Dans l'aile Est

Cette fois-ci, ça a marché ! Si si ! En fait, je crois que c'est mon premier sort qui fonctionne enfin, parce qu'il éclate de rire. J'ai réussi à lancer un sortilège à retardement ! Mes yeux s'écarquillent de stupéfaction. J'ai entendu dire qu'il fallait avoir un sacré niveau de magie pour faire ça, je suis sûre qu'aucun autre première année n'y est jamais parvenu ! Ou alors j'ai confondu les deux formules, c'est possible aussi. Mais je crois bien que c'est ça pourtant.

Mais le fou rire ne suffit pas à l'arrêter, il reprend sa route quand même. Il est un peu nul comme Super Vilain. Il se rend compte de rien. Finalement, je ne suis pas sûre qu'il veuille détruire le monde, il n'est sans doute pas assez intelligent pour ça. Et voilà que je me rappelle que je suis toujours à Poudlard. Et que le Super Vilain en question, c'est un adulte. Je crois que j'ai fait une bêtise un peu quand même. Enfin, au moins, j'ai pu voir à quel point je suis douée en sortilège, il faut juste que je ne demande pas un effet immédiat quoi.

Confortée dans mon idée d'être un futur Auror d'exception (oui oui, toujours au masculin), je décide de m'arrêter là pour ce soir. J'ai eu de la chance, j'ai vécu une superbe aventure, et j'en sors totalement indemne. Je pourrais raconter ça à Vesper et Eden, ils seront jaloux, c'est sûr. Un pas en arrière tout en surveillant ma cible qui s'éloigne toujours. Et je me prends le pied dans un bout de l'armure qui me sert de cachette. Dans un fracas épouvantable, elle s'écrase au sol, m'embarquant dans sa chute au passage.

- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

C'est mon cri de super Auror surprise. Mais il s'arrête dès que je rencontre la dureté du sol avec un choc un peu trop violent à mon goût. Mon poignet droit a craqué lorsque j'ai essayé de retenir ma chute. J'ai très mal. J'ai même les larmes qui me montent aux yeux. Pourtant, je ne veux pas pleurer, je suis courageuse. Et puis, les garçons, c'est des durs, ils pleurent pas, alors moi non plus. Je me relève tant bien que mal, les lèvres tremblantes, en me tenant le poignet blessé. J'ai quand même très très mal. Et très très envie de pleurer. En plus, je crois que j'ai raté la fin de ma filature là. Je vais ptet pas le raconter aux deux autres finalement. Surtout que Vesper risquerait de pas trop aimer que je me fasse passer pour elle sans lui demander.

C'est une vague de satisfaction qui émane de la jeune fille, mais quel était donc le but de son sortilège, pourquoi est-elle si contente de m'entendre rire aux éclats devant ses tentatives ratées ? Je m'attendais à de la frustration, ou au moins à de la gêne ! Mais non, elle semble pleinement satisfaite. Elle bouge...

Et visiblement elle parvient également à se louper en plein déplacement, un fracas de métal vient résonner dans tout l'étage et se répand petit à petit dans les escaliers les plus proches. L'armure derrière laquelle elle s'était cachée s'écroule sur le sol en même temps qu'elle et je n'ai que le temps de lancer un Repulso ! avant que la masse d'arme ne vienne lui écraser le crâne. Un craquement sourd se fait entendre lorsqu'elle touche le sol et c'est de la douleur qui s'échappe à présent de son petit corps frêle.

Bloquant les ports de mon esprits pour ne pas être troublé par les sentiments qui émanent d'elle, je m'approche doucement tandis qu'elle se relève avec les larmes aux yeux. De sa main gauche elle tient son poignet droit visiblement endolori. Curo As Velnus Je pose un genou au sol et pose les yeux sur son poignet qui présente un angle pas super logique pour une petite fille. C'est malin...

mine de rien, je ne parvient pas à ôter ce sourire ridicule de mon visage ! Mon caleçon me gêne encore et rien que d'y repenser mes épaules sont secouées d'un gloussement. Comment tu t'appelles ? Maintenant que je suis proche d'elle, je peux voir la couleur de son uniforme et les traits de son visage. Une jeune serpentard, elle doit effectivement être dans les premières années. Je ne l'ai encore vu...

Le Super Vilain a finalement l'air super gentil, et moi, super stupide. Parce qu'il vient de me sauver la vie en m'empêchant de me faire écraser par une armure en métal qui doit facilement peser deux ou trois fois mon poids. Et qu'il vient près de moi en lançant un sort à mon poignet. Il a toujours l'air pas très joli, mais j'ai beaucoup moins mal. Je renifle une ou deux fois, en essayant tant bien que mal de ne pas laisser perler la moindre larme de mes yeux humides. Je ne sais même plus si c'est à cause de la douleur, de la honte, ou de la peur de me faire gronder.

Mais il sourit, et il n'a pas l'air très fâché. Je trouve que c'est rassurant. Plus que l'angle formé par mon poignet en tous cas. Et voilà qu'il pose la question fatidique. Je prends une petite seconde avant de lui répondre. Soit je lui dis la vérité, mais je risque de me faire gronder, soit je maintiens le plan initial jusqu'au bout. Et comme j'ai vraiment pas envie de me faire crier, ni par lui, ni par Maman, la solution est vite trouvée. Tout le monde sait que les plus valeureux combattants s'en tiennent à leur plan, quoi qu'il arrive. Je renifle encore une fois en essayant de ne pas regarder mon poignet.

- Vesper Peverell, Professeur.

Je m'en veux un peu de lui mentir. Parce qu'il sourit, et qu'il a l'air gentil. Mais je n'ai pas d'autre choix. De toute manière, il y a plus urgent à régler que cette histoire d'identité. Parce que quand même, il est pas joli mon poignet. Je crois qu'il est cassé. Si c'est ça, Maman va vraiment me crier en l'apprenant. Mais d'un autre côté, ça fait un peu comme une blessure de guerre, et donc ça prouve à quel point je suis prête à donner de moi-même pour remporter un combat ! Et ça, c'est classe. Après tout, les garçons passent leur temps à comparer leurs cicatrices pour savoir qui a la plus grande. Bah moi, j'ai le poignet cassé. Et toc !

Bon, par contre, ça fait quand même mal. Et j'aimerais bien qu'il ne reste pas cassé trop longtemps. Il doit bien y avoir un sortilège pour réparer tout ça. Il y a des sortilèges pour tout. Ou des potions. C'est le but de la Magie, c'est ce qui nous sépare des Moldus. Nous, on a inventé plus de choses utiles qu'eux. Enfin je crois, je ne sais pas trop ce qu'ils ont inventé en fait.

- Vous croyez qu'il est cassé ? Je crois qu'il est cassé. Vous pouvez soigner ça, n'est-ce pas ?

Vesper Peverell, Professeur. Au secours ! Cette famille me poursuit bien au delà de ce que j'aurai pu espérer et ce n'est spécialement pour me plaire ! Bon Alhena dispose d'une position tout à fait confortable et Azaël s'est bien calmé aujourd'hui, mais cette petite est bien partie pour lui emboîter le pas ! Non, je ne peux pas laisser faire ça, il en va de ma responsabilité ! Enfin j'imagine...

S'il y'a une chose que j'ai appris au contact du binôme Azarty c'est que la méthode frontale n'est pas forcément la meilleure. Alors je tente de garder mes craintes pour moi et fait bonne figure devant la gamine, même si mon sourire semble soudainement figé dans le temps, comme crispé. Il n'est pas en très bon état c'est sûr... J'aimerai juste m'assurer de ne pas faire de bêtise en la soignant trop hâtivement et examine son poignet sous toutes les coutures.

La peau n'est pas déformée ce qui laisse présager une fracture plus qu'une cassure, mais c'est l'angle qui me pose soucis, je ne peux pas poser d’attelle et je ne vais me risquer à lui ressouder tout ça moi même. Ferula, Curo As Velnus Continuate C'est tout ce que je peux faire pour toi jeune fille. Une écharpe vient soutenir son poignet et le sortilège de soulagement devrait tenir sans mal jusqu'à ce que nous soyons à l'infirmerie.

Je ne suis pas spécialisé dans les soins, désolé, mais tu vas devoir passer par l'infirmerie... je t'accompagne Je me relève doucement et pose la main sur l'épaule de la demoiselle pour l'inviter à avancer à mes côtes à travers le couloir. Peux-tu me dire ce que tu faisais dans les couloirs à cette heure ci Vesper ? Je vais peut-être enfin comprendre ce qu'elle essayait de faire après tout...

Il dit qu'il n'est pas en très bon état. Mes yeux s'agrandissent de peur. Et si jamais ce n'était pas possible de le soigner et que je devais rester toute ma vie avec le poignet qui fait un angle tout bizarre et tout moche ? Je ne pourrais même pas me refaire passer pour Vesper après une chose pareille, on sera tout de suite repérées. Je ne dois pas pleurer, toujours pas. N'empêche, je crois que c'est une larme qui coule le long de mon nez. Je suis à deux doigts d'éclater en sanglots malgré mes bonnes résolutions. Etre un garçon super courageux c'est nul si on a le poignet cassé pour toujours.

Je me mords la lèvre inférieure pour retenir d'autres larmes tandis qu'il fait apparaître une écharpe pour me soutenir le poignet et qu'il relance le sort qui apaise la douleur. Je me sens un peu mieux déjà. Il est vraiment gentil. C'est le professeur de Défense contre les Forces du Mal je crois. Et moi, j'ai réussi à lui envoyer un sortilège qui l'a fait éclater de rire. C'est quand même un bel exploit, mais je m'en vanterais plus tard. Il dit qu'il ne peut rien faire de plus et qu'il faut aller à l'infirmerie. Et qu'il va m'emmener. D'un côté, je suis contente, parce que j'ai plus trop envie d'explorer le château toute seule en pleine nuit maintenant que j'ai le poignet dans cet état.

Mais de l'autre… C'est sûr qu'il va me poser tout plein de questions. Et je vais devoir répondre sans pour autant qu'il puisse deviner que je lui ai menti sur mon identité. Je crois que c'est un bon exercice aussi. Tout le monde sait que pour être au pouvoir, il faut manipuler les gens, et manipuler les gens, c'est leur mentir sans qu'ils ne s'en rendent compte, et en faisant semblant d'être entièrement de leur côté. Alors je vais jouer la carte de la petite fille absolument très sage qui n'a rien à se reprocher. Comme ça, Vi' n'aura pas trop de problèmes. Enfin je crois.

- C'est Bob, je l'ai perdu, et je n'avais pas encore regardé par ici. Je ne peux pas dormir sans Bob, c'est mon boursouflet !

Voilà, je rentre parfaitement dans le rôle. Quoi que, je ne suis pas sûre qu'elle dorme avec Bob. Mais c'est la première idée qui m'est venue. Après, je ne sais toujours pas comment expliquer le coup des sortilèges. Mais il ne les a peut être vraiment pas remarqué. Et puis, il a pu tout simplement croire avoir un fou rire comme ça, pour rien, non ? Je crois que c'est crédible. Mais dans le doute, je continue de réfléchir à toute allure à une explication logique à tout ça. En attendant, je marche bien sagement à ses côtés pour rejoindre l'infirmerie. J'aime bien qu'il me tienne par l'épaule. C'est comme ça que j'imagine les balades avec Papa. Mais il nous emmène jamais en balade.

C'est Bob ! Bob ? Je ne peux pas dormir sans Bob, c'est mon boursouflet ! Évidement, quelle autre raison aurait pu pousser une petite fille comme toi à sortir de son lit en dehors des heures autorisées... Elle me prend pour un lapin de six semaines là, c'est pas moi qui rêve hein ? Et ce string qui m'enserre j'vous assure en marchant c'est l'horreur. Je ne comprends pas les femmes qui en portent sans gêne, c'est comme les talons : jolis mais tellement chiants !

Tu n'aurais pas vu quelqu'un d'autre cette nuit à tout hasard ? Quelqu'un semble avoir voulu me lancer de vilains sortilèges et je me doute que ce n'est pas toi, tu cherchais simplement ton boursoufflet alors... Maintenons les apparences, voyons jusqu'où elle poussera le vice. Tient-elle d'avantage de sa mère ou de son oncle ? D'ailleurs, maintenant que j'y pense, son père doit être Luke non ?

A tous les coups ce sont les gênes Peverell qui font ça... ça doit sauter une génération et Alhena a été épargnée. Heuresement d'ailleurs, pas sûr que j'aurai pu travailler des mois durant avec un clone de Azaël au féminin. Une image du remake vient se glisser en esprit et je frissonne. Un mélange entre la franchement sévérité et le sérieux de la directrice de la justice et le sens de l'humour et la hargne du gérant du Heurtoir. Brrr...

Il a l'air de me croire. Tant mieux, je préfère ne pas lui mentir davantage. Je veux bien manipuler les gens pour servir mes intérêts, mais lui, je l'aime bien. En plus, il pense que je suis vraiment une petite fille très sage. Je hoche vivement la tête, l'air très sérieuse et très convaincue. Rien d'autre que Bob, absolument rien d'autre que Bob ne pourrait me faire sortir de mon dortoir. Après tout, je suis Vesper Peverell, et j'ai un rôle à tenir. C'est trop facile d'être elle. Et voilà qu'il pose une autre question. Je retiens une grimace gênée in extremis.

C'est que, je pensais qu'il n'avait pas senti mes sorts puisqu'il n'en avait pas parlé jusque là. Ou du moins qu'il ne s'en doutait pas. Je suis un peu trop naïve. Heureusement, je sais exactement comment arranger les choses. C'est une technique connue : il faut dire la vérité. Mais pas en entier. Sauf que j'ai déjà commencé à mentir, alors je vais continuer à le faire un peu. Mais je vais saupoudrer de vérité, et comme ça, il me fera confiance pour de vrai. Enfin, encore plus que maintenant, vu qu'il est déjà persuadé que c'est pas moi. Faut juste que j'avoue le contraire.

De toute façon, vu ce qu'il enseigne, il devrait pouvoir savoir qu'il n'y a personne d'autre aux alentours. Ou alors il est très très mauvais ? Impossible, il aurait succomber à mon super combo de sortilèges si c'était le cas. Alors je prends un air gêné et très désolé, comme une petite fille prise en faute. C'est Tonton Azaël qui m'a appris ça. Et comme tout le monde sait qu'il a fait tout plein de bêtises mais qu'il est jamais allé en prison, c'est que ça marche. Même s'il est pas toujours très gentil, je peux suivre ses conseils.

- En fait... C'était bien moi, Professeur.

J'ai vraiment l'air contrit. Je suis une comédienne hors pair. Je pourrais faire carrière dans tout ce que je veux en fait. Les potions, les sortilèges d'attaque hyper efficaces, et la comédie. Il faut avoir plusieurs cordes à son arc, tout le monde le sait, c'est comme ça qu'on réussit dans la vie. Bref, je reprends rapidement, afin qu'il ne se fasse pas de fausses vraies idées.

- Mais je croyais que vous étiez un kidnappeur de Boursouflet et que vous reteniez Bob en otage, alors je devais intervenir, vous comprenez ? Enfin, je ne pensais pas que vous étiez gentil et je vous demande de m'excuser.

Voilà qui frôle la vérité. Un kidnappeur de Boursouflet, un Super Vilain, ça se rejoint tout ça. Et puis de toute façon, je ne vois pas comment il pourrait deviner que je lui mens. Ne suis-je pas l'image même de l'innocence enfantine ? Et puis regardez comme je suis bien élevée !

Elle cherche du pétrole ou je ne sais quel substance précieuse ou alors c'est juste qu'elle s'enfonce ? Je hausse un sourcil et arrête notre progression. D'un mouvement du poignet de la place face à moi et m’accroupis devant elle pour être à son niveau, les yeux dans les yeux. Un sourire doucereux aux lèvres et le regard mauvais, je vais lui montrer ce que c'est que mentir et surtout comment on fait. Qui a dit que j'étais gentil ?

Un long silence prend place au milieu du couloir et je viens placer mon autre main sur sa seconde épaule. On ne ta jamais dit que ce n'était pas beau de mentir ? C'est un souffle, rien de plus qu'un murmure qui porte mes mots jusqu'à ses oreilles. Je veux savoir ce que tu faisais en dehors du dortoir à cette heure de la nuit Vesper et n'essaie pas de me mentir ... je le saurai. Parfaitement immobile face à l'enfant, j'attends qu'elle se décide à parler et à me révéler le vrai motif de sa présence dans les couloirs.

Un motif qui doit surement être de l'ordre du : je m'ennuyais alors je suis sorti prendre l'air. Rien de dramatique en soit, mais Je n'aime pas le mensonge, je déteste ça par dessus tout. Alors maintenant tu vas me dire toute la vérité où je vais réellement le sourire redevient franc, le regard s’adoucit et je me relève, libérant ses épaules. me mettre en colère. Voilà, ça c'est du jeu d'acteur ! Juste... elle ne s'est pas faite dessus hein ?

Je croyais vraiment que je m'en sortais super bien. Mais j'ai peut être surestimé mes talents de comédienne. Il arrête de nouveau notre progression pour s'accroupir devant moi. Bizarrement, je trouve qu'il a plus trop l'air gentil là. Je le regarde quand même droit dans les yeux, sans répondre à sa question. C'était juste ce qu'il dégageait jusqu'à présent, mais je me suis peut être trompée. C'est dommage, je crois que je l'aimais bien. Lorsque sa deuxième main se pose sur mon épaule, j'ai l'impression de devoir porter plusieurs kilos sur mon dos tellement la pression grimpe en flèche.

Mais je reste fière, et je garde la tête haute. Il dit que c'est pas beau de mentir, mais je ne vois pas comment il pourrait le savoir. En plus, j'ai dit un peu de vérité cette fois-ci. Il dit qu'il repère les mensonges. Mes yeux s'écarquillent. C'est possible de faire ça ? Il utilise un sort ? Il m'a donc lancé un sort ? Je fronce les sourcils, moyennement convaincue. Par contre, il commence a vraiment me faire peur à me parler comme ça. J'ai l'impression d'avoir été prise la main dans le sac.

Il dit qu'il va se mettre en colère si je lui mens encore. Et je me rends compte que, lorsqu'il se relève, il me surplombe quand même de haut. Je suis pas sûre d'avoir envie de le mettre en colère. Déjà parce que j'aime pas me faire gronder, et ensuite parce que je préférais largement quand il était gentil. Je prends une nouvelle fois sur moi pour empêcher les larmes de couler sur mes joues. J'ai envie de craquer, de tout lui dire, de lui expliquer. Mais j'ai peur.

En plus, je suis sûre que si j'essaie de lui répondre, je vais pas réussir à retenir mes larmes. Et je veux pas pleurer. Je veux pas, je veux pas, je veux pas ! J'ai la gorge toute serrée en plus, je suis bien incapable de prononcer le moindre mot. Je me contente donc de le regarder, mes grands yeux emplis d'eau, et le corps tout crispé, presque tremblant. C'est qu'il a dit qu'il allait se mettre en colère. Et ça fait peur.

Le point positif, c'est qu'elle ne semble pas s'être faite dessus. Le point négatif, c'est que je lui ai visiblement fait tellement peur qu'elle en a perdu l'usage de la voix. Elle reste là, les yeux embués de larmes, à me regarder en laissant trembler ses membres. Je ne pensais pas que ça aurait un effet aussi dissuasif, on dirait que ça a un peu trop bien fonctionné.

J'attends une réponse Vesper, si tu me dit la vérité alors tu n'as pas à avoir peur, par contre si tu prévoit de me mentir il serait effectivement préférable que tu gardes le silence. Mais dans ce cas, je serai obligé de te donner une retenue et d'envoyer un courrier à tes parents... Quitte ou double, soit elle parle, soit elle fait un malaise et tombe des les pommes. C'est drôle, elle semble se concentrer sur ces larmes qu'elle ne veut voir couler.

M'installant sur la plus proche marche, je glisse mon doigt sur sa joue pour essuyer la gouttelette qui s'est faite la malle. Il n'y a pas de honte à pleurer lorsqu'on a peur, mais elle semble ne pas vouloir s'y résigner. Elle ne tremble peut-être pas de peur, mais de se retenir de pleurer en fait ! Pleurer n'est pas une marque de faiblesse tu sais ? Mais d'humanité...

Il demande encore la vérité. Il a rien d'autre que ce mot là à la bouche, j'en ai marre à la fin ! La vérité, elle est même pas bien, alors pourquoi il veut la connaître à ce point là ? En plus, j'ai même pas tellement menti. Enfin, un petit peu, mais j'ai déjà fait bien pire. Là, le problème, c'est qu'il menace d'envoyer une lettre à Papa et Maman. Et c'est Vesper qui prendra. Et même si j'ai piqué son uniforme pour me faire passer pour elle au cas où, je ne peux pas vraiment la laisser se faire gronder pour moi. Je crois bien que je n'ai plus tellement le choix.

Lorsqu'il passe son doigt sur ma joue, je suis déjà prête à craquer. Mais ses paroles achèvent de me convaincre. Déjà, les larmes se sont mises à couler d'elles-mêmes sans que je leur donne l'autorisation. Ensuite, je prends ma respiration pour lui expliquer les choses, mais seul un sanglot étouffé commence par passer mes lèvres. La respiration saccadée, j'essaie tant bien que mal de reprendre mon calme. J'aime pas pleurer, c'est un truc de fille, et les filles c'est nul. Entre deux sanglots, quelques mots s'échappent.

- Je voulais juste me promener… Pour avoir un peu peur la nuit… Et puis j'ai voulu jouer un peu… Et je vous ai pris pour un Super Vilain… Moi, je devais sauver le monde !

C'est vrai ça, c'était la base de ma sortie nocturne. Et me voilà à pleurer toutes les larmes de mon corps sans même pouvoir m'arrêter. Je renifle une ou deux fois avant d'essuyer mes larmes avec la manche de ma robe de sorcier. Et je relève la tête vers lui, récupérant mon air fier habituel, malgré quelques petits hoquets.

- Les vrais garçons ça pleure pas. Alors je dois pas pleurer non plus.

Et je me rappelle soudain que je ne lui ai toujours pas donné mon vrai prénom. Mais après tout, s'il ne me punit pas, ça change rien, pas vrai ? J'ai pas envie qu'il pense que je suis une vraie menteuse et que j'essaie de me moquer de lui, je pensais juste m'amuser un peu...

Et voilà, elle craque et balance toute la vérité, rien que la vérité ! Son petit corps secoué de sanglots déverse sur le sol la honte qu'elle éprouve à pleurer parce Les vrais garçons ça pleure pas. Je lève un sourcil avant de lui offrir un sourire lorsqu'elle me donne une parodie de garçon fort et fier.

Je pose une main sur sa tête et ébouriffe ses cheveux d'ébène. Le mensonge amène le mensonge. Mentir, trahir... ce sont les pires choses que tu puisses faire, ils te couperont du monde, t'isoleront de tout et de tous et tu finiras par vivre entourée d'étrangers... seule. Si elle retient ça en plus du fait qu'il ne faut pas se balader dans les couloirs la nuit, ce sera parfait.

Aller, remettons nous en route tu veux ? je me relève et reprend doucement ma marche vers les étages supérieurs. Sans la regarder, je lui tend un mouchoir en papier pour qu'elle puisse essayer ses yeux. Tu sais, les garçons aussi pleurent, il n'y a pas de honte à ça. Je pose à nouveau ma main sur son épaule, comme pour la guider à travers les étages... comme pour la guider.

Il sourit, comme au début ! Je préfère quand il sourit. Il fait moins peur, et il retrouve son air gentil. En plus, il m'ébouriffe les cheveux. J'aime bien. Mais je râle quand même en un "Héééé !" faussement indigné, pour la forme. J'ai le droit à une leçon de morale, mais au moins, il ne me gronde pas, c'est déjà ça. Alors je hoche la tête pour montrer que j'ai bien compris. Mais j'y peux rien moi, si mentir c'est si important dans la vie ! Il peut dire ce qu'il veut, ceux qui ne mentent jamais, ils finissent toujours par se faire avoir par les menteurs. Et moi, je veux être du côté des gagnants. Je dois juste m'entraîner.

On reprend la route, et je prends le mouchoir qu'il me tend sans un mot. J'essuie toutes les larmes qui ont coulées sur mon visage avec soin. Il ne faut surtout pas qu'on puisse voir que j'ai pleuré. Il dit que les garçons pleurent aussi. Mais c'est pas vrai. Les garçons qui pleurent, c'est des lâches, et des mauviettes. Et moi, je veux pas leur ressembler à eux. Je veux être forte et courageuse. Je hausse les épaules, comme si je m'en fichais un peu. Mais quand même, il m'intrigue un peu.

- Vous pleurez des fois ?

Je ne sais pas si c'est le genre de question qu'on peut poser à son professeur. Mais j'ai envie de savoir. Il a remis sa main sur mon épaule. Instinctivement, je me suis un peu rapprochée de lui. Il est l'image exacte que je me fais d'un vrai Papa. Un qui est là pour de vrai, tout le temps. Moi, le mien, je le connais depuis pas très longtemps. Et comme il est très important, il a pas trop le temps de s'occuper de moi, ou des deux autres. C'est un peu nul. En plus, maintenant, on doit passer toute l'année à Poudlard. Alors je peux peut être me trouver un Papa de remplacement. Je ne sais pas trop si ça se fait. Ni même s'il serait d'accord. Dans le doute, je garde l'idée pour moi.

N'empêche, il y a quelque chose qui me travaille. Parce que c'est un peu nul si je dois toujours me faire passer pour Vesper avec lui. En plus, quand il saura qu'on est jumelles, il va sans doute pas être très content. Mais j'ai peur de sa réaction, alors je préfère tâter le terrain.

- Je peux vous dire quelque chose ? Mais vous devez me promettre de ne pas me gronder ! Et de le dire à personne aussi.

Elle fait mine de rechigner, mais le ton est clairement faux et je souris devant sa faible protestation. Elle semble s'être remise de la frayeur offerte et retrouve elle aussi son sourire et son panache. Elle essuie avec soin chaque trace de larme sur ses joues afin de ne rien laisser paraître. C'est curieux cette manie tout de même, mais j'imagine que lorsque nos parents sont aussi haut placés l'on grandis avec les valeurs d'un monde sur les épaules.

Vous pleurez des fois ? Ça m'est déjà arrivé oui et, comme je te l'ai dit, il n'y a aucune honte à cela. Mais ça, je pense que j'aurai beau lui dire dans à peu près toutes les langues elle aura bien du mal à l'assimiler. Sa question suivante m'interpelle d'avantage et je stoppe mon avancée, réfléchissant à ses propos.

Et bien ça dépends... je ne peux pas te promettre quelque chose sans être sûr de ce que tu va me dire, cela reviendrait à te trahir. Si ce que tu me dit est de nature à te mettre en danger toi ou autrui je n'aurai pas d'autre choix que d'en référer aux collègues... Pour ce qui est de ne pas me fâcher : c'est promis. J'espère juste qu'elle ne va pas me lâcher une bombe sans quoi je risque de devoir me mordre la langue suffisamment fort pour ne pas la gronder.

C'est quand même bizarre qu'il pleure lui. Il a l'air courageux. N'empêche, c'est quand même un peu la honte. Moi, j'aime pas pleurer, et puis c'est tout. Il s'arrête encore. Il veut pas promettre d'en parler à personne. Je me pince légèrement les lèvres tout en réfléchissant. Je n'ai mis personne en danger en me faisant passer pour Vesper. Ou alors peut être elle ? Mais non, il n'y a aucun danger à prendre sa place, alors il n'aura pas besoin d'en parler aux autres professeurs. De toute façon, c'est à Maman et Papa que je ne veux pas qu'il en parle.

Du coup, je pense que je peux lui dire. En plus, il promet de ne pas se fâcher. Je préfère comme ça, il m'a déjà assez fait peur pour une nuit. J'attends quand même plusieurs secondes, essayant de chercher une bonne façon de le dire. Mais je crois qu'il n'y en a pas vraiment. Je suis bien obligée de me lancer. Je lève les yeux vers lui avant de prendre une inspiration pour laisser quelques mots sortir.

- Vesper c'est ma sœur jumelle. Moi je m'appelle Lyra.

Voilà, comme ça, c'est fait. Je ne le lâche pas des yeux, un peu inquiète de savoir comment il va réagir. Il a plutôt intérêt à tenir sa promesse, sinon je ne lui parle plus jamais !

L'espace d'un instant, j'ai bien l'impression qu'elle ne va rien me dire de peur que je réagisse mal, puis : Vesper c'est ma sœur jumelle. Moi je m'appelle Lyra. Oh... le pouce sur la tempe je caresse mon front sur deux doigts en émettant un long soupir. Le mensonge appel le mensonge... rien de dramatique, je te remercie d'avoir eu le courage de me l'avouer.

J'aurai eu l'air fin en arrivant devant sa sœur moi tiens, ou si j'avais croisé les deux au détours d'un couloir. Bonjour le moment de solitude ! La petite semble vraiment avoir eu peur lorsqu'e j'ai joué le grand méchant, elle me scrute le visage comme si elle attendait le moment ou j'allais redevenir terrifiant. J'échappe un petit rire et reprends ma route en sa compagnie jusqu'aux portes de l'infirmerie.

On fait un marché ? Je te laisse ici, tu expliquera à l'infirmière ce qui s'est passé... si tu lui ment, je le saurai ! Si tu lui dit la vérité de toi même et que je tu rôde plus dans les couloirs, alors tu n'auras pas de punition. Si tu lui mens, ou que je t'attrape à nouveau en pleine nuit, tu auras une retenue et j'écrirai à tes parents. On est d'accord ?