La Salle Principale

Autour d'un bon verre

ft. Srđan Karanovic

Saison 32 - Eté

        Heureux ? Gêné ? Touché ? Offusqué ? Je ne saurais déchiffrer le visage de Srđan en réponse à ma proposition. Trop directe ? Trop rapide ? Ce n’était pas une déclaration non plus ! Juste un geste de bonté. Cela me tenait à cœur et me faisait plaisir. J’avais toujours été généreuse. Peut-être trop parfois. J’aimais rendre service aux gens, les aider, mais aussi leur faire plaisir, participer à leur bonheur. J’étais dévouée pour les autres et parfois, je me faisais avoir. Le monde n’était pas entièrement rose et certains avaient déjà pu profiter de moi. Mais même s’il m’arrivait de retomber dans mes vieux travers, aujourd’hui, j’avais le sentiment que je pouvais faire confiance à Srđan. Je le voyais dans son regard. J’avais compris que lire dans les yeux des gens pouvait apporter parfois beaucoup de réponses.

Il n’eut pas l’air d’être gêné outre mesure, car il commanda une vodka avant de lâcher un merci. Je répondis par un sourire sincère. Il était donc plutôt du genre alcool fort hein. C’était intéressant à noter. Je savais pertinemment que, pour ma part, un seul verre suffirait à m’envoyer directement au lit. Je ne tenais pas l’alcool et si je pouvais être bavarde en général, je devenais intenable si je buvais trop. Je connaissais mes limites et je tenais à ne pas les dépasser. De plus, je préférais parfois plus savourer un bon cocktail sans alcool.

« Tu ne m'en veux pas trop, pour la chanson ? On s'est peut-être fait remarquer. Alors... tu as appris le piano toute seule, c'est bien ça que ça veut dire, autodida-cte? Tu as fait comment, ça doit être super difficile ? Pour les potions aussi, tu as appris toute seule, après Poudlard ?

- Alors là, ne t’en fais pas pour ça ! C’était super ! J’ai passé un bon moment et le reste n’a pas d’importance. Au moins tout le bar aura pu profiter de ta belle voix ! » Répondis-je en rigolant.

Lui en vouloir pour la chanson ? Attirer l’attention sur nous ? J’avais passé un excellent moment à l’écouter chanter. Un vrai bonheur pour les oreilles. De plus, s’il y avait bien quelque chose dont je ne me souciais pas le moins du monde, c’était bien le regard des autres.

        Srđan relança ensuite la discussion sur l’histoire du piano. J’avais juste évoqué cette passion de ma vie, ces moments hors du temps que jouer m’apportait, mais le jeune homme n’en démordait pas. Mince, c’est vrai que je n’y avais pas pensé en employant le mot autodidacte, mais il n’était pas du coin et ce pouvait être peut-être un peu difficile à comprendre. Cependant, il semblait avoir saisi sans problème. Je décidai donc que préciser un peu.

« Oui c’est ça, j’ai appris par moi-même. Je me suis un peu documentée, j’ai emprunté quelques livres à la bibliothèque, mais c’est surtout que petite, j’ai eu la chance que ma grand-mère m’apprenne les bases du solfège. Du coup, je sais lire des partitions et sinon pour le reste, je fais beaucoup à l’oreille. Je ne suis pas sûre que ce soit l’idéal, mais au moins je passe de bons moments à jouer ! C’est pour cela que je n’ai rien d’une professeure. »

J’aimais aussi écouter beaucoup de musiques et m’en inspirer pour jouer. Cependant, je n’avais rien d’une mélomane comme semblait l’être Srđan. Disons plutôt que c’était un passe-temps pour me vider l’esprit. Et puis, les fausses notes étaient assez courantes lorsque je jouais, j’étais loin d’être une professionnelle.

« Pour les potions, c’est un peu différent. J’ai principalement appris à Poudlard la plupart des notions nécessaires. Mais il est vrai que j’ai continué à en fabriquer par la suite. Là aussi, la bibliothèque fut d’une grande aide. J’ai pu tester de nouvelles choses. Étudier les ingrédients qui peuvent s’assembler et ceux à ne surtout pas mélanger. Il y a eu des réussites comme des échecs, mais je suis tout de même assez prudente. Je ne voudrais pas que quelque chose m’explose au visage ! »

Je ne savais pas réellement d’où me venait cette passion pour les potions. Je pense que cela me rappelle les après-midi cuisine avec ma mère lors des week-ends. Enfin, ce n’était qu’une hypothèse. Mais j’aimais aussi créer et tester. Passer des heures entourer de livres, prendre des notes, répertorier des recettes. Je pouvais passer des heures ainsi sans voir le temps s’écouler. Les potions, ça c’était une réelle passion.

        Cependant, je commençais à me rendre compte que je parlais beaucoup. Je racontais tout ce qui me passait par la tête et étalais les détails de ma vie. Mais je ne savais encore que peu de choses de Srđan. Je savais qu’il venait de Serbie, qu’il était passionné de musique et qu’il cherchait une chambre pour la nuit. Mais rien de plus. J’étais curieuse, car quelques-unes de ces réflexions m’avaient intriguée.

« Mais je vais arrêter un peu de monopoliser la discussion. Parle-moi un peu de toi ? Tu aimes la musique et encore aimer est un faible mot, j’ai l’impression. Mais quoi d’autre ? Qu’est-ce qui t’a mené jusqu’en Angleterre ? Ta famille a déménagé ? »

Il est vrai qu’il m’avait raconté un peu son périple pour venir jusqu’ici et qui avait conduit jusqu’à la perte de sa baguette. Mais je ne savais pas pourquoi il se retrouvait ici.

Codage par Libella sur Graphiorum

Comme à son habitude, la sorcière blonde n'avait pas l'air fâchée. Au contraire, il semblait qu'elle avait plutôt apprécié la chanson :

"- Alors là, ne t’en fais pas pour ça ! C’était super ! J’ai passé un bon moment et le reste n’a pas d’importance. Au moins tout le bar aura pu profiter de ta belle voix ! "

Elle avait un joli rire. Srđan faillit rougir, touché par le compliment. Il n'était absolument pas timide, il l'avait prouvé il y a quelques instants en chantant au milieu d'un bar, mais simplement, cela lui faisait vraiment plaisir qu'elle ait apprécié. Il recevait des compliments la plupart du temps, quand il chantait, mais cela lui faisait plus ou moins plaisir, selon la personne qui les lui faisait. Liv lui semblait être quelqu'un de tellement bien, une sorcière forte, à l'aise, gentille, qui s'y connaissait en moldus, puissante, jouant du piano... En plus, elle payait les verres, ce qui lui donnait encore un point en plus, si c'était possible.

« Oui c’est ça, j’ai appris par moi-même. Je me suis un peu documentée, j’ai emprunté quelques livres à la bibliothèque, mais c’est surtout que petite, j’ai eu la chance que ma grand-mère m’apprenne les bases du solfège. Du coup, je sais lire des partitions et sinon pour le reste, je fais beaucoup à l’oreille. Je ne suis pas sûre que ce soit l’idéal, mais au moins je passe de bons moments à jouer ! C’est pour cela que je n’ai rien d’une professeure. »

Sur ce coup-là, elle ne s'en tirerait pas aussi facilement. Toujours sans lâcher son objectif de vue, Srđan fit semblant d'acquiescer en souriant, comme s'il trouvait ce qu'elle disait logique et cohérent; en fait, à son avis, la meilleure façon d'apprendre était de pratiquer, une fois qu'on avait les bonnes bases... C'était justement ce qui lui manquait! bon, il n'avait pas encore réussi à acheter un piano, non plus. C'était un peu plus cher qu'une guitare, même dans le bas de gamme. De toute évidence, Liv devait être meilleure que ce qu'elle imaginait. Si elle ne voyait pas les qualités de sa musique, Srđan la verrait. C'était toujours beau, quand quelqu'un voulait vraiment jouer quelque chose. Le jeune sorcier opta pour une réponse prudente, à laquelle Liv ne pourrait rien objecter.

" Moi aussi, j'aimerais bien t'entendre jouer, un jour? ça peut être vraiment très beau, le piano. "

C'était un instrument qu'on sous-estimait souvent, pas du tout à reléguer à de la musique ultra-classique, on pouvait y jouer bien d'autres choses que "La lettre à Elise" ou des valses de Chopin! il fallait une certaine agilité d'esprit, de la coordination, et bien sûr, du perfectionnisme. Srđan se savait perfectionniste, concernant la musique, mais cela ne lui permettrait rien d'autre que détester ce qu'il réussirait à obtenir d'un piano, si personne ne lui apprenait les bases indispensables. Peut-être que regarder Liv jouer lui permettrait de commencer à assimiler quelques techniques importantes? Au minimum, il était sûr d'apprécier ce qu'elle pourrait jouer, même s'il y avait des fausses notes.

« Pour les potions, c’est un peu différent. J’ai principalement appris à Poudlard la plupart des notions nécessaires. Mais il est vrai que j’ai continué à en fabriquer par la suite. Là aussi, la bibliothèque fut d’une grande aide. J’ai pu tester de nouvelles choses. Étudier les ingrédients qui peuvent s’assembler et ceux à ne surtout pas mélanger. Il y a eu des réussites comme des échecs, mais je suis tout de même assez prudente. Je ne voudrais pas que quelque chose m’explose au visage ! »

L'idée fit sourire Srđan : la bibliothèque? Apprendre tout ce qui était utile à l'école? Avec un air amusé, il se risqua à demander ce qu'il avait sur le bout de la langue :

" Tu étais à Serdaigle, non? "

Pour sa part, il était presque certain de ne jamais avoir mis les pieds à la bibliothèque de Durmstrang, ou alors certainement pas pour réviser. Il avait de fortes chances de continuer sur cette même lancée, une fois à Poudlard.
Mais, c'était logique : même en ayant un don, si on ne le doublait pas d'une technique sûre, et de beaucoup trop de théorie à son goût, il n'y avait pas moyen de réussir la moindre potion. C'était certainement une des pires matières de l'école, elle donnait envie de réussir, mais les obstacles lui avaient toujours semblé infranchissables. Liv avait été bien plus courageuse que lui. Peut-être qu'elle inventerait ses propres potions, un jour. Si ce n'était pas déjà fait.

" Tu pourrais écrire un livre dessus, un jour? Je te promets de le lire! "

C'était une promesse qu'il avait bien l'intention de tenir, même si la lecture d'un ouvrage entier sur les potions risquait de lui prendre plusieurs mois! Il allait tenter de refaire partir la conversation sur le piano, mais Liv fut plus rapide que lui :

« Mais je vais arrêter un peu de monopoliser la discussion. Parle-moi un peu de toi ? Tu aimes la musique et encore aimer est un faible mot, j’ai l’impression. Mais quoi d’autre ? Qu’est-ce qui t’a mené jusqu’en Angleterre ? Ta famille a déménagé ? »

Srđan se décomposa. Jusque-là, la conversation avait été agréable, et surtout, détendue. Si seulement il avait pu arriver au Royaume-Uni sans accent! tout le monde aurait cru qu'il était du coin, et il n'aurait peut-être pas eu à répondre aux questions. Malheureusement, malgré tous ses efforts, et un horrible été passé à s'entraîner, il lui manquait encore des mots de vocabulaire, il faisait des fautes et avait un accent qu'il trouvait prononcé.
Il tritura ses mains, mal à l'aise : que dire? Ma mère, cette criminelle, a été tuée par un moldu, je vis chez mes grands-parents, mais ils en avaient assez de me trouver dans les bars non sorciers et m'ont envoyé ici comme punition, en espérant que je ne saurais pas dire un mot en anglais? Non, sûrement pas. C'était bien la meilleure façon de casser l'ambiance, il aurait l'air d'un imbécile, et puis si quelqu'un jugeait sa mère, il risquait de s'énerver. Même contre Liv.
Avec un sourire pâle, essayant tant bien que mal d'avoir l'air normal, le jeune sorcier balbutia :

" Non, euh... C'est... pour l'école. Mes grands-parents sont en Serbie, mais ils ont pensé que ce serait... bien pour moi. Poudlard "

Il évita soigneusement le regard de la sorcière, soudainement très intéressé par la serveuse et l'avancée de leurs commandes. Avec un peu de chance, le sujet ne l'intéresserait pas plus que ça. Il eut envie de remettre ses lunettes de soleil, pour cacher son œil au beurre noir, mais se retint; c'eût été un réflexe idiot, plus louche qu'autre chose.

Le Chaudron Baveur

Service pour Srđan Karanovic et Liv Gordon

Étonnement, la chanson a un peu éclaircie ton humeur. Tu sens que tu fais des sourires plus sincères à ces clients qui ont su briser la routine de ton quotidien. Bien sûr, vous avez de temps en temps des clients atypiques, mais la musique t'a toujours calmé, et tu semblais l'avoir oublié, alors tu lui en es intimement reconnaissante.

Et très vite, on te commande les boissons : un hydromel pour la demoiselle et une vodka pour le garçon. Le tout avec un s'il vous plait, un merci et la demoiselle qui semble plus âgée qui offre son verre au jeune homme pour son arrivée en Angleterre. Tu souris, heureuse que ce moment ait l'air de si bien se passer pour eux et tu disparais rapidement en acquiesçant avec un sourire.

Ces boissons ne sont pas si longues à préparer que ça, mais dès que tu disparais, tu te rends bien compte qu'il repartent dans une discussion endiablée. Alors tu prends ton temps pour bien faire les verres et tu ne t'approches que quand tu sembles déceler un changement de parole. Pour les déranger le moins possible.

- Et voici vos boissons. N'hésitez pas à m'appeler si vous avez besoin d'autre chose.

Tu poses l'hydromel devant la fille et la vodka devant le garçon avant de repartir derrière ton comptoir rapidement. Et tandis que tu continues ton service avec les autres clients, un sourire musical reste affiché sur tes lèvres...

Listing des consommations:

Autour d'un bon verre

ft. Srđan Karanovic

Saison 32 - Eté

Parler de soi pouvait s’avérer être un exercice difficile, parfois même insoutenable pour certaines personnes. Jardin secret dont l’entrée pouvait être parfois soigneusement gardée. La moindre brèche et c’était l’occasion de découvrir quelqu’un en train de piétiner sauvagement tout ce que vous aviez pu construire. Personne n’était exempt de faire une mauvaise rencontre et tout le monde n’était pas armé de la même façon pour y faire face. Donner des informations sur sa vie, c’était l’occasion de pouvoir les voir être retournées contre soi-même. Je ne savais pas si Srđan était ce genre de personne ou bien si je ne lui avais pas permis d’en placer une.

Le silence pouvait être effrayant et j’aimais le combler par des mots, peu importe leurs sens. Un bruit de fond continuel qui empêchait ainsi le vide de s’installer. Ou juste bavarde pour certains. La solitude, le rejet, le néant, autant de mots à la portée et la connotation négative et cauchemardesque. Source de pleurs, en tout cas pour ma part. Mais ce sont nos peurs et nos goûts qui nous façonnent. Moi, je comblais le silence.

Srđan aimait la musique. Et si j’avais été comblée de l’entendre chanter quelques instants plus tôt, il parlait maintenant de m’écouter jouer du piano. Chacun à son tour, on dirait. Pourquoi pas ? Mais je ne voulais pas porter atteinte à son oreille musicale. Mais peut-être pourrait-il m’apporter des conseils aussi. Je n’exclus pas cette idée de mon esprit.

Après avoir à nouveau déblatéré un flot incalculable de paroles, je vis le jeune homme analyser quelques instants avant de conclure :

« Tu étais à Serdaigle, non ? »

C’était si évident que cela ? Je retiens un rire. Il est vrai que j’avais cette soif d’apprendre que l’on associe beaucoup à cette maison. Mais je pense qu’il s’agissait plus d’une curiosité d'apprendre sur un monde nouveau découvert à mes onze ans. L’envie de comprendre son fonctionnement, de rattraper des années perdues pour mieux s’intégrer. Et l’une des solutions les plus simples pour répondre à mes questions était souvent la bibliothèque.

D’ailleurs, il enchaîna avec une question que je n’avais jamais considérée. Décidément, j’étais tombée sur le haut du panier. Srđan était à l’écoute, pertinent, de bons conseils et il dégageait une certaine maturité et intelligence. Mon instinct ne m’avait pas trompé aujourd’hui !

« Oui, tout à fait, j’étais à Serdaigle. Décidément, rien ne t’échappe. » Dis-je avec un clin d’œil. Puis après réflexion, j’enchaînai, « un livre ? Je n’y avais jamais pensé, mais c’est vrai qu’avec toutes les notes que j’ai pu accumuler, j’aurais matière à écrire. Pourquoi pas à l’avenir. »

Mais alors que j’essayais de rediriger la discussion un peu plus sur lui, je vis son expression changer drastiquement. Sa joie de vivre semblait alors s’être évanouie. Il cherchait ses mots, comme prit au piège par mes questions. Une petite loupiote s’alluma alors dans mon esprit comme pour me signaler que j’avais fait une erreur. Je le voyais bien, je l’avais déstabilisé. Alors que je croyais avoir posé une question anodine, il était évident qu’il s’agissait d’un terrain glissant pour lui.

« Non, euh... C'est... pour l'école. Mes grands-parents sont en Serbie, mais ils ont pensé que ce serait... bien pour moi. Poudlard »

Si mon esprit rationnel mettait en évidence l’incohérence de son explication (en effet, il y avait des écoles de magie bien plus proches), je ne dis rien. J’observais son regard qui semblait m'éviter et cherchait désespérément un point d’appui. S’il essayait de me cacher sa gêne, ce n’était pas gagné.

Alors que je tergiversais, désespérée de trouver quelque chose à dire, je fus sauvée par le gong. En effet, la serveuse revenait pile au bon moment avec nos boissons. Quelques secondes précieuses de répit, le temps de trouver la bonne pirouette à effectuer pour se sortir de la situation de laquelle je m’étais mise. Elle posa mon hydromel devant moi puis la boisson de Srđan.

« Merci beaucoup ! Quel service rapide. Pas de soucis, nous n’hésiterons pas à vous interpeler si besoin. Bon courage en tout cas. »

Je pris sans attendre une grande gorgée de ma boisson. Le liquide réchauffa ma gorge de son alcool, mais le petit goût de miel adoucissait le tout. Je pris mon temps avant de reposer mon verre. Que dire ? Que faire ? Mais au fond de moi, mon honnêteté prit le dessus.

« Pardon, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise. Mais je comprends, nous avons tous des sujets dont nous ne souhaitons pas parler. La famille, ça peut être compliquée et je sais de quoi je parle ! »

Même si j’avais eu une enfance heureuse et que je n’avais pas à me plaindre, il y avait toujours eu des zones d’ombre. J’avais fini par passer à autre chose au sujet de mon père biologique et j’avais bien compris que nous ne nous serions jamais proches. Cependant, ma famille proche, celle avec laquelle j’avais grandi, s’éloignait peu à peu de moi. C’était dans ces moments que je me rendais compte à quel point moldus et sorciers pouvaient avoir des relations compliquées et que, quoi que l’on dise, une barrière serait toujours présente entre les deux mondes. Mon sourire avait disparu et je relevai la tête vers lui.

« Ne t’inquiète pas, je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie. Je ne veux gâcher la journée de personne. Pardon pour ma maladresse. »

Codage par Libella sur Graphiorum

De toute évidence, Srđan n'était pas parvenu à dissimuler sa gêne. Liv n'avait pas répondu à sa pitoyable tentative d'expliquer son arrivée en Angleterre, et un silence gênant commençait à s'installer entre eux. Il avait suffit de au jeune sorcier de trois mots stupides pour gâcher la conversation! il aurait pourtant du s'attendre à ce qu'on lui pose cette question, ce n'était que la première fois, mais sûrement pas la dernière, le temps qu'il parvienne à avoir l'air parfaitement britannique.
La pauvre sorcière devait encore se demander sur quel numéro elle était tombée, c'était une question plus que facile, et il avait l'air d'un imbécile à ne pas savoir répondre.

La serveuse revint vers eux, extraordinairement a propos, avec les verres. Elle eut un petit mot, du genre phrase toute faite, qu'elle devait répéter des dizaines de fois chaque jour, mais dit sur un ton gentil et agrémenté d'un sourire. Srđan parvint à peine à répondre à son sourire, et était loin de pouvoir la remercier; il n'osait plus prononcer un seul mot, s'attendant à tout moment à être abandonné à sa table par Liv. Il se retrouverait alors, seul, et ridicule à sa table pour deux, et aurait perdu une occasion qu'il commençait à deviner quelques instants auparavant, d'une rencontre importante pour lui.

Il se raccrocha à la seule chose rassurante dans ce bar, peut-être son seul ami à l'instant, le verre qui venait de lui être servi. Il se hâta d'imiter Liv, qui avait commencé à boire, mais avec, pour sa part, l'intention de vider son verre le plus vite possible. L'alcool fort lui brûla la gorge; c'était une sensation délicieuse, revigorante. Il avait certainement trop pris l'habitude d'en boire, à son âge, mais c'était toujours une habitude moins coûteuse que de fumer, par exemple. En plus, l'avantage d'une vodka, c'est qu'il était absolument incapable d'en différencier une bonne d'une mauvaise, et qu'il pouvait se permettre d'en avoir pour très peu cher.

La sorcière blonde semblait avoir repris contenance, et être, finalement, beaucoup moins gênée que Srđan. C'était sûrement ça, être adulte. Finalement, peut-être qu'il lui restait deux ou trois choses à apprendre sur la vie. Elle ne souriait plus, mais le regardait sans méchanceté, ses beaux yeux bleus pleins de franchise et de compassion. Finalement, elle ne semblait pas vouloir l'abandonner sur place.

"Pardon, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise. Mais je comprends, nous avons tous des sujets dont nous ne souhaitons pas parler. La famille, ça peut être compliquée et je sais de quoi je parle ! "

Après un instant où elle semblait réfléchir, peut-être perdue dans ses pensées, ramenée à l'histoire de sa propre famille, elle ajouta gentiment:

« Ne t’inquiète pas, je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie. Je ne veux gâcher la journée de personne. Pardon pour ma maladresse. »

Le visage défait de Srđan, ses grands yeux perdus, le rajeunissaient énormément, et il aurait eu du mal à faire croire, à cet instant, qu'il était un jeune adulte. Elle n'avait pas décidé d'ignorer le moment de flottement qui venait d'avoir lieu. Pourtant, ça aurait certainement été le plus simple, ils n'auraient eu qu'à faire semblant de ne pas avoir prononcé les deux dernières phrases. Maintenant, il allait falloir qu'il trouve une réponse à la hauteur de la gentillesse de Liv, et ce n'était pas son fort. Il eut envie de se sauver, d'aller se terrer dans un trou, où personne ne pourrait le retrouver. Vu l'impossibilité évidente de trouver une cachette tout de suite, et ne sachant pas quoi faire d'autre, il tenta de répondre à son tour honnêtement.

" Tu ne gâches pas ma journée... Je m'amusais beaucoup, c'était très agréable, mais je ne sais pas trop quoi répondre à ta question. "

Srđan trouvait toujours autant qu'il avait l'air d'un imbécile, et aurait bien voulu se débarrasser du rouge qui ornait sans aucune doute ses joues à ce moment précis. Au moins, avec un peu de chance, Liv aurait apprécié son honnêteté? Il reprit une gorgée de vodka, pas certain de ce qu'il allait se passer ensuite: devait-il tenter de revenir à un autre sujet? Mais l'ambiance sereine et la conversation qui semblait couler si facilement il y a quelques instants avait disparu.
Il lui vint soudainement une idée. Rester à oser poser la question... Allez, autant se lancer, il n'en était plus à ça près.

" Qu'est-ce que j'aurais du répondre? Pour avoir l'air plus normal et qu'on ne me pose pas de questions? "

Si la sorcière acceptait de le renseigner, il pourrait certainement s'en inspirer plus tard, pour répondre aux élèves qui risquaient de l'interroger à Poudlard, et surtout ne pas susciter leur intérêt à propos de sa famille. Ce devrait être assez facile en fait, le principal problème était peut-être sa gêne bien trop visible à ce sujet. Et puis, il ne se sentirait sûrement pas autant en confiance avec quelqu'un d'autre avant longtemps, finalement. Au pire, il y avait peu de chances qu'ils se recroisent un jour par hasard, s'il se ridiculisait trop, ce serait facile de l'éviter ensuite.

Autour d'un bon verre

ft. Srđan Karanovic

Saison 32 - Eté

L’atmosphère était devenue d’un seul coup pesante. Je sentais que j’avais fait une erreur et que j’étais responsable de ce froid. L’un comme l’autre, nous semblions incapables de savoir quoi dire, perdus dans nos pensées et cherchant désespérément une solution. J’avais maladroitement, mais honnêtement essayé de m’excuser et j’espérais qu’il les accepterait. Sinon, peut-être allait-il couper court à la discussion, trop mal à l’aise pour continuer quoi que ce soit. Je pourrais le comprendre et ne lui en voudrais pas.

Cependant, il me rassura quelque peu et précisa que je n’avais pas gâché sa journée. Ouf, c’était déjà ça ! Mais ce n’était pas la première fois que ce genre de situation m’arrivait. J’étais curieuse, parfois trop et j’avais le don de mettre les pieds dans le plat où il ne fallait pas. Le tact n’était pas mon fort, j’étais franche, parfois trop et cela ne plaisait évidemment pas à tout le monde. Mais Srđan était toujours là. Décidément, il était tenace et malgré mon caractère, il tenait bon. C’était assez rare pour le relever. J’en avais déjà effrayé plus d’un, mais pas lui non. Il était différent et c’était ce qui me plaisait chez lui. Mais si je voulais par la suite le voir intégrer mon cercle d’amis, c’était mission impossible pour le moment. En tout cas, de ce que je pensais.

Je descendais mon hydromel plus vite qu’à l’accoutumée. Je ne savais ce que je cherchais en faisant cela. À part me rendre malade, cela n’aiderait en rien la situation ! Et si je ne voulais pas en rajouter une couche et achever le moment, je me devais d’arrêter. Ce fut la voix du jeune homme qui me rappela à l’ordre :

« Qu'est-ce que j'aurais dû répondre ? Pour avoir l'air plus normal et qu'on ne me pose pas de questions ? »

Tiens, je ne m’attendais pas à ça ! Je l’aurais imaginé me remercier pour le moment et s’en aller, changer de sujet peut-être, mais demander des conseils, c’était inattendu en effet. Mais je ne voyais pas réellement en quoi Srđan pouvait avoir l’air 'anormal' avec sa réaction. J’avais touché un sujet sensible, il avait essayé de répondre tant bien que mal, mais je l’avais déstabilisé et mis mal à l’aise. Nous avons tous des sujets tabous. Je reposai mon verre alors que je tentai de formuler mentalement ma réponse, pianotant sur le bois de la table :

« Tu sais, tu as le droit de ne pas répondre à une question. J’avoue, j’ai tendance à être plus curieuse que la normale. Mais je pense que dans ta vie, tu rencontreras d’autres personnes qui pourraient te poser des questions indésirables. Tu ne pourras pas l’empêcher. Mais moi à ta place, je serais franche. La question te dérange ? Dis-le. Tu ne veux pas parler de ce sujet ? Dis-le aussi. Personne ne pourra t’en vouloir pour ça. Et si un jour tu te sens plus en confiance pour évoquer le sujet, tu pourras, mais je pense qu’il faut aussi parfois savoir respecter l’intimité et la vie personnelle des personnes. »

Et cela, j’avais parfois tendance à l’oublier. La curiosité est un vilain défaut. Mais j’étais irrécupérable et c’était plus fort que moi. Je donnais des conseils que j’avais parfois moi-même du mal à appliquer. Mais j’allais faire des efforts, tout en continuant à rester moi-même.

Je lui souris à nouveau pour tenter d’apporter un peu plus de chaleur à cette salle. Je ne savais pas si nous pourrions continuer la discussion comme si de rien n’était, mais je ne voulais pas le laisser sur une mauvaise note. L’idée de laisser une image négative de moi à Srđan m’angoissait beaucoup. Je ne me souciais pas souvent du regard des autres, mais là, c’était différent. Il ne méritait pas cela.

« Écoute, je sais qu’on ne se connaît que très peu et je ne sais pas pourquoi, mais je t’apprécie beaucoup. Tu sembles être quelqu’un de bien et je peux comprendre que tu m’en veuilles, alors si jamais tu préfères que je te laisse un peu tranquille, je peux comprendre. Cependant, je n’aime pas finir sur une note négative et rien n’empêche que l’on se revoie, au contraire… Enfin, si tu le souhaites bien sûr, je ne veux pas paraître insistante. Ma volière t’est ouverte à tout moment, tu pourras me contacter quand tu le souhaites ! »

J’attendais de voir la réaction de Srđan, j’espérais ne pas avoir été trop brusque et qu’il ne pensait pas que je souhaitais mettre un terme à cette conversation. Je pensais seulement qu’il valait mieux que je n’empire pas la situation et je pensais l’avoir assez harcelé pour la journée. La pauvre, après tout, il ne cherchait qu’à acheter une nouvelle baguette et il se retrouvait avec une sorcière blonde dans les pattes, aussi bavarde qu’un Focifère, comme j’aimais dire. Et puis, j'étais certaine que nous étions destinés à nous revoir à l'avenir.

Codage par Libella sur Graphiorum

C'était assez inattendu, vu son air doux et sage, mais Liv buvait plutôt vite. Cela tombait plutôt bien, parce que Srđan avait fini son verre beaucoup trop rapidement. En fait, il pensait déjà à aller en commander un second, mais n'était pas certain d'oser le faire devant elle, il ne voulait pas passer pour un ivrogne! c'est juste qu'il était curieux de goûter des alcools anglais.

« Tu sais, tu as le droit de ne pas répondre à une question. J’avoue, j’ai tendance à être plus curieuse que la normale. Mais je pense que dans ta vie, tu rencontreras d’autres personnes qui pourraient te poser des questions indésirables. Tu ne pourras pas l’empêcher. Mais moi à ta place, je serais franche. La question te dérange ? Dis-le. Tu ne veux pas parler de ce sujet ? Dis-le aussi. Personne ne pourra t’en vouloir pour ça. Et si un jour tu te sens plus en confiance pour évoquer le sujet, tu pourras, mais je pense qu’il faut aussi parfois savoir respecter l’intimité et la vie personnelle des personnes. »

Pour une fois, Liv n'était pas du meilleur conseil: le but était justement d'éviter d'attirer l'attention, ce qui arriverait fatalement, s'il commençait à refuser de répondre aux questions les plus simples. Non, le mensonge était une bien meilleure alternative, comme dans la plupart des cas, finalement. En plus, s'il tombait sur une seule personne vraiment curieuse, ce n'était pas bien difficile de retrouver ses grands-parents, et ce serait le début des ennuis, les moqueries et le mépris recommenceraient...
Srđan répondit seulement par un sourire poli, commençant à jouer avec son verre vide, le faisant tourner dans ses mains. Un jour, peut-être, il suivrait les conseils de Liv, quand il serait inatteignable, ou que ses grands-parents seraient morts. Pour l'instant, ça n'était pas le cas.

La sorcière ne semblait cependant pas avoir spécialement attendu de réponse de sa part, ce qui était un soulagement. Elle enchaîna rapidement, peut-être pas tout à fait aussi à l'aise que quelques instants plus tôt, ce qui était normal.

« Écoute, je sais qu’on ne se connaît que très peu et je ne sais pas pourquoi, mais je t’apprécie beaucoup. Tu sembles être quelqu’un de bien et je peux comprendre que tu m’en veuilles, alors si jamais tu préfères que je te laisse un peu tranquille, je peux comprendre. Cependant, je n’aime pas finir sur une note négative et rien n’empêche que l’on se revoie, au contraire… Enfin, si tu le souhaites bien sûr, je ne veux pas paraître insistante. Ma volière t’est ouverte à tout moment, tu pourras me contacter quand tu le souhaites ! »

Le brun reposa son verre, vraiment surpris. Elle l'appréciait? Il n'avait rien fait pour ça! il l'avait pressée de questions, puis presque harcelée à propos de piano, c'est elle qui avait payé les consommations, et il n'avait pas pu s'empêcher de chanter. Il avait été beaucoup trop naturel pour qu'elle puisse vraiment garder une bonne image de lui... Au moins, c'était flatteur; il sentait un sourire se former tout seul sur son visage, et ses joues rosir.

" Je dois m'occuper de la chambre, pour cette nuit... Tu sais, je ne suis pas très doué pour écrire des lettres. Je m'entraîne, mais il ne faut pas m'en vouloir si je n'écris pas. De toutes façons, si on ne se recroise pas, tu pourras entendre parler de moi d'ici quelques années! je serai chanteur, et un bon."

Il aurait pu paraître vaniteux, trop sûr de lui, mais de son point de vue, il ne s'agissait pas de se vanter. Il ne faisait que suivre une certitude, aussi évidente pour lui que son propre nom, aussi claire qu'un jour d'été inondé de soleil. Quel que soit son avenir, il chanterait.
La fin de la conversation le décevait tout de même: il n'avait pas pu convaincre Liv de lui apprendre à jouer du piano, il n'avait pas osé insister davantage, mais il sentait bien qu'une occasion venait de lui filer entre les doigts. Ce serait peut-être une bonne raison pour se forcer à envoyer une lettre! à son âge, le procédé lui semblait rébarbatif, les seules choses qu'il aimait écrire, c'était les paroles de ses chansons, mais il ne se trouvait pas encore assez doué, dans ce domaine, il passait son temps à faire des ratures, à revenir sur les mots. Et puis, il savait qu'il serait bloqué devant un parchemin blanc, à ne pas savoir s'il devait écrire "Chère Liv", "Bonjour", "Salut"... celui qui avait inventé les formules de politesse devait être un dangereux maniaque.

Il se leva et, d'un geste faussement pompeux, plein d'humour, il tendit solennellement la main à Liv, pour échanger une poignée en guise d'au revoir. Il ne parvint pas à retenir le clin d’œil qui l'accompagna. La prochaine fois qu'ils se croiseraient, ils auraient peut-être beaucoup changé, tous les deux, mais il était presque sûr de ne pas l'oublier. Elle avait, à son insu, illuminé sa journée qui commençait si mal.

Il se dirigerait ensuite vers le comptoir. Finalement, il boirait peut-être une bière moldue, les anglais étaient plutôt réputés pour leur bière. Ou alors il en boirait trois, avec un explosard.
Il fallait qu'il essaie de réserver une chambre. Maintenant qu'il était à l'aise dans ce bar, il se contenterait peut-être d'essayer de discuter avec la serveuse, elle avait l'air plutôt abordable, elle le laisserait peut-être squatter une partie de la nuit. Ou bien il ne dirait rien du tout, il pourrait aussi s'asseoir dans un coin, et regarder les gens profiter de la chaleur du lieu toute la soirée, sans parler à personne. De toutes façons, il passerait une soirée parfaite.

[Départ de Liv et Srđan]