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[Concours RPG] Il était une fois - Keira Sanders
Keira Sanders
Keira Sanders
LégendeSerpentard
Légende
Serpentard
Année à Poudlard : Aucune année renseignée

Matière optionnelle : Pas encore disponible

Spécialité(s) : Métamorphomage
Permis de transplanage


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[Concours RPG] Il était une fois - Keira Sanders
Keira Sanders, le  Mer 15 Aoû - 18:04

TW dépression

Le voyage d'un deuil

Texte traduit de l'indien (hindi)
Texte original par Vipin Singh
1931

Je me rappelle encore de l'exact moment où tout a commencé. Le moment où j'ai cessé de vivre et commencé à survivre. C'était le 17 avril 1901. J'avais tout juste trente-deux ans et je vivais encore chez ma mère. Il fallait dire que l'argent ne nous souriait pas. Notre toit en briques délabrées et en paille ne faisait pâlir personne ; mais au moins, il y en avait un au dessus de ma tête. Ce matin-là, il faisait une chaleur étouffante et nous recevions une lettre. C'était assez rare, mais nous ne nous étions pas inquiétés. Ma mère l'avait dépliée délicatement. J'avais vu son visage se figer dans une expression de terreur, puis, peu après, se tordre de douleur. Je ne l'avais jamais vu pleurer avant ce jour. Cela fait au moins cent fois que le brahmane du village me le fait répéter. Comme si ressasser la douleur de ce jour allait m'aider à finalement accepter, trente ans après, la perte de mon grand frère. Il me bachote que Vishram s'est réincarné quelque part sur Terre et qu'il a désormais une vie paisible, mais ces pensées ne me consolent pas - j'ai toujours été sceptique quant à ces croyances populaires. En réalité, ce qui m'empêche d'aller de l'avant, ce sont les circonstances dans lesquelles mon aîné est parti. Laissez-moi vous les conter.

Cela faisait six mois que Vishram avait quitté le cocon familial, si l'on pouvait le qualifier ainsi, pour le Vieux Monde. Il souhaitait tenter sa chance, comme nous tous. Avoir un peu plus d'argent et une vie un peu plus confortable. Il avait embarqué à bord d'un vieux bateau - il voulait être discret et se mélanger à ceux qui n'avaient pas de pouvoir magiques - avec une collection d'épices de toute une vie. D'après les dires, les habitants du Vieux Monde pouvaient les acheter pour une somme que l'on jugerait astronomique. Ma mère et moi étions tristes, mais ses désirs ne pouvaient être brimés. Nous lui disions au revoir de la main alors que le bateau s'éloignait lentement de la côte de notre terre. Nous lui sourions, bien que nous n'étions pas sûrs de le revoir un jour. Le 17 avril, cela faisait donc six mois qu'il était parti. Quand la lettre arriva, même par la poste magique, cela devait faire des semaines qu'il avait perdu la vie. Rien ne nous avait été expliqué. L'on savait juste qu'il n'était plus de ce monde. Je n'ai donc jamais su pourquoi et comment mon cher frère n'était jamais rentré. Pourquoi et comment il ne me tint plus compagnie. J'étais persuadé que quelqu'un en était responsable. Vishram avait cette lueur dans les yeux, vous savez, celle des personnes qui ont de l'espoir. Il était vivant ; et il adorait cela. Il avait toujours aimé la vie, même si elle ne lui souriait pas toujours en retour. Soit il était décédé de maladie, soit la vie lui avait été arrachée par les mains d'un autre.

Mon frère avait toujours été mon pilier dans ce foyer. Il me permettait de tenir le coup. Il répétait que la vie pouvait toujours être plus difficile que la notre. Nous avions déjà de la chance d'avoir des pouvoirs que d'autres n'avaient pas, disait-il avec raison. Je n'accepta donc pas la nouvelle. J'eus beau la ruminer pendant des mois, des années, jamais je ne réussis à la digérer. Mon deuil n'a jamais été fait. La vie était devenue trop sombre. Ma mère sembla oublier quelques temps qu'il lui restait un autre enfant. Je fus livré à moi-même. Je resta allongé au sol vingt heures dans la journée, et ce pendant longtemps. Je me tourmentais. Je n'avais plus aucun appétit. Mes yeux étaient devenus vitreux, creux, vides. J'avais perdu goût à la vie que Vishram aimait tant. Jamais je n'avais eu idée qu'un être humain puisse éprouver tant de souffrance. Encore aujourd'hui, je me confiais au brahmane à ce sujet. C'était un vieil homme, encore plus âgé que moi. Il était très patient. En trente ans, il ne m'avait jamais abandonné. Il était certain qu'il pouvait accompagner mon âme vers un lieu plus paisible. C'est ainsi qu'il m'a convaincu, après des années, de voyager à mon tour vers le Vieux Monde. Il avait toujours avancé que sans doute cela me permettrait d'accepter ma souffrance et de mieux l'appréhender. A soixante-deux ans, nous n'avons plus rien à perdre. Il est déjà exceptionnel que je sois encore en vie, bien que je ne souhaite pas l'être. C'est ironique, n'est-ce pas, la façon dont la vie s’accroche aux gens qui le souhaitent le moins au monde. Quitte à rester dans ce monde, j'aimerais finalement être capable d'y finir mon voyage en paix. Pour cette raison, je décide de suivre son conseil. J'amène avec moi mes affaires les plus chères dans un petit sac : un carnet vierge sali par la poussière et un stylo de médiocre qualité qui me serviront à conter mon périple ; et aussi un livre à l'épaisse couverture grisée que mon frère avait trouvé un jour au bord d'une route. Notre famille ne pouvait pas se permettre d'acheter de la culture. C'était un véritable cadeau tombé du ciel. Vishram l'avait chérit, et avait même réussit à apprendre à lire grâce à ses pages ; apprentissage qu'il m'a transmis patiemment. C'est pour cela que j'y étais, et suis encore si attaché. Bien sûr, ma baguette me suit également, et par une série de transplanages, d'heures de repos et de longues heures de marche ennuyeuses que je ne préfère détailler, je me retrouve en France, dans le village où l'on nous avait dit que mon aîné avait perdu la vie.

*****

Je me promène dans les ruelles lumineuses du village. L'air est différent ici. Cela faisait longtemps que je ne l'avait pas senti entrer si profondément dans mes poumons, me rendre plus léger. Cela faisait longtemps que je n'avais pas laissé les rayons du soleil d'été chatouiller mon visage vieilli par les rides. J'ai presque l'impression que c'est irréel. Les quelques passants qui croisent ma route me dévisagent. Je pense que mes cernes en forme de demi-lunes de sang, mes longs cheveux sales et indisciplinés et ma longue barbe négligée 1 y sont pour quelque chose. Ajoutons certainement que les locaux ne sont pas accoutumés à la présence d'étrangers. Mes habits traditionnels qu'ils qualifieraient de guenilles choquent les mœurs et l'on me toise de la tête aux pieds.

Je passe par une ruelle mondaine 2, bien qu'il n'y ait dedans aucun commerce. Elle doit faire la liaison entre deux avenues fréquentées. Les briques sont rouges et usées. Le sol est relativement propre, lorsque l'on vient de mon village indien. Je me sens réellement dépaysé, comme si je rêvais. L'on a beau être en été, le soleil ici s'abstient d'étouffer les français par une cloche de verre d'air brûlant. J'imagine mon frère fouler ce sol lisse de ses pieds ambitieux et sourire aux locaux. Peut-être même les saluer. Je l'imagine marcher avec joie et entrain. Je l'imagine regarder ce même soleil que je vois là-haut, et se dire que la vie était belle. Si je n'étais pas devenu une statue de marbre depuis mes trente-deux ans, j'aurais pu dire que cette ambiance me donnait envie de goûter à nouveau aux plaisirs simples - malheureusement, mes yeux n'arrivaient à déceler aucun attrait dans ce paysage relaxant. Ni ailleurs. Plus je marche, plus je me demande ce que je fais dans ce pays et ce que je cherche. Je sais que Vishram a péri dans ces faubourgs, mais les souiller de mes pieds ne me suffit pas. Je songe que j'ai besoin de retracer sa route, jusqu'à sa mort. Pour mon deuil, j'ai besoin de connaître ses amis et ses ennemis, de savoir comment il vivait. Pour pouvoir terminer mon séjour sur Terre en paix, je dois visiter l'endroit exact où il est parti et me recueillir sur ses restes s'il y en a. Je ne sais pas par où commencer. Je ne sais même pas où obtenir des informations sur mon frère.

*****

J'ai questionné - ou tenté, la majorité d'entre elles ne parlant pas anglais - une vingtaine de vieilles personnes avant de trouver mon bonheur à quelques blocs des rues principales du petit bourg. Ici, les demeures sont vastes et propres. Une vieille dame aux cheveux cotonneux comme les nuages et douce comme ce que j'imagine de la soie affirme qu'elle a connu Vishram. Ici, il s'appelait Jacques, disait-elle avec mélancolie. Elle avait vingt-six ans lorsqu'il s'était installé dans la demeure de ses voisins pour les servir. Lorsqu'elle prononce ce mot, servir, mon expression se tord. Je suis terrorisé à l'idée que son projet ait raté. Je ne veux pas que mon frère ait été réduit à l'état d'esclave. Je lui fais part de mes inquiétudes, et de sa bienveillance, elle me rassure ; l'esclavagisme n'existe plus depuis le siècle dernier. Il était employé comme cuisinier, parait-il. De riches habitants du bourg avaient souhaité s'offrir un peu plus d'exotisme. Vishram était payé pour ses talents et vivait convenablement. C'est déjà un poids qui s'élève de mes épaules. Je sais maintenant qu'il aurait été véritablement heureux, ne serait-ce qu'un mois durant, avant de partir.

Elle m'indique la maison, et je la remercie chaudement avant d'aller y sonner. Les employeurs de mon aîné sont décédés depuis des années, mais leurs héritiers auront peut-être des détails à me donner. C'est ainsi que m'ouvre, méfiant, un homme dans la fleur de l'âge au crâne dégarni et aux grosses lunettes. Il fronce les sourcils et semble réfléchir. Mon visage lui rappelle peut-être vaguement quelqu'un qu'il a connu durant son enfance. Je me présente humblement avec mon meilleur anglais, bien que mon accent soit au rendez-vous. S'ils sont riches, ils doivent avoir été éduqués - en tout cas je l'espère. Je ne parle pas un mot de français.

- Bonjour, je s'appelle Vipin, je suis frère de Vishram, j'avance avec quelques fautes de langue. L'anglais est courant dans mon pays, à cause de la colonisation, mais je n'y suis pas très familier non plus à cause de mon manque d'éducation. Peut-être Jacques chez vous. Cuisinier.
- Oh, dit-il d'un air surpris mais satisfait, comme s'il venait de réussit à mettre le doigt sur ce qu'il cherchait sur mon vieux visage. Bien sûr, entrez un peu, m'invite-t-il de son anglais presque parfait. Je pénètre alors dans la demeure. Mes yeux ont beau être vides et acerbes, ils sont forcés de reconnaître que c'est magnifique. Les lustres, les peintures, le mobilier en bois de qualité et les fauteuils en cachemire ne cessent d'attraper mon regard. Je n'ai jamais rien vu de tel. L'hôte m'invite à m'asseoir sur l'un des sièges luxueux. Timide, je pose mon derrière sur ce que je n'aurais jamais pu me payer en toute une vie. C'est plus de confort que je n'en ai jamais connu, mais j'essaie de ne pas le faire paraître. Je pose la canne que j'ai improvisée avec une branche d'arbre bien solide sur un tapis tissé, et je joins les mains, attendant la suite. L'on me sert une boisson fraîche que j'accepte avec reconnaissance.

- Jacques était superbe. Il cuisinait merveilleusement bien et il lui arrivait de jouer avec moi et ma sœur. Nous avions dix et huit ans à l'époque, conte-t-il. Il m'arrache le premier sourire que j'ai esquissé depuis longtemps. Bien sûr, ces trente dernières années n'ont pas uniquement été emplies de désespoir. J'ai eu des moments de joie, de rire et de sourire, mais ces derniers ont été tellement plus rares que ce que j'aurais voulu. Ces derniers temps, avec l'anniversaire des trente ans de la mort de mon frère, c'est particulièrement difficile. J'ai toujours considéré que c'était injuste - pourquoi lui, qui était brillant et plein de vie, et pas moi, l'incapable du village ? Me dire que j'avais déjà survécu trente années de plus que lui me fait remonter beaucoup de colère. Il nous contait des histoires et des légendes de votre pays. Claudine et moi, nous pouvions rester des heures à l'écouter. Je hochais la tête. Mon cœur fatigué battait à tout rompre contre ma poitrine ; c'est presque comme si Vishram était encore avec nous.
- C'est agréable entendre ceci, je réponds. Vous savoir pourquoi il mort ?, je questionne, en quête d'informations. Chaque élément supplémentaire pourrait me permettre de tourner cette maudite page, d'après mon brahmane.
- Je n'en sais pas énormément, j'étais très jeune encore. Père l'avait envoyé cueillir des champignons dans la forêt près du  château 3 et il n'est pas revenu. Je n'ai pas compris ce qu'étaient des champignons, mais je décèle de la tristesse dans son expression. La mort de mon aîné a sûrement du l'affecter d'une façon ou d'une autre. Je bois une gorgée avant de lui répondre.
- Merci. Où le château ?, je demande en dernière requête.

Il me trace une carte improvisée sur un petit morceau de papier terne. Je le remercie chaudement pour son aide et son hospitalité, me rendant compte que je ne connais pas le prénom de ce Monsieur, et je me congédie. Dans ce que les locaux appellent un vestibule, je croise une jeune fille 4 aux longs cheveux bruns et aux yeux d'un bleu perturbant assortis à une jolie robe. Son visage ovale me toise ; elle a un air mystérieux. Je songe qu'elle ressemble à Monsieur. Elle doit être sa fille. Nous restons figés un moment, comme si nous attendons chacun que l'autre ne se mette à parler, avant qu'elle ne décide de rompre le silence.
- Savez-vous, Monsieur... Vous ne devriez pas aller dans cette forêt, dit-elle. Nous entendons beaucoup d'histoires de fantômes. Je souris. Même dans ma culture, les mauvais esprits sont redoutés, mais en tant que sorcier, je n'ai pas froid au yeux.

*****

J'ai suivi scrupuleusement la carte tracée par Monsieur. Le soleil commence à redescendre lorsque j'arrive au bord du lac. Je m'assois sur la rive en briques, complètement vidé par la marche des trois kilomètres qui séparent la maison où servait mon frère à cet endroit. Mes jambes sont lourdes et meurtries. A mon âge, je ne peux plus me permettre les activités trop physiques. M'en rendre compte me donne presque envie de verser une larme. Toutes ces années, je suis resté inerte, alors que j'aurais pu profiter de ma forme si seulement j'en avais été capable. J'ai sincèrement l'impression d'avoir raté ma vie.

Je regarde le soleil brûlant disparaître derrière les montagnes au loin. D'ici, la forêt a l'air noire et menaçante. Le château domine sur un îlot au milieu du lac. Quelques arbres morts et figés, comme s'ils étaient calcinés, forment autour une couronne. Le ciel prends des teintes violacées et oranges, c'est spectaculaire. Si ce n'était pas l'endroit où mon frère aurait vraisemblablement quitté ce monde, ce paysage se serait fait une place dans mes favoris.

Il est temps de continuer. La nuit va tomber d'ici une heure au maximum, mais j'ai besoin de réponses. Plus je m'en approche, et plus je me sens vif et stimulé. Ma bonne conscience me dicte de me reposer pour la nuit, mais je n'ai de toute façon pas assez d'argent. Je ne me rends même pas compte que je n'ai rien avalé depuis que je suis ici. Je remarque sur le côté une boutique possédant de nombreuses barques. Ils ne sont pas encore fermés : le coucher du soleil serait, apparemment, l'un des moments les plus romantiques pour une virée sur le lac. J'entre, vide d'espoir. J'ai sur moi un peu d'argent sorcier et indien, mais pas de francs.

- Bonjour, dis-je. A mon grand désarroi, les gérants n'ont pas l'air de parler la langue de leurs voisins les anglais. Je me débrouille donc en pointant du doigt une des barques à travers la vitre. Ils me répondent quelque chose en français.
- Nous sommes désolés, mais nous fermons dans vingt minutes, nous ne pouvons vous louer une barque. Vous pouvez repasser demain, plus tôt ? Je secoue la tête pour signifier que je ne comprends pas ce qu'ils me disent. Enfin, étant données leurs expressions faciales, je saisis qu'ils ne me prêteront pas l'un de leurs bateaux. Il est dommage pour eux que je sois plus malin. Je fais mine de chercher quelque chose dans mon sac qui tombe presque en pièces, pendant que ma baguette magique attrape une paire de clefs accrochées derrière le comptoir. Mon cœur bat extrêmement vite ; je déteste avoir recours à la malhonnêteté. Mes paumes sont moites, mais l'une se referme discrètement sur le trousseau. L'opération est réussie. Je sors de la boutique avec quelques regrets, mais je sais que c'était nécessaire.

*****

J'ai attendu vingt minutes que les employés de la boutique rentrent chez eux après avoir soigneusement verrouillé la porte. Ils me jettent un dernier regard, comme si j'étais fou, puis s'éloignent. C'est alors le moment de passer à l'action. Tout cela m'excite beaucoup. J'ai l'impression, bien que mon corps soit faible, d'avoir rajeuni. C'est comme si j'avais quinze ans à nouveau, et que je dérobais les clefs de la réserve de l'auberge du coin pour faire des cachotteries avec les enfants du village. Je tente de déverrouiller le cadenas qui maintiens chaque barque attachée, ne sachant pas à quoi le numéro inscrit sur le trousseau correspond. La troisième est la bonne. Je me débarrasse de la lourde chaîne péniblement, et prends place sur le canot en boitillant. Je me met à ramer. Le lac est grand, mais pas immense. Même si mes forces sont réduites, je pense que je suis capable d'arriver au bout.

Il me fallut environ dix minutes. A la fin, ce fut difficile et douloureux ; mes vieux muscles ont du mal à se mettre en marche. Néanmoins, j'y suis parvenu. Je pose un pied, puis l'autre, sur la terre ferme. L'herbe est sèche. Je remarque une ombre qui passe à toute vitesse. C'est un chat noir 5 : j'ai cru entendre que dans le Vieux Monde, c'était un mauvais présage, mais en Inde, nous ne croyons pas à cette superstition. Nous en avons d'autres, différentes, mais les chats ne constituent aucun malheur. J'avance, ignorant ce mauvais présage local, jusqu'aux portes du château. Elles sont ouvertes : je les pousse. Un grincement se fait entendre et perce la tranquillité du décor abandonné.

L'intérieur est très poussiéreux. Beaucoup d'objets sont cassés, comme si des jeunes étaient venus les vandaliser. J'avance par curiosité, mais je ne pense pas trouver une quelconque réponse à l'intérieur. Si les restes de mon frère sont quelque part, c'est probablement dans cette forêt ; mais puisque je suis ici, autant en profiter. C'est la première fois que je visite un château comme celui-là. Les pièces se ressemblent toutes, et sont parsemées de tableaux qui semblent m'observer. Je ne saurais dire pourquoi, mais je me sens vraiment mal à l'aise. J'ai l'impression qu'on me regarde. Mon frère s'était-il senti comme cela, lui aussi ? Était-il mort en ayant un si mauvais pressentiment ? De sa nature joyeuse, je l'avais toujours imaginé partir le sourire aux lèvres ; je suis horrifié que l'idée que ce ne soit pas le cas me traverse l'esprit.

Perturbé, je décide de sortir, mais je me perds rapidement dans les multiples pièces. Certaines retiennent mon attention : alors que les autres sont poussiéreuses et délabrées, elles sont en état d'usage. Comme si quelqu'un était venu entretenir spécifiquement ces endroits du château. Je décide d'augmenter la cadence de mes pas. Quelque chose ne tourne pas rond. Pièce après pièce, je pense me rapprocher de la sortie. J'ai la tête baissée pour éviter de voir les portraits étranges qui me mettent mal à l'aise sur les murs. Je me précipite lorsque je percute quelque chose et que nous tombons au sol dans un bruit de ferraille. Je suis apeuré, mais je relève la tête doucement. Je découvre un homme que je ne peux que qualifier d'étrange 6 : il a l'air assez jeune, mais porte une canne, sur laquelle il n'a pas réellement l'air prendre appui. Je n'ai jamais vu personne porter un tel costume. Son bras gauche est entièrement mécanisé, ou au moins, recouvert comme s'il l'était. Il porte un masque ainsi que des sangles ceintures en cuir. Un monocle épouse les contours de son œil droit. C'est comme si je venais de percuter une machine. Perplexe, je me relève après lui. Je souhaite m'excuser de ma maladresse, mais la peur noue mon estomac et ma gorge. Je n'y parviens pas. A la place, c'est lui qui engage la parole.

- Que faites-vous ici ?, demande-t-il. Je secoue la tête négativement. Le français ne m'est pas plus naturel que ce matin. Je tente de lui expliquer, à l'aide de la langue de leurs voisins buveurs de thé, que je suis étranger. Il acquiesce de la façon la plus stoïque qui soit, avant de me répondre, cette fois-ci dans un anglais qui tenait parfaitement la route. J'ai demandé : que faites-vous ici ?
- Je visite, je réponds. Je pense lieu abandonné. Pardon, dis-je en joignant mes deux mains. L'homme retira son masque pour m'esquisser un semblant de sourire. Il ne semble pas m'en vouloir, mais il me demande ce que je fais dans la région. Mon frère mort ici dans la forêt, je crois. Je recueille. Vrai que lieu est hanté ?, demande-je, plus pour alimenter la conversation et me sortir de cette mauvaise passe que par réelle curiosité.
- Oh, c'est du folklore, vous savez, l'on raconte cette histoire entre jeunes pour se faire peur. Il y a quelques décennies, des sacrifices ont eu lieu ici, alors ils racontent que les victimes hanteraient les lieux en quête de vengeance... Son expression était neutre. Il semble me dire la vérité. Vous n'avez pas de quoi vous inquiéter.

*****

Je suis dans la forêt, foulant les pas de l'homme étrange. Nous avons un peu discuté. Plus de moi et de mon frère que de lui. Il n'est pas très bavard à son sujet, mais pose beaucoup de questions. Il m'a affirmé être un sorcier après avoir vu ma baguette dépasser de ma poche, puis tout s'est passé très vite. Il m'a raconté qu'il avait effectué des recherches sur le contrôle absolu du temps 7, et qu'il en était désormais capable. Il a dit pouvoir créer des failles dans l'espace spacio-temporel. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais il est certain de pouvoir ramener mon Vishram en créant une de ces failles. Je ne sais pas pourquoi, mais je le crois. Je pense que c'est parce que je suis totalement désespéré. Je ne pensais jamais revoir mon cher frère un jour, et cet homme-là m'en offre la possibilité. Je ne peux pas la refuser. Peu importe ce que cela me coûte ; j'ai besoin de lui. J'ai besoin de la seule personne qui m'a été réellement chère et qui me permettait de supporter ma vie plate. J'ai besoin d'arrêter de survivre, et de commencer à vivre, même s'il ne me reste probablement plus beaucoup d'années.

Je suis donc l'homme jusqu'au niveau d'une clairière. Il y fait sombre, car la nuit y est bien tombée, mais la Lune presque pleine surplombe les lieux. L'on arrive donc à distinguer les formes et objets, bien que tout soit grisonnant. Il trace à la baguette une étoile de feu au sol, qu'il termine par encercler. Nous nous trouvons au centre de cette figure, entourés. L'émotion me submerge. Je dois avouer que je suis inquiet. Les palpitations de mon cœur résonnent dans tout mon corps. Je les sens dans mes doigts, mes oreilles, et même mes pieds. Je sue de façon anormale, bien qu'il fasse chaud encore à cette heure-ci. Ma plume enchantée continue d'écrire mes pensées à l'intérieur de mon sac sur ce qui est mon journal de voyage ; je l'entends gratter le papier de mauvaise qualité.

L'homme me demande si je possède un objet auquel mon frère tenait de son vivant. Je sors le vieux livre d'un coup de baguette, et le désigne comme tel. Il me dit, avec un grand sourire réconfortant, que cela fera l'affaire. Il sort d'un sac enchanté un chaudron taché par l'usage et des ustensiles de potions 8, un étrange ourson de ferraille aux mécanismes rouillés 9, et se met à mélanger des ingrédients ensembles. Je lui propose mon aide, mais il m'ordonne de rester en retrait : il sait ce qu'il fait. Il a déjà ramené son père d'entre les morts grâce à ce rituel.

Vous devez certainement penser qu'à mon âge, je devrais être plus sage et ne pas faire confiance aux premiers venus comme je le fais dans ce voyage ; mais ce que vous devez vous efforcer de comprendre, c'est que pendant les trente dernières années, je suis resté cloîtré chez moi. Je n'ai rien vu, je n'ai rien vécu. Mon esprit s'est comme figé dans le temps. Je n'ai, pour ainsi dire, que très peu évolué durant ce temps de désarroi et de souffrance. Si vous étiez à ma place, vous me comprendriez. Imaginez-vous avoir perdu l'être le plus cher qu'il vous soit, et ne jamais l'avoir accepté. Imaginez avoir souffert pendant de nombreuses années. Ne plus avoir mangé, ne plus avoir souris, ne plus avoir souhaité voir le jour se lever. Imaginez avoir eu envie d'échanger votre vie avec la sienne chaque jour pendant de longues et interminables années. Je pense que si l'on vous proposait de vous ramener l'être cher, et avec lui, votre joie de vivre passée, vous ne pourriez refuser. Si un jour vous tombez sur ce journal et que vous êtes assez courageux pour lire les pensées d'un homme que l'on commençait, de notre époque, à qualifier de dépressif, vous êtes mal placé pour le juger.

Le chaudron fume et passe par toutes les couleurs. Le fait de me trouver aux côtés d'un autre sorcier me réconforte. Je me sens moins seul dans ces terres inconnues. Je commence à me dire que venir était la meilleure décision que j'ai prise. Je remercierai le brahmane de mon village natal de tout mon cœur dès lors que j'aurai retrouvé toute la joie que j'avais à mes trente-deux ans. A côté de mon frère, j'étais un homme taciturne, mais je vous assure que ce mot a perdu de son sens étant donné mon état actuel. Pensif, je jette un œil à l'homme étrange ; il est affairé et concentré. Il trempe son espèce de jouet dans le chaudron, j'ignore pourquoi.  Je ne pense pas à le demander. Je songe néanmoins qu'il doit servir de réceptacle à l'énergie qui va se libérer de ce rituel novateur. Il attrape le livre de mon fraternel, et d'un coup de baguette, l'enflamme au dessus 10. Cet objet était la seule chose physique qu'il me restait de mon frangin. Je me retiens d'une extrême violence de sortir de mes gonds et de lui sauter à la gorge pour avoir fait cela : je dois bien me raisonner en me disant qu'il sait ce qu'il fait et que je reverrai mon frère bientôt. En chair et en os. Comme si rien ne s'était passé. Les cendres de l'ouvrage se dispersent dans le chaudron, faisant virer la couleur de son contenu au rouge sang. De toute manière, même si je l'avais frappé, je serais probablement celui qui serait affaissé sur le sol. Il a au moins vingt ans de moins que moi et toute la force de l'âge. Je n'aurais rien pu faire, me dis-je lorsque je constate que le livre calciné est plongé dans le chaudron à son tour. Vient ensuite une incantation dans une langue qui m'est inconnue. L'angoisse monte et me tord terriblement les entrailles. J'ai l'impression que je vais vomir. Je sais que je vais revoir mon frère d'une minute à l'autre, mais je ne sais pas si je suis prêt. Peut-être qu'il ne sera pas heureux de me revoir, lui. Après tout, il avait souhaité changer de vie. Les doutes m'envahissent. Je ne suis plus certain que se lancer là-dedans était une bonne idée. Je transpire et la cadence de mon cœur s'accélère. Vishram, je pense, s'il te plaît, ne m'en veux pas. Je n'ai jamais su avancer sans toi..

A ce moment, je commence à sentir les extrémités de mon corps brûler doucement - elles picotent, chauffent, démangent. Lorsque je les regarde, pourtant, elles sont intactes. Je me dis alors que c'est l'angoisse qui continue de monter, même si je ne pensais pas que c'était possible pour un seul être humain d'éprouver autant de peur. Néanmoins, la sensation s'intensifie et se propage. Mes bras et jambes sont petit à petit grignotées. J'ai comme la sensation de couler dans une étendue de flammes. Je sens les forces quitter mon corps, mais cela me dépasse. Je ne saisis pas ce qu'il se passe, mais c'est douloureux. Je tente de demander à l'homme étrange si tout se passe comme prévu, mais je n'en suis pas capable car la douleur me tord. J'essaie d’agripper mes membres qui deviennent extrêmement brûlants et me font mal à la limite du supportable - je me retrouve à quatre pattes. Je me recroqueville et lâche un cri torturé qui rompt le silence glacial de la forêt si noire en cette nuit d'été. Les flammes invisibles continuent à ronger mon corps et à le vider de sa magie et de ses forces. Je sens mes organes brûler et fondre comme si mon sang avait été porté à ébullition. Ma chair se décompose. Mes entrailles se mélangent. La douleur me fait cracher une substance liquide verdâtre venant du plus profond de mon ventre. Ma gorge me brûle. Un goût immonde envahit ma bouche. Je roule à même le sol, par réflexe de survie, mais les flammes semblant être à l'intérieur, elles ne s'éteignent pas. Je croise à ce moment le regard de l'homme étrangement costumé, et crois apercevoir un sourire malicieux au coin de ses lèvres. Ses yeux me fixent et scintillent. Il semble trouver satisfaction à me voir souffrir ainsi. Je continue de rouler et de vider mes poumons en hurlant, et il me dit de ne pas trop m'inquiéter, que c'était normal. Il me dit que ramener un mort a un coût à payer en souffrance, et qu'il faut être prêt à traverser ces épreuves si je souhaite revoir mon frère.

Néanmoins, même si je suis aveuglé par l'espoir d'une vie meilleure, je ne suis pas le dernier des sots. Je pousse un dernier cri, sec et hideux. L'homme s'est moqué de moi et a abusé de mon désespoir. Ces gens-là sont de la pire espèce qui soit. Les flammes viennent chatouiller mon cœur avant de le fondre avec la bouillie du reste de mon corps. J'ai l'impression que ma poitrine va exploser tellement cela fait mal. Aux coins de mes yeux perlent des larmes de douleur. La douleur, je pense, la plus profonde qu'un être puisse ressentir. Ma vie a été minable. Je ne suis qu'un raté. Si seulement j'avais eu la force, comme tout le monde, de faire mon deuil, si j'avais réussi à sourire à nouveau - si j'avais été égoïste et que j'avais retenu mon frère, que je l'avais empêché de périr ici avec de malhonnêtes sorciers. J'ai lamentablement échoué : voilà la pensée qui me hantera pour l'éternité.

J'ai en effet compris à cet instant qu'il n'avait pas réellement menti : j'allais rejoindre mon frère. Alors que les souffles qu'il me restaient me quittaient, j'ai compris que ma mère n'aurait plus aucun fils à son chevet.
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