Sur les trace d’un baroudeur

Qu’est-ce qu’il fout là ?
                                        Qu’est-ce que j’en sais ?
C’est bien toi qui lui dit qu’il pouvait venir
                                         Il parlait trop, posait trop de questions.
Donc il vient ?

V’la que tu haussais les épaules à mes questions, comme si tu n’en avais plus rien à faire. De toute façon, je me doutais bien que tu ne pouvais plus… Avancer, reculer, ou prétendre souffler. Que ce soit en partant de chez toi la nuit de Noel en le laissant seul avec les animaux, ou juste à là maintenant, sac sur le dors, mains fourrées dans les poches à attendre au pied de ton immeuble. Tu ne savais plus à quel saint te vouer, que croire, que penser, quel repère garder. Et celui-ci qui se taguait de vouloir rester à tes côtés, écopait de la méfiance et les blessures gagnées à trop croire des promesses balancées au creux de tes mains. Aucun crédit n’avait été finalement donné à ses belles paroles de l’autre nuit, qu’importait la conclusion de son monologue couvert de farine à biscuit. Tu n’y croyais pas, pas un seul instant, pas plus que tu voulais croire que tout disparaissait au fur et à mesure autour de toi.

– Tu l’as trouvé ?

Obsession de savoir où ton colocataire avait disparu, psychose désormais quotidienne de te prouver que lui, avait eu une bonne raison de partir. T’avais envoyé Jasper le chercher, en premier lieu dans les campagnes de Dublin au près du paternel, puis plus loin vers les contrées que son carnet laissé en chevet énonçait. Ton compagnon magique était revenu les traits tirés, exténué sans vraiment te dire ce qu’il en était sachant que tu le harcèlerais de questions. Gamine impatience et capricieuse que tu étais quand l’angoisse te possédait de part en part. Le pauvre elfe t’offrait une moue désolée avant de détourner le regard vers des bruits de pas, se mettant dans l’ombre de l’immeuble.

Un passant. En plein milieu de la nuit. Sous le givre naissant et les gerçures de l’épiderme non couvert… Tu n’y croyais pas vraiment, plissant les yeux pour essayer de distinguer la forme mouvante et trop discrète pour être un moldu éméché. Tu soupirais en roulant des yeux à l’attention de la créature en retrait derrière toi.

T’es trop dure avec lui
                             …
Laisse lui un peu de répit, ça n’a pas été facile pour lui de remonter la piste de Chad
                                …

Voilà que tu m’ignorais. Moi ta conscience, après ces temps mois, non, ces années de communions, tu me layais une nouvelle fois au placard ? C’était injuste. D’autant que tu savais que j’avais parfaitement raison, que les pointes d’irritation envers Jasper étaient parfaitement injuste, et que ton agacement sur la marche de l’homme au loin n’avait pas lieux d’être. Si Evan se hâtais, tu lui en aurais voulu d’avoir fait trop de bruit, s’il arrivait à toi discrètement ça usait ta patience aussi. Impatience trop présente, tu ne le lâchais pas des yeux comme si cela pouvait lui intimer d’aller plus vite. Paradoxe sensible d’attendre qu’il arrive pour partir alors que tu aurais limite préféré voyager seule.

– Bonsoir. J’espère que tu es prêt, on y va de suite. Jasper s’occuper des trajets vus qu’il est le seul à savoir où se rendre

Pas un sourire à son attention. Une vague esquisse d’un rehaussement de commissure sur un seul coin de lèvre, le regard trop sérieux pour lui laisser placer une blague stupide, tu lui indiquais d’un mouvement de mèches dépassant du bonnet la présence du taxi vivant.

-Prends lui la main, tu poseras des questions plus tard.

Invectives lancées, ta main prenait le poignet de Jasper, quand la respiration se bloquait en l’entendant initier le transplanage d’escorte. Tu détestais quand tu ne « conduisais » pas, encore plus quand tu ignorais où tu allais. Par précaution tu n’avais rien mangé mais ne pouvais t’empêcher de lâcher ta prise une fois le tourbillon voyageur enfin fini.

– Bordel de…

Mal parler et vouloir insulter son elfe c’était franchement pas gracieux pour une demoiselle, pour la peine tu vomissais la seule chose que tu avais dans le ventre : un chocolat chaud, désormais glacé et perdu dans des brins d’herbe. J’aurai bien dit « bien fait ». Mais tu pesterais d’autant plus, alors je me marrais dans mon coin quand même à te voir à quatre pattes le nez vers le sol. Allé, remets-toi gamine, c’est rien, t’es juste….

-Et on est où la ?
– Glendalough…
-Et on fait quoi ici ?

En fait, tu ne le laissais même pas parler le pauvre petit Jasper, l’empressement d’avoir des réponses, ou du moins la seule que tu voulais de faisait perdre la moindre des convenances. La manche de ta cape venait essuyer ta bouche avec trop de vigueur pour ne pas trahir ta contrariété. Du peu que tu voyais –donc autant dire quasi rien- vous étiez quasiment au milieu du néant. La lune reflétait dans un lac, et le tapis de verdure que t’avais arrosé s’étendait trop à ton gout pour espère trouver Chad.

-Le père du squatteur de ma chambre habitait dans ce village…

Le ton neutre de ton compagnon magique ne t’interpellait pas, la façon de conjuguer le verbe habiter, si. Un froncement de sourcil et un coup d’œil rapide à Evan, tu te levais silencieusement, inspirant profondément, expirant tout aussi lentement avant de prendre enfin en considération le second voyageur.

- Première escale, l’Irlande… j’espère que t’as pris des vêtements chauds, j’ignore comment on sera accueilli..

-On ne le sera pas…

La voix étouffée de Jasper ne t’était pas parvenue maintenant que tu avais rejoint le voleur factice d’étoiles pour avancer à côté de lui et échanger quelques politesses oubliées.