Département de la Justice Magique

Pendant tout le temps qu'elle l'avait parlé, il l'avait écouté, attentivement. Calmement. Mais ce qui perturbait le plus la vélane, c'est que son visage ne laissait absolument rien transparaître. Encore une fois. Il ne disait rien, restait silencieux, et n'avait pas essayé une seule fois de l'interrompre. Non. Il la laissa se plaindre, s'assura qu'elle avait bien terminé sa tirade, et lui demanda, poliment toujours dans un calme incroyable, de se rasseoir. Et puis, bien sûr, il lui fit la leçon. « Vous auriez pu tuer quelqu'un. » « De nombreuses personnes auraient pu mourir par votre faute » Ah bon, vraiment ? C'est vrai qu'elle n'avait pas eu le temps d'y penser, pendant ces 6 années.

Chloé avait déjà détourné le regard et ne l'écoutait presque plus. Ce ne fut que lorsqu'il parla de sa famille qu'elle se tourna à nouveau vers lui. Et qu'elle se rassit enfin.

Ainsi donc, les Mangemorts avaient décimé sa famille ? Pour la première fois depuis le début du rendez-vous, Chloé perçut quelque chose de nouveau dans sa voix. Il n'avait rien perdu de sa sérénité et ne s'était pas un brin emporté. Mais elle avait senti poindre en lui un soupçon de colère, peut-être. Une poignée de tristesse, sans doute.

La vélane sentit son coeur manquer un battement. Elle avait conscience de la souffrance qu'elle aurait pu causer, de la souffrance qu'elle avait causé en tant que membre des Mages Noirs. Elle avait conscience de toutes ces vies que les Mangemorts avaient arraché. Elle le savait, mieux que personne. Mais elle ne trouva pas les mots pour Artemis, et préféra rester silencieuse. Même quand il la qualifia de « risque pour la société ». Même quand il lui annonça qu'elle était sur une « liste de surveillance ». Même quand il lui expliqua qu'elle avait encore « beaucoup à leur prouver ». Ce ne fut que quand il poursuivit son interrogatoire qu'elle retrouva l'usage de la parole. Sa gorge était sèche. Elle avala un peu de son thé avant de lui répondre, d'une voix beaucoup plus posée, cette fois-ci.

« J'ai fait ça parce que j'en avais besoin. La maison était en ruine, de toute façon. Plus personne n'habitait dedans. Ma soeur, Alice, s'est tuée quand j'étais en prison. Ma mère est morte quand j'avais 12 ans, juste avant ma rentrée à Poudlard. Et mon père, bien qu'il ait abandonné l'ordre depuis longtemps... »

Elle marqua une pause, tenta à son tour d'effacer les images qui commençaient à défiler dans son esprit.

« Il a fuit en fait. Il nous a abandonné, ma soeur et moi, quand ma mère est morte », ajouta-t-elle, remontant son regard vers le sien avant de poursuivre.

« J'avais juste besoin de faire disparaître cette maison et tous les souvenirs que j'avais avec. Parce que... Mes parents ont tout souillé avec leurs mensonges. Mon enfance, ma vie actuelle... Et puis surtout, mon futur. Je n'avais aucune mauvaise pensée, en faisait ça. »

Miss Greenwood avait reprit place dans son fauteuil tout en prenant soin d'ignorer la baguette que le jeune homme lui tendait. Elle prit une gorgé du thé qui devait être moins chaud maintenant ... tout en expliquant les souffrances quelle avait également subit elle même en rejoignant l'ordre noir. Peut-être avait-elle finalement d'avantage conscience de ses actes que ce que pensait l'auror initialement.

Reposant la baguette doucement sur le présentoir, Artemis se leva et alla se préparer une tasse de café. Il fallait qu'il réduise la cadence, à ce rythme il boirait une cafetière par jour avant la fin de l'année ! La quantité de sucre qu'il y mettait était également inquiétante. A ce rythme, il allait devoir se mettre au sport avant la fin du mois. Perdu dans ses pensées, il se réinstalla sur son fauteuil tout en soufflant machinalement sur sa tasse fumante avant d'en prendre une lampée.

Le liquide chaud lui brûla la gorge et lui fit monter les larmes aux yeux. Affichant une grimace de douleur, il tenta néanmoins de reprendre la conversation à son point de chute.

« La destruction dans une visée de renouvellement hein ? Voilà quelque chose que je peux comprendre. »

Il faut dire aussi que l'année ou les parents d'Artemis furent tués, celui-ci entreprit de ravager chaque pièce dans laquelle il passait. Fort heureusement, il était jeune à l'époque et les dégâts qu'il causait étaient d'avantage bruyant que destructeurs. Néanmoins, il comprenait la démarche de l'ex-auror en face de lui. Une phrase cependant l'intriguait.

« Mes parents ont tout souillé avec leurs mensonges. Mon enfance, ma vie actuelle... Et puis surtout, mon futur.»

« Certaines paroles et certains actes peuvent effectivement briser un passé, un présent, un avenir ... mais seulement lorsque ces paroles ou ces actes sont émanation de notre personne. Vous n'avez pas besoin de payer pour les erreurs de vos parents, vous avez bien assez à faire avec les vôtres. Vous avez entrepris de tirer un trait sur votre passé et je ne peux que vous y encourager, mais ne tirez pas un trait sur ce qui n'est pas encore et ce qui pourrait être. »

Le jeune homme avait maintenant son regard plongé dans celui de la jeune fille. Il sentait l’émotion à travers son regard, un espèce d'appel à l'aide teinté de rancœur. Voilà donc ce qu'il restait de ceux qui choisissait le mauvais camp ... ils n'ont pas plus de pitié pour leurs alliés que pour leurs ennemis.

Prise dans le fil de la discussion, la vélane n'avait même pas remarqué que l'Auror avait finalement daigné lui rendre sa baguette. Elle le vit simplement reposer l'objet magique sur le présentoir. Par méfiance toujours, elle la repris pour la remettre sous sa veste. Artemis, lui, n'avait sûrement pas remarqué son geste furtif. A son tour, il s'était levé et lui tournait désormais le dos. Chloé analysait le moindre de ses mouvements. Quelques instants après, à l'odeur, elle comprit qu'il était simplement en train de se préparer un café.

Quand il se réinstalla devant elle, il fit une légère grimace. Il y avait deux possibilités : soit son café était infame, soit c'était en rapport avec les mots qu'il allait prononcer ensuite.

« Je peux comprendre », avait-il dit. Le pouvait-il ? D'instinct curieuse et téméraire, elle désirait en savoir plus sur son historique avec les Mangemorts. Sauf qu'interroger un Auror dans son propre bureau, sur son passé et sur sa vie en général, ce n'était peut-être pas bien vu. D'autant plus qu'il lui en avait déjà dit beaucoup, probablement sans même s'en rendre compte.

Puis, la voix douce du jeune Lhow s'éleva dans le silence, obligeant Chloé à quitter ses pensées, une nouvelle fois. Il lu avait dit ce qu'elle attendait depuis sa sortie de prison. Il lui avait dit ces mots qu'elle voulait tellement entendre, depuis si longtemps. « Vous n'avez pas besoin de payer pour les erreurs de vos parents », avait-il attesté. Un léger sourire naquit sur le visage d'ange amaigri de la jeune femme.

Aussitôt ces mots prononcés, l'humeur de Chloé se fit tout de suite bien plus légère, comme désormais libérée d'un poids énorme. Un peu comme si quelqu'un avait fini par lui enlever un pieu dans sa poitrine après des semaines d'agonie. La rencontre avec l'Auror serait peut-être plus déterminante qu'elle ne le pensait, finalement. Elle brisa le silence.

« J'ai rejoint les Mangemorts parce qu'à l'époque, je pensais que c'était la bonne chose à faire. Pour rendre ma mère fière, je veux dire. Je me suis dit... qu'elle avait sûrement fait ça pour une raison. Je voulais juste comprendre pourquoi. Et au final... Je me suis perdue en route. Je n'ai même pas eu ma réponse », expliqua-t-elle, profitant d'avoir son regard posé sur elle.

Comme il semblait presque s'être créé une sorte de lien éphémère entre eux, la jeune femme osa ensuite, d'une voix assurée.

« Qu'est ce qu'ils ont fait à votre famille ? »

Le visage de la jeune fille se détendit alors que celui du jeune homme se contracta. Voilà qu'elle lui posait des questions sur son passé et sur sa famille. Il reprit une lampé du liquide chaud et fumant qu'il venait de se préparer. Devait-il lui répondre et prendre le risque de s'exposer ? Son instinct lui intimait de lui faire confiance alors que son entrainement lui imposait d'ignorer la question. Il observa la demoiselle, prit le temps de peser le pour et le contre et finit tomber sur la conclusion suivante ... comment pouvait-il attendre des réponses tout en déclinant chacune des questions qu'elle viendrait lui poser.

« Quel enfant ne voudrait pas voir de la fierté dans le regard de ses parents ? Malheureusement, ça implique parfois de faire de mauvais choix qui peuvent coûter bien plus que la vie. Pour vous répondre, mes parents et moi furent pris dans la mêlée d'un combat opposant deux cellules terroristes ... l'ordre noir et l'ordre du phénix. Mes parents furent tués et je fus sauver de justesse par ceux pour qui je travail aujourd'hui. C'est ma façon à moi de les rendre fiers. »

Le regard du jeune homme se brouilla un instant. Il prit une ultime lampée, vidant sa tasse par la même occasion et ne manqua pas de remarquer que Chloé avait récupérée sa baguette magique. Plongeant son regard dans le sien, il tentait de reprendre le fil de son interrogatoire sans laisser transparaitre l'évidente détresse qui l'animait en ressassant ses vieux souvenirs.

« J'aurais besoin de quelques renseignements d'ordre général ... mais avant toutes choses, je vais avoir besoin de vérifier vos explications, au risque de réveiller de douloureux souvenirs, j'en suis navré ... » Il l'était sincèrement, mais il ne pouvait pas se contenter de prendre ses explications pour argent comptant.

« Il va falloir que nous nous rendions sur les décombres de votre ancienne demeure afin que je puisse valider votre déposition mademoiselle.

Il était indécis. Ca se voyait sur son visage. Il s'était soudainement contracté. Une fraction de seconde avait suffit pour que ses traits se durcissent. Son regard, aussi, s'était brusquement assombri. Si elle avait pu changer le cours du temps, Chloé aurait bien voulu effacer sa question, à jamais. Elle n'avait aucunement voulu faire remonter en lui ces obscurs démons du passé. Pourtant, c'était exactement ce qu'elle semblait avoir fait.

L'Auror décida malgré tout de se confier à elle. Chloé se détendit à nouveau, doutant que son coeur puisse supporter un autre soubresaut aujourd'hui.

La vélane le laissa raconter, et apprit, surprise, que les Mangemorts n'étaient pas les seuls vilains dans son histoire. Le fameux Ordre du Phénix, que la Greenwood avait elle-même combattu lorsqu'elle était du côté obscur, avait été mis au même niveau que les Mages Noirs par Artemis. Deux cellules terroristes. Un même ensemble d'assassins qui lui avait enlevé sa famille. Les seuls gentils là-dedans semblaient être les Aurors.

Si seulement la vie pouvait être aussi simple. Si seulement tout pouvait se résumer à être bon, ou à être mauvais... En tous cas, l'Auror, lui, semblait être persuadé que la voie qu'il avait choisi était la bonne. Un peu comme Chloé, quand elle avait rejoint les Mangemorts. Il voulait rendre ses parents fiers, hein? Etrange comment leurs deux passés pouvaient être à la fois si différents et si similaires. Chloé n'osa dire mot, respectant son deuil. Cela semblait toujours autant difficile d'en parler pour lui. Même après toutes ces années. L'ancienne Mangemort aurait voulu poser sa main sur la sienne, juste pour lui montrer combien elle le comprenait, combien elle regrettait... Mais elle se ravisa.

L'Auror reprit la parole, brisant ce silence troublant de sa voix douce, lui annonçant qu'ils devraient retourner sur les lieux de son ancienne maison. Chloé esquissa un sourire teinté d'ironie, suivit son regard plongé dans le sien.

« Vous ne me faîtes pas confiance, hein ? », demanda-t-elle sans vraiment attendre de réponse.

« En même temps, je vous comprends. Je pense que moi-même je ne me serais pas fait confiance, à votre place. »

Son visage fit la moue. Puis la jeune femme se leva dans un mouvement rapide.

« Et bien, s'il le faut... allons-y. Allons faire un petit tour dans mon passé. J'imagine que vous pouvez me poser vos autres questions ailleurs que dans ce bureau, non? On a du chemin à faire. »

La jeune femme semblât sensible aux révélations faîtes par l'auror. Son visage se radoucit un instant, jusqu'à ce que le jeune homme ne lui annonce qu'ils devraient retourner voir son ancienne demeure. Quelques phrases tintées d'ironies, une moue à peine dissimulée et elle se leva lui annonçant qu'ils auraient de la route à faire. Levant un sourcils, le jeune auror se souvint alors que la demoiselle ne savait pas transplaner. Avant de lui annoncer qu'ils partiraient ensemble en transplanant, il prit le temps de lui répondre même si, visiblement, elle n'attendait pas de réponse particulière. Se levant de sa chaise, il tourna à nouveau le dos à la jeune femme et rédigea un message à l'attention de sa responsable.

Rosie,

Je vais sur le terrain avec Mademoiselle Greenwood afin de vérifier ses dires. Je serais de retour avant l'heure du repas. Si ce n'est pas le cas, vous saurez quoi faire ...

Vous souhaitant une agréable matinée,

Artemis

Posant sa plume, il envoya d'un coup de baguette son petit mot devenu avion de papier vers le bureau de la responsable du bureau des Aurors. Sait-on jamais, il valait mieux prévenir que guérir et de toute façon, Artemis ne pouvait pas s'absenter ainsi du bureau sans que l'on sache où il était allé ... trop dangereux. Posant son regard sur l'ancienne auror, il reprit la parole d'un ton calme et doux.

« Il ne s'agit pas de confiance mademoiselle Greenwood, mais de conscience professionnelle. Quant à la route que nous avons à faire, nous irons à pieds jusqu'au Hall en effet, de là, vous prendrez mon bras et vous concentrerez sur notre destination. Nous transplanerons ensemble ... voilà qui devrait vous montrer que je vous accorde une certaine confiance non ? »

Il se dirigea vers la porte de son bureau et, attendant que la Greenwood sorte de la pièce, tint cette dernière ouverte.

La première action de l'Auror ne fut pas de se lever et de rejoindre la vélane, comme elle l'avait imaginé. Non. Au lieu de ça, il lui tourna le dos. A nouveau. Chloé ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. Encore. Un léger silence prit à nouveau sa place dans le bureau d'Artemis, qui allait bientôt être interrompu par le bruit de sa plume sur un parchemin. Evidemment. Il n'allait quand même pas partir seul avec une ancienne Mangemort sans prendre la précaution de prévenir ses collègues avant. Ca tombait sous le sens. Chloé attendit patiemment qu'il eut terminé. Dans sa tête, c'était définitif : il n'allait pas prendre le risque de lui faire confiance pour le moment. Mais en même temps, à quoi s'attendait-elle ?

Et puis, quand son attention se reporta à nouveau sur elle, l'Auror lui lança un regard. Ce regard si apaisant qu'elle commençait à apprécier. D'une voix posée, comme pour lui montrer que tout irait bien, il lui expliqua ce qui allait se passer.

Ils allaient donc transplaner. Pendant un instant, l'ex Serdaigle se sentit vraiment bête. Elle regrettait souvent de n'avoir jamais voulu s'intéresser à cette pratique, qui pourrait pourtant bien la dépanner, parfois. Au fond d'elle, la Greenwood sentait une certaine satisfaction à ce qu'il lui propose ce moyen de locomotion. Alors, un sourire se dessina sur son visage. Encore une fois.

Et quand il lui ouvrit la porte, l'ex Mangemort marqua un temps d'arrêt pour le regarder. Ses yeux disaient merci. Pas pour le remercier de lui tenir la porte, mais bien pour avoir été aussi complaisant avec elle durant tout le rendez-vous. Chloé avait le don de faire passer tous ses sentiments par le regard. Le comprendrait-il ?

Elle prit donc la direction du hall en sa compagnie. Ils n'échangèrent aucun mot jusque là. Sur le chemin, la jeune femme se surprit à redouter le moment où ils arriveraient devant les ruines de son ancienne maison. Elle savait que les démons de son passé reviendraient violemment la hanter, comme pour se venger d'avoir tenté de les faire disparaître. A la différence que, cette fois, elle ne serait pas toute seule. Peut-être même était-ce la première fois qu'elle serait confrontée à son passé en compagnie de quelqu'un. Tout du moins, la première fois depuis sa sortie d'Azkaban.

Lorsqu'ils arrivèrent dans le hall du Ministère, Chloé s'arrêta d'un coup. Elle leva les yeux vers l'Auror, le regard un peu triste et le corps tendu. Elle soupira bruyamment, puis tendit son bras.

Comme prévu, ils transplanèrent ensemble. Direction le passé.

(Fin du RP)

Quand sonne le glas ...

avec Elly Wildsmith

Revenant du département de la coopération magique internationale, Artemis et Elly marchaient l'un à côté de l'autre dans un silence ne leur était pas habituel. Le genre de silence qui vous plombe une soirée et pas mal d'autres derrières. Le genre de silence plus bavard encore que les plus long discours. Le genre de silence qui présage de multiples vérités pas forcement faciles à accepter.

Ils entrèrent dans le bureau du jeune et homme et ce dernier invita sa compagne à prendre place sur la chaise qui se trouvait devant le bureau. Il s'installa à ses côtés et garda le silence quelques minutes, le temps de réexaminer les choses à tête reposer. L'exercice ne lui était pas inconnu puisqu'il avait l'habitude de le faire pour tout et n'importe quoi. Mais dans le cas présent, il ne parvenait pas à calmer son cœur qui envoyer battre le sang dans ses tempes, rouge de rage et vert de jalousie.

Elle ne lui avait jamais parlé de cet autre homme au comportement dédaigneux et auquel Artemis aurait bien voulu toucher deux mots. Pourtant, son comportement envers elle était sans équivoque et le jeune Auror revoyait en boucle la fameuse scène du baisé sur le front qui lui donnait envie de gerber. Au delà de cette scène, il y avait surtout un fait, incontestable ... Elly lui avait menti. Toute la question maintenant était de savoir à quel point ?

« Tu veux boire quelque chose ? Je pense que nous en aurons pour un moment en termes d'explication et personnellement j'ai la gorge sèche. »

Ajoutant le geste à la parole, il alla chercher un pichet de jus de citrouille dans un de ses placards maintenu au frais par magie et fit apparaitre deux verres sur le bureau avant de les remplir du liquide orangé. Prenant l'un d'eux, il s'installa face à son amie et se désaltéra, attendant qu'elle prenne la parole.

Inspirer. Expirer.

Comment une simple respiration pouvait devenir aussi compliquée. Comment un acte aussi normal que respirer pouvait relever d’un effort surhumain lorsque rien n’allait dans le bon sens ? Alors l’auror tentait de se concentrer, tentait de faire abnégation de la cadence infernale à laquelle battais son cœur.

Elle était tombée amoureuse d’Artemis, sans détour, au gré de leurs différentes rencontres. Et le hasard, les coïncidences, avait voulu qu’elle se rapproche d’Evan. Elle avait partagé avec lui une formidable soirée, s’était cru aimée au creux de ses bras. Et aujourd’hui tombait l’amère vérité. Il était avec une autre. Le monde de la jeune femme s’écroulait. Elle avait soigneusement éviter les contacts avec Artemis suite à sa soirée avec Evan.

Avait-il compris ? Elly n’en était pas sure, mais face à l’énervement qu’elle sentait poindre chez lui elle n’osait croiser son regard. Parce que la vérité ferait mal, à lui comme à elle. Parce que la vérité était troublante et qu’aussi fou que cela paraisse elle était tombée amoureuse d’un autre. Autre qui lui avait menti. Elle aussi, bouillait de colère, d’effarement, d’incompréhension. Pas contre son collègue, mais contre cet autre qu’elle avait espéré aimer. Avait-il gâché le début de l’idylle des deux aurors ? Ou ces derniers étaient-ils condamnés à ne pas s’aimer ?

La question resta sans réponse tandis qu’Artemis lui demandait si elle voulait boire quelque chose. Elle le regarda surprise. Pourquoi fallait-il qu’il soit agréable même dans ce genre de moment ? Elle marmonna quelque chose d’incompréhensible comme toute réponse à sa proposition. Elle s’asseya lourdement sur la chaise qui lui avait désigné et serra sa tête dans ses mains, espérant y voir clair dans tout ce qui venait de se passer.

Tandis qu'il buvait de longues et lentes lampés du jus de citrouille, il observait Elly du coin du l’œil. Elle semblait totalement perdue. Dévasté par un chagrin qu'il ne pouvait imaginer à ce stade, mais qui le dévasterait certainement tout autant. Posant son verre sur le bureau, il prit l'un des mains de son amie et de sa main libre il lui remonta le menton de façon à voir son visage.

Artemis s’empara avec douceur du verre qui restait intouché sur son bureau et lui mit délicatement dans la main. Toute colère avait disparue. Ne restait à présent que l’inquiétude et l’incompréhension. Elle lui avait demandé de la sortir de là tout en lui disant qu'elle lui expliquerait tout. Mais elle semblait surtout avoir besoin d'une oreille sur l'instant. Il plongeât son regard dans le sien comme ils l'avaient si souvent fait. L'invitant silencieusement à s'ouvrir à lui.

« Bois ... tu n'as pas l'air en pleine forme pour tout te dire. Bois, prends ton temps et explique moi ce qui ne vas pas. »

Lâchant la main de sa collègue, il s'enfonça doucement dans son fauteuil en lui laissant, une fois de plus, le temps pour prendre la parole.

Fallait-il toujours qu’il soit gentil et aimant ? Ne pouvait-il pas être en colère, lui en vouloir, la repousser, lui faire du mal ? Elly était désemparée par autant de gentillesse à son égard. Elle ne méritait pas ça.

Alors qu’elle refermait ses doigts sur le verre qu’il venait de lui mettre dans la main, il releva son menton. Leurs yeux ainsi ne pouvaient que se croiser, et des larmes perlèrent de ses yeux. Elle ne pouvait soutenir son regard si pur, si aimant. Qu’avait-il fait pour mériter pareille souffrance ?

Et puis son regard se détourne, il va s’assoir et la regarde intensément, comme si elle était désormais suspecte d’un crime contre le secret magique. Ou contre sa communauté. Ou même contre les moldus. Elle n’était pas une criminelle, non … elle était juste une pauvre femme qui était tombé amoureuse de deux hommes en même temps et qui se retrouvais face au passé de l’un, et à la douleur de l’autre.

Dans un soupir, elle se décida à avouer « J’ai passé une soirée chez moi avec cet homme, c’était mon professeur de métamorphose à Poudlard, je … j’sais pas pourquoi il m’attire, il m'a aidé à devenir animagus ... c’était plus fort que moi … et découvrir qu’il est … » . Les derniers mots furent étouffés par le chagrin de l’auror, qui n’arrivait plus à réfléchir correctement.

Le verre qu’elle tenait dans sa main se renversa et elle ne fit rien pour empêcher le liquide d’échouer lamentablement sur le sol, non, elle se contentait d’observer le liquide orangeâtre qui s’éparpiller partout sur le sol, où le rejoignait presque aussi instantanément les larmes de l’auror qui n’avait de cesse de couler encore et encore …

Quelques secondes plus tôt, son sang battait dans ses tempes. Mais à présent, il semblait lui geler le cœur. Aussi brutalement que s'il venait d'être stupefixié, Artemis se raidit dans son fauteuil avant de sembler rapetisser petit à petit sur celui-ci. Un verre tomba sur le sol en même temps que le cœur du jeune homme dans sa poitrine. La jeune femme se mit à pleurer.

Partager entre amour et trahison, le garçon n'esquissa pas le moindre mouvement. Son monde venait de s'écrouler tandis qu'il comprenait l'absence de ses dernières semaines. La distance qui s'était installée entre eux et les larmes qu'elle avait eu plus tôt dans la journée en le voyant arriver.

Il s'ébroua. Approcha son visage de son amie et posa sa main sur sa joue. Il sentit les larmes de demoiselle couler sur sa main tandis que les siennes roulaient pêle-mêle jusque dans sa barbe naissante. Il aurait voulu la prendre dans ses bras, la consoler, l'emmener loin et vivre en ermite avec elle à ses côtés. Mais il n'y parvenait pas. Inconsciemment, il se sentait trahis jusqu'au plus profond de sa chair.

Caressant la joue de sa belle, il essuya les larmes qui coulaient en un flot ininterrompu. Releva sa tête et plongea une nouvelle fois son regard dans le sien.

« Tu as agis selon les règles que te dictaient ton cœur Elly. Malheureusement tu as trahis le mien en chemin. Qui suis-je pour t'en vouloir de suivre ton cœur ... »

Il appuya sa tête contre celle de sa collègue et ... amie. Pleurant à l'unisson.

Des larmes qui coulaient sans interruption, les yeux emprunts d’une tristesse incontrôlable. Elle n’arrivait pas à se rassurer. A comprendre ce monde qui était en train de se dérober sous ses pieds ? Qui était-elle pour le faire souffrir ? Rien ni personne.

Et puis il s’approcha d’elle, posant sa main sur sa joue, faisant frissonner la jeune femme sans qu’elle ne comprenne véritablement pourquoi. Elle était attirée par Evan, irrémédiablement. Et même si elle ressentait un certain fouili dans ses sentiments pour Artemis elle devait se rendre compte de la vérité. Elle ne pouvait et ne devait pas le retenir. Il ne méritait absolument pas ça, il devait faire sa vie. Sans elle.

Il avait relevé sa tête, l’obligeant à plonger dans son regard dans le sien. Mélange de larme, d’amertume, de tristesse, de désespoir, d’incompréhension, d’amour peut être. Elle avait pu tout lire dans ses yeux et aujourd’hui elle n’y lisait plus rien. Comme s’il lui était désormais interdit de lire en lui comme elle le faisait auparavant.

Et ses mots durs, qui tombèrent comme un couperet sur les sentiments de l’auror. Devant son incapacité à effectuer un choix il la mettait au pied du mur. En profitant pour lui exposer qu’elle l’avait trahi, chose qu’elle savait déjà.

Front contre front, les aurors pleuraient à chaude larme sur cette histoire qui n’aurait jamais lieu. Ce fut elle qui rompu le contact, effleurant sa joue avec la paume de sa main. Les larmes coulant toujours le long de ses joues. Elle était creusée, cernée par les nuits de doute et d’angoisse à chercher cet autre qui venait de la trahir.

Cercle vicieux de trahison qui avait eu lieu au Ministère de ce jour. Une caresse sur sa joue, un baiser léger, lèvres contre lèvres. Elle ferme les yeux, les rouvre sur son collègue et lui murmure « Je suis désolée, si tu savais ». Parce qu’elle l’était, désolée. Parce qu’elle avait été incapable de le croiser, de lui avouer, ne serait-ce que pour lui dire, ses doutes, ses hésitations. Est-ce que cela aurait changé quelque chose ?

Elle ne le savait pas, mais quelque part, en elle, une petite voix résonnée. Elle était obsédée par son ancien professeur de métamorphose, elle ne savait pas pourquoi, vu comment tout son être l’avais repoussé lors de leur rencontre où il l’avait aidé à devenir animagus. Elle n’était rien pour lui, et il représentait tout pour elle. Triste réalitée, et dans sa chute elle avait entraîné son bien-aimé collègue.

Un contact. L'espace d'un instant. Deux êtres à nouveau unis avant la déchirure. Douloureuse, subite et cruelle. Artemis ouvre les yeux, laissant pleurer ses iris des millions de couleurs qui s'échappaient de son cœur. Arc-en-ciel étincelant qui s'enfuyait en même temps que partait celle qu'il aimait.

Détachant leurs deux corps, il se laissa doucement sombrer sur son fauteuil, le regard hagard. Jamais il n'avait eu à subir pareille douleur car jamais il n'avait réussi à partager son cœur. Il accordait facilement sa confiance, jugeant chaque être sur ses bonnes actions plutôt que sur ses erreurs. Mais il n'était jamais parvenu à aimer suffisamment pour confier ce morceau de chair qui battait en sa poitrine.

Aujourd'hui, il comprenait le sens du mot douleur. Observant sa collègue, il passa doucement sa main sur son visage et prononça d'une voix basse, presque comme un murmure.

« Je ne serai jamais loin de toi si tu en éprouves le besoin Elly, mais aujourd'hui j'ai besoin de temps ... »

Le jeune homme laissa doucement glisser sa baguette le long de sa manche. Il effleura le bracelet de sa belle du bout de la baguette et fredonna quelques incantations. Le bracelet se mit à luire d'une vive lueur dorée. Détachant doucement sa baguette du bracelet, il en créa un double en tous points identique. À un détail près. Celui-ci portait le nom du jeune homme. Sans plus attendre, il le glissa à son poignet et ajouta avant de partir ...

« Il te suffira de prononcer mon nom en touchant le tiens, il montra d'un signe de tête le prénom de la demoiselle gravé sur sa gourmette. Ne le perd pas ... »

Il posa une dernière fois ses yeux dans les siens, perdit ses lèvres un dernier instant contre les siennes et se leva, quittant son bureau, laissant seule celle qu'il aurait aimer à jamais.

Artemis s'en est allé, merci à toi !! :*

Rencontre à l'heure de pointe
Aysha Brayd

Quelques gouttelettes d'eau chutent de par la machine, chacune d'entre elles dans un "ploc" lourd qui semblent annoncer à chaque fois la fin du calvaire, l'arrivée du doux breuvage caféiné se laissant désirer. Manque de sommeil, manque d'envie qui l'enveloppe comme dans un cocon, il n'a plus rien à faire ici et pourtant il y reste juste pour le plaisir de voir leurs visages se décomposaient à chaque fois qu'il vient pour une nouvelle matinée. La tasse brulante, le siège de bureau inconfortable, le visage froid et fermé, on connait la chanson maintenant y a plus grand chose à apprendre. Il s'imagine dehors, peut-être bien dans le froid, à regarder passer les passants juste comme un passe-temps. Aucune fiche ne l'intéresse, aucune affaire ne retient son attention. Celle-ci se contente de voguer à la dérive entre un océan de mensonges et une mer de cruauté, embarcation habitué à la mer agitée de sa haine, à la froideur de ses peines.

Dans quelques minutes une jeune va rentrer, s'asseoir sur le fauteuil et le dévisager comme un chien de prairie avec un grand sourire.
Persuadée qu'elle a fait le plus dur, qu'elle a réussie et puis un jour, elle sera à sa place, elle se rendra compte que le monde est froid et que les gens sont faux. Elle se rendra compte qu'ici y a pas d'amis, y a que des alliances de circonstances et que quand tu veux préserver le monde, tout le monde te hait. Est-ce qu'il commence à détester ce qu'il fait ? Mauvaise question, il aime ce qu'il fait et tout le monde le méprise pour cela. Y a des moments il a l'impression que c'est lui contre le monde, qu'il a personne et qu'il aura jamais personne. Au final le seul truc qui le tient de bout c'est peut-être bien son égo.

Les larmes qui coulent, qui fleurissent tout doucement en passant les joues, pas des larmes d'hommes mais des larmes d'enfants tout cela commence à le peser, les évènements, les gens, ses relations et dire qu'il pourrait éviter cela à la suivante. Il s'imagine lui dire qu'il n'y a rien pour elle à part du mépris et de la tristesse, qu'un jour si elle tient jusque là elle se rendra compte que tout le monde la poignardera, vingt-quatre pour César combien suffiront pour elle ? Les larmes partent, le tout repart et on se prépare pour offrir à cette gamine un mauvais départ.

Mon pas claque sur le bitume, rapide. Il pleut. J’accélère, déjà trempée, regrettant de ne pas avoir transplané plus près de la cabine. Mais la discrétion est plus importante que mes cheveux, alors je parcours les derniers mètres au pas de course et m'engouffre dans le petit habitacle téléphonique. La voix métallique m’accueille, cette même voix que la dernière fois. Mon nom, énoncé, un badge, le tintement des mécanismes en métal et je m'enfonce lentement dans les profondeurs de Londres. Le Ministère de la Magie. Ce lieu demeure un mystère, pour moi. Ma curiosité montre le bout de son nez, comme toujours. Je me sèche d'un coup de baguette magique et me voilà au comptoir après un contrôle rigoureux. Oui, j'ai rendez vous. Un certain Sean Balor. Oui c'est cela, à gauche ? Merci beaucoup.
Je passe quelques minutes dans l’ascenseur bondé, et je doute. Une hésitation cruelle s'empare de moi. Ma morale et mon bon sens sont torturés, et une seconde, je veux faire demi-tour. Remonter à la surface, reprendre une vie d'autruche, la tête dans le sable, sans vouloir rien voir. Mais non. J'ai changé, je ne suis plus cette personne. Encore naïve, certes, mais prête à agir, au moins.
Les portes s'ouvrent, un couloir que je traverse. Les mains légèrement tremblantes et enfin j'y suis, la porte, le nom de l'Auror. Sean Balor. Bien. Un soupir avec un espoir de courage et je frappe.

- Bonjour.

Je ne sais pas quelle impression je dois donner. Alors je reste neutre. Je suis anxieuse et je ne suis pas sûre que ce soit un bon point face à un Auror, le symbole même du courageux, du brillant sorcier. Je m'approche, nerveuse, m'assois. Je suis prise d'une fascination soudaine pour une plume posée sur le bureau, et je daigne relever la tête, non sans une violente envie de partir en courant.

- Je viens pour … enfin vous savez.

Idiote, comme d'habitude. Je suis incapable de prononcer quelque chose de censé. Je suis trop impressionnable. Mais je sais ce que je veux, pour une fois. Je veux agir. Alors je me force à fixer l'Auror dans les yeux, ce qui se révèle un exercice compliqué.