Hiver froid et blanc, glacial, gelé, endormi. Le vent souffle dehors et fait bouger les branches nues, il n’y a plus ce doux orange des feuilles d’arbres lors de l’automne qui est maintenant terminé. Ce orange est maintenant dans les cheminées, dévorant le bois offert, éclairant la pièce, chauffant les enfants dedans. Dessiner le feu est compliqué, à chaque seconde qui passe il change de forme, une flamme s’élance en l’air tandis qu’une autre rétrécit lentement. Et puis soudain, les flammes se plient, le bois n’est plus que couleur orange brûlante. Puis ça revient, ça remonte, lentement, flamboyant, dangereux si on s’approche trop, telles des créatures aux dents et griffes pointues et acérées. Le tout crépite joyeusement dans un ronronnement satisfait, l’animal est bien installé et bien nourri, il est heureux. Mais je n’arrive pas à la dessiner, cette créature en mouvement qui refuse de prendre une pause plus de deux secondes, c’est compliqué d’imprimer une image parfaite d’une forme qui bouge. Pourtant, assise en tailleur sur un des fauteuils, un carnet sur les genoux, un crayon à la main, ça fait un moment maintenant que j’attends.  Alors je vais peut-être bouger, faire autre chose. Et abandonnant mon feu, je range le crayon dans mon sac, qui lui pars sur mon dos, le carnet se ferme et je le sers contre moi puis je sors de la Tour des Serdaigles. La maison dans lequel le chapeau m’a envoyé. Drôle d’idée que forme cette répartition d’élèves. À l’école, on rangeait les enfants par âge. Ici, c’est par caractère.

Dans les couloirs, je tournicote un peu, me perdant dans les escaliers qui bougent, cherchant quoi dessiner. Les tableaux dans les couloirs sont amusants, quelqu’un me parle mais je ne lui réponds pas. À quoi bon ? C’est une image magique. De quelqu’un qui a existé, c’est vrai. Les fenêtres donnent sur le parc, doux paysage immobile qui ne semble attendre que moi. Mais une idée vient soudainement, d’elle-même elle se montre comme si elle avait toujours été là : la bibliothèque ! Je n’ai jamais dessiné cet endroit, pourtant les rangées de livres doivent bien rendre sur les feuilles, toutes ces couleurs, tailles et formes différentes… Peut-être un peu complexe, mais intéressant. Alors j’y vais, à pas aussi grands que je peux. Habituellement, j’y vais pour apprendre, il faut bien dire que j’ai dévoré quelques livres depuis la rentrée. Il y a tellement de choses à apprendre là-bas…  Tous ces animaux que je ne connais pas ! Mais non, en entrant dans la salle immense je me résonne : aujourd’hui, je vais dessiner.

Sauf que l’idée de m’installer est bien vite repoussée, il y a du monde, des tables pleines partout. Oh non, pas partout : en m’avançant, je vois une table, non pas vide mais avec une seule personne. À petits pas, je m’approche de la personne, une grande élève apparemment dans la maison du rouge, celle avec une histoire de Gryffons, Gryffondor je m’en souviens ! Deux feuilles blanches posées devant elle, elle doit travailler mais n’a rien écrit, elle est grande et maigre. Et surtout, une des places est libres et parfaite pour m’installer et tracer ce que je veux. Je veux dessiner…  L’étagère et les livres. Avec la fille devant ? Ça pourrait faire joli. Je ne dérangerais pas, promis, je suis calme moi je parle pas… "Parle en anglais, soit polie" insistait maman. Dois-je vraiment demander la permission ? Je ne prends pas beaucoup de place… Hola Non, en anglais. Je pense comme je veux, mais je parle en anglais. Proche de la table, les mains crispées sur le carnet serré contre moi, je fais un petit sourire. «Bonjour»

Et puis je m’assois, tout simplement. C’est vrai, je ne parle pas plus, je ne demande pas si je peux m’asseoir. Elle aurait pu attendre quelqu’un… Tant pis, je partirai si c’est le cas. Le carnet se dépose doucement sur la table, le sac par terre, j’en sors le crayon, et rouvre mon carnet. Une page vide, vierge, blanche. Je vais faire ça oui, la bibliothèque, et la fille devant, ça fera joli, si seulement elle ne bouge pas et n’est pas dérangée du fait que je la regarde un peu. Juste un peu…

Elle sourit, silencieuse, je m’assois, silencieuse aussi, comme d’habitude. À quoi bon faire du bruit inutilement ? Je ne suis pas comme tous ces élèves qui sans cesse parlent pour ne rien dire. Sa taire et dessiner dans le calme est bien mieux. Ma bibliothèque imagée dans ma tête me propose rapidement un scénario alors que je réfléchis trois secondes. Un mur sur la gauche pour apporter une fenêtre, puits de lumière douce et chaude, des livres colorés à la l’arrière plan, rangés de façon désordonnée, et… La Gryffondor. Oui, une bibliothèque vide d’humains n’est plus une bibliothèque, elle n’aurait plus son utilité si je la faisais vide, sans personne pour se remplir l’esprit des connaissances offertes dans les livres. La jeune fille devant moi peut faire un bon modèle pour rendre mon dessin aussi réaliste que magique !

Crayon levé, prêt à tracer ce que ma main lui dictera, mes yeux observent l’inconnue, détaillant son visage pour faire les traits les plus précis possible sur le carnet ouvert devant moi. Elle ne fait pas peur comme certains élèves plus grands me font peur, elle est même plutôt jolie, quoiqu’un peu maigre avec un air de fatigue, peut-être fait-elle partie de ces "grands" qui travaillent beaucoup et ne prennent pas le temps de bien manger ? Mais voilà, elle lève les yeux et nos regards se croisent, elle n’a pas l’air très contente de se voir observée, ce que je peux tout à fait comprendre car ça doit être désagréable et moi non plus je n’aime pas ça.

La grande parle, une simple question, je sursaute légèrement, embêtée, sans savoir quoi dire. La main se crispe sur le crayon tandis que mon regard se fait inquiet, effrayé par cette question qui me fait penser qu’elle se mettra en colère si je lui dis ce que je voulais faire. Je ne lui ai pas demandé la permission, comme je ne demande pas la permission aux animaux ni aux plantes de les dessiner, mais peut-être aurait-elle voulu m’accorder ou non le droit de dessiner son visage devant ma bibliothèque pour représenter le savoir recherché par l’Humain. Et je n’aime pas parler, ce n’est pas une habitude chez moi, pourtant maintenant qu’elle m’a vu et questionné, je ne peux pas rester silencieuse pour repartir sur mon dessin comme si de rien n’y était. «Je dessine.» Lèvre du bas mordillée sous la peur d’une réaction colérique de la part de la jeune fille, j’ajoute dans un murmure «Une bibliothèque avec une fenêtre…» Ça paraît joli comme ça, c’est-ce pas ? Même s’il manque le troisième élément, le plus important, celui qui la concerne et qui explique mon observation. L’Humaine, la Gryffondor, celle qui recherche le savoir. «Est-ce que je peux te faire aussi ?» Va-t-elle trouver ma demande étrange ? Je le crains fortement. Mais tant pis, j’en profite rapidement pour me justifier : «T’es jolie, alors mon dessin serait vraiment parfait.» Un sourire timide comme pour m’excuser, et j’attends, pourtant inquiète.

Elle a l’air étonné la grande Gryffondor de mes paroles, de ma demande. Personne ne lui a donc jamais demandé l’autorisation de la dessiner ? C’est étonnant, mais en même temps ça ne l’est pas tellement puisqu’il faut dessiner pour demander ça. Et il n’y a pas énormément de monde qui dessine… Ce qui est bien dommage. C’est bien de dessiner, ça occupe quand on ne sait pas quoi faire, ça permet de poser au visuel ce qu’on crée dans sa tête, ça aide à communiquer aussi si la personne est réceptive aux images. Mais la fille ne devait pas s’attendre à ça, et sa réponse semble être un non sans pour autant en être un. Pourquoi penser ça ? Une bibliothèque vide n’est pas une bibliothèque, les chaises et les tables attendent que les humains s’installent, les livres attendent de ces personnes qu’elles les lisent et apprennent tout ce qu’il y a en eux. Alors dessiner une bibliothèque sans personne dedans, ce serait comme dessiner une maison vide… Pour communiquer, ça ne servirait à rien. Si je veux montrer à quoi sert une bibliothèque, je dois dessiner quelqu’un dedans, avec un livre ou en train d’écrire. C’est comme pour montrer à quoi sert une maison, une voiture, une école ! Faire l’objet ou la pièce simplement ne sert à rien. «Pourquoi ?» Regard curieux qui ne comprend pas. Car pour moi, forcément que sa présence améliorerait mon dessin ! Autant pour la présence d’une humaine dans ma bibliothèque que pour celle d’un modèle face à mes yeux.

La fille sourit, un joli sourire qui a l’air gentil, le crayon se laisse aller sur la table tandis qu’elle me pose une question. Le dessin, depuis quand ? Je n’en sais trop rien. Je n’ai pas de souvenirs de moi sans crayons ni feuilles à la main. Dès petites, depuis toujours certainement. Avec le dessin je communique, j’étale les images de mon esprit, je m’occupe, je crée, je fais tout. Alors je souris aussi à la Gryffondor, un peu curieuse tout de même. Elle veut faire une conversation ? Je ne suis pas très forte à ça. Mais je remets en mémoire ce que Mark m’a dit une fois, et je réponds à l’élève «Depuis toujours, je dessine beaucoup.» Une question, une réponse. Il faut parler plus diraient les adultes. «Toi tu dessines ?» Question de politesse, mais ça peut être intéressant. Je ne la connais pas, elle. Elle ne me connaît pas non plus. Faire en connaissance en restant sur un sujet que je connais, c’est la bonne idée, c’est ce qu’on m’a conseillé, même si je n’aime pas parler.

Un haussement d’épaule en réponse à mon pourquoi est la seule chose que j’obtiens, mais je ne peux que m’en satisfaire, après tout je ne suis pas là réellement pour poser des questions ni être indiscrète. Oh non, surtout pas ! La Gryffondor est gentille, pour l’instant, et elle a le droit de ne pas vouloir répondre. Et puis, je reste bien souvent silencieuse moi. N’empêche que je ne sais pas pourquoi elle n’améliorerait pas mon dessin, ni si elle est d’accord car sa phrase n’est ni un oui ni un non… Mais je ne veux pas dire de bêtises, poser de mauvaises questions, alors je me tais. Et à la place démarre une sorte de conversation, à petites phrases et questions elle m’interroge puis je réponds. Et moi aussi j’interroge, car une conversation sur le dessin ne peut qu’être intéressante et peu dangereuse ou embêtante. D’après moi, car la jeune fille n’a pas l’air très… Contente de ma question ? Les mouvements sont légers mais perceptibles, suffisamment en tout cas pour êtres vus par moi-même qui aime observer les gens. L’ai-je dérangé en demandant ça ? C’est elle qui m’a lancé sur le sujet, mais peut-être que pour elle c’est un sujet "sensible" si c’est possible. Peut-être est-ce parce qu’elle ne dessine pas mais aurai aimé ?

Au lieu de me questionner davantage je l’écoute, attentive à cette réponse qui mêle les dessins aux cours et aux fleurs. Pour certains cours il faut dessiner, c’est vrai. Pour d’autres il ne faut pas mais je ne peux pas toujours m’en empêcher… Attirée par l’idée de voir ses œuvres, je hoche la tête en laissant apparaître un sourire léger tandis que les yeux approuvent la proposition d’une lueur contente. Si je veux voir ? Oh que oui ! J’aime les dessins, j’aime voir les œuvres des autres, et montrer les miennes ne me dérangent pas puisque c’est ainsi que je communiquais à la maison il y a encore peu de temps. Alors, patiemment, je la laisse sortir son dessin, parchemin qui se dévoile sous mon regard curieux qui rapidement observe l’esquisse, ravi, comme un enfant gourmand pourrait regarder les pâtisseries sans pour autant que ce soit totalement ça. Simplement regarder le dessin, comprendre ce qu’il représente, voir s’il parle ou s’il ne fait que représenter une partie du monde.

C’est une chose étrange qui a été posé au crayon, une chose que j’aimerai nommer bébé sans que ça n’en soit vraiment un. Une espèce de petit monstre au physique de bébé criard avec pour cheveux une sorte de touffe d’herbe. La jeune fille a parlé de dessins de fleurs, mais en est-ce vraiment une ? Drôle de fleur que voilà… Il n’y a ni rose ni rouge, ni touche de blanc ou de bleu sur des pétales qui rappellerait une fleur telle que je les vois généralement. Étrange plante que voilà, c’est certainement magique ça, non ? Elle a parlé de cours, cours sur les plantes et les fleurs pour dessiner les fleurs, cours de botanique… Oui forcément, c’est une plante magique. Curieuse, je tends le bras et touche la forme inconnue du bout du doigt, l’envie de savoir ce que sait fait taire le silence lorsque je lève les yeux du dessins pour demander «Qu’est-ce que c’est ?» Non pas que son dessin soit mal réussi, je pourrait même penser qu’il est bien réussi si seulement je connaissais toutes les plantes magiques de ce monde étrange…

Une plante magique ! Alors cette créature qui ressemble à un bébé pas très beau avec de l’herbe sur sa tête est une plante, une plante de chez les sorciers, une mandragore explique la fille. Quel nom étonnant ! Sur une nouvelle page de mon carnet, dans un coin en vrac, je note le nom de cette étrange plante auparavant inconnue, pour la retenir. Quelle chance que la grande m’est proposé de voir son dessin, j’aime apprendre de nouvelles choses et c’est là une grande occasion. Attentive aux paroles de la jeune fille, j’enregistre toutes les caractéristiques de cet être vivant rangé chez les plantes alors que je l’aurai de mon avis plutôt placé chez les créatures magiques, mais c’est une plante, et quelle plante ! Pas très inoffensive… Un cri meurtrier ? J’espère qu’on ne trouve pas de ça dans le parc, même si ça a l’air utile je n’ai aucune envie de mourir à cause d’elles lors d’une de mes promenades quotidiennes, et puis vu l’utilisation, j’espère ne jamais avoir à m’en servir. Et je sourie, doucement, en l’entendant ajouter que plus tard à Poudlard j’étudierais cette nouvelle étrangeté de ce nouveau monde. Hochant la tête, l’avis étant mitigé quant à cette idée, espérant que nous serons bien équipé si jamais on travaille avec de ces plantes vivantes à côté de nous. «C’est étonnant, on dirait plus une créature qu’une plante, mais c’est vrai que si elle guérit…» Une petite réflexion pensive qui mériterait d’être approfondie un peu plus tard dans les livres certainement.

La main de l’inconnue se tend, une main que je fixe avec curiosité tandis qu’elle me demande mon prénom. Le moment est certainement bien choisit à bien y penser, et l’idée de l’appeler autrement que par l’inconnue ou la Grande me plaît bien, alors je lui réponds tout sourire «Elida ! Elida Cestero, c’est mon nom complet, mais le nom de famille c’est pas utile. Et toi ?» Mark serait fier de moi ! Même si je ne prends pas la main, j’aime pas trop toucher les gens, mais je lui réponds, je sourie, je suis polie et gentille… Je l’aime bien, cette Grande.

J’espère que la Grande ne va pas se vexer de cette main qui ne vient pas rejoindre la sienne. En réalité, ça pourrait m’être égal, après tout je ne vois pas en quoi il est important pour certaines personnes de se serrer la main dans le but de se saluer, et comme ce n’est pas important pour moi… Un bonjour suffit d’après moi, pas besoin de contact ! Sauf que la discussion est bien avancée, et ce serait dommage qu’elle se vexe maintenant. Je crois que ce serait une réaction un peu bête, mais il y a des gens comme ça qui boudent pour un détail, parce que ce détail n’en est pas un à leurs yeux. Mais elle n’en a pas l’air, ou alors elle le cache bien, baissant son bras après s’être présentée à son tour. Le laisser lever ne sert à rien, elle aura juste mal puisque je n’ai pas prévu de lui serrer la main, même si son geste était pour sûr un geste qui se voulait gentil. Elle dit s’appeler Elhëna. Et moi c’est Elida, je le lui ais dit. C’est amusant, étonnant, nos prénoms commencent et terminent de la même façon. Je me demande d’où vient le sien, c’est peu courant, comme Elida. Mais je ne le lui demande pas, à quoi bon ? Ça ne m’apporterait pas grand-chose, à part peut-être une satisfaction personnelle, car jamais personne ne me demandera de rédaction sur l’origine des prénoms des élèves de Poudlard.

Les yeux posés sur mon dessin de la bibliothèque, j’écoute Elhëna me parler d’une association d’étudiants, d’art et de mes dessins qui leur plairont. Le pense-t-elle vraiment ? Non pas que je cache mes dessins, après tout je dessine partout et tout le temps donc à la vue de tout le monde, mais… Tous les gens n’aiment pas forcément mes dessins, et certains se moquent même de cette passion que j’ai, en plus de passer des heures à regarder dehors ou à étudier, je passe des heures à dessiner, y en a qui trouvent ça trop bizarre. Mais ce sont eux qui sont bizarres. Et puis, une association est un regroupement de gens, qui plus est d’élèves ici, les élèves sont parfois méchants, et j’aime pas quand il y a trop de monde de toute façon. Et puis ils y font quoi ? Ils discutent d’art, ils font de l’art ensemble ? J’aime pas parler. Mais j’aime dessiner. «Il y a du monde dans cette… Association ?» Curieuse, attentive, je réfléchis tout de même. Après tout, j’avais bien aimé dessiner avec la Grande Serpentard. Sauf qu’on a dessiné, il n’y avait pas besoin de dessiner. «Ils font quoi là-bas ?» Intéressée tout de même je me permets de lui demander ça, ça ne fait pas de mal de savoir leurs activités, si ? Puis s’ils dessinent dans le calme, ça peut valoir le coup de se renseigner.

Un dizaine. Une bonne dizaine, ça peut vouloir dire plus que dix. Onze, voir douze, peut-être même treize ! C’est beaucoup, pris comme ça, à part, observé de loin sans plus réfléchir. Parce qu’au milieu d’un groupe de dix personnes, ça me suffit pour me sentir mal. Ça suffit pour faire plein de bruit, pour parler et rire si fort qu’ils m’en donnent mal à la tête, pour poser des questions auxquelles je ne veux pas répondre, pour se moquer de moi si je ne parle pas, si je reste muette, si je dessine dans mon carnet. Et je déteste tout ça. Sauf que ça fait une dizaine d’élèves… Dans une école. Dans Poudlard, qui réunit des élèves âgé de onze à dix-sept, dix-huit peut-être même, années. Et il y a beaucoup d’élèves dans notre école de magie, alors une dizaine d’élèves ça ne fait pas tant que ça. Et ce sont des artistes, donc une chose devrait être certaine : ils ne peuvent pas se moquer de mes œuvres. Normalement non, car eux aussi sont des artistes et ont donc un minimum de respect envers l’art, dont ils ne devraient pas se moquer s’ils ne veulent pas qu’on se moque du leur. Mais bon, les enfants sont des Êtres étranges et difficiles à comprendre.

Alors je demande ce qu’ils font dans cette association d’art, et si Elhëna dit ne pas trop savoir, elle donne quand même pas mal d’informations. Elle parle d’art et de talents mis en avant, c’est beau ça, même si je n’aime pas vraiment me mettre en avant il faut bien le dire, je dessine pour le plaisir. Elle parle aussi de bien-être et de bonne conditions de vie, pour ça c’est simple : quand je dessine, je vais bien, je suis contente, détendue, concentrée, appliquée… Elle parle ensuite de son frère, de la musique de celui-ci ainsi que de sa peinture. J’ai jamais fait de peinture, moi c’est le crayon, mais je sais que c’est beau la peinture. C’est plus compliqué à manier, les pinceaux, les tubes, les couleurs à mélanger pour obtenir des teintes, j’ai lu pas mal de livres là-dessus. La musique aussi c’est bien, mais les musiques douces, pas trop fortes, sinon ça fait mal aux oreilles comme les paroles des Humains, même si la musique est beaucoup plus agréable. Elhëna continue de décrire, énonçant une exposition de peinture et de dessin dans un truc doré. Un cabaret, qu’est-ce que c’est ? Je comprends mieux le mot hôtel : dans un hôtel, les gens dorment et mangent. Ils aiment l’Art ? Oui, peut-être. La fille ajoute que là-bas, dans le cabaret ou dans l’association je ne sais pas, y a beaucoup d’informations, mais j’ai compris un truc, c’est qu’ils cherchent des talents. Comme moi dit-elle. Comme moi ? Je dessine, rien d’exceptionnel. Ce n’est pas… Magnifique, simplement des coups de crayons, des scènes en noir et blanc ou en couleur, même si j’adore faire ça et qu’à mes yeux c’est beau, pour d’autres non. J’aurai préféré savoir s’ils dessinaient ensemble dans une salle, si je pouvais regarder son frère faire de la peinture. Pour moi, la peinture est un art bien compliqué que mes dessins, et observer les gens faire est une bonne méthode d’apprentissage.

Pourtant, quand la grande me demande si j’ai d’autres dessins, je hoche la tête avec un petit sourire timide. La réponse me paraît évidente, mais pas pour elle, et en réfléchissant quelques secondes c’est normal, elle ne peut pas savoir ce qui est posé dans mon carnet. Tandis qu’elle sort une bouteille d’eau de son sac, je pousse légèrement mon carnet vers elle pour qu’elle le voit bien «Beaucoup là-dedans, je l’ai entamé à la rentrée. Et j’ai d’autres carnets à la maison.» Un nouveau sourire vient étirer mes lèvres tandis que je repense à mon grand-frère et à son sourire lorsqu’il m’avait offert ce nouveau carnet avant la rentrée. Pour moi bien commencer l’année m’avait-il dit ! Je l’ai bien commencé cette première année niveau dessin. Le château sous plusieurs angles, vu depuis plusieurs endroits, pareil pour le parc, une séance de dessin étalée sur plusieurs pages que j’avais eu avec une grande inconnue. Ces dessins-là sont pour certains moins réussit, mais je suis fière de tout, car ils sont fait de ma main et c’est le plus important à mes yeux. Je ne me suis jamais cachée pour dessiner, c’est mon activité de tous les jours et de n’importe quand, alors je ne me cache pas, je dessine quand je veux et où je veux.