Avec Eden L. Maddox
Saison 29 - Hiver

Toute la journée, y avait ce souvenir dans sa tête, qui le quittait pas. Ce souvenir étrange, lointain, aux côtés de Hans, dans une cité enneigée. Y avait quelque chose dans ce souvenir, quelque chose qu'il oubliait. Quelque chose d'important. Et ça le taraudait. Ça le tiraillait. La décision fut prise en quelques minutes à peine alors qu'il finissait son service aux 3B. Le soir-même, il demandait à Kohane comment se rendre en Russie par transport magique, le plus rapidement possible. Le lendemain matin, il prenait un portoloin pour Moscou, et errait dans des rues qui lui semblaient à la fois totalement inconnues et étrangement familières.

Elias ? Se retournant brusquement, l'homme tomba nez-à-nez avec un type à l'air patibulaire et la mâchoire carrée. Bon Dieu mais oui c'est bien toi ! C'est bien moi oui le regard perdu d'Elias fit réagir le bonhomme presque immédiatement. Mikhaïl ! Le Directeur de St Zinaïda ! L'énorme bras désigna le haut bâtiment devant lequel ils se tenaient. Tu es revenu pour Eden ? Le pauvre gamin ça fait un bail qu'il est plus là tu sais !

Pis soudain il eut un flash, de cette journée. Il était jeune, pas plus d'une vingtaine d'année. Il suivait Hans dans le dédale d'un vieux bâtiment austère, froid. Un gamin, pas plus haut que sa taille qui le regarde avec de grands yeux. Eden. Les visites irrégulières, puis les lettres échangées pendant plusieurs années. Eden. Il était devenu quoi le gosse ? Eden ouais ! Il est plus là non qu'il balança distraitement au type en le suivant à l'intérieur du bâtiment. Ça fait plusieurs années qu'il est partit je sais bien Dix ans qu'il avait ouais, dix ans ! Dix ans. Il devait avoir... dans les seize, dix-sept ans ? Il disait quoi dans sa dernière lettre déjà... un truc au sujet de sa famille adoptive ? Elias passa deux doigts sur ses tempes, extrêmement fatigué tout à coup. Mille questions se bousculaient sous son crâne.

Mikhaïl avait un accent à couper au couteau. Mais au moins, il parlait anglais. Nan parce que s'il avait fallu qu'ils parlent en russe c'était mort. Elias il connaissait rien que Priviet et Spasiba. Ça cassait pas trois pattes à un canard. Du thé ? Elias acquiesça. C'était un choix plus évident que la Vodka, dont plusieurs bouteilles semblaient trainer sur les étagères. Dis ça fait vraiment longtemps... qu'est-ce que tu deviens Elias ? Hans m'a dit tu avais été professeur ? La bouilloire mise en route, Mikhaïl darda un oeil curieux sur le trentenaire, qui fronça les sourcils. Oui, heu... Professeur ? Il était même pas sûr de l'avoir jamais été ! Quand bien même ça voulait dire qu'il aurait été professeur dans une école de magie... A Poudlard ? Mais en quoi ? Et il connaissait l'existence de la magie ce type là ? Je travaille dans un bar en Écosse en fait. Depuis quelques semaines maintenant. Réponse que sembla approuver le directeur. Bien, bien ! Tu teste des choses différentes alors. C'est très bien.

A priori ce n'était pas le cas de Mikhaïl. Il semblait qu'il avait toujours vécu dans cet endroit. Il commença à lui parler des gamins qu'il gardait, de la rudesse de Moscou sur les orphelins, de la froideur de l'hiver, de Hans qui lui écrivait des lettres mais qui ne venait plus lui rendre visite. Puis il commença à évoquer le nom d'Eden, alors que des coups se faisaient entendre à la porte. Sa tasse encore fumante entre les mains, Elias regarda le directeur se lever, s'excuser et aller ouvrir au visiteur. Décidément c'est un dimanche où on ne s'ennuie pas hein ? Puis il entendit plusieurs mots qu'il ne comprit pas - du russe semblait-il, et il laissa son attention dériver sur la décoration quasi-inexistante de la pièce. De piètres photos en noirs et blancs, de petites statuettes en bronze représentant quelque personnalité du pays, ce qui avait l'air de diplômes mais dont il ne pouvait pas lire les titres, et quelques livres du même acabit.

À la découverte du passé...

Ft. Elias Baxter

Tu attendais devant cette indéfinissable porte. L’air se raréfiait, au dehors, bientôt, on y pouvait voir l’air se charger de frais, des flocons de neige descendre depuis les cieux pour recouvrir le sol d’un presque épais manteau blanc. Tu te sentais fébrile, tentant vainement de te réchauffer malgré le peu de vêtements que tu portais. Bientôt, cette porte close s’entrouvrait doucement t je la regardais d’un air surpris. L’homme qui s’y trouvait dans l’accès de celle-ci, me regardait de la tête aux pieds. Et je pouvais même presque mettre ma main à couper, qu’il ne se sentait pas à l’aise en ma présence. Rien que par mon physique, il me prenait pour un de ces écervelés qui ne respectait rien. Alors, je pouvais me sentir déglutir à cet instant précis. Tout juste prêt à vouloir rebrousser chemin. Mais j’étais incapable de mouvoir le moindre de mes pieds.

- « Désolé de vous déranger… Je cherche le St Zinaïda, c’est bien ici ? »

Bravo, Eden, tu ne te sens pas du tout stupide, lorsque ton regard percute l’inscription au-dessus de la porte. De plus en plus gêné et mal à l’aise, la pression dans ton corps, ne faisait que monter d’un cran.

- « Quoi que laissez tomber, c’est surement pas ici que j’trouverais les réponses à mes questions… Bref, désolé du dérangement. »

Trop nerveux, tu avais fini par faire demi-tour parce que tes nerfs avaient soudainement lâché. Découvrir des parcelles sombres de ta vie, ça te filait une de ces angoisses si immense, que tu ne savais pas comment passer outre cette frayeur surprenante. Alors que tu avais trouvé refuge sur un banc pas loin, tu ramenais tes jambes vers ton torse tout en prenant ta tête entre tes mains. Là, tout de suite, tu aurais donner n’importe quoi pour qu’Elhiya vienne calmer ta crise d’angoisse. Ça faisait longtemps que tu n’en avais plus fait, mais d’être si loin de Londres, mais surtout d’elle, c’était l’un de tes moments les plus terrifiants et angoissants que tu pouvais vivre, en ce moment-même. Et c’était loin de te plaire, en plus, qui plus est.

Pris de curiosité, Elias se décida à quitter la pièce pour aller voir ce qui se passait à l'entrée. Ou plutôt qui. Sa tasse encore fumante à la main, il aperçu le dos large du directeur, et derrière lui l'ombre d'une silhouette s'éloignant. Des mots slaves parvinrent à ses oreilles, mais rien dont il ne comprit la signification. Une main sur l'épaule de Mikhaïl pour lui faire savoir qu'il était présent, il fit un signe de tête vers la personne qui semble t-il accaparait toute l'attention du bonhomme, quémandant silencieusement une quelconque explication. Ce garçon c'est... c'est comme un призрак* du passé... La voix était sourde. Je crois... je crois que c'est lui non ? Eden.

Un frisson parcourut l'échine d'Elias, et il porta de nouveau le regard sur la silhouette, qui sembla s'affaisser sur un banc à quelques mètres à peine. Eden ? Son corps était maigre, son teint pâle, sa chevelure d'ébène. Le lien avec le visage d'enfant qu'Elias avait connu était faible. Quasi-inexistant. Dans le doute... Je vais voir ça. Pouvez garder le thé au chaud s'il vous plait ? Il tendit la tasse fumante au large type, qui l'attrapa d'une main distraite en marmonnant quelques mots en russe avant de disparaitre dans le couloir menant à son bureau. Puis l'Elias s'avança pas à pas vers l'âme esseulée sur son banc, les sourcils froncés, ses lèvres serrées en une ligne étroite. Il savait pas bien à quoi s'attendre. Il savait pas bien ce qu'il attendait non plus. Finalement gêné, il décida de s'assoir simplement à côté de l'adolescent, les mains dans les poches, et d'attendre sans un mot.

À la découverte du passé...

Ft. Elias Baxter

Tellement pris dans mes réflexions, je n’ai pas vu que je n’étais plus seul sur ce banc. Il faudra bien attendre plus d’une dizaine de minutes, le temps que je me décide de lever ma bouille pour pouvoir voir cet homme à mes côtés. Je comprenais pas sa présence à mes côtés. J’comprenais encore moins ce qu’il se passait, pour être sincère. Tout ce temps ici, j’en gardais des brides de souvenirs, mais tout semblait flou, aucune cohérence entre eux. Je ne possédais que des brefs moments, mis dans le désordre et cette vision des choses, je la haïssais autant que moi-même. Une main s’égarait sur ma propre nuque, pendant que je me mordais les lèvres nerveusement. J’étais particulièrement stressé, un poil tendu aussi, qui plus est. Pourtant, ce silence, il me fallait bien le rompre pour pouvoir espérer recevoir des réponses.

- «… Pardonnez-moi… Je ne sais pas trop quoi dire. »

Pourtant, j’avais des millions de questions en tête. Mais comment les dire sans paraitre pour un impatient, sans paraître comme un « enfant » en pleine réflexion, en plein questionnement sur ce qu’il était, est et demeura encore à l’avenir. Je me sentais particulièrement perdu. J’ignorais exactement par où je devais commencer. Et quand mon visage se pose face à celui de cet homme… Je ne savais pas trop quel nom mettre sur son visage. Tout semblait tellement flou que j’finissais par avoir les larmes aux bords des yeux.

- «  … Pardonnez également mon impolitesse… Mais … Êtes-vous de ceux qui m’auraient connu étant gamin, ici ? … J’me souviens de pas grand-chose ici… J’ai été victime d’un oubliette, assez mal gérer et depuis, c’est le bazar dans ma tête. J’sais pas trop par où commencer… J’ai l’impression de devenir fou… »

Et l’instant d’après, je me levais du banc tout en agrippant mes cheveux blonds pour ensuite râler inaudiblement. Puis, je levais mon visage vers le ciel tout en sortant une barrette parfumée de ma poche et mon briquet. Ce vestige d’un temps passé, que j’avais récupéré depuis peu. En effleurant la gravure sur ce dernier, je soupirais encore un peu avant de me décider d’en embraser l’extrémité de celle-ci. Une bouffée aussi longue que ce moment où je me demandais quoi dire de plus qu’une simple excuse. Et ensuite, je soupirais tout en croisant mes bras devant mon torse.

- «  Je sais que le stricte minimum, on m’a laissé des lettres, m’expliquant juste les grandes lignes de ma vie… J’sais plus trop si elles venaient de ma tante ou de ma mère. … Et … m*rde. Fais ch*er. »

Encore plus mal à l’aise et me voilà à faire demi-tour sur place pour commencer à faire les cents pas. Tant pis pour le ridicule, je me contentais que de fixer le sol, avec cet air incapable de pouvoir remettre les choses dans le bon ordre. Toujours aussi nerveusement, les tirades sur cet instant éphémère, s’additionnait avec une rapidité déconcertante, jusqu’à que je me contentais de l’écraser du pieds pour jeter ses restes dans une poubelle par trop loin. Tentative désespéré de regagner le peu de constance qu’il restait en moi, mais j’savais que c’était pas gagné. Pour finir, je reprenais place sur ce banc, reprenant ma tête entre mes mains. Quelque chose me dit que j’resterais pas longtemps dans ce pays. J’ai hâte de retourner à Londres pour pouvoir me changer les idées autrement.

Y a comme un silence à l'intérieur d'un autre silence. Y a bien dix minutes qui passent avant que le jeune semble même remarquer sa présence. L'Elias a eu le temps de se perdre dans ses pensées. Loin, très loin dans des souvenirs morcelés qu'il essaye tant bien que mal de reconstituer. Il en oublierait presque où il est. Pardonnez-moi… Je ne sais pas trop quoi dire. Sursaut du trentenaire, qui s'attendait pas à entendre une voix surgir de la forme qui se tenait près de lui. Il tourne la tête vers lui, le dévisage. E.D.E.N. C'est bien lui. Changé, lourdement, mais quelque part fidèle à lui même. Un sentiment étrange se saisit d'Elias, qu'a la langue clouée au palais. Pardonnez également mon impolitesse… Mais … Êtes-vous de ceux qui m’auraient connu étant gamin, ici ? … J’me souviens de pas grand-chose ici… J’ai été victime d’un oubliette, assez mal géré et depuis, c’est le bazar dans ma tête. J’sais pas trop par où commencer… J’ai l’impression de devenir fou…

E.
D.
E.
N.
Un gamin qui court dans des couloirs sombres. Un visage, un grand sourire, deux yeux brillants, insolents. Un paquet de lettres envolées au travers des années. Et un silence, dans un autre silence. Elias il dit rien, et il regarde l'adolescent. Il est arrivé là ce matin sans savoir vraiment pourquoi il avait entrepris le voyage. Semblerait qu'il était arrivé sensiblement la même chose au garçon. A ceci près que lui se souvenait d'un nom, ils étaient comme deux étrangers emprunts de sentiments familiers. Deux fantômes surgis d'un passé incertain. Oubliette il avait prononcé. Elias associa le mot à une forme de magie. On avait du lui effacer ses souvenirs. Comme lui avait vu ses mémoires se morceler sous l'effet du fruit mystère d'Amazonie. Gardant un silence obstiné, il continua de fixer le jeune tandis qu'il s'arrachait les cheveux et entamait les cent pas, du poison à la bouche. Elias croise les bras. Je sais que le strict minimum. On m’a laissé des lettres, m’expliquant juste les grandes lignes de ma vie… J’sais plus trop si elles venaient de ma tante ou de ma mère. … Et … m*rde. Fais ch*er. La ritournelle reprend. Le garçon a l'air totalement paumé. Ça lui rappelle l'état dans lequel il était quand il était sortit de cette jungle et qu'il captait plus rien, jusqu'à sa propre identité.

Finalement l'Elias décroise les bras, en place un sur le dossier du banc, et passe une jambe sur l'autre. Décontracté, il fait opposition à la gestuelle frénétique du plus jeune, comme pour l'apaiser sans qu'il ne s'en rende compte. Sûr que c'est pas fun. On te vole tes souvenirs on te vole ta vie hein ? C'est comme y avait plus rien qui t'appartenait... j'connais ça. Il était passé par là. L'humain tenait à peu de choses. S'il n'était plus relié à rien ni personne, existait-il seulement ? J'vais être honnête, j'me rappelle de toi. Mais pas totalement. Juste un peu. Ton nom c'est Eden hein ? Le mot évoque de nouveau ce visage d'enfant souriant. Moi aussi j'ai un problème là-dedans un doigt frappe sa tempe mais je me rappelle t'avoir connu gamin. Ici même. Il se leva soudainement et tendit une main vers l'adolescent, un sourire rassurant sur les lèvres. Elias Baxter. C'est mon nom. On a qu'à essayer de tout reprendre depuis le début, ça devrait nous aider. C'était comme quand on avait perdu un truc précieux. Fallait refaire le chemin dans sa tête pour le retrouver.