Le dilemme, lorsque l'on souhaitait sauver quelqu'un d'une malveillante emprise, était bien célèbre : attaquer en risquant de blesser l'être bon également, ou s'abstenir et ne pas risquer de déposer des sacs de plomb sur sa propre conscience. Parmi les deux options, Galway semblait choisir rapidement. Keira observa qu'il avait ainsi le même schéma de pensée qu'elle : s'il n'avait rien fait, l'hideux se serait fait capturer, ou peu importe quoi d'autre, par les strangulots. S'il était attaché à ce peuple répugnant aux faces surprises ou en colère, le risque était moindre. S'il s'était juste enfuit, sa réputation aurait été entachée. Les autres êtres de l'eau lui auraient tourné le dos.

La brune ne comprenait pas réellement ce qu'il se passait. Elle voyait un flot d'agresseurs arrivait, puis le orange des cheveux du préfet s'éloigner. Hébétée, elle ne commença à suivre le mouvement que lorsqu'elle comprit qu'à défaut d'avoir eu le bébé, ils la prendraient elle.  Comme l'eau n'avait jamais été, et n'était certainement pas en cet instant son élément de prédilection, elle ne nageait pas très bien. Elle patinait sur place plus qu'elle avançait, mais elle avançait tout de même ; et c'était un miracle qu'elle aie réussi à rejoindre Galway et l'autre bestiole sans qu'on ne la tire par les chevilles. L'angoisse était sans doute derrière cela.

Et désormais, elle voulait sortir de l'eau.

Elle esquissa les premiers mouvements, agitant les membres comme un petit chien, lorsqu'elle vit une troupe aussi hideuse que l'enfant arriver. L'un semblait vaguement content, autant que son visage de poiscaille le lui permettait ; l'autre semblait avoir envie d'assassiner quiconque nageait dans ces eaux. Un instant, Keira se demanda pourquoi Galway ne bougeait pas. Il devait les connaître. Il n'y avait certainement pas de danger. Timidement, elle revint derrière le roux, comme si son petit corps allait protéger une grande comme elle ; puis accepta la parfaite spirale d'or qui lui était offerte, sans sourciller, ni réfléchir.

Ensuite, il ne fallut pas la prier pour remonter à la surface. La bulle éclata, et elle emplit ses poumons d'une bonne bouffée d'air frais, avant de rejoindre le rivage et de se tirer hors de l'eau. Jetant un dernier oeil méfiant au lac, elle tourna le dos sans même se soucier du roux, et serra dans la main la spirale d'or. L'objet, en lui-même, ne lui suscitait aucune émotion. Cela devrait, pourtant : c'était censé être une sorte de récompense, de petite médaille pour bonne conduite. Et pourtant, c'était seulement comme si elle avait ramassé un vulgaire caillou sur la plage - la face poissonnière des émetteurs était sans doute en cause. D'un autre côté, l'objet était également symbole de sa réussite, pour quelques minutes au moins, son triomphe sur la peur. Sur une table de chevet, il serait là pour lui rappeler qu'
il y avait des récifs colorés
même dans les endroits les plus sombres et profonds.

Ma sœur avait un rendez-vous. La grande là, celle qui était blonde vénitienne. Puis j'l'avais appris parce que j'avais espionné un peu, fallait l'avouer. C'était pour m'entraîner à faire des filatures et tout. A terme, je serai aussi discrète qu'un ninja et ce serait vachement classe ! J'avais l'heure, j'avais le lieu, j'étais parée ! J'avais juste pas la tenue du ninja, j'me contentais de mon vieux jean qui avait vu plein de trucs et d'ma chemise d'uniforme avec ma cravate nouée-relâchée pour le style. Puis j'étais partie.
A l'Aventuuuure ! Jusqu'au lac. Dans lequel je mettrai jamais le petit orteil, beaucoup trop froid. Brrrr.

J'étais derrière un rocher. Y avait ma sœur et son vert de gars qui discutaient. J'entendais qu'à moitié mais vu les gestes qu'elle faisait, elle voulait le traîner à l'eau cette sadique. Pauvre mec. En plus, vu comment il faisait pas chaud, il allait douiller quand l'eau lui atteindrait la ceinture. Enfin, j'le supposais parce que c'était ce qu'Allistair m'avait dit et j'le crois. L'pire, c'était qu'il allait quand même se baigner. J'secouai la tête, navrée. Pff, elle avait même pas de si jolis yeux que ça.

Et ce fut là que je vis l'autre garçon. Il avait les yeux d'une couleur bizarre et la baguette pointée sur les vêtements abandonnés par les plus grands. Ma bouche fit un O parfait. C'était une super idée ça, d'ensorceler les fringues. Ça embêterait bien ma sœur puis ce serait rigolo. Mais c'était quoi ses motivations au juste ?

J'me faufilai jusqu'à lui, passant derrière les rochers tant que j'le pouvais, qu'on ne puisse pas trop me voir depuis l'eau. Heureusement qu'ils étaient trop occupés à rire bêtement dans la flotte. Arrivée au niveau d'l'inconnu, j'virai mes cheveux de mon visage avant de le dévisager rapidement. J'le connaissais vite fait de vue en fait. Un première année comme moi, mais un bleu.

- Salut ! Pourquoi tu fais ça ?

J'lui dirai après que j'trouvais que c'est une très bonne idée.

Les Révélations de la Dame






Nul endroit n'aurait pu mieux répondre aux aspirations de Guéthenoc. Nulle heure n'aurait été plus favorable. Le soleil se couchait et le Lac s'était paré d'un manteau de scintillements. Une myriade de lumières pour révéler au grand jour le Grand Projet de l'Héritier de la maison des Ursion. Il avait retirer ses chaussures et ses chaussettes, puis retrousser le bas de son pantalon. Quelques instants plus tard, il était les pieds dans l'eau. Quitte à tout dire, autant se sentir à l'aise et au plus près de la Dame, de son habitat tout du moins. Enfin, de sa version écossaise si l'on devait tout avouer.

Fils, ne vous perdez pas dans vos divagations. Le Moment arrive.

Elle avait raison. Le matin même et par l'entremise d'élèves de Première Année qui lui étaient apparus fiables, il avait envoyé deux plis, au contenu identique mais à deux destinataires particuliers. Il savait qu'ils viendraient. Ses Rêves avaient été clair à ce sujet. Toutefois, il espérait qu'il ne s'était pas égaré dans le sens et significations de ses voyages oniriques. Les images envoyées par la Dame pouvaient être alambiquées et donner à son récipiendaire une migraine du diable.

Pour l'un, il avait rêvé d'un ciel noir, en proie au tonnerre. Les nuages perlaient des larmes de sang alors que retentissait la clameur de sept trompettes. Une boule de feu avait percé cet amoncellement de ténèbres. L’incandescence percuta le sol en une déflagration assourdissante, carbonisant les alentours à des kilomètres à la ronde. Le temps passa, la fumée se dissipa et la poussière retomba, couvrant d'un linceul la scène du crime. Il n'y avait plus qu'un cratère, aride et sans autre forme de vie qu'une émeraude qui gisait en son centre, battant tel un cœur, palpitante d’énergie. L'Aiglon s'était réveillé en sueur, un goût acre en bouche.

Pour le second, la scène avait été moins apocalyptique mais guère plus rassurante. Le ciel était cette fois-ci sans nuages, aucune rumeur de vent. Un bleu si pur... Et la neige, à perte de vue, d'aussi loin que portait son regard. Malgré le soleil, il ressentait un froid. Il frissonna et porta son attention à sa tenue. Guéthenoc était nu, seul et vulnérable. Il entendit un cri perçant déchirer le silence. Sursautant alors qu'une ombre se fondait dans la neige, il leva les yeux au firmament, ne récoltant rien si ce n'est la brûlure mordante du soleil qui imprima sa marque sur ses rétines. Il se hâta de baisser la tête, pour protéger sa vision. A ses pieds était un médaillon, délicatement ciselé d'un motif qu'il aurait reconnu entre mille.

Un son indistinct le ramena à la réalité. Il sentait son excitation croître, teintée d'une légère inquiétude.Il avait préparé son laïus avec soin et à présent qu'il s’apprêtait à le prononcer, l'Escuyer se rendit compte qu'il était absurde de jouer contre son Destin. Il laisserait les mots vagabonder...

Quelle étrange lettre que m'a envoyé Guéthenoc ce petit Seigneur, il ne dit quasiment rien mise à part qu'il a besoin de moi... Hmm... Guéthenoc est sans aucun doute l'un des rares Serdaigles pour qui j'accepte de venir en aide quoi qu'il me demande. Ce petit je l'apprécie, il bien était éduqué par sa génitrice et son géniteur mais passe. Le connaissant il doit sans aucun doute flâner autour du lac, retirant mes affaires d'écoliers pour mettre des vêtements un peu plus... À l'aise dirons-nous je m'y rends faisant un détour par la grande salle pour prendre une pomme à la table de ma pouffy préféré et de lui ne laisser un souvenir de mes lèvres sur les siennes avant de m'éclipser aussi vite que je suis venue en plus d'un petit sourire narquois comme elle aime tant.
J'arrive donc face à Noc qui a les pieds dans l'eau et tout en croquant ma pomme je lui dis.

-Vous allez attraper froid petit Seigneur, ce n'est pas la saison pour laisser ses petits pieds dans le lac vous ne croyez pas . Et peut-être que la dame ne souhaite pas sentir vos pieds dans son eau ?

Dis-je en haussant légèrement les épaules avec un petit sourire amusé, et de reprendre un morceau contemplant le coucher de soleil.

-Que puis-je faire pour vous aider mon petit Seigneur Ursion ?