C'était avec un changement capillaire que Jude allait s'envoler en Russie. Il avait eu l'idée de se décolorer les cheveux lors d'une petite escapade à Londres. Premièrement parce qu'il avait besoin de changement dans sa vie, il ne supportait plus de voir le même visage chaque matin et deuxièmement, pour éviter de se faire reconnaître à l'orphelinat après le bordel qu'il avait sûrement fichu là-haut. Après de nombreuses heures dans un salon de coiffure bas de gamme, puisqu'il n'avait pas les moyens de faire le capricieux, cela était déjà suffisamment coûteux comme ça, il était rentré à Poudlard puis s'était directement rendu dans les dortoirs pour garder la surprise. Il ne voulait pas qu'Arthur le visualise ainsi, il voulait lui faire la surprise avant de prendre l'avion. Parce que oui, il était temps. Jude et Arthur allaient s'envoler en Russie, tous frais payés par le lion puisque le serpent n'avait aucun revenu et venait d'ailleurs de dépenser une bonne partie des économies qu'il lui restait. Il allait retrouver les lieux qu'il avait eu l'occasion de scruter à de nombreuses reprises pendant plusieurs mois, au moment où il était probablement le plus enclin à faire une grosse connerie après toutes les misères qu'ils avaient appris.

Son réveil fut brutal. Il avait passé une bonne partie de la nuit à imaginer ce qui pouvait bien se produire une fois là-haut et pour cause, des cernes bien voyantes venaient entourer ses pupilles. Pourtant, il avait la forme. Il avait même hâte d'être sur place. Savoir si c'est terminé pour les recherches ou bien s'il obtenait des réponses. Il espérait sincèrement que peu importe ce qu'il allait trouver là-haut, il obtiendrait du soutien de la part de son ami. Les heures défilaient très rapidement tandis qu'il était temps de préparer ses affaires. De quoi pouvoir se changer, sa baguette magique, son passeport, quelques petites bricoles et le sac était vite fermé. Ils avaient prévu d'y rester que le temps d'un week-end, puisqu'ils avaient cours en début de semaine. Mais si Jude avait besoin de plus de temps, avec ou sans Arthur, il continuerait ses recherches. Ils partaient vraiment à l'improviste, sans savoir où ils allaient dormir et même s'ils allaient avoir l'occasion de dormir finalement. Quoiqu'il en soit, ce voyage promettait de rester graver dans la mémoire des deux, probablement pas pour les mêmes raisons. Un probable calvaire pour l'un, une source de réponses pour l'autre.

C'est dans une humeur plutôt étrange avec d'un côté de l'impatience et de l'autre, une appréhension qu'il descendit tranquillement les escaliers. Rien ne pressait, l'avion décollait dans quelques heures, ils avaient donc pas mal de temps devant eux puisqu'en l'espace de quelques secondes, ils pouvaient se retrouver près de l'aéroport. Jude avait eu l'occasion d'aller admirer les différents endroits et savoir lequel serait le plus apte pour transplaner. Un bout de champ, isolé de tous regards humain qui se trouvait à quelques minutes du lieu de décollage. Une fois arrivé au rez-de-chaussée du château, il s'avança vers la porte principale afin de pouvoir sortir et se rendre sur la place qui s'y trouvait juste devant, à la recherche d'un lion bouclé, son regard ne cessait pas de regarder à droite et à gauche. Vite.

Est-ce qu’il était simplement un ami loyal et dévoué ? Ce qui serait exemplaire. Ou est-ce qu’il était un incroyable pigeon doublé d’un immense idiot ? C’étaient les questions qu’Arthur se posait, depuis son réveil. Il s’était éveillé il y a peu de temps et n’avait toujours pas bougé de son lit. Cela faisait environ vingt minutes qu’il phasait, allongé, bien couvert sous sa couette. Pour Jude, pour qu’il puisse trouver des réponses sur ses origines, le lion avait accepté de lâcher énormément d’argent. En fait, quasiment tout son argent de pote était parti dans ce court voyage de deux jours. Heureusement qu’il avait trouvé du travail aux Trois Balais, il allait pouvoir alourdir son porte-monnaie qui était devenu horriblement léger maintenant. Le bouclé n’était pas accro à l’argent, mais il s’était enfin décidé à économiser pour son avenir qui, pour le moment, consistait à voyager dans divers pays du monde, lorsqu’il quitterait définitivement cette prison-école.

En plus de lui prendre de l’argent, Jude avait, non volontairement, incité Arthur à mentir à Aliocha. Comment ce dernier aurait réagi en apprenant que son petit ami partait en weekend, avec un autre garçon - qu’il détestait - alors qu’il rêvait lui-même d’aller en Russie ? Le Français aurait fait du mal à son copain en lui avouant la vérité. Mentir n’était pas mieux, mais le pire serait de le blesser. Il comptait sur la discrétion de son ami. Il avait donc inventé un mensonge et prétexté un repas de famille chez ses parents. Chose qu’il aurait normalement évité, mais il avait tellement été convaincant qu’Aliocha n’avait posé aucune question et l’avait cru. Parfait.

La motivation enfin trouvée, le Français se leva d’un bond et partit se préparer. D’abord, il était passé dans la salle de bain, puis il avait choisi une tenue agréable apportée - finalement un jogging - il avait ensuite préparé son sac qu’il avait mis sur le dos et avait quitté son dortoir, sans oublier sa casquette. Coup d’oeil rapide sur sa montre ; rien d’anormal, il était tout juste à l’heure. Le temps de descendre les escaliers de Poudlard, il serait en retard. C’était Arthur.

Une fois en bas, le lion rechercha activement Jude, mais en vain. Pourtant, à moins qu’il ait abandonné l’idée de partir avec le Français, il doutait sérieusement qu’il soit en retard. Pas pour un week-end qui comptait autant pour lui. P*tain, il est où. Il fit demi-tour, sans vraiment regarder devant lui et rentra dans un gars. Désolé mec. Dit-il distraitement, quand soudain, il comprit. Ce jeune homme, qu’il venait de tamponner, était Jude. Mais Jude, en différent. La bouche à demi ouverte, le bouclé ne pouvait détourner le regard, il observait son ami silencieusement et longuement, sans aucune gêne. Oh. C’était… Etrange. Woh, je… Arthur n’était pas un grand fan des colorations ou décolorations - toute façon, il n’y connaissait rien - et c’était encore trop tôt pour savoir s’il aimait ou pas, ce changement capillaire. Ca… Change. Termina-t-il par dire, en mettant les mains dans les poches de son jogging. J’ai failli ne pas te reconnaître, j’ai cru que tu étais parti sans moi. Alors, le sourire d’Arthur changea, ainsi que son regard. Déterminé, il tendit sa main - afin de transplaner - vers le serpent : Bon, on y va ?

Les poings crispés, les yeux qui ne savaient pas où se positionner, tant l'impatience du serpent de voir débarquer son ami était présente, il tenta de ne pas le montrer physiquement. Ce qu'il était prêt à faire, il ne savait pas trop si c'était légal, encore moins autorisé par le règlement de Poudlard. Il partait du principe qu'à partir du fait que cela se passait en dehors de l'établissement, ce qu'il pouvait faire de son temps libre ne concernait personne. Mais depuis que De Lanxorre était à la tête de ce foutu château, plus rien ne pouvait impressionner Jude. Son réflexe était donc de se montrer le plus anonyme possible, placé au milieu de la foule de manière à ne pas se faire remarquer — malgré son changement capillaire. Ce qui, étrangement, ne changeait pas grand choses à ses habitudes.

Arthur ne se manifestait toujours pas. Avait-il été brusqué par la situation ? Désirait-il abandonner alors que Jude était si prêt de son objectif d'obtenir des réponses ? Les doutes se mélangèrent entre eux, il était impensable pour le serpent de s'arrêter en si bon chemin. Il avait encore du temps face à lui, il pouvait très bien chercher le lion et lui demander des explications. Hopkins ne se doutait même pas qu'il était descendu en avance et qu'il était seulement l'heure qu'il avait indiqué au bouclé pour se retrouver. Il était tellement impatient. Perdu dans un tourbillon d'anxiété, il ne fit plus attention aux alentours, si bien qu'un étudiant le bouscula. Il s'apprêtait à s'énerver mais se stoppa au moment où il rencontra la regard d'Arthur qui fit mine de s'excuser de l'avoir bousculé. Hopkins lui lança un grand sourire, heureux de le voir ici. Pour lui, c'était une preuve de confiance et d'attachement. Mais d'un autre côté, le lion semblait étrange, comme-ci, au premier abord, il ne reconnaissait pas le serpent. Il regarda avec insistance, il semblait même déterminer tous les détails du visage de Jude. Celui-ci ne comprit pas directement où il voulait en venir mais lorsqu'il remarqua qu'il fut surpris, il était sûr que cela venait de sa nouvelle couleur de cheveux.

La surprise d'Arthur fut étonnante. Il ne donnait pas réellement son avis, puisqu'il n'en avait probablement pas, il se permit simplement de dire que ça changeait. Ça tombait bien puisque c'était ce que désirait le serpent. Du changement. Il en avait eu marre du quotidien, de voir le même visage chaque matin. La routine, ce n'était certainement pas son délire. Le bouclé raconta ensuite qu'il avait failli ne pas reconnaître Jude et commençait même à penser qu'il était parti sans lui. Impossible. Hopkins était bien trop pressé par cet événement et il était heureux de voir son ami face à lui. Un sentiment de culpabilité vint l'envahir ; le lion était toujours présent, alors que lui l'avait abandonné pendant de longs mois. Lui et d'autres. Il s'était montré égoïste et rien que d'y penser, il s'en voulait.

Le bouclé tendit sa main puis lui demanda s'il était temps d'y aller. Jude acquiesça d'un signe de tête et attrapa vivement la main d'Arthur, n'oubliant pas de lui annoncer « Attends l'arrivée pour vomir s'te plaît. » et les deux s'envolèrent. Ils se retrouvèrent rapidement les pieds dans ce fameux champ qui n'était pas très loin de l'aéroport. Hopkins prit bien le temps de regarder si personne ne les avait aperçu, ce qui ne semblait pas être le cas. Il avança, accompagné du lion, vers l'aéroport. Puis ils se trouvèrent rapidement devant, tels deux touristes.

« Je ne sais pas trop dans quoi on s'embarque mais quoiqu'il arrive, je te remercie d'avoir toujours été présent. C'est pas des adieux hein, j'compte bien revenir mais... voilà quoi... t'vois. »

Il préférait assurer ses arrières.