Saison 31
Hiver

Le début de la fin. Mes doigts finalisent cette pensée, massant circulairement mes tempes douloureuses. Les cils clignent, savourent ce repos manuel comme un bain bien chaud. Sur la table, sous mon nez, gît comme une relique un parchemin. Il est intact, à peine froissé et l’écriture fine qui s’y lit est le reflet de l’officiel de son contenu. C’est n’importe quoi, je peux pas être préfète.

Voilà une heure que j’étais assise à une table des cachots, le regard vide, le corps complètement désœuvré. Est-ce qu’on pouvait refuser ce genre de proposition ? Probablement que non. Un soupir effleure mes lèvres, il devait y avoir une erreur de destinataire, de gestion, ou que sais-je. Quelque part, dans les hautes sphères dirigeantes de Poudlard, des enveloppes avaient du s’échanger, se perdre.

Les mauvaises habitudes reviennent alors, je me remets à ronger mes ongles. Comme quand j’avais dix ans, à l’orphelinat, quand une nouvelle famille se présentait pour adopter. L’angoisse de retomber sur des gens horribles, la peur de décevoir ou d’être déçue. J’avais toujours été mieux dans mon coin, à réparer des jouets que j’avais cassé ou à réfléchir à des plans d’évasion.

Je vais jamais être à la hauteur... Que faisaient les préfets d’ailleurs ? Je ne devais pas être seule dans cette galère. Et les autres alors ? Et le nôtre ? Celui de Serpentard ? Ne parlons pas du directeur... Lui, il ne fallait pas s’y fier pour le moment. Comment il s’appelait déjà ? Jordan ? Junior ? pu*ain, j’en sais rien du tout.

Agacés de ne rien faire, mes jambes prennent appui sur les pieds de la table, et je me mets à tanguer. À me bercer, songeuse. Qui que soit ce préfet, j’espère que c’est pas un lèche-botte. L’année risquait d’être interminable sinon.

La coiffure faussement négligée traduite par un mouvement particulier vers le côté, une odeur parfumée plus forte que d'habitude, l'uniforme scolaire à l'effigie de Salazar Serpentard, Jude attendait impatiemment la présence d'une nouvelle personne à ses côtés. Le Directeur était en prison, en attente de son jugement tandis que l'ancien préfet n'était plus. Hopkins se retrouvait tout seul face aux nombreux serpents et, par pur hasard, il avait appris qu'une nouvelle allait rejoindre l'équipe. La cerise sur le gâteau ou du moins, ce qu'il en restait. Malgré tout, il était plutôt heureux de cette nouvelle. Il allait se sentir moins seul dans la hiérarchie de la maison verte.

Il n'avait aucune idée de qui l'heureux élu pouvait être. S'agissait-il d'une fille ? D'un garçon ? Honnêtement, ce n'était pas ce qui l'inquiétait le plus. Jude espérait simplement que ce n'était pas un de ces gamins immatures. Ou encore un intelligent avec un égo surdimensionné. C'était sa plus grande hantise de travailler avec ce genre de personnes. L'ambiance actuelle était inexistante puisqu'il était le seul responsable de la maison mais ce n'était pour autant pas une raison pour ne pas faire part de ses exigences. Il en fallait sinon la vie était moins attractive. Même si la plupart étaient infondées.

Il se balada dans les couloirs de Poudlard, à la recherche d'une simple rumeur qui pourrait l'aiguiller sur son futur collègue. Mais visiblement, les ragots ne semblaient pas être présents à cette heure. Peine perdue. Il retourna dans les cachots pour attendre, tout simplement. Il ne lui restait plus qu'à faire ça, de toute façon... Mais ce n'était sans compter sur le hasard, ce fameux hasard pour que la situation change. Hopkins remarqua une fille, assise pour fixer une lettre avec beaucoup d'appréhension. Sa curiosité discuta d'elle-même et il se pencha légèrement, suffisamment pour espérer qu'elle ne le remarque pas pour lire l'intitulé. C'était donc elle, la nouvelle Préfète de Serpentard. Son visage n'était pas inconnu à Jude mais pas familier non plus. Il l'avait déjà croisé dans les cours, probablement, sans lui apporter aucune attention.

« Tu devrais accepter. », oups c'était sorti tout seul. Elle n'avait pas l'air si mauvaise que ça.

Saison 31
Hiver

Le regard fixé sur les inscriptions du parchemin, je n’avais pas remarqué l’ombre qui s’élevait doucement dans mon dos. D’un pas subtil, la présence s’était glissée par-dessus mon épaule, silencieuse. Ce fut seulement quand l’air vibra de ses paroles, que mon sang ne fit qu’un tour et que d’un cri suraigüe de surprise, je découvris un garçon penché au-dessus de moi. Et ce n’était pas un simple camarade de dortoir, mais l’autre Serpentard qui portait également la casquette de préfet.

Passé le choc, les battements de mon coeur ralentirent pour s’interroger sur le bien fondé de ses mots. Facile à dire, c’est toi qui m’as choisie ? Ou qui a soumis mon nom ? Un peu de colère et de reproche percent dans ma voix, je n’avais jamais voulu être entraînée dans la Direction de quoi que ce soit. Et je ne lui ai même jamais vraiment parlé ! Mais peut-être que je m’emportais trop vite contre lui... Il n’y était pour rien ? Non ? Excuse-moi... C’est juste que je suis contrariée. Ça..., je désigne le bout de papier, ce n’est pas pour moi.

Une mine de dégoût peinturlure mon visage. Faire respecter l’ordre ? Il faudrait déjà que moi-même je m’y emploie... Et lui d’ailleurs, n’était-il pas censé le savoir ? C’est quoi ton nom déjà ? Je tapote mon front de l’index, faisant appel à ma mémoire. John ! Non attend ce n’est pas ça... Qu’il ne croie pas que je me moque de lui, j’ai juste les idées ailleurs et ça ne me réussit pas vraiment.

J’essaye alors de me placer face à lui, pourquoi je devrais accepter, selon toi ?, mes lèvres demandent. J’accroche ensuite son regard et me plonge dans ses prunelles. Pour la première fois, je détaille ce garçon des pieds à la tête : chevelure soyeuse, bien qu’un peu trop parfaite pour être naturelle, yeux bleus, épaules carrées, plutôt grand. Un beau spécimen... Nous formerions un bon duo, un duo de choc, ensemble. C’était certain. Mais il fallait d’abord me convaincre - ou me convaincre moi-même - que ma place était à ses côtés.

Jude le reconnaissait, pour une première rencontre, faire peur à l'éventuelle Préfète des serpents n'était pas une bonne manière de lui souhaiter la bienvenue. Néanmoins, il ne pouvait pas s'empêcher de lâcher un léger sourire lorsqu'il remarqua sa réaction. Elle se laissa un petit moment pour se remettre de ses émotions, ce qui amusa le serpent, et lui demanda si c'était lui qui avait proposé son nom à la Direction de Poudlard, ou s'il connaissait la personne qui l'avait fait. Très bonne question. Il n'avait pas été entretenu pour proposer des élèves qui, selon lui, avaient les épaules assez larges pour obtenir un statut si particulier et finalement, ce n'était pas plus mal puisqu'il aurait été dans l'incapacité d'y répondre. Il adressa donc uniquement un « non, ce n'est pas moi et je ne sais pas qui c'est ». Il remarqua néanmoins qu'elle semblait à cran face à cette proposition. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi. Personne ne lui avait mis le couteau sous la gorge, elle était libre de prendre sa décision et si elle ne s'en sentait capable, ils allaient forcément trouver un autre élève pour la remplacer. Mais, d'un autre côté, il ne fallait pas qu'elle oublie la chance qu'elle avait d'être bien perçu par la Direction, au point de lui donner autant de responsabilités. C'était ce qui avait obligé le serpent à accepter, puis, finalement, ça pouvait également l'aider dans sa vie professionnelle. Être Préfet était une belle opportunité pour l'avenir.

Elle s'excusa ensuite et avoua être contrariée puisque cette proposition n'était pas faite pour elle. Jude la fixa avec un air désolé. Il était désormais seul, portant toute la charge de la maison sur ses épaules depuis que le Directeur se trouvait en prison et que l'ancien Préfet n'était plus. Il n'avait d'ailleurs pas eu l'opportunité de sympathiser avec lui et désirait se rattraper sur le prochain. Ou la prochaine. Ou peut-être même cette fille complètement perdue qui se trouvait face à lui. Il pouvait très bien comprendre que ce genre de proposition devait être murement réfléchie avant d'être acceptée. Il avait également pris son temps, lui aussi. Mais il n'était pas si âgée qu'elle et les questions se révélaient beaucoup moins importantes lorsqu'il était qu'un enfant. Elle lui demanda son nom, puis se trompa en essayant de le deviner. Elle avait déjà trouvé la première lettre, c'était une bonne chose.

« Jude. Mon prénom. Et toi ? »

En ce qui le concernait, il ne tenta pas de deviner puisqu'il n'en avait aucune idée. Honte à lui, il ne lui avait apporté aucune attention lorsqu'il avait eu l'occasion de la croiser. Faut dire qu'il lui fallait prendre des cours de socialisation, ce n'était pas encore parfait. Elle se plaça face à Jude et lui demanda pourquoi elle devait acceptée, selon lui. Alors qu'il cherchait des arguments, pas si simple que ça puisqu'il ne connaissait absolument pas, il remarqua qu'elle le détailla de haut en bas. Cela ne le dérangeait pas, au contraire, peut-être qu'elle faisait partie des gens qui étaient dans l'obligation de se faire une opinion sur quelqu'un avant de lui parler. Il osait espérer qu'elle ne le critiquait pas trop.

« Je ne te connais pas. Ce que je sais, c'est que si la Direction t'a choisi, ce n'est pas pour rien. C'est que tu as les capacités et il ne faut pas douter de toi. Moi aussi, j'me suis demandé pourquoi ils m'avaient choisi. J'me le demande encore d'ailleurs. Mais tu verras, c'est cool. Tu peux faire c'que tu veux. Puis je t'avoue que j'en ai un peu marre d'être seul... J'vais finir par déprimer. »

Saison 31
Hiver

Riley. L'échine se courbe, un peu plus encore. Jude. Jude, Jude, Jude... Un prénom court, parfait pour appeler au secours quand les choses déraperont. Car elles déraperont un jour, c'est certain. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, j'ai besoin de l'écouter d'abord me vendre le poste de préfet. Cette opportunité qui devrait pourtant scintiller, émettre de gros flash lumineux dans mon cerveau, me fout en réalité une peur bleue. C'était bien plus simple de jouer les modèles sans être sous la surveillance de la Direction.

J'avise alors le Serpentard. Il se sent seul. J'imagine que la charge de travail doit être importante, avec le directeur de la maison en prison. Il me fait presque de la peine, ce Jude, à me dire qu'il déprime dans son coin. Ou peut-être que c’est une ruse pour m’attirer dans ses filets... Je souris intérieurement, à vrai dire je me laisserais bien tenter si c’est avec lui que je dois partager le reste de l’année. C’que je veux, tu dis ? Un grain de malice s’immisce dans ma voix tandis que mes sourcils se courbent avec espièglerie. Ça peut se discuter. Faudrait surtout que je sache s’il serait alors du genre à me mettre des bâtons dans les roues ou à dire amen à toutes mes bêtises. Le mieux serait encore qu’il y participe.

Sourire de Grosminet. Au risque de le regretter... J’attrape une plume qui traîne. Je vais tenter le coup. Je signe alors le bas du parchemin, en prenant soin de m’appliquer pour ne pas faire de rature. Facilement convaincue vous dites ? La vérité c’est que je suis trop attirée par le pouvoir pour m’en cacher plus longtemps. Et puis s’ils avaient décidé que j’étais une potentielle bonne préfète, c’est qu’ils devaient être bourrés comme des coings ou devaient vivre dans une dimension parallèle le reste du temps. Bref, ils ne savaient pas du tout à qui ils avaient affaire. C’est le moment où on se serre la main et où on se félicite c’est ça ? Franchement, je suis pas tactile, encore moins démonstrative, alors si tu veux bien, on peut tout de suite passer au moment là... celui où on sort le champagne ! Je me lève brutalement, sur mes deux pieds, étire mes bras engourdis au-dessus de ma tête. C’est bien ce que font les moldus quand ils reçoivent une promotion, non ? Me dis pas que rien n’est prévu pour nous ? Ce serait vachement triste et pas très motivant... M’enfin peut-être que Jude avait quelques surprises dans son chapeau pour moi ? C’est beau de rêver...