Une mélancolie profonde anime les lèvres d’Elly. Le bonheur semble avoir tracé sa route loin d’elle, à moins qu’elle soit celle ayant chuté du dos du sombral l’ayant conduite jusqu’ici. La voir ainsi par la vie meurtrie, non pas renversée par le torrent d’émotions contraires mais plutôt en arrêt, atone, si vide, si distante de l’image de la femme que j’espérais façonner dans l’esprit de mes enfants, me trouble.
Si ce n’est elle qui inspire la lumière aux jeunes d’aujourd’hui, par Helga, qui s’en chargera ? N’allez pas me dire que je dois prendre ce rôle : jouer c’est drôle, se faire passer pour une figure respectable c’est absolument éreintant. Tout m’apparaît avec la plus grande clarté. Il faut que je secoue Elly, que je l’aide à retrouver le bonheur.
Je ne sais trop comment m’y faire, mais je ne peux compter sur une intervention divine pour lui ramener une farouche envie de vivre. Faut que je m’y colle, pour qu’elle s’en aille être la joueuse de flûte dont la nouvelle génération a besoin. Et je compte sur elle pour les envoyer vers un futur plus serein, dans un véritable équilibre entre nos communautés, au lieu de juste les faire crever dans un ravin.
L’inspiration me vient en voyant que Squirtle et Braeden s’adonnent à une bataille d’eau. Il semblerait qu’une carafe d’eau ait été subtilisée… en rétorsion d’un vol de peluche, peut-être ?
– Les enfants !
Je les attire dans la cuisine, prétendant de les sermonner, de les condamner à mettre la table ou je ne sais quelle bêtise les parents tentent alors pour brider l’imagination débordante de ces créatures agitées.
Quand ils se tiennent assez près, je virevolte et les attaque bientôt à coup de farine. Outrés, mes démons préférés répliquent, et j’invite Elly dans la danse. Il faut dire qu’avec l’eau que les petits ont reçu tantôt, la farine, ça colle… La vie, la vie il n’y a que ça pour redonner sens au quotidien.