J'ai un léger rire.

Une petite fière cette lionne, hein ... ? Elle essaye de se la jouer "je fonce et ca passera" (typique gryffondor, non ?). Comme prévu, je n'ai aucun mal à la suivre. J'ai plus d'expérience et un bien meilleur balais ... Ses accélérations "fulgurantes" à ses yeux restent poussives. Je reste positionnée non loin d'elle.

Elle avance tout droit comme une bourrinne, aucune manœuvre, aucun changement de vitesse, ca ne fait même pas un bon entrainement à la poursuite pour moi. J'avoue j'ai quand même un instant d'inquiétude quand je la vois approcher des poteaux a grande vitesse. Malgrès ses protections, un choc frontal ca ne peut pas lui faire du bien ... Mais non ... par chance ( ou par talent ?) elle ne s'emplafonne pas dans le poteau. Tant mieux, ca m'aurait contrariée d'avoir à l'amener à l'infirmerie ...Et de devoir expliqué pourquoi je l'ai laissée monter sur un balais sans être prof.

A force de faire la mariolle, elle finit quand même désarçonnée. La voilà qui se retrouve suspendue par son harnais, son balais parti se perdre un peu plus loin. Une situation inconfortable et qui lui chatouille sûrement l'égo. Je ne suis pas loin de la miss quand ca arrive ... et je m'approche alors tranquillement d'elle, sans aucune panique. C'est désagréable mais elle ne court aucun danger !

-Heyy l'artiste. Première chute, ca se fête. Dis-je avec un petit sourire et un ton de gentille dérision. Je taquine mais n'insiste pas plus, ce n'est pas le but de l'humilier.

Je mène mon balais en dessous d'elle pour venir lui permettre de se poser sur le manche de mon balais, derrière moi. Je tend la main pour l'attraper par le bras et je l'aide à se positionner dans mon dos. Je sens le poids de la première année changer l'équilibre de mon engin, je change subtilement ma position pour contrebalancer sa présence.  

-Si ca peut te rassurer, c'est pas la dernière fois que ca t'arrivera ! S’entraîner, c'est se vautrer. En permanence.

Eeeeh oui ... apprendre à accepter la chute ... c'est une leçon d'humilité qu'on a toutes prises à nos débuts. Peut-être que ca va inciter notre petite impatiente à aller un peu moins vite la prochaine fois ? Je me souviens que je passais mon temps le nez dans la boue à mes tout débuts ... Je volais à quelques mètres de hauteur à peine et j'étais désarçonnée toutes les 5 minutes.

-Tiens cramponnes-toi, on va chercher ton balais. Tu te sens de retenter ... ? Essayes de ralentir un peu quand tu abordes un virage et de te pencher un peu sur le côté vers lequel tu tournes. Pas trop ... sinon tu chutes.

Tandis que la bruine picorait ses mollets, Suzy avait fini par s’accommoder aux mouvements de balanciers perpétuels, et perpétrés par ses élastiques de protection distendus. Elle aurait pu finir par s’amuser de la situation, si les Noeux n’enserraient pas autant ses pauvres petits poignets, gênés par ce garrot de fortune. Alors, à défaut de sourire, Suzy grognait sa frustration. Pour avoir perdu son pari. Pour s’être montrée en spectacle devant son aînée. Et surtout devoir assumer ses déboires faramineux devant cette dernière, engageait une perspective des plus frustrantes. Son égo pulsait des nuages de frustration, que sa fierté gardait bien au chaud. Clairement, elle n’assumait rien de la situation, autant passée que future, et si Day’ se moquait d’elle, elle envisageait déjà de travailler ses réflexes post-mortem.

- Heyy l'artiste. Arf. L’artiste était devenu un piètre clown, cette fois-ci. Première chute, ça se fête.
- Où sont les confettis, les mégaphones, et les applaudissements, alors ? grogna-t-il d’un ton pince-sans-rire. Sans trop se l’avouer, elle eût jeté son dévolu contre la boutade de Day, au mépris de son excès de confiance en elle, et pour pardonner sa chute.

Suzy dû ravaler sa gangrène, d’autant plus mortifiée par son trouble qu’auparavant. En effet, Daisy lui offrait gentiment son aide, symbolisée par cette main tendue à son encontre. La blondinette s’était prédisposée à sa hauteur, afin de la réquisitionner. Cette fois-ci, elle n’allait certainement pas faire la fine fleur. A crédit de la douleur que lui procurait ses bras étirés vers les hauteurs, la petite sacrifia sa fierté pour accepter son aide. Suzy essaie d’oublier ses tremblements, le temps d’enjamber la selle de sa voisine. L’intermédiaire entre les deux se saisissait d’une voltige, qui parût grandiose aux yeux de Suzy, et qui pourtant ne dura qu’une demi-seconde. Le temps de prendre appui sur le bras de Day qui l’eût maintenue, et prendre conscience que le garrot détachait son étreinte de ses poignets, puisque désormais épargné d’une possible chute.
Suzy se réceptionna maladroitement derrière sa camarade, qui heureusement avisa sa position. Qu’elle grosse truie, elle faisait.

- Si ça peut te rassurer, c'est pas la dernière fois que ça t'arrivera ! S’entraîner, c'est se vautrer. En permanence.
- Et on devra me récupérer comme ça à chaque-fois ? Demanda Suzy, le ton un peu plaintif, plaidant autant sa cause, que celle de ses futurs bagagistes. Car désormais, elle tenait cette position d’infortune en horreur. Autant la promenade en balais, fûsse-t-elle agréable, autant être bringuebalée par les sursauts d’un élastique faisant fi de ton dernier repas ; beaucoup moins. Mais si je suis bien ce que tu dis, ça veut dire, que toi aussi, tu t’es déjà vautrée ? L’adjectif fait ricaner la plus jeune, dont l’imaginaire peine à dépeindre Day’, si habile, finir par choir dans ses élastiques de protection.

Finalement, imaginer un grand tomber, ça adoucissait sa propre chute.

- Tiens cramponnes-toi, on va chercher ton balai. Tu te sens de retenter ... ?
Sa perte d’équilibre l’avait déboussolée, et désormais, ses yeux voguaient au gré du paysage. De plus, si Day’ semblait l’ignorer, ou tout simplement, en être indifférente, Suzy s’étalait presque sur son dos, agrippée sur ses épaules, comme d’une bouée de sauvetage. Pourtant à sa décharge, et craignant quelque peu son jugement, Boucle-D’or obtempéra et à tort, approuva sa demande.
-Essaie de ralentir un peu quand tu abordes un virage et de te pencher un peu sur le côté vers lequel tu tournes. Pas trop ... sinon tu chutes.
- Compris. En vision périphérique, Suzy chercha des yeux les couleurs boisées propre au balai d’entrainement. Là, en bas ! S’écria-t-elle en pointant du doigt un pan de pelouse maculée par la présence de l’engin, les épis de la brosse agitée par le zéphir. Tu crois qu’il est plus cabossé que moi ? Cette ruine ? Assurément, ma vieille.

Je récupère la lionette. Bien sûr que son ego la travaille. C'est naturel. Je fais mine de ne rien remarquer pendant que je la tire de là.

Et on devra me récupérer comme ça à chaque-fois ?

-Non. Des fois tu t'encastreras dans un poteau et ce sera les pieds devants que je tu seras emmenée à l'infirmerie. C'est ce qui aurait pu t'arriver tout à l'heure mais tu l'as évité d'assez peu. C'est abrupt et un tantinet brutal comme réponse mais c'est vrai. J'ai l'impression que pour l'instant, Suzy se croit invincible et à l'abri de tout danger. Rien n'est plus faux ... participer à un sport c'est jouer en permanence avec les risques de se blesser. C'est particulièrement vrai au Quidditch.

Mais si je suis bien ce que tu dis, ça veut dire, que toi aussi, tu t’es déjà vautrée ?

J'ai un léger rire en entendant cette question un peu naïve.

-Bien sûr. Et je me vautre encore souvent.

Elle me montre la direction de son balais tombé. Je nous approche de là doucement, sans me presser. Ça me laisse le temps de lui répondre tranquillement.

-Ne t'en fais pas pour les balais, ils en ont vu d'autres. Toi aussi t'en verras d'autres. Imagines que si j'avais continué mes cabrioles seule, tu m'aurais sans doutes vu tomber aussi aujourd'hui. J'ai besoin de tester les limites de mon nouveau balais et j'aurais sans doutes tenté quelques acrobaties pour voir à quel point "ca passe". Immanquablement j'aurais eu des loupés. Si tu joues au quidditch, tu passeras ton temps à tomber. Par ta faute, ou par celle des autres, parce que au milieu d'un match tu ne seras pas seule mais entourée de joueurs qui te bousculeront, essayeront de te désarçonner. Sans parler des cognards.

On se pose doucement a côté du balais tombé. Je l'aide à descendre et rejoindre son engin gisant. Le temps qu'elle récupère son enfin magique, j'entreprend de défaire ma protection d'avant-bras et de délacer une sangle au niveau de l'épaule. Ça me permet d'ouvrir ma veste imperméable et pouvoir dénuder devant la jeunette l'épaule où un beau cercle violacé avait fleuri.

-Regardes. Voilà ce que ca fait un cognard. Il faudra t'en méfier. Je ne dévoile l'hématome que le temps nécessaire à la démonstration. Je me hâte ensuite de me couvrir et de remettre en place les protections. Il pince, il pleut, je ne tiens pas à rester découverte plus longtemps. Mais ne t'en fais pas ... On ne sort pas des cognards contre des débutants. Ça demande de l'expérience et de l'entrainement. J'espère juste que l'illustration la fera prendre au sérieux les risques de blessure ...

A mes tout débuts .. je ne volais pas à plus d'un mètre cinquante du sol. Je m’entraînais à prendre mes virages, à accélérer, à me pencher pour ramasser un ballon au sol. Je tombais tout le temps et roulais dans la boue. Rien que tenir un souaffle en main pendant que tu voles est un défi au début. Je marche jusqu'à la grande malle en bois contenant les balles et viens piocher un souaffle dedans, ignorant les cognards attachés qui feulent comme des fauves en cage.

Je m'immobilise non loin de Suzy debout sur la pelouse. J'ai une main sur la hanche et l'autre légèrement levée, présentant le souaffle  légèrement au dessus de ma tête.  

-Montes sur ton balais et viens essayer de me l'attraper. Évites juste de me foncer dedans en mode bélier, Ok ?  Un balais dans le ventre pourrait me faire très mal. Même si selon toute vraisemblance j'aurais le temps de faire un pas de côté pour l'éviter, mieux vaut éviter de tenter le diable ... Je ne compte pas encore "bouger" pour l'empêcher d'attraper la balle. Juste déjà lui faire sentir comment faire pour lâcher son balais d'une main pour attraper un souaffle et gérer son équilibre en fonction de ce mouvement sortant de l'ordinaire. Un exercice à la mesure d'une débutante.