- Je vais devoir y aller ... Ma grand-mère me prend encore pour une petite fille, et je dois être à la maison pour 18h. Si tu le veux bien ... Je pense pouvoir m'eclipser ce soir, quand elle dormira. Enfin, si tu veux.

Avait-il bien entendu ? Elle lui proposait de se revoir ce soir, ou plutôt cette nuit ? En douce qui plus est....

Il devait bien avouer que cette idée d'une escapade amoureuse en douce la nuit avec la belle Aysha était on ne peut plus séduisante... Il serait fou de refuser...

- Déjà ? Ok... je comprends ta grand mère. Quand on a une aussi jolie petite fille que toi, je comprends qu'elle ne veuille pas te voir trainer avec des mecs comme moi !

Puis il ajouta :

- Je serais ravi de venir t'enlever cette nuit car je ne voudrais pas te savoir seule dans les rues... Puis il s'arrêta, il commençait à être un peu trop prévenant et il pensa qu'une sublime créature comme cette moldue audacieuse trouverait ça ennuyeux car il fallait bien reconnaitre qu'à priori ce n'était pas son romantisme qui avait charmé la jeune femme...

- Tu préfères sortir quelque part ou qu'on se se retrouve que tous les deux dans un endroit tranquille ?

Retour au pays.

Pas exactement un retour à la maison, puisque celle-ci se situait à l'opposé de la côte est où elle avait atterri la veille. C'était assez amusant de se dire que la distance qui séparait l'hôtel où sa famille était descendue de leur maison du Connecticut était égale (à une vache près) à presque deux fois la hauteur totale du Royaume-Uni. Les pays d'Europe sont si minuscules ! Ce n'est pas étonnant que les gens pensent que le monde est petit quand tu n'as que cinq minutes de vélo à faire pour aller dans le village d'à côté. Ici tu peux traverser des plaines et des déserts de centaines de miles avant de rencontrer un signe de civilisation humaine. Autant dire qu'un véhicule en état de marche et un sens de l'orientation efficace n'est pas du luxe quand tu pars en voyage.

Mais là c'était différent. Castielle n'était pas au Connecticut avec ses forêts et ses plaines immenses, elle était en Floride et dans une zone assez touristique. Les parents voulaient des vacances et en procédant à un vote à main levée il avait été décidé de retourner au bercail, outre-Atlantique.
La sorcière ne s'en plaignait pas ! Elle aimait retrouver les accents, les poignées de main vigoureuses, la nourriture trop riche, les mots simples, ... L'hôtel n'était pas en reste, bien typé lui aussi ! En plus elle avait sa propre chambre !

Assise près de la fenêtre, un livre ouvert sur les genoux, elle se perdit dans la contemplation du paysage. La plage et la mer étaient juste en face. Le sable fin était recouvert de partout par des essuies de plage, des parasols, des jouets pour enfants et des gens qui allaient avec tout ça. Castielle aurait largement préféré que ses parents choisissent une destination un peu moins estivale... Rien que la vision de cette espace noir de monde, collés les uns au autres, grouillant de partout, ça lui filait une de ces angoisses ! La jeune fille détestait les bains de foule, elle en avait vraiment horreur et les évitait comme la peste.
Heureusement que l’entièreté de la plage n'était pas ainsi envahie par les vacanciers. Comme les moutons de Panurge ils s'étaient tous agglutinés à l'endroit le plus proche des hôtels et de la place du village de vacances. En marchant quelques centaines de mètres plus au nord ou au sud de cette marrée humaine, Castielle pensait pouvoir trouver un coin tranquille.

Ses yeux caressaient la ligne d'horizon. Le bleu de l'océan et celui du ciel se rencontraient dans un mélange de teintes absolument fascinant. L'océan. Depuis qu'elle était là, et ça ne faisait pas très longtemps, elle n'arrêtait pas d'y penser. Sa rencontre avec ce garçon, sur les Docks de Londres (*Osvald l'enfant de la terre, rien que ça !*) l'avait bouleversée. La journée s'était bien terminée par des éclats de rire mais il n'empêche qu'il avait mis le doigt là où ça la démangeait. L'eau l'avait toujours attirée mais elle n'avait jamais osé aller vers elle...

Tant qu'elle était en Angleterre, elle avait encore eu des excuses pour reléguer ces questionnements au second plan. Avec l'école et tout ce qui allait avec, il était facile de se dire "Je ferais ça plus tard, c'est pas grave".
Maintenant elle était en vacances. En Floride. Sur le bord de la mer. Entourée de planches de surf et de bateaux en tous genres. Plus d'excuses possibles, pas vrai ? Il fallait qu'elle prenne des décisions. Sauf que ça lui faisait un peu peur de sauter le pas, tout en sachant que si elle ne faisait rien et repartait en Angleterre sans avoir rien tenté elle s'en voudra jusqu'à la fin de sa vie.
*D'ici la fin du séjour, j'aurais été à bord d'un bateau. Il le faut.*

Castielle referma son livre d'un coup sec comme pour rendre officielle sa décision et sortit. Direction la plage.

Elle voulait se balader le long de la plage, les chevilles caressées par les vagues. Elle contourna la foule et marcha vite pendant au moins dix minutes vers le nord. Finalement elle arriva vers une sorte de baie, enclavée par des gros rochers ronds. On aurait dit d'énormes galets. Après une courte escalade : la terre promise !

Castielle s'assit une seconde sur un rocher, profitant de la vue et du calme.

Castielle savourait chaque rouleau de vague qui s'échouait sur le sable, dévorant des yeux ce spectacle hypnotisant. L'écume allait et venait, dessinant des formes humides éphémères sur la plage, aussitôt asséchées aussitôt remplacées par l'écume que d'autres vagues venaient déposer au même endroit. Elle profitait également de la chaleur. Le rocher sur lequel elle s'était assise, soumis aux rayons du soleil, dégageait une tiédeur plus qu'agréable. Les mains de Castielle, à plat sur la roche, étaient presque comme réchauffées de l'intérieur. C'était une sensation assez étrange mais apaisante.

La jeune fille aurait sans doute remarqué la présence d'une autre personne si elle n'était pas aussi perdue dans ses pensées. Elle se demandait ce que ça faisait de se retrouver isolée au milieu de nulle part, seulement entourée d'eau. Que l'on regarde au nord, à l'est, au sud, ou l'ouest, seulement de l'eau. De l'eau à perte de vue. Et comment réagirait-elle si cette eau, si fascinante, si belle, se mettait à gronder à et frapper la coque de son hypothétique navire ? Que ressent-on quand nous, si petits, si fragiles humains, devons faire face à la puissance démesurée d'une mer déchaînée ?
Castielle appréciait d'autant plus la chaleur rassurante du rocher qu'elle frissonnait à l'image mentale d'une vague immense fonçant sur elle.
C'est un faible clic! d'appareil photo et un soupir qui l'a sorti de ses interrogations.

Elle observa, un peu curieuse, la fille qui s'était installée près d'elle. Une grande brune à l'air fatigué. Sans trop y réfléchir elle pensa directement que c'était une Américaine qui avait elle aussi fuit la foule. Une touriste qui plus est, vu l’appareil photo qu'elle trimbalait avec elle. Castielle s'apprêtait à répondre à des questions du style Où est l'hôtel machin-truc ? Vous savez où il y a un bon resto pas loin ?
Sa surprise fut donc encore plus grande quand la brune lui demanda si elle voulait aller voir des poissons, le tout avec un accent bien européen ! Son étonnement eut pour effet de teinter la monture de ses lunettes en argenté discret.

C'était une bonne surprise, à vrai dire, alors elle répondit spontanément :
- Ok !
Puis se rendant compte que c'était une trop expéditif comme réponse, elle ajouta :
- Je ne faisais rien de spécial de toute façon. Et moi, dès qu'on est dans l'eau, tout me va !

Regarder les poissons, ça pouvait être amusant, pas vrai ? Même si la jeune fille n'était pas particulièrement fan des poissons en général. Ce n'est pas qu'elle ne les aimait pas, elle était juste assez indifférente à leur égard. Elle n'avait jamais eu de poissons à la maison et si on lui avait demandé si elle voulait adopter un animal, "poisson" était très bas dans sa liste de préférence. Cependant, admirer la vie marine dans son élément - pas dans un parc ou un aquarium donc - c'était un plan qui lui plaisait bien !

HRP:

D'un coup tout alla très vite. Sans présentation ni aucun autre échange de base du style "Moi c'est X au fait, let's gooo", la brune se changea, lui passa les équipements nécessaires et plongea à l'eau. Sur le coup Castielle mit un peu de temps à digérer toutes ces informations mais finit par secouer la tête pour remettre ses pensées en ordre.
Déjà, ce dont elle était sûre, sans pour autant pouvoir l'expliquer, c'est qu'elle avait un bon feeling avec cette fille. Elle avait l'air sympa, puis elle était directe. Peut-être limite inconsciente, entre le "Je suis une sorcière" et le fait de faire de la plongée avec une inconnue... ceci dit sur ce dernier point, sa conscience lui fit remarquer qu'elle n'avait pas vraiment de remarque à faire, puisqu'elle s'apprêtait elle-même à suivre une inconnue. Qu'est-ce qu'il lui avait pris ??
Pourtant elle ouvrit tout de même le sac. Et pendant qu'elle se changeait, à un rythme un peu ralenti par son cerveau qui carburait aux questions sans réponses. Elle attendait quelqu'un ? Sinon pourquoi avoir deux fois plus d'équipements qu'il n'en fallait ? Elle lui faisait confiance pour être aussi peu prudente avec son identité magique ? Et elle, elle faisait confiance à cette fille ou pas ? Trop tard, elle était habillée.

Castielle s'avance et se penche pour voir l'eau en bas de la masse rocheuse. La brune était là, son nez pointé dans sa direction. La boule au ventre la jeune fille entama la descente tout en espérant au fond d'elle que la petite voix sarcastique dans sa tête allait enfin faire son apparition pour lui dire que ce qu'elle faisait était complètement stupide, absurde, imprudent, insensé, et tout le champ lexical qui allait avec ! Sauf que dans sa tête c'était silence radio. Enfin en ce qui concernait la voix, parce qu'au sinon c'était la bousculade dans son crâne. Son imagination se mit à tourner à plein régime, imaginant un milliard de scénarios possibles, dont la plupart se terminaient assez mal. Même les films catastrophes de séries Z ne lui arrivaient pas à la cheville quand il s'agissait de s'imaginer le pire.
C'était un réflexe, elle n'y pouvait rien. Heureusement - plus que deux rochers à descendre et elle serait dans l'eau - heureusement que quelqu'un l'avait décomplexée de cette manie. Elle lui avait même appris à s'en faire une force.

Castielle finit sa descente en se laissant glisser du dernier rocher. Une fois dans l'eau sa panique limite paranoïa s'était clamée, elle était prête à toute éventualité. Elle nagea jusqu'à sa camarade de plongée et, puisque l'ambiance n'était pas aux détours inutiles, demanda directement :
- T'as déjà fait ça avant ?
Puis avoua avec un sourire : Parce que moi non, c'est une première !

Vraiment vraiment désolée pour ce silence radio  


Une fois pas très bien réussie, ça reste une fois. Et puis si on devait attendre d'avoir de l'expérience avant de pouvoir entreprendre quoi que ce soit, on n'irait pas bien loin ! Le saut dans l'inconnu, le premier pas au-delà d'une frontière ou, dans le cas présent, le premier véritable plongeon : c'était ça qui comptait. Castielle en vint à regretter de ne pas avoir sauté. Où s'était volatilisé son sens du risque ? Si son capitaine l'avait vu se glisser ainsi, prudemment, de rocher en rocher, le regard inquiet à chaque mouvement, il se serait tapé le front de frustration. Non, vraiment, un peu de danger lui fera le plus grand bien, à notre sorcière. Et elle s'en rendait bien compte.

Débordant d'un soudain enthousiasme, Castielle se mit en quête d'un objectif à atteindre.
Nager avec les poissons n'ayant rien de spécialement dangereux, il allait falloir trouver quelque chose de palpitant, au minimum !
Un concours d'apnée avec l'autre ? Amusant mais pas de quoi revenir à l'hôtel en sautillant de joie et d'impatience de raconter sa journée à ses parents.
Nager jusqu'à une île ? *Quelle île, Einstein ?*
Ah bah la voilà de retour elle aussi, fichue voix qui a pourtant bien raison. Pas d'île ni de rocher ni de bouée. C'est que la crique est suffisamment isolée de l'activité humaine mais apparemment aussi de celle du côté piquant de la nature. Ce côté vif qui te met des marais mortels sous des airs innocents, qui t'offre des fruits appétissants mais au jus tel du poison, qui se fait dresser des montagnes aux allures infranchissables et au sommet desquelles soufflent des vents sans pitié. Et l'eau. Belle et malicieuse, qui t'emporte vers ses récifs tranchant tout en feignant de te bercer par ses vagues.

Assoiffée de merveilles mais aussi d'aventure, Castielle finit par pointer du doigt un morceau de côte plus loin sur leur gauche. Il faudra contourner quelques rochers ronds comme ceux sur lesquelles elles étaient il y a quelques minutes mais ça allait valoir le coup. Car après tout, une grotte regorge toujours de trésors, pas vrai ?
- Là ! Tu vois ? C'est un peu loin mais on peut le faire !
Encouragement, persuasion. L'Américaine faisait de son mieux pour entraîner avec elle sa camarade plongeuse. Et si jamais elle n'était pas spécialement tentée par le côté mystérieux et aventure de la destination qu'elle lui proposait :
- En plus on va passer par plusieurs endroits profonds ce sera super beau !

En vérité les "taches" plus sombres à certains endroits dans la mer ne sont pas juste des endroits où le fond est plus bas, parfois c'est aussi dû à une colonie d'algue très dense dans ces endroits-là. Enfin dans tous les cas ce sera cool de regarder ça de plus près.
*Merci Wikipédia* snoba la petite voix
Cette remarque agaça un peu Castielle ; y a pas de mal à faire des recherches hein ! Peu importe le support !
Passant outre l'intervention de son petit côté élitiste, la sorcière rajusta son masque de plongée sur son nez. Heureusement que les branches de ses lunettes sont un tout petit peu flexible ! Sans ça, bonjour la galère pour superposer tout cet attirail.

L'autre sorcière n'est finalement pas très difficile à convaincre, ce qui arrange bien Castielle car elle n'aurait pas su comment défendre sa proposition autrement qu'avec des mais ça va être méga bien !. Enfin il y avait bien l'incontournable Go big or Go home mais elle n'était pas sûre que l'autre le prendrait bien. La dernière fois qu'elle avait utilisé une expression Américaine devant un Anglais il s'était un peu vexé, comme si elle lui disait réellement de se casser une jambe... c'est qu'ils ont l’ego fragile parfois les Européens, faut pas trop les brusquer. Du coup elle se contenta d'un simple mais vivace "OK !" pendant que *à un moment faudra que je lui demande son nom* plonge la tête la première dans l'eau.

Avant de se lancer à son tour, l'Américaine décida d'observer un peu plus ce qu'elle avait sous les yeux. Alors oui, c'est beau, l'eau est claire, le soleil brille et ses rayons dessinent comme des plaques de paillettes sur les fines vagues, tout ça tout ça... mais ce qui l’intéressait particulièrement c'était de savoir quel chemin (si on peut appeler ça comme ça quand on est en mer) serait le plus amusant à prendre pour arriver à destination.
La brune avait déjà nagé jusqu'au premier rocher les séparant de la grotte partiellement immergée mais complètement mystérieuse quand Castielle entama sa brasse à elle. Non sans d'abord avoir eu le réflexe de vouloir remonter ses lunettes sur son nez même si elle n'en avait pas besoin, s'être rendue compte que c'était stupide parce qu'en plus elle portait un masque de plongée par-dessus.

Elle va passer par la grande tache sombre, puis se rapprocher du récif et enfin nager à contre-courant jusqu'à la grotte. Que serait la vie sans se donner quelques défis ! pas vrai ? L'idée lui plaisait bien, à notre Poufsouffle ramollie par son quotidien trop calme, et tandis qu'elle s'élançait dans une nage énergique, s'éloigna de sa camarade mais se rapprochant de l'horizon, elle se dit que c'était bien la moindre des choses à faire vu son manque de courage de tout à l'heure. Non, vraiment, descendre de ses rochers comme une fillette apeurée, plus elle y repensait et plus elle avait honte.

L'eau est douce. Elle n'oppose pas de résistance, ou très peu, quand la jeune fille la fend de ses bras et jambes avant de la repousser le plus loin possible derrière elle. Ses gestes à elle n'avaient rien de doux, et elle s'en fichait éperdument. Alors l'eau se vexa. Elle devint plus difficile à déplacer et elle s'assombrit, comme un avertissement pour l'humaine qui la prenait de haut avec ses maigres membres qui seraient si faciles à emporter d'une seule vague. Castielle s'arrêta et observa autour d'elle tout en battant des jambes pour rester la tête hors de l'eau. Elle était en plein milieu d'une tache sombre et son cœur s'emballa d'un coup, battant à tout rompre, comme s'il essayait de convaincre sa propriétaire de faire demi-tour sur-le-champ. Fascinant comment, quand il est face à l'inconnu, l'esprit humain n'a qu'une envie : déguerpir. Instinct de survie, surement.
Déguerpir.
Retourner à la lumière.
C'est ce don une grande partie de Castielle souhaitait plus que tout au monde en cet instant.
Pendant que son imagination débordait de scénarios terrifiants ( et si une tentacule géante sortait de ce trou et nous attrapait la jambe ? ou un requin ? Ou pire ! un montre pire qu'un requin avec dix fois plus de dents ??! ) la sorcière rempli ses poumons d'air et se laissa glisser sans plus remuer le moindre muscle.

Est-ce qu'il n'y a pas de sensation plus agréable que de se sentir légère ? Alors que son corps se laisse aller aux pressions de l'eau et à la force de gravité, Castielle se sent bien. Elle a l'impression que son corps n'est plus une limite, que si elle le voulait, là maintenant, voler d'un côté ou de l'autre, elle le pourrait. Si elle voulait faire un salto arrière elle n'aurait pas besoin de prendre de l'élan. Si elle voulait tournoyer sur elle-même puis se laisser emporter par le mouvement, rien ne pourrait l'en empêcher ou même l'arrêter dans sa course. L'eau, c'est la liberté.

En revanche les algues c'est gluant. Très gluant.
La crevasse qui pouvait potentiellement abriter un calamar géant ou un requin-pire-qu'un-requin-car-avec-plus-de-dents n'en était au final pas une. Juste une illusion de profondeur. Castielle avait mal aux tympans et les orteils peu ravis de ce contact avec la flore marine, mais c'est tout. En relevant la tête elle voyait distinctement la lumière de la surface. Son cœur se calmait un peu sur le plan du stress mais commençait à tirer la sonnette d'alarme pour le manque d'air. Alors la jeune fille battit des bras pour revenir à la surface, non sans dévorer des yeux ce qui l'entourait.
Les algues qui dansent, collées les unes aux autres. Les particules de je-ne-sais-quoi-et-je-veux-pas-savoir qui flottent autour. Les couleurs qui bougent au rythme du courant. Puis la lumière revient, en même temps que l'air.

Et le bruit. Le bruit aussi est de retour. Et bizarrement, notre aventurière du dimanche se rend compte qu'il n'est pas si désagréable que ça, ce bruit. Le calme qui règne là-dessous est incroyable mais ça manque de... vie ?
Tout en haletant, dans une tentative désespérée de réapprovisionner en oxygène toutes les cellules de son corps en un minimum de temps, Castielle cherche du regard l'autre fille. Combien de temps elle était restée là ? Un moment apparemment, la brune était plus loin déjà. Mais pas trop loin non plus. Sans s'en rendre compte le courant avait fait avancer l'Américaine de plusieurs mètres, pourtant elle aurait juré qu'elle n'avait pas bougé d'un poil au-dessus des algues !

T'es où ?
Suivant la voix, direction le rocher qui lui servait de siège, Castielle se remet à nager. Son petit interlude dans la zone d'ombre l'avait reposée et elle nagea avec énergie jusqu'au perchoir de l'autre plongeuse. Puis en arrivant à sa gauche, elle lui dit en riant à l'avance de sa propre remarque : "C'est marrant parce que comme ça tu ressembles à une sirène ! Tu chantes aussi en plus de nager ?"
Ça sonnait nettement mieux dans sa tête et elle regretta de l'avoir sorti ainsi à voix haute. C'était bizarre, non ? Enfin tant pis, c'est fait, autant passer à autre chose.
"T'as vu quoi là-bas ?"
Comme elles étaient allé dans des directions différentes, Castielle était curieuse. Est-ce qu'elle aussi elle avait vu des choses  effrayantes mais belles ? ou juste belles ? ou pas du tout ?

Soulagement. Quand Castielle remarque que sa réflexion sur les sirènes fait sourire son amie des grandes eaux, elle se détend d'un coup. L'air à la fois satisfait et princier de la brune la fait sourire elle aussi ; là comme ça, sur son rocher, avec ses prunelles brunes donnant l'impression de posséder tout ce sur quoi elles se posent, et sa petite couronne d'algue ornant ses cheveux encore mouillés, on dirait vraiment une sirène. Prête à emporter dans les profondeurs sombres et froides tous marins qui se perdrait sur son territoire. Et elle ? Est-ce qu'un jour elle allait se perdre bien plus profondément que dans une tache sombre de l'océan, simple illusion d'optique, et se retrouver aspirée dans les abysses sans qu'elle puisse rien n'y faire ? Est-ce que ce goût, cette sensation de liberté intense qu'elle ressent quand elle est dans cet élément si particulier vaut vraiment la peine de risquer de tout perdre pour elle ?
Grande question.
À laquelle elle répondrait sans doute "oui !" sans hésiter si il n'y avait pas ce truc dans ses tripes qui la bloque à chaque fois qu'elle tente sa chance.

La belle essaie de chanter mais sa voix n'est pas à l'image de sa prestance. Tant pis, si ça se trouve les sirènes non plus ne sont pas parfaites. Dans le lot il doit bien y avoir des sirènes maladroites, ou qui bégaient, ou qui ne savent pas bien se repérer en mer, ou qui répugnent à faire tomber à l'eau quoi que ce soit ou qui que ce soit. Il n'y a pas de raison donc pour qu'il y ait pas de sirènes qui ne soient pas douées en chant. La sorcière fit cette moue de réflexion qu'elle a tant de mal à contrôler quand elle veut bluffer, signe indéniable qu'elle est en train de se poser des questions qu'elle n'aime pas particulièrement. En l'occurrence ici elle se dit que pour en avoir le coeur net il faudrait poser la question Osvald. Si il doit bien y avoir un expert sur le sujet ça doit être lui ! Le problème c'est que si elle se risquait à lui poser directement la question, elle savait qu'il ne s'arrêterait pas de parler et qu'elle serait bloquée pendant au moins une après-midi à devoir l'écouter déblatérer sur les sirènes en espérant qu'à un moment dans sa conférence il lui donne enfin la réponse qu'elle attendait.
Là pour le coup Castielle se dit que ça ne valait sans doute pas le risque.
Non parce que le petit amoureux des fées il est mignon hein mais alors quand il est lancé on ne l'arrête plus !

L'autre lui parle de ce qu'elle a vu et notre petite sorcière boit ses paroles. Peu quantitative mais il n'y avait pas vraiment besoin de plus. Castielle comprend facilement ce qu'elle veut dire et elle hoche la tête, marquant son accord. Oui, c'était mieux en dessous. Le silence elle s'y fera, elle en est sûre. Et si elle n'avait pas ce problème d'oxygène, l'Américaine passerait ses journées à explorer les fonds marins, se laissant porter par le courant au gré des vents et marrées. Fichue Trace ! C'est quand même stupide cette règle comme quoi on ne pourrait utiliser la magie qu'en cas d'urgence. Bon d'accord, ici on est dans le pays où on a le droit de conduire à seize ans mais pas de boire. Mais en Angleterre on est surtout est dans le pays où on a le droit de rien faire du tout !

J'vais arrêter pour aujourd'hui. Merci. On se revoit bientôt ?
Un bisou sur le front et la voilà partie, nageant vers la côte, retournant chez les terrestres. Castielle la regarda s'éloigner, un petit sourire aux lèvres. Mine de rien on peut dire que cette sirène lui avait sauvé sa journée. Peut-être même encore un peu plus que sa journée. Dans un sursaut elle cria au-dessus des vagues "Attends ! C'est quoi ton nom ??!". Mais c'était trop tard, elles étaient trop loin l'une de l'autre. Trop tard pour se présenter. Trop tard pour lui rendre son matériel de plongée également d'ailleurs. Tant pis.
Castielle se mit à rire toute seule à ces mots : tant pis.
Elle se prenait vraiment trop la tête parfois.
Alors, pour cette fois : juste tant pis.

La sirène était une sorcière, avec un peu de chance elle la recroisera un de ces quatre. Bien sûr, malgré son accent européen, elle pouvait très bien étudier à Ilvermorny comme Castielle étudie à Poudlard. Mais il paraît que l'espoir fait vivre, que le monde est petit et qu'à cœur vaillant rien n'est impossible. Alors on va tenter le coup !
Et pas que par rapport à ça.
Il est temps pour notre aventurière de repartir en chasse. De trésors, de mystères et de sensations fortes !
Quittant son rocher à grands coups de jambes, Castielle continua sa course vers la grotte immergée. Elle ne comptait pas rentrer sans avoir atteint son objectif. Désormais l'abandon n'était plus autorisé, les hésitations bannies, c'était "terre droit devaaaant !" et advienne que pourra.