entrée de la pièce.

- Et qu’est-ce qu’on fait maintenant, hein ?

Anna a visiblement retrouvé sa voix. La nécessité de se sortir de là prend le dessus de la peur. Jane se précipite à nouveau jusqu’au corps sans vie du jeune homme et rampe quelques instants avant de sentir le tissu de sa cape sous ses doigts. A tâtons, elle fouille fébrilement ses vêtements.

- Qu’est-ce que tu fous ? demande Sean d’une voix sourde.

Jane ne répond pas. Elle veut savoir qui ils ont tué, quelle fratrie a eu le malheur de se trouver sur leur chemin. Mais elle ne trouve rien d’autre qu’une bourse et un livre à la couverture de cuir. Elle l’ouvre fébrilement et fait glisser ses doigts sur les pages légèrement marquées par la plume. Elle se relève d’un bond.

- Qu’est-ce que c’est ? demande-t-elle en présentant le cahier ouvert aux yeux des trois autres. Qu’a-t-il écrit ?

On lui prend l’objet des mains et le froissement des pages est le seul bruit qui emplit la pièce pendant un moment. Au bout de quelques instants, la voix d’Anna s’élève à nouveau.

- Ce sont des notes sur nous. Noms, adresses. Il raconte, aussi. Tout ce qu’il s’est passé, en détail.
- C’est ce qui signe notre arrêt de mort, conclut Sean en arrachant le carnet des mains d’Anna.

Jane l’entend se mouvoir dans un bruissement de tissu.

- Qu’est-ce que tu fais ?
- Je fais disparaître les preuves. Tu veux aller à Azkaban ?

Sa voix s’élève à nouveau, et Jane a soudain l’impression de revivre le même moment pour la troisième fois.Le crépitement du feu résonne déjà dans le grenier, théâtre d’une pièce sombre et tragique. Une odeur de papier brûlé et de gibier rôti emplit l’espace tandis que le carnet de cuir se consume lentement, emportant avec lui toute trace de ce soir là.

- Et le corps ? demande soudain Will.

Un bruit sourd résonne, et Jane comprend vite que Sean a jeté le carnet au sol. Le crépitement se fait plus intense. Les larmes lui montent aux yeux, emplissant ses pupilles meurtries. Des gouttes de sueur perlent à son front. Elle reste là, immobile, sentant la chaleur autour de son visage, et la lumière intense du brasier dansant sur le voile de noir de ses yeux.

- On se barre.

Sean se dirige d’un pas lourd vers la porte et ses pas résonnent dans l’escalier pendant quelques instants. Will et Anna descendent à sa suite, toussant bruyamment. Il fait très chaud, désormais. La fumée se fait plus épaisse et le feu se répand rapidement, grignotant le parquet de la vieille bâtisse. Jane semble figée. Elle revit cet instant une fois de plus, dans l’obscurité totale, seule. Et cela n’a rien d’un accident.

Puis, soudain, elle reprend conscience. Elle parvient à nouveau à se mouvoir, et réalise que la fumée s'immisce dans ses poumons. Elle sent le feu tout près d’elle, des flammes viennent bientôt lécher le bout de ses chaussures. Se baissant pour échapper à la fumée étouffante, elle rampe jusqu’à l’escalier, et bute contre le corps raide du vieil homme. Prise de panique, elle cherche sa baguette, sans succès. Elle n’arrive plus à respirer. Toussant violemment, elle pousse le vieil homme de toutes ses forces, et réussit à engager son corps dans l’escalier. Mais rapidement, le corps lui échappe des mains et roule dans les marches avec un grondement sourd. Étouffant un cri, Jane se relève légèrement et descend les escaliers quatre à quatre, manquant de tomber à chaque marche. La tête commence à lui tourner, et elle ne parvient pas à maîtriser ses tremblements. Butant à nouveau contre le corps pétrifié du vieil homme, Jane l’empoigne. En haut, des bruits de charpente qui s’effondre se font entendre, et le bois craque de toute part. Tirant le corps de toutes ses forces, Jane se glisse dans la porte entrouverte, étouffant presque. Elle sent enfin les pavés sous ses genoux et continue de tirer l’homme, à bout de forces. Arrivée dans la rue, elle s’effondre au sol, la cage thoracique enflammée, sans plus aucune force.

La bâtisse ravagée par les flammes continue de crépiter. Dans un craquement sourd, le toit s’effondre sur lui même, propageant le feu au rez-de-chaussé sur la centaine de parapluies. Un morceau de charpente perce les décombres enflammés du grenier et vient s'abattre avec force sur la rue presque déserte. Emprisonnant sous un dôme de flammes et d’échardes le corps frêle de Jane et celui de l’homme qu’elle vient de réussir à sauver.
Page 1 sur 1

 [Concours RPG] Il était une fois - Aysha Brayd


Permission de ce forum:Vous pouvez 
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Harry Potter 2005 :: ~¤~ Créations personnelles ~¤~ :: Ecrits des membres :: Concours-

L'univers d'Harry Potter est la propriété de la Warner Bros ainsi que de J.K Rowling.
Tous droits réservés sur ce site ©Copyright Bureau RPG.