La journée passe. A une vitesse si lente. La fin de l’été, le début de l’automne, on a l’impression d’être dans un entre-deux, ni trop l’un ni trop l’autre.
Assise à mon bureau, je m’étire. Qu’est-ce que je fous ici ? Ah. Oui. Préparer mon prochain cours. Deux livres ouverts et annotés, une autre pile posée à portée de main. Pff... c’est vraiment le côté ch*ant du professorat, ça. Si les cours pouvaient se préparer seuls.
Ce que j’aime, c’est le contact avec les gens. Les écouter débattre, discuter. Interroger leurs connaissances mais également la conception qu’ils en ont. Pousser la réflexion. Echanger.
J’ai presque envie de balancer un sujet au hasard, sans avoir rien préparé, et dire: bon, alors, ça vous inspire quoi ? Et construire le cours en collectif, à mesure de discussions et de débats respectueux.

Je baille un peu puis me tourne vers la fenêtre.
J’aperçois le parc de Poudlard. Le lac. Plus loin, la silhouette du terrain de Quidditch.
Ah, quel décor ! Quand même, l’idée de retrouver Poudlard, arpenter à nouveau ses couloirs est aussi une des raisons pour lesquelles je me suis dit "et si j’enseignais ?". Y’a quand même pas meilleur décor professionnel. A part les Trois Balais. Eux, rien ne les surpassera. C’est vraiment ma maison, mon chez-moi, mon nid douillet. Si je devais choisir entre Trois Balais et Poudlard, je pense que je finirais par aller retrouver mon bar chéri.
Je songe à tout ça quand des coups se font entendre à la porte. Tiens. Je n’attendais personne, il me semble. Ou alors j’ai oublié... ? C’est bien possible. Même si, en règle général, je n’oublie pas mes rendez-vous. J’arrive juste parfois en retard. Quand je n’ai pas envie de courir derrière le Temps et que je vais, tranquille -l’important, finalement, c’est d’arriver, peu importe l’heure, non ?
Je laisse planer une ou deux secondes de silence avant de m’éclaircir la gorge :

-Oui, entrez.

La porte s’ouvre. Sur une étudiante aux couleurs de Gryffondor.
Mais, plus que ses couleurs qui me rappellent les miennes, c’est surtout son visage qui me laisse sans voix. Il y a un battement de cœur trop fort, trop rapide.
Je ne peux pas dire que je ne la reconnais pas.
Parce que je n’ai jamais oublié ses traits. Son visage.
Et j’ai un bug.
M*rde.
Elle est sorcière ?
M*rde.
Elle est encore étudiante ?
M*rde.
Mais elle a quel âge ?!

Un instant de flottement. Qui me renvoie en arrière. L’hiver. Dans un coin tranquille de Finland. Et elle, Zélie -Zzzzzzélie- qui était là. Peu de mots, des regards, une alchimie...
Je n’ai jamais pensé qu’un jour, je la reverrait.
En fait, c’était presque un accord tacite entre nous : je t’aime, pour une nuit, on ne se reverra plus jamais. Mais.. Comment est-ce possible ?
Je déglutis un peu. Me reconnaît-elle ?
Je pourrais jouer celle qui, justement, a oublié. Fait comme si de rien n’était. Mais. J’en suis incapable. Parce que je me suis dit : je ne t’oublierai pas. Et c’était vrai. Je me suis souvenue. De l’instant éphémère partagé à deux.

-Zélie, je commence alors d’une voix douce.

Et je suis incapable d’ajouter autre chose. La situation est beaucoup trop... maladroite ? Gênante ? Je pensais l’avoir laissée derrière moi, dans cette auberge finlandaise. Et voilà qu’elle réapparaît. A l’improviste. Et, surtout, arborant l’uniforme étudiant alors que je suis ici en tant que professeure.