Un air de déjà-vu [En cours]

ft Lilith, LA mutuel (et d'Aza)
Saison 31 - Août 2178 - FB

Une journée comme une autre, un peu plus chaude malgré tout. La brune était dans son bureau, réfléchissant, cogitant sur toutes les possibilités que la faille offrait à son équipe et les enjeux qu'elle pouvait engendrer. Cela faisait quelques mois qu'elle ne voyait que ça, ne parlait que de ça, c'était limite, si elle n'en bouffait pas de cette faille. Le monde sorcier attendait des réponses de son département, d'elle, de toutes leurs recherches et trouvailles. Plus facile à dire qu'à faire, il y avait des choses qui ne se faisaient pas en un claquement de doigt. Réparer une faille temporelle en faisait partie, malheureusement pour certains.

Deux doigts sur une tempe, c'est bientôt la pause déjeuner et il était préférable que la brune s'évapore avant tout le monde, si elle voulait un peu de calme. Il y avait toujours beaucoup de monde dans les couloirs du ministère, c'était certain, mais à midi c'était presque un enfer. Se levant, elle s'empara de quelques affaires avant de fermer son bureau sous clé. Son assistante la salua vaguement, elle aussi avait l'air épuisé. Avec un léger ton de reproche, Peverell lui ordonna de faire une faire une pause juste après ce qu'elle était en train de terminer. Cela ne servait à rien qu'elle s’acharne alors que ses idées n'étaient pas claires.

Poursuivant son chemin, elle arriva jusqu'aux ascenseurs et se décida à aller voir son frère. Elle avait quelques trucs à lui dire, alors quoi de mieux qu'un bon déjeuner en famille. Une fois arrivée devant les lieux, elle toqua, plusieurs fois, elle tenta d'ouvrir, personne. C'était l’occasion de passer un peu de temps avec lui, mais tant pis, ça allait être pour une autre fois. Bien qu'il soit vrai que, depuis quelques mois, elle ne sortait plus trop de son bureau. Dérivant dans les couloirs de son ancien département, elle s'apprêtait à rejoindre l'Atrium quand elle remarqua une petite fille.

Elle resta figée un instant, comme si tout ce qu'il y avait autour d'elle venait de s'arrêter. Elle avait l'impression pendant quelques instants, d'y voir sa fille. Sauf que, plus elle se rapprochait de près, plus elle avait l'impression que son visage lui était familier, mais pour une autre raison. Les traits, la couleur des cheveux, on aurait dit... une petite Laurae Syverell. C'était impossible. Comment pouvait-elle ressemblait autant à sa cousine ? La brune s'approcha sans faire de bruit, elle avait besoin d'en avoir le cœur net. Bonjour mademoiselle, tout va bien ? Elle pencha la tête, un léger sourire aux lèvres, presque maternel. Elle restait une enfant, alors si Alhena voulait des réponses, elle n'allait clairement pas la bombarder tout de suite de question. Chaque chose en son temps.

Fluorite bleue et vert émeraude

Les iris bleus se posèrent sur les derniers souvenirs de France. Lorsque tu étais à deux pas de Vauvenargues, dans les carrières de Bibémus. Les roches de couleur ocre reflétaient le soleil sur la surface topaze de l'eau pure des lacs, comme de petits diamants ou petits éclats de cristaux. Le plateau rocheux, qui semblait sortir des plus belles toiles de Cezanne, portait mille cigales qui chantonnaient la beauté de la nature française. Le disque d'or se couchant et qui laissait sa lumière sur les cèdres et autres arbres, donnait à la région son caractère authentique. La terre du matin prenait alors une tout autre dimension. L'écorce brune devint sculpture d'or, et les feuilles, si vertes au zénith, virent leurs voilages s’assombrirent de prune et de violacé. Tu te souviens, où peut-être n'était-ce finalement que les bribes d'un rêve, des éclats ricochant des rires de tes parents dans les collines des Louves, les échos jouant à cache-cache sur les rives de La Cause autrefois nommé le Lac Zola. C'était les derniers temps de bonheur avant l'accident de la Machine aux Deux-Cœurs. Avant ces images de couleur de coquelicot sur le pare-brise miroitant de l'automobile verte mentholée d'Helen, ta mère adoptive. Cette couleur coquelicot, te renvoyait toujours en rêve cette image d'un journal endormi entouré de flammes tel Sigrdrífa. Flammes qui prenaient la forme d'un corbeau ardent, fondant sur des ombres noires.

Bonjour mademoiselle, tout va bien ? La photographie de tes cauchemars et de tes rêves s'estompèrent au fur et à mesure de tes battements de cils. La fluorite bleue rencontra l’émeraude de ses yeux. Tu te laissas guider par un mouvement chaleureux qui faisait trembler les lèvres de ses commissures. Était-elle un autre de ces guides que la Nature voulu bien te donner ? Un sourire franc s'empara de tes lèvres. L'heure n'était plus à la mélancolie. Peut-être que la longueur de l'attente était finalement passée plus vite que prévu ? Peut-être que les états languissant dont tu te nourrissais depuis le début des vacances estivales t'aidaient finalement à tenir l'été et les nombreux allers-retours entre Poudlard et le Ministère? Qu'importe, puisqu'elle était là. La dame, peut-être, qui allait devenir ta tutrice le temps d'un rien. "Oh, pardon ! Bonjour madame ! Je ne vous ai pas entendus arriver... " Toujours polie. Toujours sourire. C'était la règle et les valeurs du respect chez les Strix. Et même s'ils n'étaient plus là pour te voir agir, tu étais fière de ce qu'ils t'avaient appris. "Je vais bien, merci, et vous, vous allez bien aussi ?". Tu tapotas la place près de la tienne, une invitation à s'asseoir ou à contempler le mur blanc qui leur faisait face. Un mur immaculé où il ne restait plus qu'à peindre. Ton regard frappait l’émeraude de plein fouet "Vous êtes ma nouvelle tutrice ?" Un peu d'espoir brillait comme des pépites d'or au fond de la fluorite bleue. De la détermination. Comme les siens. "Je crois que je suis un peu en avance... Je suis venue directement après l'arrêt du train..." .

Elle la regarde étrangement. C'est un drôle de sentiment, presque aussi insupportable que l'enfant qu'elle porte. Elle ne se rappelait pas à quel point Laurae pouvait lui manquer. Elle ne se rendait pas compte à quel point le regard de cette inconnue était en train de la tuer. Rongée des entrailles, aveuglée par la curiosité. Hum, oui je vais très bien. Absolument pas. Puis, elle s'étonne, sa tutrice ? Elle avait déjà trois, non deux enfants à charge, sans compter Azaël. Il y avait erreur et probablement que ça lui brisait le cœur de l'avouer. L'espoir dans un regard. Elle se racle la gorge, alors qu'elle prend place aux côtés de la petite fille.

Malheureusement, non, même si j'aurai bien voulu. Léger sourire, légère gêne. Je suis la Directrice du département des mystères, Alhena Peverell et je t'ai vu, là, seule. Ton visage m'est très familier, alors j'ai été intriguée. Et puis aussi parce qu'on ne laisse pas une jeune fille comme toi, seule au milieu de tous ces gens. C'est un peu dangereux, même si le Ministère reste protégé. Elle croise les jambes, pose son coude sur son genou, sa tête sur sa main et observe le mur blanc. Elle a comme un sentiment indescriptible pour cette enfant, comme si elle voulait l'emporter avec elle. Sariel avait raison. Quand son enfant biologique sera plus grand, il comblera un vide et ça la dégoûtera d'elle-même. Je ne laisserai jamais mes enfants seuls comme ça, donc je vais te tenir compagnie jusqu'à ce qu'un de mes collègues arrive, si tu le veux bien. On ne laissait pas une enfant sans surveillance dans un endroit pareil. Elle en avait bien conscience. Comment est-ce que tu t’appelles sinon ? Ton nom est-il Syverell ? Elle devait savoir. Laurae avait-elle eu des enfants ou même une petite sœur ? C'était étrange qu'elle ne soit pas au courant.

Elle laisse alors la parole. Elle n'a plus grand-chose à lui dire, parce qu'elle a peur de lui raconter ce qu'il ne faut pas. Déjà que son discours n'était pas des plus délicats, il valait mieux ne pas trop insister. Si la petite attendait sa nouvelle tutrice, ou son tuteur pour le coup, c'était qu'il n'y avait plus personne derrière. Depuis la naissance, ou depuis récemment. Elle ne connaissait pas son histoire et bien que la brune ait perdu ses parents assez jeune, elle ne pouvait pas forcément comprendre précisément ce que sa voisine ressentait. Être orpheline, n'avoir personne, juste le Ministère. Peverell avait eu la chance d'avoir une fratrie avec des frères plus âgés pour s'occuper d'elle. Visiblement, tout le monde n'avait pas eu ce droit. Alors, elle resterait là, autant pour avoir ses réponses, que parce que la compagnie ne faisait de mal à personne.

C'était une enfant, seule, elle pouvait rester avec elle quelques minutes afin de ne pas la laisser sombrer dans le silence et la solitude. Instinct protecteur, maternel ou pitié. Elle ne savait pas vraiment au bout du compte, mais elle le faisait. C'est tout ce qui importait. Non ?

Elle avait ce regard. Le même regard qu'avait eu la petite Dame Elenna lors de votre rencontre à l'hôpital. Le même regard lointain, celui qui se fond dans les souvenirs. Celui qui marque un point de suspension, comme un oubli que l'on venait de souligner, comme un fantôme qui réapparaissait. La jeune femme s'assit a tes côtés, prenant le temps de retrouver des passées oubliés. C'était, apparemment, quelqu'un de très important puisqu'elle était directrice d'un département du Ministère... Tu ne compris pas trop comment on pouvait être cheffe des mystères mais ça... C'était peut être parce que tu étais trop jeune ou justement, parce que c'était un mystère. Alhena Peverell c'était son nom. Et il te disait vaguement quelque chose... un de ces noms que l'on trouve dans les livres de la bibliothèque. Tu observas un temps le mur blanc avec elle, comme si vous partagiez un secret trop longtemps gardé pour soi. Elle aussi avait vu en toi un visage d'une sorcière. C'était étrange... C'était comme si tu étais la pale copie d'un être disparu.

Je suis ici pour rencontrer mon nouveau tuteur légal le temps de trouver un nouvel adoptant... Ta voix était calme, mesurée. Tu avais l'habitude de parler de cela. Tu avais déjà été adopté par les Strix avant l'accident et ils avaient répondu a toutes les questions qu'une enfant pouvait avoir sur son identité. Mes parents adoptifs ont... disparu après un accident. On n'a trouvé... aucune trace. On. Ce pronom sur lequel tu te retiens de dire un nom. Le smilodon rouge. La jeune Lith-Bee que tu appréciais beaucoup. L'Etrangere qui est devenue un de ces nouveau guide qu'un enfant trouvait sur son chemin. Elle qui t'avait aidé a chercher tes parents... en vain. Ta voix était moins calme. Plus fragile. Les Strix avaient été... tes parents plus que n'importe quels parents géniteurs. Ils avaient été là quand tu avais trois ans. Ils étaient là quand tu avais eu tes pouvoirs, quand tu t'étais rendu sur le chemin de traverse... quand tu avais pris pour la première fois le fameux Poudlard Express. Je veux bien que vous attendiez avec moi, mais je comprends que vous êtes importante ici, vous devez avoir beaucoup de travail ? Je ne veux pas vous déranger Madame Alhena. Tu tournas de nouveau ta tête vers la beauté froide de la jeune femme. Magnifique chevelure brune. Yeux étincelants comme des pierres précieuses... Qui était donc l'Inconnue que tu rappelais si souvent?

Je m'appelle Autumn... Lilith Autumn Strix. Tu préférais le prénom que l'on t'avait offert a tes trois ans. Le prénom des Strix. Syverell.... Toujours ce nom qui revenait. Vous voulez parler de Laurae n'est ce pas ? Je ne la connaissais pas... On m'a plusieurs fois prise pour sa fille... mais les âges ne peuvent correspondre... Vous la connaissiez ?. Tu étais curieuse. Cette Laurae semblait avoir beaucoup marqué, chaque personne a sa façon. C'était étrange, comme une argile qui s'adaptait à chacun... Ça devait être quelqu'un de doux, de gentil et de très diplomate ! Tu étais contente de ressembler a un visage aussi bienveillant. Elle devait être formidable ! Qui était elle ? Tes yeux bleus aux paillettes dorées se tournerent a nouveau sur la page blanche qui leur faisait face, comme pour apprécier le futur portrait dessiné par la magnifique Dame Peverell qui était a tes côtés. C'était peut être, en effet, ce nouveau guide, pour un nouveau tournant de ton histoire... Le Guide des Origines. Quant à Laurae... si elle te fascinais pas tant que cela avant aujourd'hui... là c'était différent. Tu étais persuadée que quelques réponses a d'éventuelles questions se trouvaient cachés dans les souvenirs... Un signe du destin ?

La brune, en vérité, n'était pas certaine de la raison de sa présence ici. C'était comme si, elle tentait de s'accrocher au passé, bien plus que pour de la bienveillance envers une enfant inconnue. Son côté maternel pouvait-être très fort, c'est vrai, mais elle n'était pas assise à côté de la gamine pour ce genre de raison. Dans le fond, peut-être qu'elle s'en voulait un peu, parce que les enfants c'était tout, c'était la chose la plus fragile au monde et elle n'aimait pas, elle n'aimait pas son propre comportement. Elle avait des sortes d'intentions cachées, son subconscient, son conscient, son corps entier était au courant que sa curiosité était la principale raison de tout cela. Et ça la rendait anxieuse.

Mais elle ne pouvait plus partir, pas après ce qu'elle avait dit et ce qu'elle savait sur les enfants perdus. Seule, au milieu d'une foule. C'était pire qu'une forêt non ? Autumn, toutes mes condoléances pour ta perte... Si je pouvais, j'essayerais de résoudre ce mystère pour toi, mais ça m'a l'air compliqué... Que devait-elle dire ensuite ? Elle n'avait pas perdu ses parents aussi tôt. La mort était tellement devenue un quotidien pour elle, que parfois, elle ne savait plus quoi ressentir et comment accompagner quelqu'un dans ce genre de moment. Je suis certaine que ton prochain tuteur, ou ta prochaine tutrice, sera très heureux, ou heureuse, de t'avoir auprès de lui ou elle. Elle ne tremblait pas à la suite de ses propres paroles. C'était étrange, Peverell était à l'aise tout en étant crispée au plus profond de son être.

C'était comme être de marbre, être normal, alors qu'à l'intérieur les émotions étaient en train d'éclater les unes après les autres. Irrespirable sourire. Non, tu ne me déranges pas. Ne t'inquiètes pas. Si c'était le cas, je ne serais pas là. Tu peux juste m'appeler Alhena, pas besoin d'être aussi formelle. Elle a ce regard, de mère attendrie par son enfant, parce que cette fillette leur ressemble tellement. C'est angoissant. Presque oppressant.

Soudainement, elle s'étonne. Oh, tu connais le prénom de Laurae ? Vraiment ? Une coïncidence ? Elle n'était pas seule à l'avoir remarqué alors. L'univers n'est pas assez paresseux pour laisser ce genre de choses au hasard, pas vrai ? Et bien, Laurae était ma cousine... Et à ton âge, elle était ton portrait craché. Peut-être que toi aussi, tu as un lien familial avec elle ? J'ai l'impression de ne pas être la seule à avoir remarqué vos similitudes. C'est une piste à creuser si tu as envie de découvrir tes origines. Enfin, sauf si tu les connais déjà. Ce n'est qu'une supposition, mais si tu as envie de creuser, n'hésites pas à venir me voir. Elle reste dans le silence quelques instants. Est-ce qu'elle a vraiment envie de parler de Laurae, de ce qu'elle était ?

La brune essaie de rassembler ses souvenirs, ils sont flous. Parsemés de joie et d'ombre. Elles étaient proches sans vraiment l'être, quand elle y repense. Faute aux parents. Des liens du sang, oui, mais des liens fusionnels, jamais. Les Peverell avaient été cloîtrés contrairement aux Syverell. Enfin, elle le supposait. C'est drôle... Elle n'arrive pas vraiment à se rappeler précisément, comme si son propre cerveau lui mettait des barrières. Les morts, les disparitions sont toujours douloureuses. Trop hantée pour en parler avec une enfant. Elle était une merveilleuse personne avec du caractère. Je suis certaine qu'en grandissant, toi aussi, tu deviendras une fabuleuse personne. Elle espère juste que toi non plus, à un moment donné de ta vie, tu n'oublieras pas ta famille. Que tu ne prendras pas des risques. Ne tombe pas du balai, continue de voler et de vivre sans jamais regarder derrière. C'est tout ce qu'elle souhaitait pour cette enfant.

"Je... savais pas que vous étiez de la même famille... Désolée...". La mort. Tu n'y avais jamais été confronté jusqu'à l'apparition de tes pouvoirs. Tu avais l'impression, depuis cette première année à Poulard, que ce don que l'on t'avait offert exigeait un sacrifice. Un prix. Tu ouvris tes mains, comme pour y voir le sang de tes parents adoptifs. Mais non, elles étaient bien propres, toutes aussi fraîches, et toutes aussi douces. Pourtant, tu avais peur d'avoir été responsable de leur disparition. Tu avais peur de n'être que le fantôme d'une inconnue. Tu avais peur d'être, finalement, toute seule sur le chemin de la vie. Tu n'y arriverais pas. Tu n'étais pas la "courageuse et fabuleuse" dont tout le monde parlait quand il décrivait la jeune Syverell tombée bien trop jeune. C'était impossible d'avoir un quelconque lien du sang avec elle. Et pourtant, le chemin que tu empruntais semblait te mener doucement vers les pavés qu'elle avait traversés de ses pas. Est-ce que tu devais chercher la vérité auprès de cette jeune femme qui avait gentiment proposé son aide ? Devrais-tu, au contraire, construire ton propre chemin, t'éloigner de tout ce qui était lié à la magie... de t'éloigner de tout ce que le monde t'avais pris ? "Alhena... crois-tu que quelqu'un... qui a peur... peut faire disparaître des personnes sans le vouloir ? Je veux dire... qu'ils ne veulent plus nous voir ou qu'ils... disparaissent simplement de notre vie ?". Tu parlais de tes parents. Tu parlais de Laurae. Tu parlais de tant de choses dans cette question qui te faisait trembler les lèvres et refouler les larmes.

Tu refermais tes petits doigts sur les paumes de tes mains. Tu n'étais qu'une enfant. Tu ne comprenais certainement rien à tout ça, et en même temps tu te sentais légitimement lié à cette question sur l'identité, l'origine... et de l'attachement que tu devais oui ou non avoir avec quelqu'un d'autre. Tu avais peur. Terriblement peur. Mais devais-tu fuir ? La beauté froide à tes côtés te montrait-elle un autre chemin? Où, allait-elle te dire de continuer à chercher, de te battre pour retrouver tes parents, de faire tout ton possible et perdre quelques années de ta vie? C'était une question complexe. Tu allais les trahir si tu avançais sur ton propre chemin... alors que tu étais tout pour eux. Et qu'ils avaient été les parents les plus formidables qui soient. Parce qu'ils avaient toujours été là. Toujours. "Je sais pas si je suis quelqu'un de... gentil". C'était la première fois que tu osais te confier à quelqu'un... et de plus à quelqu'un du Ministère. C'était comme se rendre. "en recherchant mes parents, je suis tombée sur une dame qui à rassembler les gens... et... il y a eu comme une inflation, puis des gens par terre. Je me suis enfuie... et...". Et quoi ? Tu vas lui dire que tu as l'impression que tu lis l'avenir dans le sang ? "Elle va me prendre pour une folle... pourtant je sais ce que j'ai vu pendant l'accident... je sais ce que j'ai vu lorsque Daisy s'était blessée...". "...et pleins d'autres choses...". Tu relevais les yeux vers le tableau blanc en face de toi. Qui voudrait d'un monstre dans le corps d'une petite fille de treize ans ? Qui voudrait d'un fantôme qui rappelait la perte d'un être cher ? Qui voudrait de toi ?

Elle soupire, comme un soulagement, un agacement, elle ne sait pas trop. Le deuil, elle y fait face chaque jour, la mort aux trousses. Inconsciemment, elle espère que si cette petite possède un quelconque lien de parenté avec Laurae, ce sera bien de l'autre côté de la demoiselle. Pas celui des Peverell. En réalité, rien que le nom est dur à porter, les décès qui s’accrochent, se collent à la peau des membres de cette famille ne font qu'empirer les choses. Tout va bien, le deuil est quelque chose de quotidien chez nous. La brune avait dit cela avec un sourire chaleureux, mais glaçant à la fois. Crispée jusqu'à l'échine.

Et c'est drôle, les paroles de la petite fille qui font écho. On dirait presque un cri qui rebondit contre les murs du Ministère, une crise humaine qui parcourt les veines. Avoir son âge et se sentir autant coupable, alors que dehors, il y a tellement pire, même juste à côté d'elle. Assise à quelques centimètres. Très, trop, ironique pour que la situation soit réelle. Si innocente, et l'autre si sale. Non. On ne fait disparaître des gens, que si on le veut vraiment. La peur ne provoque que des doutes. C'était dit avec une certaine dureté, comme si elle essayait de lui faire comprendre quelque chose. Et même parfois, quand on le veut vraiment, ils ne disparaissent pas. Ou alors trop tard. Ils ont déjà eu le temps de te marquer, d'arracher ta raison et t'ont transformé en quelque chose que tu ne peux supporter. Alhena, aurait aimé, être orpheline aussi jeune, elle aussi, même bien avant. Horrible à dire. Ses parents étaient tout saufs des exemples d'éducations, elle les aimait autant qu'elle les haïssait. Jamais, elle ne leur serait indifférente. Et c'était là tout le problème.

Un regard presque vide. Autumn, tu es encore jeune. Ne porte pas le poids du monde sur tes épaules, rien n'est de ta faute. Souffle glacé, douleur. Dans la vie, il n'y a pas des gens... gentils et mauvais, tu sais. L'univers est bien plus contrasté que cela. On n'est pas enfermé dans des cages. On fait simplement des erreurs, plus ou moins graves, la plupart du temps. Et cela ne tient qu'à toi, de réparer et d'avancer vers le bon chemin. Seuls tes actes et ta propre estime de toi définiront ce que tu es vraiment. La brune tourne la tête, elle a ses iris qui brillent. Tu n'es qu'une enfant ma belle, juste une enfant et tu as toute la vie devant toi pour comprendre les mystères de cette société. Cela lui rappelait les questions de Lyra, toutes les petites interrogations sur le monde, sur ce qui est bon ou mal. Qu'est-ce que la véritable nature humaine dans le fond ?

Elle déglutit, le cœur d'une mère qui bat pour son enfant trépassé. Que peut-elle faire de mieux que d'aider celle qui lui est semblable ? C'est plus fort qu'elle, ancré dans ses gênes. Tu t'es enfuie parce que c'était ton instinct de survie qui parlait et je suis certaine que tu as bien fait. Même s'il faudrait que tu parles de cette personne et ce qui t'est vraiment arrivé à quelqu'un, en détail. Si tu es en danger, que tu as rencontré quelqu'un aux intentions malveillantes, il faut le dire. Ne reste pas dans le silence. Tu verras, tu trouveras toujours quelqu'un pour toi. On est seul dans ce monde, mais pas tout le temps. Parfois, il faut y croire, on peut y trouver de l'espoir...

Tout va bien. Cette phrase que te disait souvent Day. Cette manière dont elle te rassurait souvent. La magnifique Peverell venait d'utiliser les trois mots qui réchauffaient le plus ton coeur. Mais, cette fois-ci, malgré l'espoir, aucune chaleur ne survint. Peut-être parce que, malgré le sourire qu'elle avait déposé sur son visage, tu ressentais que tout n'allait pas bien. Que c'était trois mots qui n'étaient pas forcément destinés pour toi, mais qu'elle devait souvent se répéter pour porter ce "chez nous" sur ses épaules. Tes yeux se plissèrent inconsciemment. Les réponses à tes questions fusèrent entre tons stricts, dures, et sourire apaisant. C'était un nouveau guidé, pas de doute. Un guide qui était tranché sans être bourru. Un guide froid, sans être glaçant. Un guide qui te montrait la... réalité des choses. Avec ce qui était, et surtout, ce qui pouvait être. Qui voudrait voir disparaître une personne de sa vie ? Tu te pinças les lèvres. Peut-être que quelqu'un faisait du tort à Dame Alhena. Peut-être que quelqu'un resserrait son cœur dans une main de fer ganté de velours ? Plus son discours avançait, plus tu pensais te voir confier une partie d'une expérience de vie qui était assez claire pour te donner des conseils, mais également trop floue pour que tu en aies les moindres détails.

Des actes. Tu étais bien d'accord avec la jeune dame qui était assise à tes côtés. Mais quels actes? Quel était le bon chemin? Poursuivre tes recherches par culpabilité et amour? Ou faire ta vie par raison et par réalisme? Tu étais perdue, et personne n'était là pour t'aider vraiment. Day, à tes côtés, te faisait avancer, sans imposer un choix, mais c'était le chemin de l'avancement, tu le savais. Dans ton coeur, tu ne voulais pas avoir le regret de perdre le temps de vivre. Était-ce un semblant de choix ? Tu l'observais. Les beaux émeraude brillèrent. Tu te tournas de nouveau vers le mur. Tu attendais qu'elle finisse. Dans un sens, tu avais l'impression que vous aviez quelque chose en commun. Si ta vie avait été calme, magnifique et joyeuse... elle continuait aujourd'hui ainsi, presque terne et morne aux pointes d'espoirs. Alors que Dame Alhena semblait avoir eu une enfance contraire, elle espérait s'élever pour avoir un bonheur qui lui était déchiré, pris. Vous aviez toutes deux été prise. Toutes deux orphelines de quelque chose qui allait au-delà de tout. Toi de ton monde géniteur, de l'orphelinat, de tes adoptants... et finalement du monde des Ingénieux, des non magiciens. Et elle, de quelque chose de plus... confus. Diffus. Mais tout aussi déchirant.

" Mad... Alhena ? " Ta voix était douce. Un peu songeuse. Tu te détachas doucement de la toile blanche et resserras doucement tes doigts blancs et frais sur la main de la jeune femme. Tu ne savais pas trop comment aborder cette pensée qui chatouillait ton esprit, mais tu savais que ça pouvait faire du bien. Que ça pouvait réchauffer les coeurs. "Autumn, comme un petit soleil" aurait dit l'Homme Caméléon. Tu espérais qu'il avait raison. "Comme ta baguette, tu peux réparer les cœurs des gens?". Tu avais plusieurs fois essayé, mais certaines fois, c'était trop maladroit et c'était tout le contraire. Alors tu hésitais... jusqu'à craquer. "Je.. je crois que.. si vous voulez... Vous avez trouvé quelqu'un pour vous". Pour mettre un point d'exclamation à cette déclaration, tu risquas un sourire plus grand, sincère. C'était aussi pour te rassurer. Elle comme pour toi. Vous vous êtes confié l'une à l'autre, sans condition. Un secret partagé, des conseils. Une présence aussi, peut-être. En tout cas, tu savais que tu avais trouvé un autre guide aujourd'hui. Un guide important.

Vous connaissez ce sentiment, cet étrange moment où vous avez cette impression que votre esprit se détache soudainement de votre corps. Que le monde qui vous entours n'est que poussière et qu'il n'y a que vous et la personne en face, ou à côté en l’occurrence. Comme si le temps était un concept qui n'avait jamais été inventé sur terre, que le reste de l'humanité n'était qu'une illusion. Bien sûre que si, vous le connaissez ce sentiment : celui où votre poitrine se compresse, que votre êtes en détresse respiratoire alors que vous êtes de marbre. Ce sentiment de prendre conscience de la vie, de vos choix, parce que jamais vous ne vous êtes arrêtés pour réellement y réfléchir.

Elle cligne des yeux, la gorge sèche, comme si soudainement elle était tombée de la plus haute des falaises. Retomber contre du béton, se relever pour retrouver la réalité. C'était si horrible et en même temps, si pur venant de sa part. Vous avez trouvé quelqu'un pour vous. Non. Elle ne pouvait pas laisser porter le deuil de son propre enfant, en s'attachant à une inconnue. Ce n'était pas son rôle, on n'imposait jamais ça à une gosse. Elle avait déjà assez à porter. C'était à Alhena de faire avec, de comprendre, de supporter sa propre douleur et d'avancer d'elle-même. D'aimer avec le temps, l'enfant à naître, d'oublier la souffrance pour ne se souvenir que de ce qu'il fallait. Peverell, finirait par arriver au bout du chemin sans personne et certainement pas en se reposant sur cette jeune fille.

Tu finiras par l'aimer, mais tu ne verras jamais autre chose que Lyra.

Elle secoua la tête. Elle ne voulait pas y repenser, ne pas penser tout court parfois même. Être prisonnière de sa propre pensée, de son propre cerveau. C'était si insupportable, pris à la gorge. C'est gentil Autumn... Ce sourire maternel, rare chez la brune refaisait surface. Mais c'est aux adultes de prendre soin des enfants. Cela n'avait jamais été l'inverse, ça ne pouvait pas l'être. Cela n'avait aucun sens pour Alhena. C'était si insensé que des parents se reposent sur leur progéniture. Pourtant, quand elle regardait dans le passé... Elle se demandait parfois, qui avait réellement raison. N'était-ce pas une relation qui se devait être double sens et non à sens unique ? Qu'importe que ça soit les enfants ou les parents qui supportent l'autre. Toute relation, même, devrait être un cycle. On ne devrait pas avoir le demander, ça devrait être normal et pourtant... C'était si compliqué à mettre en place, à l’exécuter pour certains. Surtout quand on n'avait jamais eu d'exemple pour le faire. Je pense que c'est plutôt toi qui a trouvé une nouvelle personne pour t'épauler, et bientôt une autre avec ton ou ta nouvelle tutrice.

Au final, quand on la regarde bien, derrière cette insupportable paire d'yeux émeraudes, Peverell reste humaine et aussi censée qu'elle peut. Derrière ses propres mots, même si elle les pense, il y a cette forte envie de vomir vis-à-vis de sa propre conscience. Recevoir et donner en retour, avait-elle ne serait-ce qu'une seule relation qui aille dans ce sens ? Probablement pas, ou alors elle ne le voyait pas. C'était souvent tout ou rien, jamais les deux. Comme si elle était faite, parfaite pour tout faire à l'envers. On donne à ceux qu'on veut, on reçoit de ceux qu'on manipule. Et elle savait très bien pour une fois que le problème ne venait pas des autres, mais de sa manière d'être. C'était sa protection, sa façon à elle de créer cet énorme mur, de choisir à qui faire confiance et comment réagir par rapport à ses blessures. Être Alhena Peverell, n'avait rien d'amusant, cynisme et vie en noire, travail et famille.

Parfois, elle voudrait juste être Alhena... et c'était des moments très rares. Elle ne se souvenait même plus du dernier.
Sourire.