Les cellules lacérées par l'acier d'Azkaban n'offrent aucun vis-à-vis. Mes voisines sont de longues plaintes sans visages, léchant le couloir caverneux du fort. Seul en subsiste l'insupportable écho quand vient la nuit et son silence houleux. À me rouler en boule, les paumes pressées contre mes tympans, d'entendre chaque vague marteler le fond de la cuve comme on flagelle l'esclave désobéissant. Inlassablement, l'humidité ruisselle sur le plafond pour s'écouler entre les pierre couvertes de mousse, goutte à goutte, rendant visqueux l'enfer. Dormir est illusoire tant le cauchemar se fond avec la réalité. À demi-conscient, l'esprit vogue, heurte les barreaux, revient dans sa coquille creuse, en fait le tour, et repart avant de recommencer au rythme des rouleaux. Ici la lune n'est qu'une amante maudite, triste témoin du désespoir de mille Hommes enfermés. Parfois, les rouages emmêlés, je ris jusqu'au matin, remplissant la prison de cette démence qui n'appartient qu'à moi. D'autres soirs, mon imagination y dessine des ballets composés d'ombres étirées et de lumière argentée. Soudain, le claquement des portes désigne l'engouffrement de quelques impassibles employés ; ça y est, l'aube scintille sur l'écume - éblouissant réveil. Tous les matins se ressemblent, mais celui-ci t'a vu apparaître devant moi.

Pareil qu'avec Le Musicien, il m'a fallu du temps pour comprendre que les paroles sont palpables aujourd'hui. Trop peu ont osé venir. Après un long silence où je t'entends respirer, mon visage se tourne, fantomatique. La métamorphomagie contenue a fini par bouffer mes traits. Ou peut-être est-ce l'humidité. A-t-on déjà moisi d'être mélancolique ? Un à un, mes pieds avancent sur la dalle froide. Plus que jamais Roi des Fous, couronné d'absurdité, je te souris sans pourtant savoir qui tu es. Si ma paume enveloppent tes doigts, c'est pour en sentir la chaleur, la vie rare ici. Cherchant dans ton regard l'ombre d'un souvenir, mon minois s'emplit brusquement de vodka imaginaire. Le local L.E.G.I.T. Nous n'avions pas gardé contact depuis cette première fois que tu t'es offerte dans mes bras. Ensuite, il y a eu les courriers ; tes confessions ardentes flattant ma réputation. Leur image réchauffe mes iris pâles quand j'approche encore et chuchote. Dis-les moi. Les mots de tes lettres.

Il n'y a encore que la démence qui puisse auréoler les prisonniers d'Azkaban après un certain temps. Pourraient-on les accuser de ployer le genou, écrasés sous les grands jupons tranchants de la prison ? Le Mad Kingd ne porte pas son nom au hasard, mais aujourd'hui, il sonne presque comme une prophétie. Maman racontait que vole au dessus de la vie le royaume des âmes perdues, entre Enfance et Folie. Un pays où d'innocents équilibristes dansent avec les lames acérées que sont leurs émotions. Chaque nuit, Princes et Princesses en crise y sont couronnés d'un diadème étincelant de fierté. Un sacre pour se souvenir qu'il ne faut jamais contenir, mais offrir au monde cette différence... Et bah, la voici ; un mètre soixante-dix-neuf d'aliénation surplombant ta servile silhouette, passant ses doigts nerveux dans tes mèches sacrifiées, quitte à trop faire basculer ton visage implorant, alors que je ris.

— Le Roi Fou ?! Ahahah ! Oui, c'est moi ! Sauf qu'ici, ils m'appellent prisonnier 469, cellule 126, secteur 0. De quoi vous faire oublier tous les autres surnoms susurrés jusqu'au creux des draps, nan ? Mais tu les ravives, Jackson, en quelques paroles léchant les barreaux couverts de tes larmes vraies. Devant mes chevilles, ta dévotion s'étale sans limites, ou bien, est-ce un paillasson, sur lequel se pose mon pied ? Une marche de plus pour atteindre les sommets. Car on s'enfuit de là par en haut, il paraît. Cellule 134 crie dans son sommeil que les oiseaux peuvent entrer et sortir d'Azkaban. Alors pourquoi pas moi ? Les yeux aussi limpides que ma pensée semble avérée, je fixe le plafond de roche, cramponnant d'une main ta tête, et de l'autre, le métal froid qui empêche mes ailes de pousser. L'anti-magie puissante de la cellule ravage mon corps avide d'enclencher une transformation.

Il est une célèbre aphérèse française, qui désigne par "petit rat" certains élèves de l'illustre école parisienne. Ceux-là n'ont pour sûr jamais vu l'odieux rongeur se débattre entre la mer salée et l'urinoir gorgé d'une poisseuse pisse jaunâtre. Loin de danser, l'animal griffe la pierre comme on fait crisser le tableau noir d'un précepteur trop confiant. Mon nez se fronce à chaque cri que pousse Azkaban, lassée d'être éraflée sous leurs pattes nerveuses. Mais la cathédrale rocheuse n'est pas un Opéra, et d'autres soupçonnent même les gardiens de nous servir parfois du "petit rat" en soupe - enfin bon, le végétarisme hérité de Maman a cet avantage qu'il me préserve des mille maladies transmises par leurs minuscules cuisses en ragoût. Vive le porridge à tous les repas. La visite est terminée. Déjà ?!

Nan, vous pouvez pas ! L'Italien devait encore me dire à quel point il s'agenouillerait devant moi pendant une semaine toute entière, remplissant d'images salaces les méandres de mon esprit pour me permettre d'y blottir ces pensées égarées à force d'aliénation grandissante. À moi comment ? Raconte, avant de t'éloigner, de reprendre le large, d'emporter tes caresses verbales et ta masturbation mentale.