Un coin de verdure perdu au milieu de nulle part. J'appréciai cette tranquillité retrouvée. Loin de toute cette excitation citadine. Londres ne me manquait pas. Tokyo encore moins. L’Écosse et ses plaines verdoyantes à perte de vue n'avaient rien à envier aux capitales. Et quand cela me gonflerait trop je retournerai dans ce monde gris, terne et sans saveurs dans lequel les Britanniques semblaient se complaire.

Pour l'heure j'avais entrepris d'explorer ces contrées étrangères. Au final elles n'étaient pour la plupart pas si différentes de mon Japon natal - quand on sortait de la périphérie des grandes villes. Depuis deux jours je visitais des distilleries afin d'évaluer la qualité des whiskies écossais. Eux aussi n'avaient rien à envier à leurs confrères japonais.
Aujourd'hui, changement de programme. Oui. Ce matin j'avais décidé de faire une pause dans mon pèlerinage. Entraînement oblige. Ne pas perdre la main. Accéder à l'Excellence. Car pour devenir le meilleur : pas le choix, pas de secret → il fallait bosser dur. J'étais un mec qui bossait dur.
Et je deviendrais le meilleur !

La petite grange abandonnée que j'avais repéré il y a quelques jours me paraissait être l'endroit idéal pour m'entraîner. Personne. Pas de voisins. Et donc pas d'emmxrdes. Je sortis méthodiquement les pommes rouges du sac que j'avais pris avec moi. J'en pris une dans laquelle je m'empressai de croquer. Elle était juteuse et légèrement sucrée. Les autres seraient parfaites ! J'en pris trois dans le sac pour ensuite les disposer à intervalle régulier sur des rondins de bois que j'avais déniché - plusieurs mètres entre chacune d'elles.

Objectif du jour. Le Confringo ! Je réduirai les pommes en compote : mieux encore, elles exploseraient. Finissant le trognon, je le jetai par-dessus mon épaule sans trop regarder où il tombait. Je m'en foutais ; personne n'habitait cet endroit abandonné. Et au pire si c'était faux, les locataires auraient un pommier dans leur grange.

Je me reculai pour être encore plus loin. Cela rajouterait du challenge, de la difficulté. Cette nouvelle baguette achetée il y a quelques mois tenait toutes ces promesses. J'avais hâte de l'explorer davantage. Qu'elle me livre tous ses secrets, maintenant qu'elle et moi c'était parti pour durer. J'ajuste même pas ma visée, je lève rapidement le bras droit et je balance le sort. Les trois pommes sont intacts. Bordxl de mxrde...

Je m'apprêtai à réitérer lorsque je fus interrompu. Une gamine désinvolte venait de faire irruption dans la grange avec un air goguenard. Mon cerveau me dit de ne rien dire. Le sien non visiblement. Agression verbale directe en bonne et due forme. Un « Bonjour » pour commencer aurait été tellement d'une plus grande élégance.
Mes sourcils se froncèrent devant tant d'impolitesse et d'insolence : baguette, petit moldu, cracmol, ... Elle tenait une baguette avec une certaine nonchalance affligeante. Je l'observai avec méfiance. Sans doute la fille du paysan du coin auquel appartenait la grange. Elle était en tenue de sport. Étrange pour une fille de paysan. Si elle courrait aussi bien qu'elle était agréable ; elle devrait logiquement avoir un point de côté dans les dix premiers mètres de son footing. Une sorcière de toute évidence puisque ma question franchit naturellement mes lèvres.. « Pourquoi tant d'insolence dans une personne aussi petite et étroite d'esprit ? »

Mâchoire crispée. Doigts fermement resserrés autour de ma nouvelle arme. Mes jointures étaient blanches au point d'en avoir peur de briser le délicat bois de cerisier. Je me retenai pour éviter de la satelliser. D'abord la percussion des mots pour soigner ses maux. J'enverrai le rythme après si elle arrivait à tenir. « J'ai raté mon sort certes. Mais tu pourras retourner voir ton père pour lui dire que lui a raté ton éducation. » Tutoiement obligée ; cette écervelée ne méritait aucune once de respect. « Ah. Et si tu viens pour faire le ménage, sache que j'ai jeté mon trognon de pomme par là. J'avoue ne plus savoir trop où. » Je me désintéressai totalement de cette étrangère qui ne méritait plus un seul instant mon attention. J'avais un sort à réviser et pas le temps de m'attarder sur une... attar, bref.
Une perte de mon précieux temps et de mes nerfs qu'elle avait intimement tordus.

Un sort pourtant si simple ? Je manquai de m'étouffer avec ma propre salive devant une telle absurdité. Le Confringo exigeait un haut niveau de maîtrise et de concentration. Cette blondinette provocante ne semblait doter ni de l'une ni de l'autre. Pourquoi se ramener pour la ramener ? Je n'ai jamais trop compris ce besoin qu'avait certains de venir juste pour critiquer. De venir juste pour exposer leur science infuse, leurs morales universelles et leur perfection douteuse. Ils amenaient forcément avec eux cette envie de les emplâtrer dans le mur le plus proche. Ils cherchaient inévitablement l'attention. Cela en était limite triste.

« Point d'exception. » J'étais, du moins j'estimais être, quelqu'un d'avenant, conciliant, tolérant. Et cela avec tout le monde. Je toisai Blondie du coin de l’œil. Bon. Presque tout le monde. « Seulement.. Notre politesse et notre civisme s'arrêtent là où commence l'insolence et la connxrie des autres. Disons qu'il y a... » Mes yeux méfiants la regardaient pour voir si elle ne s'avançait pas trop. Je délimitai une ligne invisible. Une sorte de seuil à ne pas franchir sinon les choses se compliqueraient. « ...une certaine limite à ne pas franchir. »

Sa question me laissa perplexe. Se foutait-elle de ma guxule ou était-elle sérieuse ? Au vue du contexte j'optai pour la première option. Sans desserrer la pression exercée sur mon bois de cerisier je réfléchissai. D'habitude je jouais poursuiveur ; là elle m'obligeait à enfiler ma tenue de batteur pour mieux lui renvoyer son pxtain de Cognard avec subtilité. « J'sais pas moi. On peut partir sur un Anatrista Allegro qui devrait te rendre joyeuse et avec un peu de chance... aimable. » Je levai ma baguette machinalement sans aucune intention au final. Cela dit, elle avait du foutre un paquet de Détraqueurs au chômage avec sa joie de vivre comparable à celle d'un Dirico anorexique.

A peine je l'entendis gueuler son Repulso que je me retrouvai propulsé en arrière. J'atterris lourdement sur le sol une dizaine de mètres plus loin sous la puissance et la haine déversée dans son sort. Cette meuf était complètement folle. « T'es complètement folle. » Elle venait de m'agresser. Sérieusement ?!! Mâchoire crispée, mes yeux s'obscurcirent davantage si tant est que ce soit encore possible. « T'as été bercé trop près du mur toi. » Expression rapidement apprise quand j'ai débarqué dans le coin.

Restant au sol j'étais néanmoins relevé sur mes coudes en position trois-quart allongée. Je préférai d'abord me battre verbalement plutôt qu'oser amocher sa belle petite gueule d'ange blonde. « Mais ! Si on fait abstraction de ton sens de l'accueil et de la répartie qui sont inexistants, tu sais repousser les gens. » Un sourire malicieux s'imprima sur mon visage. « Cela dit... Pas sûr que t'aies besoin d'un sort pour cela. Je doute que les gens viennent naturellement vers toi. En général, une fille de paysanne dressée comme un pitbull pour mordre et aboyer, les gens sont automatiquement repoussés. » Cette meuf était un vrai Repulso vivant à elle toute seule. Incroyable. Je gardai mes doigts sur mon bois de cerisier au cas où.
Vu son tempérament explosif et sa proportion excessive à réagir de manière démesurée ; mieux valait être prudent. « Pourquoi t'es là au juste déjà ? J'veux dire.. à part montrer que t'es une parfaite petite écervelée, en manque d'affection, qui sait faire mumuse avec une baguette ? » Je me redressai péniblement, cette petite altercation n'était pas du tout prévue dans mon programme.

Pxtain. Quelle cxnnasse ! Pas le temps d'esquiver que je me mettais maintenant à cracher des limaces. Plié en deux dans un premier temps, je rejetai d'abord un flot impressionnant de bestioles avant de finalement réussir à le contrôler plus ou moins au bout de quelques minutes.
J'étais rouge sous l'effet de contraction. J'avais mal au ventre aussi à force de dégager ces pxtains de limaces. Un regard au sol. Bordxl, il y en avait plein partout.
Je regardai d'un air attristé la blonde. Ma fausse compassion. « Y a que la Vérité qui blesse, pas vrai ? C'est dur de s'entendre dire ce qu'on redoute. » Courte pause. Nouveau jet ? Non. Fausse alerte. « Personne n'en a rien à foxtre de toi. Tu cherches l'attention. Tu cherches l'affection. Tu fais chxer le Monde pour montrer que t'existe. Je trouverai ça presque mignon et enfantin si ce n'était pas aussi pathétique. »

Cruelle désillusion. Allait-elle grandir un jour cette pauvre gamine ? Ou se contenterait-elle de rester une fille de paysanne relou pensant avoir le monopole exclusif de toute situation ? Plus de limaces ! Place à l'Espace. En une fraction de secondes je levai mon cerisier et la pointait en gueulant Aguamenti Maxima ! C'était l'Heure de la... douche froide. Un puissant jet d'eau sortit de ma baguette pour la shooter. Trempée dans l'univers de sa connxrie effarante. Elle n'aurait jamais du quitter les jupons de sa mère ou les roues de tracteur de son paternel.

« Pour ta gouverne, Janine, tu apprendras que je suis japonais. Ne m'insulte pas. » Moi, chinois ? Et puis quoi encore. « Ne te rend pas plus cxnne que tu ne l'es déjà. » Quelle tristesse. Avoir un si joli petit minois mais un air aussi condescendant et dédaigneux. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi hautain. Flippante la paysanne. Mes sens en alerte, je me méfiai d'elle autant que d'un Kappa.

La gamine ne cherchait ni attention ni affection mais essayait néanmoins de me le justifier. Menteuse. Si cela avait été vrai, elle n'aurait pris ni le Temps ni la Peine d'argumenter. Ma joute verbale semblait faire son petit effet alors. Je la regardai en train d'essorer ses cheveux trempés. Néanmoins je cernai petit à petit son délire : le genre de filles qui aiment bien qu'on les cogne pour qu'elles se sentent vivantes. Libérée dans la Violence. J'avais envie de taillader sa belle guxule d'ange, tailler son petit sourire satisfait au couteau pour qu'il reste imprimé sur sa trxnche à jamais.

Moi j'étais une grande guxule ? Je ne lui avais rien demandé : c'est elle qui était venue me faire chxer alors que je m'entraînais pépouze dans mon coin ! Elle devait être persuadée que tout lui était dû et que le Monde gravitait autour de son petit nombril égocentrique. Roulant les yeux au Ciel je me pointai de mon cerisier pour m'adresser un Accelerate : je fonçai sur elle dans la milliseconde suivante pour qu'on recule tous les deux afin de la coincer contre le mur de la grange derrière elle. Pas le temps de réagir de par mes mouvements accélérés ! Mon avant-bras bloqua son cou et j'appuyai fortement pour écraser sa pomme d'Adam quelques trop courts instants. Juste histoire qu'elle sente et ressente le malaise. Suffocations, difficultés à respirer ? Pauvre chou. Triste gamine.

« Moi qui pensais que cette petite douche froide calmerait tes hormones Janine. » Je plantai mes yeux noirs dans les siens insolents et mon genou dans ses parties intimes en un magnifique mouvement fluide et fatal. L'Esprit japonais ancestral dans toute sa splendeur. « Tiens. Visiblement t'as l'air d'aimer ça. » Pliée en deux. Chacun son tour. « De la part d'un mec qui aime bien se faire remarquer et meilleur que les autres. » Je ramassai mon sac pour prendre congés. Cette idiote m'avait assez gonflé pour le reste de la journée. « Ma confiance va bien. Juste peur... de perdre mon temps. » Je lançai un dernier regard vers la jeune femme tandis que je sentais les effets de mon sort s'estomper.