Saison 31
Été

Avec Adonis Evans

Sous les chaleurs de la belle saison, la ville de Londres est en constante effervescence. A travers mes fenêtre résonnent dans l'air tantôt les rires tantôt les chants des étudiants en vacances, accompagnés dans leur bonne humeur par les touristes ravis d'être aussi bien tombés. La capitale du Royaume-uni est belle, quoi qu'en disent les mauvaises langues toujours prêtes à radoter sur la pluie et le vent un peu trop présents le reste de l'année. Certes ce n'était pas Cuba. Mais tout pays a son charme à mes yeux !

Une fois de plus, je trépigne d'impatience en descendant les escalators du métro. J'ai tellement hâte de valider mes tickets en les faisant glisser sur le petit écran de contrôle ! Un geste de la main, une lecture de numéro et voilà les portes qui s'ouvrent d'elles-même sur mon passage, comme par enchantement. Les portes métalliques moldues sont très à cheval sur le règlement. Peu importe vos arguments passionnés, elles ne s'ouvriront que si vous respectez les consignes à la lettre. Alors je m'y applique du mieux que je peux, craignant de déchaîner leur colère comme celle d'un hippogriffe à qui on aurait manqué de respect. Au guichet d'entrée, j'ai commandé quinze jolis tickets. Un part station que je traverserai jusqu'à arriver à ma destination, le centre de la ville et son accès au Ministère de la magie. A chaque arrêt un nouveau bip et le ticket utilisé passe de la poche droite de ma veste à celle de gauche où reposent tous ses congénères désormais à la retraite.

De retour à l'air libre, ma poche gauche gonflée à bloc, je m'empresse d'atteindre une cabine téléphonique à l’abri des regard. Quelle prodigieuse invention que  le téléphone ! Quoi que ceux présents dans ces reliques de l'ancien temps soient nettement plus compréhensibles que leurs descendants, les téléphones intelligents. Ceux à qui on doit parler pour les faire fonctionner et qui vous boudent si vous ne le faites pas correctement. J'en ai d'ailleurs un avec moi, éteint et silencieux comme toujours car refusant de m'adresser la parole malgré mes suppliques. Quelle ironie de porter autant d'admiration pour ces petites merveilles tout en étant aussi mal-aimé d'elles ! Les pièces tintent comme des petites clochettes en tombant dans la fente prévue pour le paiement d'une conversation. Seulement je ne compte évidemment parler à personne à travers ce combiné. Sans même le décrocher de son socle vertical, je m'enfonce peu à peu sous terre jusqu'à ce que la limite des pavés me passe au-dessus de la tête. C'est fou comme s'élever dans le ciel ou s'enfoncer dans le sol peut vous faire d'un seul coup prendre conscience de la petitesse de votre existence. Un changement de perspective des plus bienvenus quand je m'apprête à entamer des démarches pour le moins singulières. En arrivant dans l'atrium, la grandeur et la magnificence de l'atrium me laisse sans voix. Chose qui, pour qui me connait, est un véritable exploit ! La hauteur du plafond, la matière noble des murs, la puissance de la fontaine centrale, la douceur du parquet sous mes pieds et la volupté du plafond d'un bleu profond. Tout en ce lieu respire la noblesse et le pouvoir. Je ne peux cependant pas m'attarder à mon inspection visuelle car même en plein été le Ministère ne désemplit pas. Il ne désemplit jamais, surtout au niveau du hall d'entrée. La foule partait dans tous les sens. On pourrait croire qu'un savant chaos l'habite mais en réalité les mouvements sont aussi fluides que ceux d'un essaim de fées ! Les gens d'ici savent comment se mouvoir dans cette ruche, l'intrus du jour étant ma propre personne.

Je me démène gauchement pour arriver à un point que j'espère accueillant et plus calme. Un panneau d'affichage un peu plus loin sur la gauche me paraît des plus appropriés pour commencer mes recherches. Il y aura bien là quelques informations sur les recrutements en cours, n'est-ce pas ? C'est ce que je me permets de demander à une des personnes à proximité.
- Eh bien ! Quel monde ! Le Ministère est une véritable ruche ! Les petites ouvrières ne se découragent pas malgré la chaleur extérieure, c'est admirable, vous ne trouvez pas ? Oh bien sûr ici tout est climatisé par magie, mais tout de même ça reste une belle preuve d'abnégation et de force que de voir autant de gens s’affairer ainsi tandis que d'autres prennent du bon temps. Même si je n'ai rien contre les vacanciers, cela va sans dire, ne vous méprenez pas ! Cependant je suis ici aujourd'hui car je chercher un poste dans cette grande et brillante institution. Savez-vous s'il y a un comptoir, un guichet, une alvéole dans tout ceci où je pourrais demander renseignement ? Oh regardez cette affiche, c'est de ce genre de chose qui illustre mon propos quand je parlais d'abnégation. N'est-ce pas formidable ? Ah si j'avais encore dix-sept ans je signerais sans plus attendre ! Mais le temps passe si vite, trop vite ! Les moldus disent qu'il est relatif bien que je ne comprenne pas exactement pour quelles raisons. Oh vous vous en allez déjà ? Merci à vous, je vous souhaite une splendide journée !

J'avais crié ces derniers mots pour que la dame à qui je les adressais les entende malgré sa disparition dans la foule. Dommage, au final elle ne m'a pas tant aidé que ça. Espérons que je tombe sur un bon panneau ou une âme charitable pour m'aider dans ma quête.

Il n'y a rien de pire que de se sentir seul et abandonné au milieu d'une foule de gens. On se sent comme une feuille détachée de son arbre, ballottée par le flot doux mais imperturbable d'une rivière. J'ai l'impression d'être cette feuille en ce moment-même. Alors que la ruche s'active et ne prend aucun temps de repos, telle une machine folle sans bouton d'arrêt, moi, petite abeille étrangère et passagère, reste les bras ballants à ne pas savoir quoi faire ni où aller. Heureusement pour moi, ma bonne mais parfois un peu trop timide étoile opéra de sa magie bienfaitrice et envoya un ange sur terre afin de me venir en aide ! C'est du moins la première pensée qui me traversa en voyant ce visage aussi blanc que le mien est brun, ces yeux aussi bleus qu'une mer des caraïbes, ces traits si fins qu'on les aurait crus dessinés au fusain. A n'en pas douter, la personne se relevant à mes côtés était le fruit d'un artiste céleste des plus talentueux ! Subjugué par cette apparition, je ne remarque tout de suite ni la pièce, ni la lueur de perplexité dans les iris claires de l'angelot.
- Par toutes les étoiles de l'univers ! Je suis sauvé !
Sans la moindre considération pour son espace vital ou quelconque autre concept qui me reste étranger au bout de plus de vingt années de vie et de remontrances maternelles, je saisi les mains blanches dans les miennes qui paraissent alors encore plus sombres que d'ordinaire afin d'élever le blond à ma hauteur. Le tout en m’épanchant sur ma précédente mésaventure.
- Que je suis soulagé de voir un visage aussi réconfortant que celui-là ! La dame qui vient de retourner à ses affaires m'a laissé dans la plus grande détresse. Je cherche, sans grand succès jusqu'ici, il faut l'avouer, une bonne âme pour m'aiguiller dans cette fourmilière déchaînée. A croire que le sol leur brûle les pieds pour ainsi ne jamais s'arrêter de marcher, c'en est presque inquiétant. Moi qui pensais trouver aisément mon chemin jusqu'à un point d'information concernant les recrutements en cours, me voilà bien embêté avec de simples tracts de stages pour étudiants ! Il est certes important de former notre jeunesse autant que faire se peut, mais pour le coup je n'aurais pas été contre une section adulte dans ce coin-ci du tableau. Quel teint radieux vous avez là ! Attendez une seconde, il me semble vous connaître... Oh je l'ai sur le bout de la langue ! Ah là-bas ! « Recrutement d'un ou une secrétaire pour le département de régulation des transports magiques », on se rapproche mais ce n'est pas encore ça. A moins que vous soyez ici pour un tel poste ? Si c'est le cas, je vous en prie, prenez-le. Adonis ! Mais oui, suis-je bête ! Je me souviens maintenant, tu étudiais la médicomagie, une ou deux classes à côté de celle d'étude des moldus ! Comment vas-tu depuis le temps ? Est-ce que tu viens proposer tes services de soins pour le Ministère ? Ce serait des plus amusants car je viens pour les mêmes raisons ! Enfin non, moi ce serait plus du côté des moldus. Enfin pas vraiment de leur côté, mais plutôt dans le service qui leur est consacré. Enfin tu vois ! Ah comme c'est plaisant de se retrouver par hasard comme cela, on dirait vraiment une intervention providentielle. Tu es encore plus radieux qu'à l'époque, c'est fascinant !

Quelle honte de ne pas l'avoir reconnu aussitôt avoir posé les yeux sur lui ! Le jeune homme ne passait déjà pas inaperçu dans les couloirs de Poudlard. Il faut dire qu'un teint comme le sien, une prestance, des cheveux si blancs qu'on aurait dit qu'ils étaient composés de flocons de neige tressés. Les rumeurs allaient bon train parmi les élèves. Les paris aussi, concernant son éventuel métissage Vélane. Il était tout bonnement fascinant. Bien que l'on n'est pas été spécialement proche en tant qu'étudiants, je me fais une joie de le recroiser dans un lieu vrombissant de présences comme le Ministère. Une présence familière est toujours d'un grand secours, quelle que soit la situation.

La vie est tout de même extrêmement bien faite. La présence d'Adonis en ces lieux, au même moment que moi semblait vouloir dire beaucoup. Oh je ne possède pas la moindre once de début de troisième oeil, la divination est pour moi aussi opaque et impénétrable qu'un ordinateur moldu. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir essayé de tout mon soûl ! J'aurais rêvé d'être sensible aux intentions du futur, de pouvoir effleurer du bout des doigts les fils du destin, quel don divinement romantique que celui d'entrevoir l'avenir ! Petit, je m'imaginais héro d'un roman tumultueux et passionné, incarnant un personnage capable de pressentir les choses qui seront comme les choses qui ont été rien qu'en passant la main au-dessus d'un objet. Pouvoir lire ses futurs interactions, les prochains propriétaires mais également leurs sentiments et intentions. Tout ce qui nous entoure est aussi enveloppé dans la magie que nous, il n'est donc pas incongru de penser que l'on puisse ainsi se lier à eux et les déchiffrer au delà du voile de la perception physique et rationnel que l'on en a. A mon grand désespoir tous mes efforts furent vains. Même passer une nuit entière entouré de boules de cristal, priant de toute mon âme, ouvrant mon esprit comme jamais, n'avait pas suffit. En revanche cela avait été assez aux yeux de mes parents pour s'inquiéter de ce que je fabriquais avec tout cet attirail et de me le confisquer sur le champ. Tragique histoire de mon enfance, une déception de plus. Mais pas de quoi m'empêcher de rebondir par la suite !

- Gwendal, dit-il, s’il te plaît, peux-tu me lâcher les mains ?
Comment ? J'émerge de mon lac de pensées et de souvenirs emmêlées. Il faut dire que le regard bleuté d'Adonis donne pour le moins le désir de plonger tête baissée dans cette eau limpide, lisse de la moindre vague. C'était fascinant ! Quand je me regarde dans le miroir, mes prunelles sont d'une couleur si sombre que l'on pourrait être aspiré dedans. Mais c'était loin d'être pareil, les yeux d'Adonis donnaient irrémédiablement l'envie de les fixer jusqu'à se noyer dedans.
- Oh par Merlin, bien sûr ! Pardonne-moi cet entrain, je suis tellement ravi de ne plus être en ma seule compagnie. Tu n'as pas changé d'un poil, toujours aussi économe dans tes paroles ! Et moi comme tu peux le constater toujours aussi généreux. Trop même. Je le sais bien mais aucune cure de silence forcée n'a réussi à me soigner ! C'en est à un point où le plus puissant des Silencio ne saurait me faire taire, comme on le disait à l'époque, haha ! N'hésites pas à me faire signe si jamais je parle trop, je ferais de gros efforts afin de me contenir, c'est promis. Mais tu ne m'as toujours pas dit ce qui t'amène par ici et ma curiosité elle aussi est quelque peu maladive. Oh pardon, je te lâche les mains, quel distrait je fais ! Personnellement je ne vois pas d'endroit spécifique aux renseignements pour aspirants fonctionnaires. Peut-être devrais-je monter directement au service concerné ? Qu'en penses-tu, n'est-ce pas un peu trop entreprenant ? Oh d'ailleurs est-ce que ma tenue te paraît correcte ? J'ai hésité à mettre ma veste jaune, un peu trop voyante selon certains dires, mais j'ai le sentiment qu'elle me portera chance aujourd'hui. Et elle l'a déjà fait, la preuve tu es bien là, devant moi !
Ma veste porte-bonheur n'était évidemment pas la seule en cause. J'avais aussi apporté mon béret couleur crème et un costume beige sorti tout droit d'une chic boutique moldue du centre ville. Le vendeur avait passé un certain temps à m'apprendre comment enfiler les bonnes pièces de vêtements  dans le bon ordre mais tout excité que j'étais à ce moment-là que je l'ai à peine écouté ! Quoi qu'il en soit, bien assemblé ou non, c'était un peu trop tard. Au moins j'avais abandonné mes mélanges de couleurs, au grand dam de Cordélia qui trouvait ça d'un triste, pour quelque chose de plus neutre.