La moitié de l’après-midi vient de passer. J’en ai déjà marre. Je traîne mes pieds nus dans les couloirs. J’avance lentement. Un veracasse me bat à la course. J’ai plus d’énergie. Guère plus de motivation. Et vraiment pas envie de le revoir. Mister Lhow. Cet ennui nocturne. Ce fourbe. Ce stupide adulte. Mais j’y vais quand même. J’lui ferai pas ce plaisir de me coller une autre retenue. Pas par mon absence en tous cas. Peut-être par mon comportement.

J’arrive dans la salle. Enfin je crois. La disposition est inhabituelle. Le prof est bien là. Il sirote un café. J'suis au bon endroit. La menthe titille mes narines. Je me rue sur la théière fumante. J’attrape une tasse et me sers une boisson chaude. Je m’assois en face de l’enseignant, à côté d’un autre élève (Fañch). Je croise mes jambes en tailleur. Je lève légèrement mon récipient en direction de l’ancien Auror. Ma façon de le saluer. J’affiche un sourire malicieux. Ma manière de lui signifier que j’ai pas oublié non plus.

Je m’enfile mon breuvage en attendant les autres élèves. J’peux pas dire qu’il est dégueu. Loin de là. Je tais ce compliment. J'ai mieux à faire. Je me relève. Je m’en sers un second. Je fixe l'adulte. Rictus aux lèvres. « Prévoyez des cookies de ma tante pour le prochain goûter… Et il sera presque parfait… » Presque car sa présence dérange la perfection. Première pique de lancée. Sans doute pas la dernière. Et le cours a pas encore commencé. Ça promet. Je me cale dans le fond de mon siège. Les yeux remplis de satisfaction.

Je crois que j'ai cours là non, mais de quoi déjà ? Je pousse un profond soupir agacée, avant de laisser tomber mon sac afin d'entreprendre la chasse à mon planning et de savoir où aller. Défense contre les forces du mal donc, haussement d'épaules. Le dernier cours de cette matière que j'avais suivi avait été avec le professeur Aidan je crois, une bonne blague. Je me souviens encore quand moi et Time étions parvenus à lui filer entre les doigts lorsque celui-ci nous avais surpris à bruler la bibliothèque. Mais c'est une longue histoire. Je dois plutôt penser à me bouger un peu pour rencontrer ce nouveau prof.

Je ne peux m’empêcher de laisser échapper un rire amusé une fois arrivée à destination. J'avais comme image de salle de défense contre les forces du mal, un endroit rempli de maquettes de créatures monstrueuses, d'inscriptions étranges écrites au tableau, et j'en passe. Mais certainement pas à cette ambiance chaleureuse et cette odeur de friandises sorties du four. C'est donc sans l'ombre d'une hésitation que je rentre en chantonnant un "bonjour" d'une voix enjouée et de prendre place sur l'un des fauteuils, et de saisir un petit gâteau au passage.

-Un petit goûter, c'est exactement ce dont j'avais besoin. Déclarais-je en grignotant le cookie.

J’ai espéré une remarque. Raté. Mon professeur a de la répartie. Il se laisse pas démonter. Tant mieux. Il m’aurait déçu sinon. J’admire son self-control. Mon sourire devient plus sincère. Il a gagné une pointe de respect. « Je doute de votre autorité à son égard… » Il en a déjà pas sur moi. Je dépose ma tasse vide sur la table. « Mais si vous êtes sage, je lui demanderai peut-être… » Sous-entendu si vous me foutez la paix. Pas comme l’autre nuit. Et encore. J’attends davantage de lui. Des excuses.

Mon regard le toise. J’ai envie de lui lancer une autre pique. Par pur plaisir. Et pour rompre mon ennui. Qui commence à m’envahir. Il anticipe. Mister Lhow lance le cours. Plutôt les consignes. Même si on semble plus libre sur ce coup-là. Les règles existent dans un débat. Au moins de bonnes conduites. J'entends maman les énoncer. Comme écouter les autres. Se montrer respectueux. Et cetera. Ce que je fais. Mon voisin ouvre le bal. Je sens de la rancune dans ses propos. Lui aussi parait avoir eu un différend avec l’enseignant. J’ai trouvé un allié. Je souris à mon camarade. Bien joué l'ami.

J’ai pas envie que l’adulte réplique. Pas tout de suite. C’est à moi d’attaquer. Je prends la parole. « Pourquoi limiter la magie à deux couleurs… ? La magie est incolore. Plutôt, c’est un arc-en-ciel, une palette multicolore ! » L’Artiste s’exprime. Il aime pas les cases. Il classe pas les sorts suivant leur teinte. « Vous n’êtes pas d’accord ? » Mes noisettes questionnent l’ancien Auror. Les grands principes qu’il a appris. Lors de son passage au Ministère. Ne sont que des foutaises. A mes yeux.

Je laisse la bataille des hommes se faire. Je veux pas offenser mon camarade. Mais il a perdu d’avance. Mister Lhow est prof. Représente l’autorité à l’école. Quoi qu’il dise, il aura raison. Même s’il a tort. Mentalité d’adulte borné. Qui a été en plus corrompu par le pire mal de cette planète. Le Ministère. Je soupire. Les deux m’ennuient. Ils se renvoient la balle. Je sortirais bien les pop-corn. J'me contente d'un cookie. Je compte les points. J'crois qu'ils sont à égalité. Avant un nouvel assaut, le plus intelligent stoppe l’affrontement. Nul besoin de préciser qu’il s’agit de l’élève. J’vais pouvoir en placer une. Plutôt répondre à mon professeur. Pour lui montrer une partie de mon monde. Qu’il va pas comprendre. Pour changer. Bref.

Je l'ai intrigué. Avec mon vocabulaire artistique. Faut vraiment tout leur expliquer. A ces incompétents. Je termine mon biscuit. Puis je me lance. « Toutes les couleurs… Toutes déclinaisons même… Chacun fait sa classification… En fait c’est subjectif tout ça… Tout dépend de votre esprit… » J’le sens presque dubitatif. J’décide d’illustrer de manière concrète. Avant qu’il me répète de développer. « Prenons un exemple, Glacio. Ce sort est considéré comme de la magie blanche dans les codes, non ? Pourtant il est mortel. Il tue l’eau en l’empêchant de bouger. Pour moi, c’est de la magie noire… Un sort impardonnable... » J'vais pas trop loin. C'est mon avis. Je repense au cours d’enchantement. J’ai refusé de lancer ce sortilège. J’emprisonnerai jamais rien. Moi qui prône la liberté. De tou.te.s.

Il comprend rien. C’était prévisible. Mon rapport à la glace est particulier. Unique. A mon image. « Non… » Un profond soupir l’accompagne. Je respecte l’eau. Pas au point de comparer ma liberté à la sienne. Elle a pas de conscience. Désolée Mère Nature. «  Vous parlez de lois là… Pas de magie… » J’reconnais l’ancien Auror là-dedans. Ce sont elles qui nous privent de nos libertés. Pour notre sécurité primordiale qu’on raconte. Cet homme respire encore Ministère. La maladie est coriace. Implantée dans le moindre pore de sa peau.

Je pose ma tasse. Je m’éloigne du Mal. M’enfonçant au plus profond de mon fauteuil. « Si un ami m’lance un Stupéfix, j’me questionnerai sur notre amitié… » Mes yeux cherchent les siens. Il m’agace. Il a réveillé la rêveuse abandonné par ce système. « C’est c’que vous vouliez faire la dernière fois en m’immobilisant ? Me sauver la vie ? » Référence à l’épisode nocturne. J’ai pas oublié. Je voulais pas y revenir. J’ai pas pu résister. Motivé par mon camarade. Qui semble apprécier mon professeur. Au moins autant que moi.

Un rictus rejoint mes lèvres. Je me penche. Saisissant un biscuit. « La magie noire est celle qui désobéit aux règles. J’suis peut-être moi-même de la magie noire… » Œil dubitatif malicieux adressé à l’adulte. « Vous en pensez quoi, Mister Lhow ? » Nouvelle pique de lancer. Nouvel assaut. Plus virulent. L’insolente est de sortie. Prête à se battre. Contre l’ennemi.