Un cours. Une torture mentale supplémentaire. Voilà ma pensée habituelle. Sauf que la matière m’intéresse. Potions. Discipline artistique. Réussissant à me canaliser. Je me montre toujours studieuse. Dans la partie pratique. La théorique reste ennuyeuse. On refait pas une rêveuse. Mon visage est radieux. Chose inexistante lorsqu’il s’agit d’aller m’enfermer dans une salle. Mon pas se veut pressé. Mes pieds nus foulent le sol comme si c’était la pelouse du parc. La fraîcheur en plus.

En toute honnêteté, j’ai une autre motivation aujourd’hui. Le nom de la nouvelle prof. Gold me dit rien. Mais Kathleen beaucoup plus. Souvenir d’une femme blonde. D’une artiste refoulée. Bloquée par un passé. Que j’ai tenté de libérer. Je prie pour que ça soit elle. J’ai envie de la revoir. Mon cœur la réclame. Sans savoir pourquoi. Etrange sensation que je vis. Une nouveauté. Qui me fait peur. Autant qu’il illumine mes noisettes. Je me suis coiffée pour l’occasion. Au cas où j’ai vu juste.

J’avale les couloirs. J’arrive aux cachots. Puis devant la porte de la cellule. Elle est ouverte. J‘avance doucement. Suffisamment pour jeter un œil vers le bureau. Une chevelure dorée trône dans un fauteuil. La même que celle de ma mémoire. Je m’approche de l’estrade. Je me plante devant l’enseignante. Cherchant à croiser son regard. « Bonjour, Kathleen. Je suis ravie de vous revoir. Vous avez repris la peinture ? » Un énorme sourire orne mes lèvres.

Je m’installe à la table la plus proche. Je sors pas mes affaires. Je plante mes coudes sur mon pupitre. Le socle formé accueille mon menton. Je continue d’observer ma professeure. Plutôt je la dévore des yeux. Commençant à m’imaginer. Peindre la toile rosée. Formée de sa peau.

Les cours... Ils avaient toujours été source de beaucoup d'espoirs pour Jade. Une promesse d'avenir meilleur, de connaissances à explorer et de progrès à faire. Bien sûr il y avait quelques bémols, l'inévitable réalité qu'il y avait bien trop d'élèves dans un espace réduit pour qu'elle se sente réellement bien. Pire encore, les travaux en groupe qui mettaient sa timidité à l'épreuve. Mais ces petits obstacles paraissaient désormais bien futiles par rapport à cette appréhension gigantesque que représentait un simple cours de potions.

Non, il n'était pas simple. C'était un de ses premiers cours depuis son retour à Poudlard, depuis... qu'elle était partie. Et ça la terrifiait. Le regard des autres la terrifiait mais plus encore, tout ce qui pouvait arriver la terrifiait. Rien ne serait plus pareil désormais, c'était impossible. Et pour être honnête, la demoiselle se demandait vraiment ce qu'elle fichait là. La réponse lui était inconnue, toutes ses motivations d'autrefois s'étaient envolées, bien trop loin pour pouvoir les rattraper. Et pourtant elle était là, à parcourir les couloirs en prenant un maximum de détours possibles. Le but ? Éviter les élèves qui se rendaient en cours, partir plus tôt des dortoirs et de la salle commune pour éviter les élèves qui s'y trouvaient. Bref, croiser le moins de monde possible. Et retarder l'inévitable, être à nouveau enfermée dans une salle de classe, avec ces mêmes élèves et Kathleen en plus. Oui, parce-qu'il y avait Kathleen aussi, dans l'équation. Ça ne rendait pas la chose plus facile en fait. Même si elle ressemblait plus à une alliée qu'à une ennemie, ce qu'il s'était passé durant les dernières semaines... ne pouvait être oublié.

Le coeur de la préfète battait la chamade. Elle ne pourrait pas reculer le moment encore longtemps. A force, elle finirait par être en retard et puis errer dans les couloirs n'était pas des plus passionnant. Alors finalement, direction les fameux cachots. Il semblait y avoir une malédiction assez prononcée concernant les professeurs de Potions. Espérons que Kathleen n'en soit pas victime, elle aussi. Et pourtant, il y avait toutes les chances. La menace De Lanxorre n'était pas loin et il était difficile de savoir ce qu'il pourrait se passer en cas de conflits. Jade n'en savait rien. Plus rien. C'était devenu beaucoup trop compliqué pour qu'elle y comprenne quoi que ce soit. Et pourtant, son esprit cherchait des explications, des solutions, sans jamais y parvenir. Elle était épuisée mentalement et pourtant, il fallait essayer. C'était ce qu'ils disaient tous. Frissons, une fois descendue dans les entrailles du Château. Il y avait bien pire d'après les légendes et les rumeurs, mais ces lieux avaient toujours été source d'anxiété. M'enfin, vu tout ce qui représentait de l'anxiété à ses yeux, ce n'était peut-être pas utile de le prendre en compte. Qui sait si c'était l'endroit ou l'appréhension qui lui donnait des sueurs froides. Au moins, elle était là, voilà déjà un grand pas en avant. Plus difficile, la porte de la salle de cours. Dernière étape, difficile de retourner en arrière. Peut-être qu'il valait mieux attendre un peu ? Que tous soient rentrés et qu'il soit plus facile de se cacher parmi la foule ? Ou peut-être était-il plus futé de faire l'inverse, entrer et se planquer dans un coin en attendant, faire tapisserie et espérer qu'on ne la voit pas. Aucune idée. Dans tous les cas, il y avait des risques que quelqu'un la remarque quand même alors... autant éviter que tous les regards se retournent sur son arrivée. Entrer en amont, c'était mieux. Nouvelle inspiration, serrer un peu plus la lanière sur son épaule et enfin, entrer.

Deux personnes présente. Kathleen, à qui cette place allait extraordinairement bien. Et Charlotte, élève en dehors des clous, particulière, remarquable. Le stress envahit un peu plus le coeur et la cage thoracique, difficile de respirer avec une telle pression. Déglutir légèrement et avancer, un pas après l'autre. Encore un. Allez, tu vas y arriver.

- Bonjour...

Pénibles mots, plus encore que de respirer. Le cours s'annonçait compliqué. Elle aurait pu féliciter Kathleen, se montrer plus chaleureuse, mais pas maintenant. Peut-être plus tard. En attendant, de nouveaux pas, plus mécaniques encore, pour trouver la place idéale. Avant, un signe de tête à Charlotte, ne pas oublier la politesse malgré tout et enfin, rejoindre ce qui lui semblait être le mieux placé. A l'écart donc, où elle espérait pouvoir disparaitre, se fondre dans les murs.

Ne plus exister.

On a cours aujourd'hui. Rien que ce mot, cours, ça donne envie je trouve. Je vais apprendre, étudier, découvrir. Tous ces synonymes qui se lient aux cours. A l'apprentissage de nouvelles choses. Aussi à la fermeture du rêve. Car rêver en cours n'est pas une bonne idée. Quel que soit le cours. Avant d'aller dans les couloirs, il faut peut-être regarder l'emploi du temps. Cours de potions aujourd'hui! Avec une nouvelle professeure je crois. A quoi va-t-elle ressembler? Et comment va être le cours? La salle? Quel thème allons-nous étudier? Bon c'est l'heure. Il ne faut pas prendre le risque d'arriver en retard, ni de rêver. Garder l'esprit à l'école aujourd'hui, et repousser les questions qui trouveront les réponses plus tard.

Je suis les couloirs qui mènent jusqu'aux cachots d'un pas tranquille, mon sac sur le dos. La porte de la salle est ouverte. Je marque une petite hésitation avant de m'avancer assez pour observer la salle. La professeure, que je ne connais pas, est assise sur un fauteuil derrière son bureau. Deux élèves sont déjà installés. Je ne prend pas le temps de regarder si je les connais, j'observe le reste de la salle, tout est bien rangé et je m'autorise un sourire content. J'aime bien tout ce qui est rangé. C'est plus agréable pour s'installer et pour travailler. Finalement, je rentre dans la salle, j'adresse un sourire à la professeure accompagné d'un "Bonjour" poli. Puis je vais m'asseoir à une place libre, sans personne autour. Les inconnus, c'est pas trop mon truc. Car le rêve ne s'accompagne que rarement avec les autres. C'est plutôt avec la solitude. Et le rêve est agréable, donc la solitude aussi. Sur cette jolie pensée, je sors mes affaires puis attends patiemment l'arrivée des autres élèves et le début du cours. Le regard perdu sur le sol de la salle de cours, à la fois curieux et rêveur. Les potions, c'est un cours qu j'aime beaucoup. Mais j'aime beaucoup de cours. Donc je ne sais pas si ça compte.

La rituelle descente depuis la tour de Gryffondor jusqu'aux cachots fut péniblement longue. Les escaliers n'en faisaient qu'à leur tête, pivotant – semblait-il – plus que de coutume, ralentissant le cheminement de la préfète. À plusieurs reprises, celle-ci envisagea de sauter par-dessus la rampe puis renonça quand l'escalier du dessous se décala, comme poussé par son regard pressé.

Pour la énième fois en peu de temps, le poste de professeur de potions s'était libéré puis avait trouvé acquéreur. On eût pu croire que cette place était maudite. Isolde était à la fois lasse de tant de changements et curieuse de découvrir le visage du maître ou de la maîtresse des alambics à la propreté suspecte et des chaudrons rouillés par-dessus la couche de rouille précédente – la rouge et or ignorait si la communauté sorcière était familière des vaccins, mais en ce qui la concernait, elle était plutôt ravie d'être protégée du tétanos. Les seules instructions reçues par les élèves invitaient ces derniers à se présenter pile à l'heure du cours, pas une minute plus tôt ni une minute plus tard. Isolde arriva donc à l'heure dite. La porte s'ouvrit et déversa son flot d'élèves dans le cachot.

La nouvelle professeure était incroyablement jeune. Blonde, les yeux bleus, la peau claire, une bouille d'ange dont la présence en ces sombres lieux ne pouvait qu'étonner. Que faisait-elle ici-bas ? Isolde hocha la tête en guise de salut, geste qui lui fut aussitôt rendu par la jeune femme. Quand elle balaya la pièce du regard pour choisir sa place, ses pupilles se posèrent sur elle.

Tu étais là, Jade, devant elle, assise à l'écart, l'air de vouloir disparaître. Isolde esquissa un mouvement pour attirer ton attention mais n'attendit pas que tu la remarques pour se diriger avec empressement vers le pupitre jouxtant le tien. Le visage de la préfète semblait partagé entre le soulagement et, surprenamment, la colère.
— Jade ! t'appela-t-elle aussi discrètement que possible. Qu'est-ce que tu fous là ? Ou plutôt, qu'est-ce que t'as foutu quand t'étais pas là ? Ça va ? Tout le monde s'inquiétait.

« Tout le monde », en l'occurrence Isolde. Elle et toi n'étiez pourtant pas particulièrement proches et n'aviez en commun que quelques cours et vos missions de préfètes. Pour le reste, vous ne vous étiez jamais adressé la parole et tu n'avais pas plus de raisons que quelqu'un d'autre d'attirer l'attention de la cinquième année. Il est des choses que l'on ne s'explique pas, et l'inquiétude de la Londonienne pour toi était l'une d'entre elles.

Les cours... Ils se succèdent les uns les autres. J'ai un emploi du temps tellement chargé que je ne parviens pas à trouver du temps ne serait-ce que pour passer du temps avec mon homme ou pour me distraire un peu. Ce n'est pas non plus comme ça que je vais réussir à m'avancer dans mon travail et c'est bien ce qui me chagrine. Même s'ils sont censés m'assurer mon avenir, trop de cours d'affilé, ça ne sert qu'à embrouiller mon petit esprit. J'adore la magie pourtant. Mais il faut avoir plaisir à l'étudier. Ce plaisir semble disparaître peu à peu à cause de tout ça. Je commence à désespérer. C'est comme si les professeurs nous prenaient pour des machines capables d'emmagasiner une dose conséquente de connaissances. Pourtant, nous sommes de petits êtres humains, pas des robots. Je sais qu'il faut s'adapter, c'est le discours répétitif de chaque enseignant ici, tout comme dans le monde non-magique, mais il y a des limites quand même. En plus de ça, mon père n'est plus là et... C'est ce qui me préoccupe énormément en ce moment. Je dois encore demander une autorisation d'absence à la direction. Mais ce n'est pas facile. J'ai énormément de mal à me décider. Pourtant, il est nécessaire que je le fasse. Mon père me manque. J'ai beau me dire qu'il s'agit d'une étoile parmi les autres, mais... Ce n'est pas pour autant que j'en suis réconforté. Heureusement que je connais pas mal de monde ici. J'ai le soutien nécessaire. Mais ma famille a maintenant besoin de moi aussi. Je dois me rendre disponible pour eux.

A travers les vitres du château, je constate que le temps a l'air clément. Pas de pluie, pas de froid. Non. Au moins, ça illumine ma journée. En sortant mon emplois du temps - que je ne peux plus voire en peinture - je constate que j'ai un cours de Potions. Mon visage fait une moue en voyant cela. Je n'aime pas vraiment cette matière, mais je n'ai pas le choix. Quand on veut réussir, il faut se montrer studieux. C'est mon cas, toujours. Ou presque en tout cas. Il est temps de s'habiller correctement. En montant dans mon dortoir, je ne croise pas grand monde. Je prends quelques affaires avant de me rendre dans la salle de bain. J'sais pas pourquoi, mais mes cheveux n'en font qu'à leur tête aujourd'hui... Impossible de se coiffer correctement. J'ressemble à rien et pour aller en cours, ça craint. Certes, c'est pas un défilé de mode, mais un minimum de tenue, c'est mieux je pense. Tant pis, j'abandonne la partie. Ils ont gagné. J'ai perdu. Je prend mon sac et commence à arpenter les couloirs du château. Je prends les escaliers et arrive enfin devant la porte de la salle de classe. J'hésite encore à rentrer. Mais je n'ai pas le droit de sécher le cours. Sinon, je risque de faire perdre des points à ma Maison, et je ne peux pas l'envisager ainsi. La porte est ouverte et je constate qu'il y a déjà des gens à l'intérieur. Je rentre et vois un nouveau professeur. Ou plutôt, une nouvelle.

- Bonjour professeure. Ethan Espinosa, dis-je sur un ton légèrement enthousiaste.

J'essaie de cacher ma tristesse quant au décès de mon père, mais je dois avouer que ce n'est pas si simple que ça. Au contraire. Mais je dois faire bonne figure. Il ne voudrait pas que je sois triste et renfermé. Je m'avance dans la salle et vais m'asseoir. Seul.

Un autre cours. Un de plus. Les cours comme le temps d'ailleurs filait à une vitesse faramineuse. Mais cela était aussi appréciable de ne pas voir ses journées passer bien qu'un peu de temps pour soi était tout aussi plaisant. Petit coup d'oeil rapide sur mon emploi du temps pour constater que le prochain cours est celui des Potions... Les Potions.. Ah matière bien fâcheuse en ce qui me concernait. Une légère moue, c'est peu enthousiaste que j'avance toutefois vers ce dernier espérant tout de même éviter un énième travail en groupe.

J'arrive encore à passer la porte une fois devant celle-ci. Ce qui est encore une bonne chose, non ? Quelques élèves sont présents comme à l'accoutumé. Je reconnais quelques unes comme celle d'Ethan et de Jade souhaitant sincèrement que cette dernière aille bien. La professeure est également dans la salle face à son bureau, au moins cela changeait un peu des professeurs absents à leur début de cours.

« Bonjour Professeure... »

Ton à la fois poli mais sans plus presque effacé. Je m'avance, timidement, juste un peu pour m’asseoir alors à mon tour vers le fond pour me faire la plus discrète possible sortant tout de même quelques affaires au passage, histoire de... Même si les potions n'étaient pas mes amies, je détestais qu'on me prenne pour une mauvaise élève. Un peu de tenue au moins était de rigueur.

Ne partons tout de même pas dans le pessimiste tout de suite, peut être fera t-elle partie des Professeurs à pouvoir m'aider enfin dans cette matière. Bref, voyons voir ce que pourrait donner ce cours.

Honorine arriva encore essoufflée. On pouvait dire qu'avec sa topographie... changeante, Poudlard lui faisait faire du sport. Enfin, cette fois-ci, elle ne s'était pas perdue, elle avait juste mis cinq minutes à dégager son pied d'une marche escamotable qu'elle avait oubliée. Abîmant sa chaussure au passage. Elle avait tout intérêt à apprendre le sortilège Reparo, avec sa maladresse...
Elle demanderait à Lyra de lui montrer. Lyra connaissait plein de choses, elle connaîtrait celui-là.

La jeune Poufsouffle interrompit sa course devant la salle ouverte, manquant de heurter le chambranle dans son élan, puis tâcha d'entrer d'un pas digne - ce n'était pas forcément très réussi, avec sa poitrine qui se soulevait frénétiquement et ses joues rouges.
Entre deux inspirations, elle souffla :

- Bonjour Professeur...

La jeune femme assise sur le fauteuil du professeur de potions lui répondit d'un signe de tête. C'était un nouveau professeur, Honorine ne l'avait même encore jamais vu à la table du personnel dans la grande salle. Elle était très belle. Mais moins engageante que le professeur Kohane, peut-être.

Parcourant la salle du regard, elle vit qu'Alohina participait au cours elle aussi, et fit un grand sourire. Elle aimait bien avoir des repères connus. Elle alla s'asseoir à la place d'à côté. C'est un peu trop devant à son goût, mais l'avantage d'être à côté de Lina supplantait le désavantage d'être juste sous le nez de la prof. Elle murmura :

- Salut Lina, contente de te voir. Encore pour une potion !

Revenant à ses affaires, elle sortit soigneusement son livre de son sac. La salle était très bien rangée, ça poussait à agir en ordre. C'était bien, pour des potions. La cuisine de Papy était toujours impeccable.

Courir pour ne pas arriver en retard en classe commençait à devenir une habitude pour Matilda. L'avantage, c'est que cela lui permettait de se réchauffer dans les cachots où avait lieu le cours de Potion. L'inconvénient, c'est que lorsqu'elle entrerait dans la salle de classe, tout le monde serait déjà installé aux meilleures places, et cela ferait beaucoup d'yeux dirigés vers Matilda la retardataire, la voyant rougie, transpirante et essoufflée d'avoir couru.

Ce fut donc ce qui arriva. Si la fillette avait ralentit légèrement le pas en approchant de la porte, sa respiration restait saccadée. Un rapide coup d’œil dans la salle lui appris qu'elle était pleine d'élèves de tous âges - il était donc possible de rougir encore plus ? - qu'ils avaient pris les meilleures places, et que la nouvelle professeure avait le sens du rangement. Cela s'avérait à la fois satisfaisant et intimidant. Intimidant ? Ce n'était rien à côté de la prestance que lui donnait son énorme fauteuil. Elle trônait devant les élèves, un chignon parfaitement en place, ne laissant rien au hasard. Le message était clair : Ici, c'était elle la professeure, et eux les élèves. Elle parlait, ils écoutaient, elle avait raison, ils avaient tort, et rien ne devrait bousculer cette hiérarchie. Pas même son âge qui semblait proche des élèves les plus âgés. Le paradoxe avec le cours de M. Lhow était flagrant. Ici pas de petit comité, pas de confortable fauteuil pour chaque élève, pas de petits gâteaux, pas de professeur se mettant au niveau de ses élèves et débattant avec eux. Cela n'était pas plus mal, Matilda n'aimait pas les questions sans réponses. Ici le cours serait formel et classique, la fillette se comporta donc de manière formelle et classique.
« Bonjour professeure Gold. Je suis Matilda Grayling. » Sa présentation aurait été satisfaisante si chaque mot n'avait pas été entrecoupé d'une respiration saccadée. Il était vraiment temps qu'elle s'organise pour arriver en avance. L'enseignante lui répondit d'un hochement de tête, la jeune fille considéra cela comme une autorisation à aller s'asseoir. Elle ne se fit pas attendre et trouva une place libre sur la rangée du milieu. Les différents objets entreposés sur la table avaient quelque chose de fascinant. Jamais Matilda n'avait assisté à un cours de potion, tout pouvait arrivé.

Pupilles perdues dans le vide, loin, ailleurs. Jade elle-même n'aurait su expliquer vers où étaient dirigées ses pensées. Généralement, elle était toujours en train de réfléchir, choisissait ou se laissait envahir par un point d'accroche particulier et tout se développait avec plus ou moins de contrôle. Là rien, elle se sentait juste... vide. Attendait que le cours commence sans accorder un réel intérêt à qui arrivait, ce qu'il se passait. Ce n'était pas volontaire. C'était juste là.

Dans un sens, ça fait du bien de ne plus avoir à réfléchir. Ça accorde une pause dans une vie qui n'en accorde jamais. A de nombreuses reprises, l'Italienne avait souhaité ne plus avoir à penser, ne plus avoir à s'inquiéter, trop réfléchir à tout en permanence. Si seulement elle avait pu en avoir le secret, découvrir les plus fines méthodes, elle aurait payé cher. Ou du moins, ce qu'elle pouvait donner, c'est à dire pas grand chose. Cette possibilité était attirante, on ne peut dire le contraire. Et parfois aussi, souvent, elle aurait juste voulu être normale. Une élève normale allant à un cours normal, avec une prof normale et un passif normal. A la place, elle n'était... rien de tout ça. A la place, un immense méli-mélo de problèmes qu'elle n'arrivait pas à démêler. Vous croyiez que c'était terminé avec son retour à Poudlard ? Douce erreur. C'était encore plus dur désormais. En dehors, elle se sentait nulle d'avoir abandonné. En ces lieux, elle avait le douloureux sentiment d'être une parfaite étrangère, hors du temps et de la réalité. Comment ça s'arrête ? Comment on contrôle les choses qu'on ressent ? Pourquoi la vie fait si mal ? Quelques instants, toutes ces interrogations étaient mises de côté. Malheureusement, ça ne durerait pas et Jade le savait. Bingo.

— Jade !

Ce fut une voix, qui la sortit de sa torpeur. Une voix qu'elle n'avait pas l'habitude de côtoyer énormément, pas personnellement disons. Et ça, elle le savait avant même de relever les yeux. La préfète hésita un instant à ne pas répondre, juste rester dans les vapes quitte à passer pour une débile. Mais finalement, ses pupilles se relevèrent sur le visage près d'elle.

- Qu'est-ce que tu fous là ? Ou plutôt, qu'est-ce que t'as foutu quand t'étais pas là ? Ça va ? Tout le monde s'inquiétait.

Isolde... En effet, elles ne se connaissaient pas personnellement. Juste quelques affaires en direction, quelques mots échangés pendant les cours et voilà tout. Comme ça se déroulait la plupart du temps avec les gens d'ailleurs. Constatation depuis longtemps qu'elle n'était toujours que de passage pour les gens. Jamais quelqu'un d'important. Alors pourquoi ces questions ? Pourquoi, d'une simple intonation de voix, Isolde faisait comprendre cette importance tant manquante ? C'était étonnant de plusieurs façons, la première étant donc qu'elles n'étaient pas si proches, la seconde parce-qu'avoir de l'importance n'était pas dans ses habitudes. Les deux liés, amplification assurée. Pour le coup, impossible de savoir quoi répondre. Tout expliquer serait trop long et elle n'en avait pas envie. A quoi bon ? On lui avait bien prouvé que la responsable était intouchable. Après une légère inspiration, l'adolescente haussa les épaules.

- J'étais... en sécurité.

Parce-qu'ici, elle ne l'était pas. Personne ne l'était et personne n'en avait conscience en dehors d'elle. Ou alors, les gens cautionnaient... pardonnaient... c'était sans doute la deuxième solution qui choquait le plus. Qui brisait le plus. Les autres questions résonnaient un peu étrangement. Et c'est un peu sans y réfléchir que l'adolescente répondit à ce qui l'arrangeait. Comme ça l'arrangeait. Tentative de sourire, avortée avant même d'avoir commencé.

- Ne t'inquiète pas pour moi.

Ça n'avait de toute façon aucune importance. Même Lizzie le lui avait prouvé. Ce qu'elle ressentait, ce qu'elle vivait, ça n'avait pas d'importance du moment qu'on ne touchait pas à la précieuse Cara De Lanxorre. Mal au coeur. Ce cours allait être difficile.