« Elle se promenait dans les rues du Chemin de Traverse ; la magie lui manquait la magie lui manquait pendant les vacances d’été. Ses pas la menèrent devant une vieille boutique, sans aucune enceinte. La porte était ouverte et invitait à la curiosité. Une qualité que cette jeune fille possédait indéniablement. Aussi, s’aventura-t-elle entre les différents rayons poussiéreux du magasin remplis d’artefacts magiques en tous genres.

Sur le bureau, étrangement, un chaudron ainsi que des éprouvettes avaient été déposés. Une potion de couleur jaunâtre cuisait à gros bouillon et le bruit emplissait la boutique. La jeune fille risqua un regard et appela, mais il n’y avait personne. Incapable de reconnaître la solution, elle s’approcha. Elle aperçut un retourneur de temps sur le meuble et ne put s’empêcher de le toucher, de le prendre entre ses doigts.

Soudain, un chat aussi noir que ses cheveux sauta sur le bureau en un miaulement aigu. La sorcière, surprise, sursauta. Le retourneur de temps glissa de ses mains et tomba dans le chaudron en ébullition. Elle avait de bons réflexes, et le rattrapa in extremis, mais, – malheur ! – une partie de l’objet était entré en contact avec la potion mystérieuse.
Ainsi, débuta une aventure incroyable. La jeune fille fut téléportée dans un temps, un espace autre. À quelle époque se trouvait-elle ? Elle n’en avait aucune idée, mais elle était indéniablement dans le passé. Les maisons, dans un style victorien, rappelait les vieilles bâtisses qu’elle connaissait. Des voitures, aux grandes roues et aux klaxons stridents, circulaient sur des routes peu marquées.

Interloquée, elle déambula dans une rue mondaine, remplie de magasins chics aux bijoux et tenues luxueux. Les passants, vêtus de costumes tirés à quatre épingles, marchaient côte à côte en rigolant, tandis qu’ils léchaient les vitrines. Enfin, elle aperçu un apothicaire et risqua à y entrer. Une clochette tinta lorsqu’elle passa la porte. Observant les étalages et ses différentes fioles et herbes, elle fut rassurée en reconnaissant des ingrédients qu’elle avait maniés en cours de potion, lors de sa seconde année à Poudlard.

- Je peux vous aider ?

Un homme de l’arrière-boutique vint à sa rencontre. Muni d’un chapeau et de lunettes arrondies, il portait un bras étrange, une sorte de prothèse de cuir. Un mécanisme s’enclencha et le bras de l’homme fit un mouvement brusque qui manqua faire tomber plusieurs bocaux.

- Oh, excusez-moi ! Je ne suis pas encore au point.

Il sortit sa baguette et formula un sortilège dédié à réparé son bras de cuir. Enfin, la sorcière ne savait pas commencer désigner cette étrangeté. Néanmoins, voir l’homme utiliser la baguette l’apaisa : la magie fonctionnait bel et bien dans cette époque surprenante.

- Excusez-moi, j’étais sur le Chemin de Traverse et…
- Mais vous y êtes toujours, mademoiselle !

C’était déjà quelque chose.

- Mais je crois… Que je n’appartiens pas à cette… époque. Un retourneur de temps est tombé dans un chaudron…
- Oh la la ! Avez-vous toujours ce retourneur de temps ?

Elle fouilla ses poches et sa cape, en vain.

- Tout cela est étrange… Au fait, appelez-moi James ! Vous devriez aller voir Philéas.
- Qui est-ce ?
- Bah, attendez ! Je vais vous accompagner !
- C’est très gentil à vous, Monsieur James, mais votre boutique…
- Oh, je peux bien la fermer un peu plus tôt ! Venez.

Elle était intriguée, mais ne rechigna pas face à l’aide proposée. James était une véritable machine à parole. Sur le chemin, il n’arrêta pas une seconde de lui conter des anecdotes ou de lui demander à quoi ressemblait son époque. La plupart de ses réponses se constituait d’un « c’est fascinant ! » enthousiaste.

Devant une maison en pierre, James l’invita à rentrer et la suivi. Si elle n’avait pas reconnu la façade au premier abord, la sorcière en était désormais certaine : il s’agissait de la boutique du Chemin de Traverse ! Cette fois, il n’y avait pas de potions sur le bureau, mais accoudé à ce dernier, un vieil homme à la barbe blanche et à la chevelure hirsute. Un nounours étrange, du même acabit que la prothèse de James, était posé devant lui, et l’homme bricolait sur ce dernier, baguette en main.

- Bonjour, Philéas ! Je t’amène une jeune sorcière qui s’est perdue !
- Oh ? fit l’homme d’une voix rauque, avec intérêt.
- Oui euh, bonjour.

Elle était intimidée.

- Je suis rentrée dans une boutique du Chemin de Traverse, qui ressemble en tous points à la vôtre !
- Vraiment ?
- Oui ! Et un retourneur de temps est tombé dans un chaudron, puis j’ai atterri ici !
- Je vois…

Le vieillard croisa ses mains calleuses sur le bureau et s’enfonça un peu plus dans sa chaise. Il réfléchit quelques secondes puis s’éclaircit la voix.

- Tu n’es pas la première à arriver ici.
- Vous savez comment je peux rentrer chez moi ?
- Bien sûr. Mais ce ne sera pas facile. Tu es prête ?

Elle ne prit pas la peine de réfléchir.

- Oui !

Philéas déposa un parchemin devant lui et attrapa son encrier. Sa plume décrivait des courbes élégantes sur le support. Lorsqu’il eut terminé, il relit une dernière fois sa liste – car le parchemin ressemblait bien à une liste – et la tendit à la jeune sorcière.

- Il faudra que tu rassembles ces ingrédients afin de concocter une potion. Ensuite, il faudra trouver un livre de ton époque.
- Mais…

Elle balaya les environs du regard par la fenêtre.

- Je suis dans le passé, c’est impossible…
- Oh ! Crois-tu seulement t’être perdue dans le temps ? Qu’en est-il des mondes, des espaces et des époques ?
- Mais les retourneurs de temps…
- Quand un artefact magique est défectueux, tout peut arriver… James, peux-tu l’accompagner ? Certains de ces… éléments ne sont pas simples à obtenir.
- Comptez sur moi !

La jeune fille baissa les yeux sur le parchemin. La plupart devaient se trouver sur le Chemin de Traverse ou à Pré au Lard.

- Yeux de serpents, ailes de chauve souris…, vous n’en avez pas ?
- Oh, je n’en ai plus. Ma boutique n’est pas bien grande et en cette période de vacances scolaires, les stocks sont plutôt vides. Cependant, tu devrais en trouver dans d’autres magasins spécialisés ou prélevés directement à la source.

Un frisson la parcourut. Puis ses yeux s’agrandirent en lisant le dernier élément de la liste.

- Une épine de Magyar à pointes ?
- Pas facile à trouver, j’en conviens, soupira Philéas.
- J’ai un ami en Roumanie, qui a un élevage de dragons, proposa James, en relevant ses petites lunettes sur son nez.
- Bon… En route, alors.

C’est ainsi qu’elle partit aux côtés de James afin de récupérer tous les ingrédients. Des aventures, elle en vécut ! Il leur fallut plus d’un mois pour compléter la liste. Inutile de dire qu’attraper une épine de Magyar fut l’expérience la plus effrayante – mais également la plus amusante –de toute sa vie. L’ami de James, un certain Rodolphe, n’avait pas pour habitude de raser ses bêtes ! Mais armés d’une tenaille et grâce à une berceuse jouée à la harpe, ils parvinrent à lui enlever. Le plus drôle, ce fut après. Lorsque le dragon se réveilla au moment où la tenaille arrachait l’une de ses épines. Une partie de chasse enflammée s’ensuivit, mais James et la jeune sorcière rentrèrent victorieux à Londres, auprès de Philéas.

- Bien, bien ! Vous êtes en un seul morceau ! Je vais m’occuper de concocter la potion. Mais pour qu’elle soit parfaite et que tu retournes d’où tu viens, il faut y ajouter les cendres d’un livre de ton époque.
- Est-ce que je pourrais trouver ce livre dans une librairie ?
- Plutôt chez un collectionneur, je le crains, répondit Philéas en rassemblant les divers ingrédients dans l’arrière-boutique.
- Et vous en connaissez ?
- Il n’est pas très sympathique…
- Il faut que je rentre chez moi ! s’énerva-t-elle. Vous pouvez me donner l’adresse ?

C’est ainsi qu’elle se retrouva devant une habitation à la porte de bois imposante dans le village de Pré au Lard. Ou du moins, son homologue victorien. L’époque était des plus étranges, si proche de la sienne et pourtant si différente à la fois. L’architecture, les habitudes des habitants, les boutiques, la vapeur qui soufflait en permanence au-dessus de leurs têtes… Mais les ruelles se trouvaient aux mêmes endroits et faisaient la même taille, par exemple.

- C’est pour quoi ? gémit une voix de derrière la porte à peine entrouverte.
- Philéas nous envoie ! répondit James avec entrain. Nous recherchons un livre de l’époque de mademoiselle ici présente ! ajouta-t-il en désignant la sorcière du menton.

L’homme ouvrit un rien plus grand la porte et le duo s’engouffra à l’intérieur de la bâtisse. L’hôte était un sorcier d’une quarantaine d’années qui en paraissait soixante, ses cheveux gras étaient grisonnants, de lourdes cernes soulignaient ses yeux sombres, sans éclat. Il les mena vers une immense bibliothèque, une salle circulaire où des étagères montaient jusqu’au plafond. Des étiquettes mentionnant des périodes ou des régions étaient appliquées sur chacune d’elle et permettaient de se repérer.

- Que cherchez-vous comme ouvrage ? fit l’homme d’une voix traînante des plus désagréables.
- Nous n’avons pas de sujets particuliers, seule compte l’époque, expliqua James.
- Euh… 1960, vous avez ?
- Précisez.
- Euh… Dumbledore est le directeur de Poudlard.

James ne réagit pas à l’évocation du nom du grand sorcier et la jeune fille se demanda s’il avait vraiment existé, dans ce monde étrange.

- Je vois. Par ici.

L’homme embrassa la troisième rangée de la bibliothèque d’une main. L’étiquette mentionnait « avant la naissance de Harry Potter », ce qui fit froncer les sourcils de la sorcière.

Elle observa les différents livres, en feuilleta quelques-uns puis en choisit un dont la parution datait de 1960.

- Celui-là, ça ira !
- Parfait, fit James. Rentrons voir Philéas.
- Une minute. Que comptez-vous en faire ?
- Le brûler… Il faut…
- Personne ne brûle mes livres.
- Mais Philéas nous a envoyés ici et…
- Cette période-là m’est chère.
- Et si on ne brûle qu’une page ?

Un éclair de rage alluma les prunelles du collectionneur livresque.

- Vous n’en avez pas un en double ? proposa James, afin de détendre l’atmosphère.
- Il est très difficile de voyager dans cette époque. Tous sont uniques.
- Pourquoi est-ce difficile ? demanda la sorcière, curieuse malgré elle.
- Voldemort.
- Vous ne pouvez dire son nom ! s’exclama-t-elle, horrifiée.
- Ici, cela ne fait rien. Maintenant, lisez ou partez.
- Je vous en prie.

Elle prit un ton suppliant.

- C’est le seul moyen pour que je rentre chez moi.

La sorcière raffermit sa prise sur le bouquin et fit mine de se diriger vers la sortie, James sur ses talons.
Soudain, l’homme hurla tandis que son corps mutait. Des écailles tachetées le recouvrirent, sa tête s’allongea et se muni de crocs dégoulinants de venin, ses membres disparurent pour laisser place à un long corps puissant.

- Un serpent !
- Un animagus !
- Cours !

Une véritable bataille eut lieu dans la bibliothèque. Des ouvrages furent renversés, des meubles tombés… »

Il marqua une petite pause et jeta un œil à l’horloge suspendue à l’un des murs de son bureau.

- Miss Granger ! Oh, me voilà qui me perd dans ces vieilles légendes… Je vous mets en retard !
- Mais, Professeur Dumbledore… Comment cette histoire se termine-t-elle ?

Il lui offrit un de ces sourires énigmatiques dont lui seul a le secret avant de lui faire un clin d’œil.

- N’oubliez pas. Évitez de l’utiliser pour vous rendre en cours de potions.

Et il lui tendit le retourneur de temps.