Castielle gardait tant bien que mal le cap. Le bateau montait et retombait à intervalle de plus en plus irrégulier, d'autant plus que la pluie rejoignait la partie. C'était là, au-dessus de leur tête ; un début de tempête. La sorcière des mers avait connu un véritable ouragan une seule fois dans sa vie et elle était passé à travers sa partie la moins dangereuse. Ce serait avec la mine la plus sérieuse et grave du monde qu'elle vous dirait qu'elle ne souhaite ça à personne. Les tempêtes étaient plus gérables mais également plus imprévisibles.
L'eau était désormais partout. Tout autour d'elle, quelque soit la direction dans laquelle elles se tourneront, l'eau sera la seule chose visible. Castielle passait son temps à secouer la tête pour dégager les gouttes et les mèches de cheveux qui lui barraient la vue avant de se rappeler que sa cliente avait payé en gallion. Elle jura en se tapant le front de son idiotie avant de sortir sa baguette et de protéger ses verres d'un #Impervius salvateur. Voilà, tout était déjà nettement plus clair ! Même si ça restait tout gris et tanguant.
Le pont du navire était devenu aussi glissant qu'une patinoire et pourtant Castielle ne se sentait jamais aussi vivante que lorsque la situation était tendue. De tous bords, la mer grondait et menaçait de les avaler. Et elle, elle adorait ça. C'était le combat de survie le plus vrai, le plus pur et le plus intense au monde : une force de la nature, implacable et sans motif contre sa volonté de vivre. Tous les groupuscules malveillants ou justiciers du globe ne pourraient rivaliser avec une telle sensation. Le plus puissant des Mangemort ou des Phénix ferait pâle figure face à une vague haute et dense comme un immeuble, prête à l'avaler tout cru. Il n'y avait que la fuite ou la résistance. Et c'est cette dernière que choisissait Castielle.
Laissant de côté tout professionnalisme, après tout elles étaient désormais littéralement dans le même bateau, Castielle se permit quelques pointes d'humour et commentaires. Quand une grosse vague vint s'abattre et ratisser le pont de bout en bout avant de repartir se jeter dans la mer de l'autre côté, la capitaine lança en riant : « Hé ! Si tu vois une grosse baleine blanche elle est pour moi hein ! » Référence de moldu. Mais que voulez-vous, elle en est à moitié une !
Rentrée dans la cabine aux milles boutons, Castielle vérifiait que tout était en ordre. Le coeur de l'orage était à plusieurs miles de là mais le tonnerre grondait déjà à leurs oreilles. Décalage entre le son et la lumière d'une dizaine de secondes, rien d'alarmant. Par contre les vagues se faisaient de plus en plus hautes et fortes contre la coque. Plus de peur que sa matelote du jour ne passe par dessus bord que d'un réel risque de chavirement, Castielle passa la tête hors de la cabine, endroit protégé par vitres et isolation, pour inviter la dame blanche à l'intérieur. « En revanche les Sirènes mieux vaut les laisser tranquilles, sont de mauvais poil quand y a que des femmes à bord. Viens plutôt ici, j'ai besoin d'un matelot. »
C'était faux, elle voulait surtout l'occuper. Quand on a l'esprit et les mains focalisées sur une tâche, on avait moins de risque de paniquer. Pas que la voyageuse donne particulièrement l'impression d'angoisser, loin de là, mais Castielle ne voulait prendre aucun risque. Elle lui montra donc du doigt un écran radar. Il n'était fait que pour repérer de gros obstacles sous-marins. Un outil qui aurait été utile à l'équipage du Titanic mais qui était un peu de la frime sur une petite embarcation comme celle-ci. « Si quelque chose se met à biper là, tu cries. » Clin d'oeil espiègle de sa part avant de ressortir sous la pluie et le vent. Le Foc devait être replié, sinon il allait craquer sous tous ces assauts !