Izsa était une de ces anglaises qui voyait tout ce qui était au Nord de Londres comme l'Ecosse, et ne se sentait chez elle qu'entre le Devon et les Cornouailles. Autant dire qu'elle se sentait comme à la maison, alors qu'elle transplana en plein milieu du Parc National Exmouth, dans le Somerset. Elle prit une seconde pour profiter du soleil dans l'air froid de la matinée. La journée était vraiment belle pour ce début du mois de mars. Elle n'était pas mécontente de la passer loin de Londres.

Mais ne croyez pas que la Hilswood allait faire de la randonnée, aujourd'hui. Non, elle n'était pas venue seule : sa plus jeune employée, Jennifer, était à ses côtés pour un transplanage d'escorte. Elle souhaitait lui montrer une toute autre partie du travail de créateur de baguettes magiques : la rencontre avec les fournisseurs. Et après avoir longuement hésité, Izsa avait choisi de lui faire rencontrer Amity Penhaligon, responsable en chef de la réserve magique. Elle aurait mis sa main à couper (ou peut-être pas à couper, mais quand même) que Jennifer n'avait jamais vu de vivet doré durant ses cours de Soin au Créatures Magiques. Ses boules de plumes avaient été capturés pour l'amusement des anciens joueurs de Quidditch, si bien que la taille de population avait chutée drastiquement au point que même aujourd'hui, elle n'était pas revenue son état initial. Ce qui était très dommage, car les plumes de vivet dorés étaient incroyablement performantes au cœur des baguettes magiques. Vives, pouvant faire de la magie très belle et très avancées en un quart de seconde, c'était un composant tout en finesse et sans la moindre trace de magie noire en lui. Quel dommage qu'il fut si dur d'en trouver.

C'était bien pour ça qu'Izsa avait un accord avec Amity Penhaligon. Ollivander's ne se contentait pas d'acheter des plumes, ils finançaient également la sauvegarde de ses petites bestioles afin de les protéger des braconniers et autres personnes mal intentionnées. Le truc, c'était que du coup :

- On va devoir marcher un peu, indiqua-t-elle. La réserve est entourée de protection anti-transplanage.

Elles prirent un petit chemin de terre qui montaient au-dessus de la vallée. Tout autour d'elle, le paysage n'était qu'une grande plaine balayée par le vent. Plus haut se trouvait une petite forêt, composée plus de buisson que d'arbres. C'était là qu'elles se rendaient, à une petite quinzaine de minute de marche. Heureusement qu'Izsa avait prévu un manteau ciré et des chaussures de marches, car sinon elle aurait été gelée jusqu'aux os. Et puis, elle avait des jumelles, aussi. Il fallait bien de quoi observer les vivets dorées, quand elles se posteraient sur leur observatoire surplombant la plaine.

- Alors, tu te plais à Ollivander's ? demanda-t-elle pour faire la conversation - chose qui n'allait peut-être pas durer si le chemin restait aussi pentu. Pas trop dur de suivre des cours en même temps ?

C'était pas vraiment les questions du siècle, disons le bien. Izsa avait prévu une toute autre conversation pour plus tard, mais ça serait pour quand elles seraient isolées de tous et pas prêtes d'haleter à cause de l'effort. Chaque chose en son temps.

Depuis qu'elle avait arrêter le Quidditch, et comme il n'y avait pas de nouvelle coupe de duel qui s'annonçait, Izsa avait pas mal perdu en endurance. Alors qu'elle marchait droit dans la côte, son souffle se faisait plus court. Elle se demandait comment les autres sorciers faisaient, eux, pour garder la pêche, alors que le transplanage rendait quasi toute marche inutile.

D'ailleurs, Jennifer ne faiblit guère durant sa réponse. Il fallait dire qu'elle aussi, elle avait été beaucoup plus active durant ses années d'école.

- Figure toi que je me surprends de plus en plus à aimer choisir les baguettes même s'il m'arrive encore d'avoir quelques erreurs mais je crois que je considère Ollivander à présent comme ma seconde maison. Et, pour les cours non ça va, j'arrive à combiner les deux puis j'aime être occupée durant mes journées. Au moins je ne les vois pas passer mais il se passe de drôles de choses à Poudlard... Ceux qui n'aiment pas les cours monotones, ils sont servis en ce moment.

Ça n'était pas Poudlard, qui aurait du être sa seconde maison ? s'amusa-t-elle, se rappelant du discours que Renata Harshing lui avait fait le jour de sa première arrivée à l'école. Enfin, en tout cas, c'était une bonne nouvelle. Izsa voulait que ses employés se sentent bien dans la boutique. Plus ils seraient heureux, plus ils prendraient de l'expérience, mieux la boutique fonctionnerait. Et puis le fait qu'ils se plaisent à Ollivander's était une réussite en soi, bien sûr. Elle aurait juste détesté qu'ils se disent que l'herbe était plus verte ailleurs. Surtout Jennifer : elle avait encore un bon nombre d'année avant de rentrer véritablement dans la vie active.

Izsa tiqua cependant à sa dernière remarque. Les cours étaient mouvementés, hein ? Est-ce qu'elle parlait de...

- Le cours d'astronomie, hein ? Tu parles de cet élève qui a été attaqué ? Tu étais là ?

Evidemment, son esprit avait immédiatement sauté à cette conclusion. Ulysse leur en avait parlé, vu le message qui était attaché à la flèche. Ou alors elle était complètement à côté de la plaque. Elle reprit un peu sa respiration avant de reprendre.

- Ou alors tu parles d'autres choses ? Je ne suis pas au courant de tout ce qui se passe à Poudlard...

D'ailleurs c'était pour ça qu'elle lui posait autant de question. Izsa maitrisait bien, l'interrogatoire en ayant l'air d'être simplement curieuse. Rien ne tombait jamais dans l'oreille d'un sourd avec elle, cependant.

Izsa avait bien eu raison : elle parlait de la fois où des gens (probablement les Mangemorts) avaient essayé de coller une attaque sur le dos de l'Ordre du Phénix. Elle savait très bien ce qu'il s'était passé, évidemment : Ulysse les avait immédiatement mis au courant. Le bout de papier en question - qu'il avait récupéré et caché aux yeux des élèves - était un message cherchant à leur faire porter le chapeau. Heureusement, le Phénix avait été sur le coup.

« Mais tu as raison...En disant cela, je parlais aussi d'autre chose. Le cours de vol notamment. Tout se passait très bien jusqu'à ce qu'un patronus apparaisse. Je ne pourrais pas te dire à qui il appartenait mais il avait la forme d'un coyote. Il disait à Lizzie de venir car quelque chose de très grave s'était passé. »

A la connaissance d'Izsa, une seule personne possédant un Patronus prenant la forme d'un coyote : Azénor. Et étant donné le contexte, cela devait venir d'elle... Pourtant elle ne savait pas de qu'elle affaire il pouvait s'agir. Pas de lien direct avec l'Ordre Noir, en tout cas, car sinon la directrice les aurait prévenu. Il faudrait qu'elle creuse un peu, bien que cela ne soit pas urgent.

« Quand je t'ai dit que Poudlard ne manquait pas d'action, je ne t'ai pas menti. On est arrivées ? J'ai été une fois en stage de transplanage et j'ai perdu toute ma chevelure alors je ne te cache pas que je suis un peu stressée à l'idée de devoir transplaner à nouveau... »

Ah ah, les bonheurs du transplanage. Izsa se rappelait de ses premières leçons, elles n'avaient pas non plus été très glorieuses. De toute manière, toute la zone était protégée contre les transplanages, alors elles ne risquaient pas de repartir avant que la journée soit bien plus avancée.

- Plus trop, non. J'ai donné rendez-vous à Amity Penhaligon juste à l'entrée de la forêt. Elle nous guidera jusqu'à un observatoire caché en plein cœur du parc. C'est l'endroit idéal pour voir des Vivets Dorés.

D'ailleurs, en disant cela, elles arrivèrent en haut d'un rocher particulièrement haut qui leur avait bouché la vue, et elles virent que leur objectif était juste devant elles. Mrs Penhaligon était à peine visible, à l'orée de la forêt. C'était une femme qui paraissait plus frêle qu'elle ne l'était vraiment, allant vers la cinquantaine d'année. Elle reconnut Izsa et la salua au loin.

- Mrs Penhaligon ne parle pas beaucoup, prévint-elle. Et elle n'aime pas trop les gens qui parlent nous plus - ça effraye les créatures magiques. Une fois qu'on sera rentrés dans la forêt, il vaudra mieux rester silencieuses, à moins que tu es une question importante ou bien qu'elle t'en pose une, de question. Evidemment, on parle à voix basse.

Elle préférait lui dire tous cela maintenant, car sinon elle risquait de mettre Amity de travers sans même savoir pourquoi. Heureusement, elles allaient avoir quelques minutes devant elles avant de pénétrer dans le cœur véritable du parc. Le temps d'avoir leurs instructions, et - surtout - de voir avec elle si des plumes en bon état seraient disponibles pour la boutique.

- Bonjour Mrs Penhaligon, dit Izsa quand elles furent à porter de voix. Voici Jennifer Wilson, ma stagiaire dont je t'ai parlé.

- Bonjour, enchanté, répondit la femme aux cheveux grisonnants, dardant son regard d'aigle sur la jeune étudiante. Vous avez déjà observé des créatures magiques dans la nature ?

Comme elle s'en doutait, Jennifer connaissait les petits oiseaux jaunes. Et comme elle s'en doutait, elle n'en avait jamais vu. Il fallait dire que leur utilisation dans le Quidditch avait mené l'espèce à deux pas de l'extinction. Les sorciers avaient beau se trouver si supérieurs aux moldus, qui détruisaient l'environnement et chassaient les plus beaux animaux de la création, ils ne valaient en réalité pas mieux.

Face à la sorcière cornique, Jennifer ne fut pas très bavarde :

« Bonjour Mrs Penhaligon. Pareillement. Non, je n'ai pas eu cette chance encore mais j'en rêverai. »

C'était logique, vu ce qu'Izsa lui avait dit juste avant. Mais elle espérait qu'elle pourrait étancher sa curiosité ; la jeune stagiaire d'Ollivander's ne devait pas être à Serdaigle pour rien. Mrs Penhaligon, elle, avait déjà enchainé.

- Bon. Alors il faut connaitre les règles, pour ce genre d'observation. La priorité absolu c'est le bien-être des animaux ici. C'est à dire qu'il faut le calme absolue, et ne surtout pas les déranger. Evidemment, c'est également nécessaire pour pouvoir les observer ; ils ne sortiront pas du couvert de la végétation si ils se sentent en danger. Mais cela vaut également quand vous repartirez : il faut être le plus discret possible à l'aller comme au retour. Surtout, il est hors de question de courir. Et en marchant, il faut faire très attention de où vous mettez les pieds.

Ce speech là, Izsa le connaissait. Ça n'était pas Amity qui le lui avait fait, mais ça restait toujours le même principe, quelque soit la créature observée. Elle avait de terrible souvenir de sa dernière observation de bêtes sauvages, en Australie. Les Bunyip étaient autrement plus dangereux que les Vivets Dorés, si bien que même avec les meilleurs conseils du monde Izsa s'était retrouvée avec des dents profondément enfoncées dans son épaule, lui sciant la chaire. Là, même dans le pire des cas, elle ne se retrouverait qu'avec quelques griffures et coup de bec.

Elle décida de relancer un peu la discussion, tant qu'elles pouvaient encore faire un peu de bruit.

- Amity travaille ici depuis plus de vingt ans. Et elle gère cette réserve depuis cinq de ces années ; personne ne connait mieux les Vivets Dorés qu'elle.

La sorcière n'afficha guère d'émotion, mais Izsa devinait qu'elle acceptait le compliment avec un certaine fierté.

- Si tu as des questions, alors c'est le moment.

- La préservation des vivets dorés est en réalité l'une des plus ancienne à avoir été mis en place, au XIVème siècle. La vérité, c'est que les joueurs et organisateurs de Quidditch n'avaient jamais envisagé de sauvegarder l'espèce avant que celle-ci ne commence à disparaître. La société sorcière est bien trop ancrée dans des traditions passées pour faire du bien être animale une priorité : c'est le cas aujourd'hui, mais c'était encore plus le cas à cette époque. Ainsi, la population de vivet doré comptait moins d'une centaine d'individus lorsque Bowman Wright a créé le premier Vif d'Or. Il est probable que sont invention était moins pour la sauvegarde de l'espèce que pour permettre aux matchs de continuer de se dérouler normalement malgré l'impossibilité de se fournir en oiseaux.

Du ton de la voix d'Amity, il était clair que celle-ci jugeait beaucoup les sorciers de l'époque, et même d'aujourd'hui. A force de s'occuper des Vivets, elle en avait développé un certain dégoût pour l'espèce humaine. Izsa ne pouvait que la comprendre.

« Est-ce qu'il y a un risque si le Ministère découvre la réserve, il connait peut-être déjà son existence ? »


De quoi le Ministère ? Izsa leva un sourcil circonspect. Elle pensait que cela était clair mais en réalité elle ne l'avait pas clairement expliqué, maintenant qu'elle y pensait.

- Bien sûr, le Ministère connait son existence, répondit la gérante de la réserve. La décision de protéger les vivets vient du gouvernement, et c'est également lui qui a décidé de où se situerait cette réserve. Nous ne crions pas l'emplacement de cet endroit sur tout les toits, mais nous ne le cachons pas non plus. La magie nous a toujours permis de le protéger efficacement contre ceux qui auraient de mauvaises intentions.

La discussion semblait arrivée à son terme, si bien qu'Izsa essaya d’enchaîner rapidement :

- On peut se mettre en route à présent ? Je pense que Jennifer à hâte de pouvoir observer les vivets.

Et elle aussi, elle avait hâte. De s'asseoir, surtout, ses jambes commençaient à la tirer à force de rester debout.

- Allons-y, répondit elle laconiquement.

Elles s'engagèrent dans la couverture de la forêt, Amity devant et Izsa sur ses pas. Le chemin était très discret, invisible presque, pourtant leur guide ne s'arrêta pas une seconde pour retrouver son chemin. C'était à se demander si elle n'aurait pas pu faire le trajet les yeux fermés, tellement elle connaissait l'endroit. La forêt était verdoyante en cette période de l'année, des rayons de lumière vive frappant le sol de manière irrégulière. Dans ce décors, les oiseaux se fondaient à leur environnement, que cela soit les vivets ou de simples moineaux. On pouvait cependant entre des chants de temps en temps, parfois si prêt qu'ils devaient être jusque au dessus de leurs têtes.

Après quinze bonnes minutes de marche, Amity s'arrêta, et fit un signe de sa baguette. Apparu alors soudainement une petite cabane en hauteur, qui avait été camouflé par de puissants sortilèges de Désillusion. Rien dans les environs n'auraient pu indiquer ce qu'il se trouvait là, seuls les gens qui connaissait son emplacement aurait pu le trouver. Et encore. Ça n'était pas la première fois qu'Izsa venait, pourtant elle n'aurait toujours pas su s'y retrouver. Il fallait dire qu'elle n'était pas connue pour son sens de l'orientation...

Elle grimpa sur la petite échelle qui menait en hauteur, puis attendit que Jennifer la rejoigne. Il n'y avait pas beaucoup d'espace, tout juste assez pour deux personnes assises. Mais cela convenait très bien à Izsa. Amity allait pouvoir retourner à ses occupations, pendant que les deux Ollivendeuses seraient aux leurs. Elle espérait voir au moins quatre ou cinq vivets avant que la journée ne devienne trop chaude pour qu'ils ne sortent de leurs cachettes. Mais surtout...

- Maintenant que nous sommes là, dit-elle. J'aimerais savoir une chose : as-tu déjà rencontrer des Mangemorts, ou bien des Phénix ? Que penses-tu d'eux. Elle lui envoya un sourire, malgré le sérieux de la question. Tu peux parler librement, nous sommes loin de toutes les oreilles indiscrètes.